Orfeo magazine N°17 - Édition française - Été 2021

Page 18

Ludwig Reisinger va continuer à faire des contreguitares au xxe siècle. Ici un modèle à seize cordes fait à Vienne en 1935. invention de Georg Stauffer. Il s’agissait d’un modèle Legnani très large, arborant deux manches partant d’un même talon, celui sans frettes servant de support à un nombre croissant de cordes basses supplémentaires. L’instrument avec sept cordes supplémentaires (ou plus) se fit connaître par la suite sous le nom de « Schrammelgitarre », référence aux frères Johann et Josef Schrammel (alors que ce fut Anton Strohmayer, un des membres de leur quatuor, qui joua l’instrument). Leur ensemble devint célèbre grâce à une musique folklorique et urbaine, basée sur des chansons et danses populaires. Beaucoup d’autres ensembles suivirent leur exemple, rendant en passant l’iconique Schrammelgitarre immensément populaire sur tout le territoire autrichien, en Allemagne et en Bohême. En langue allemande, « Schrammeln » veut aujourd’hui dire : « jouer médiocrement de la guitare » – ce qui est gravement sous-estimer les qualités requises à la maîtrise de la Schrammelgitarre ! L’instrument eut certainement une influence sur la création de la harp-guitar américaine ; et dans un contexte musical totalement différent, les guitares viennoises à cordes basses supplémentaires d’après Stauffer et Scherzer devinrent très populaires parmi les musiciens russes. Malgré tout cela, et en dépit d’une nouvelle vague de guitaromanie autour de 1900, seuls quelques facteurs comme Ludwig Reisinger et Georg Haid surent maintenir la production de la guitare à Vienne. D’une part, ils connurent la concurrence grandissante de luthiers allemands comme Her-

mann Hauser ou Hans Raab, sans parler d’énormes manufactures telle que celle de Julius Heinrich Zimmermann. D’autre part, il s’avéra que leurs instruments étaient inadaptés au nouveau répertoire le plus intéressant de l’époque – qui était espagnol. Pour la musique de Tarrega ou Llobet, les instruments sonnant le mieux étaient locaux : soit les guitares prestigieuses d’Antonio de Torres, soit les excellents instruments contemporains de Vicente Arias, Enrique Garcia, ou Manuel Ramírez, pour ne citer qu’eux. Alors que les guitares de l’École viennoise eurent une immense influence sur la facture de l’instrument à travers l’Europe et même en Amérique du Nord – en grande partie grâce à Christian Friedrich Martin –, aucun modèle viennois ne put s’établir comme archétype de la guitare moderne. Cette réussite-là, était celle de Torres. Aujourd’hui les guitares de l’École viennoise sont en premier lieu utilisées pour jouer de la musique folklorique dans la tradition des Schrammel, ou alors le répertoire romantique. Pour ce dernier, Stauffer et ses contemporains ont créé parmi les meilleurs instruments : preuve en est le nombre croissant d’enregistrements sur des instruments d’époque, ainsi que la forte demande de copies d’après des originaux viennois. Erik Pierre Hofmann Merci à Simon Palmer et Stefan Hackl pour leur contributions. Ndlr : À tous ceux qui s’intéressent à la guitare viennoise, je conseille la lecture du livre Stauffer & Co d’Erik Pierre Hofmann, Pascal Mougin et Stefan Hackl.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.