ARKUCHI#39 DÉCEMBRE 23/JANVIER 24

Page 1

DÉC. 23 / JAN. 24

gratuit

#39

art culture architecture



N 39 °

.18

.04

.32

Musiques

Dans le Rétro… Dans le Viseur

À la Moulinette

Morgane Berling et ses drôles de tourments NEW YORK CITY, USA, 2000

.34 Elliott Erwitt / Magnum Photos ©

.06

HORS CHAMP Cinéma et écologie

.36

Lettres & Ratures

C DANS L’AIR • Elliott Erwitt, l’humaniste • Carte blanche à François Chaignaud

De beaux livres dans la hotte !

.08

.37

.20

Tête d’affiche

Pommerat et ses secrets de fabrication

Le Street Musée du mois

.38

Popote(s) & Jugeote

FOKUS

.10

Les images sur le vif de Laurie Diaz

ADN

BIBI sublime les déchets

contact.arkuchi@orange.fr

.12

ARKUCHI #39 DÉC. 23 | JAN. 24

.22

Expos

Forme & Fonction

Design du quotidien

.14

.24

Caroline Bottaro ©

LA TEMPÊTE

.16

.30

Déambulations Musiques

Studio Kalice ©

TOURS & DÉTOURS Les secrets du Fourvière Hôtel

BÊTES DE SCÈNES Jeune création, ça pousse ! Madame Arthur, François Grémaud, François Hien, Bailliart & Herpeux, Grand ReporTERRE, Bate Fado…

Gratuit • Toutes les 6 semaines Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Nadège Druzkowski, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain‑Doussau, Miss Pretty Little Things, Trina Mounier, Enna Pator, Florence Roux, Les Soreuses, Élise Ternat, Gallia Valette‑Pilenko, Laurent Zine Illustration de couverture : Laurie Diaz Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT

Tirage : 15 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387 La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

ABONNEMENT

7 num./an = 30 eur.

Trajectoires

Benoît Lambert

°

Rejoignez la communauté ArKuchi


CONTE INITIATIQUE

ARKUCHI #39

DÉC. 23 / JAN. 24

Ahmed Tobasi touche au cœur avec And Here I Am, seul en scène autobiographique et chronique de vie ordinaire en territoires occupés. Le théâtre aussi est une arme. Merci Sens Interdits et les SUBS.

LA CLAQUE

Le Garçon et le Héron est le douzième film de Miyazaki. Le vieux maître nippon de l’animation “à l’ancienne” livre un récit à l’onirisme universel qui fait mouche, servi par un graphisme époustouflant. Sublime. En salle depuis le 1er novembre Sandra Calligaro /item ©

L’enfer est pavé de bonnes intentions. Le maestro Marco Bellocchio dépeint avec L’Enlèvement une fresque basée sur des faits réels teintés d’antisémitisme dans les États pontificaux moribonds du XIXe siècle. En salle depuis le 1er novembre

la star

Géraldine Aresteanu © Marc Riboud / Fonds Marc Riboud au MNAAG ©

Dans l’énigmatique Pleure pas Papa, Jules Benveniste alias Bougier Toto délivre un texte puissant, émouvant, avec un art de la performance incroyable de légèreté. Passe l’ombre du grand Pasolini. Il a envoûté le public aux Clochards Célestes.

Coup de maître

Vu au TNP Richard II, pièce crépusculaire sur un pan sanglant de l’histoire d’Angleterre. Avec Micha Lescot, extraordinaire acteur qui campe un roi versatile, fragile, séduisant, insolent. Tellement humain. Rien que pour lui.

RICHARD II

DANS LE RÉTRO...

PAR ÉMILAND GRIÈS, ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, FLORENCE ROUX

SHANGAI CHINE 2002

Bazaaar

10€ à 200€ pour des clichés inédits signés Romain Etienne, Sandra Calligaro ou Jeremy Suker. La bonne idée d’item.

Galerie des Terreaux Lyon 1

13 > 17 DÉC.

CINÉ

AUTOPSIE D’UN RAPT


... DANS LE VISEUR

EXPO

ESCAPADE

dans l’agenda

Tomber dans la profondeur des grands aplats hypnotiques de Rothko et éprouver leur puissance méditative… La Fondation Vuitton lui consacre une rétrospective majeure. On réserve ? > 02 AVR. 24

100 ans, 100 photos et derniers jours pour (re)voir quelques clichés emblématiques du grand Marc Riboud. > 31 DÉC. Musée des Confluences

BRANCHÉ Pour les fanas de street art. Chez Em’arts, on trouve son bonheur à plus ou moins petits prix. Britt, Me Lata, Sufyr, Ofé, Fouch, entre autres. 8 rue de la Poulaillerie Lyon 2

TRENDY Et si on faisait un tour chez les Artpenteuses, la boutique création 100 % made in Lyon ? Mode, déco, luminaire, maroquinerie… Avec la croix‑roussienne Labelalyce qui a rejoint le gang. 13 rue Romarin Lyon 1

INSPIRÉ Luminaires, céramiques, illustrations, sacs fabriqués localement avec cœur : des idées de cadeaux uniques avec le collectif Azelarium. 07 > 17 DÉC. 106 Grande‑Rue Oullins

ARTY Art & Frip’ s’installe à Confluence, omart versus Suzanne en ville. Bijoux, objets d’art, illustrations, photos, que du beau par le meilleur de la scène artistique locale. Avec Myet, Cocomade, Onze Octobre, etc. > 06 JAN. 24 Pôle de commerces et loisirs Confluence

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

SANS FILTRE Chansonnettes décapantes ou sketchs féroces,

LES BONNES IDÉES DU PÈRE NOËL

SURPRISES &  BOLDUCS

A  chaud Didier Super taille des costards tous azimuts. Femen, cathos, gauchos, écolos, comiques, politiques, le gars dégomme à tout va. Salement irrévérencieux. 30 NOV. > 02 DÉC. Théâtre Comédie Odéon VIVENT LES SORCIÈRES Le Monde renversé des quatre

Marthe ? Un voyage aux pays des sorcières à travers les siècles. Humour décapant et énergie débordante : un vent d’insolence souffle sur le plateau. Rattrapage. 13 > 15 DÉC. Théâtre de la Croix‑Rousse

GOURMANDISE Tous les accords sont permis pour la 2e édition

lyonnaise des ateliers du violoncelle créés par Vincent Courtois. Master class et concerts, même combat ! 14 > 16 DÉC. Amphi de l’Opéra de Lyon POUR LE PLAISIR… S’abandonner à Pixel, chorégraphie de

Mourad Merzouki où les danseurs dialoguent avec des paysages virtuels. Un classique de demain toujours ébouriffant. 09 & 10 JAN. 24 Théâtre Théo Argence Saint‑Priest

LA SUITE Que sont devenus Liliane et Paul, les héros

de Nos paysages mineurs ? Réponse dans Pour en finir avec leur histoire, la nouvelle création de Marc Lainé. Première le 11 janvier. 11 > 19 JAN. 24 Comédie de Valence (26) MÉTISSAGE URBAIN La chorégraphe espagnole Blanca Li

dépoussière Casse‑Noisette à la sauce hip‑hop. Lurex, popping et décor de cartoon pour une adaptation libre du ballet de Tchaïkovski. Jubilatoire. 16 JAN. 24 Théâtre de Vienne (38) 29 MARS 24 Théâtre Théo Argence


C DANS L'AIR

Elliott Erwitt / Magnum Photos ©

LA PLUS GRANDE RÉTROSPECTIVE CONSACRÉE AU PHOTOGRAPHE ELLIOTT ERWITT, 95 ANS, S’EST INSTALLÉE À LA SUCRIÈRE. 215 ŒUVRES, DONT 140 EN NOIR & BLANC, ILLUSTRENT LE TALENT SANS LIMITE DE CET HUMANISTE À L’HUMOUR DÉLICIEUX. VISITE AVEC ISABELLE BENOIT, L’UNE DES COMMISSAIRES DE CET ÉVÉNEMENT SIGNÉ TEMPORA.

Un génie nommé Erwitt PAR BLANDINE DAUVILAIRE

> 17 MARS 24 La Sucrière Lyon 2 lasucriere‑lyon.com

Comment a été conçu le parcours ? ISABELLE BENOIT Il a été pensé par Elliott Erwitt lui‑même, il y a quelques années, pour montrer les différents aspects de sa carrière. La partie en noir et blanc – technique qu’il utilise pour son travail personnel et qui est la plus connue – réunit ses thèmes de prédilection : les femmes, les enfants, les chiens, les musées, etc. La partie en couleurs, consacrée aux travaux de commande, présente les photos de stars et celles, moins exposées, réalisées pour les magazines, les entreprises, les créateurs de mode… On retrouve ses images iconiques… IB Il y a bien sûr le baiser dans le rétroviseur, pris sur le vif en 1955, la photo de la tour Eiffel en 1989 qui est une commande de la ville de Paris, le petit garçon à vélo assis derrière son père qui porte une baguette, mais aussi Marilyn, Andy Warhol, Che Guevara et le président Kennedy. Chez Erwitt, les chiens sont aussi des stars. Pourquoi aime‑t‑il tant les photographier ? IB Pour lui, le chien est un vrai miroir de notre humanité, de notre savoir‑vivre et savoir‑être. Dans son métier, il apprécie les mannequins canins car ils ont une grande diversité, à la différence des mannequins humains qui sont très normés. Et puis ils ne demandent pas de tirages et ne font pas de commentaires sur la manière dont ils sont photographiés, ce qui est une grande qualité !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


C DANS L'AIR

TUMULUS

faire de notre quotidien une fête

Christophe Raynaud de Lage ©

i t l u Àm s e t t face

GIES COSMOLO 24 N. JA 18 >20 danse Maison de la Lyon 8 anse.com maisondelad

COLORADO, USA, 1955

Pour attirer l’attention des sujets qu’il photographie, Elliott Erwitt a un truc infaillible… IB Quand il s’agit d’un chien, il aboie ! Pour détendre l’atmosphère avec les humains dont il fait le portrait, il actionne un klaxon qui crée la surprise. Tout le monde rit et le portrait est réussi. Pourquoi les photos d’Elliott Erwitt nous touchent‑elles autant ? IB Il travaille de manière sereine et posée, ça nous apaise et nous ramène à la réalité qui nous entoure. C’est un photographe humaniste qui met en scène des situations dans des cadres très bien composés, généralement en format paysage. Il ne retouche jamais ses photos, sauf dans quelques cas de travaux publicitaires, et ne les recadre pas non plus. Il n’a pas besoin de dévoyer la réalité pour la rendre merveilleuse et nous rendre attentif. Qu’avez‑vous appris sur lui en préparant cette exposition ? IB Énormément de choses. La plus grande leçon de cette exposition, c’est que nous avons la responsabilité de faire de notre quotidien une fête !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

ILENKO

LETTE‑P

LLIA VA

PAR GA

e, e la dans Maison d r la e à n n s o e d d go Gue ’agit de n rition. Il s ée de Tia o a iv p is p a rr a a m l’ r u c le Ave nt fait le énérab cié à la v ologies o i ouvre iste asso les Cosm rt a naud qu n ig u a à h e C h c is n pu le ço la n b carte onnais a q u e F ra public ly magnéti nse, le a le – d t s ir la a ’e c p et nnale de eur hors ie b rm –, o re rf d iè e e Reload le bal. P e la dern t inci Park n rir lors d V v ie u v io d co il a é (re)d dans R rcheur, s Fagor, teur, che roy e n ff a in o h s e c U G , e x c au e ave graph ièce créé ssi choré n titre mais au l u s, la p omme so u C . m 2 u 2 t 0 r 2 te n n e icule e rt ), s y ’a c ici pré rètes s u (Anne ize interp à Bonlie À la . e e in tr n a r è u rd c s o u Jo pièce p tre de la e n tt e ce lus c , p le e e l’indiqu i occup mbeau le tertre qu e, s est le to n g lu a ’u u s d y m r a u tu auto olée et p beau (le s m u a to , e m e iz tt ), e e ie de tr lithique fois cach sion infin que néo s o e p ce é m ro l’ ê p à m « ule et utilisé jeu d’une d’une se jet rrain de t au sein n a et, le pro s il est le te ff n e a d n t E e . t » n te se ta s n n e a ême g mble da corps ch ser ense s e u l et m n s n e le u p , e e e d u e souffl pratiq uver et . un mêm s ve d’épro re è n rê a p d o le t ie e n port réunissa t l’alchim E n e t. r , n e e le u ê m ve trem et musiq t le mou nt qu’en . capella e e rien ta mystère im ’a le n t chants a e d u la magie ice Chaigna r tr li u is il a o l’ ja ç n e e Fra invit ur fair lorsqu’il lines po utour ge aussi, les discip a ologue a p n o ro p m e n s u i s u film n q a u n d d Un éla vélation icia Allio uel rau (la ré trice Patr q a B s le li in a a c e ré m et es), av re et Ro è té m le ‑ il d oir a s n P i amed vettes de sa gra uvrir le s des Cre co e é h d c n à a f, v La Re aret festi e un cab staurant. il concoct e n è du re c s te ti e sur la p


Cici Olsson ©

TÊTE D'AFFICHE

L’art et la manière

CENDRILLON

UN SPECTACLE DE JOËL POMMERAT, C’EST TOUJOURS UN ÉVÉNEMENT. MÊME UNE ŒUVRE DE SON RÉPERTOIRE. ET C’EST LE CAS AVEC CENDRILLON, UNE PIÈCE DE 2011 QUI A BEAUCOUP TOURNÉ DEPUIS. POMMERAT, AUTEUR ET METTEUR EN SCÈNE, LÈVE UNE PARTIE DU VOILE SUR SES SECRETS DE FABRICATION.

PAR TRINA MOUNIER

On dit de vous que vous n’écrivez pas des pièces mais des spectacles. JOËL POMMERAT Je l’ai beaucoup dit, effectivement. Mais cette phrase me revient en boomerang de façon "fixante", récurrente. Je n’écris jamais de pièce dans mon coin, c’est un invariant. Par contre, j’écris seul pendant un temps assez long, parfois des fragments de dialogues, des notes sur ce qui pourrait être cet objet auquel je rêve et que je cherche. J’écris sur tout ce qui me traverse, sur la scénographie, aussi quelques lignes narratives sur des thèmes que je voudrais développer. Dans ce magma de matière première, j’abandonne certaines choses, j’en développe d’autres qui vont servir de base aux répétitions qui commencent généralement avec toute la machinerie du théâtre, les lumières et les costumes… Je travaille par blocs de répétitions espacés dans le temps, étalés parfois sur une année. Entre deux blocs, je reviens à une écriture solitaire.

Les personnages et les situations sont souvent là, au début de tout. À chaque fois je repars de zéro, je cherche un fil que j’ai envie de tirer. C’est difficile de parler de ma façon de faire car elle change à chaque fois, il y a beaucoup d’improvisation dans ma démarche. Vous êtes dans un rapport d’aller‑retour avec vos acteurs ? JP Oui, même si c’est plutôt moi qui les envoie quelque part. Je les reprends, je reprécise pour qu’ils y arrivent. On peut alors commencer à travailler : on s’inspire mutuellement comme des partenaires de recherche. Jusqu’au moment où le travail ne peut pas aller plus loin et qu’un retour à l’écriture solitaire devient nécessaire pour finaliser. J’aboutis à un texte que je transmets aux acteurs et à partir de là, nous nous livrons à une relecture de ce matériau brut pour arriver à quelque chose de précis. Après de très nombreuses retouches, le texte se fixe et ne bouge plus.

Ce qui m’importe ? Que la vie continue à parcourir chacune des représentations comme au premier moment de l’invention. Parlez‑nous un peu de ce Cendrillon. JP J’ai fait du personnage de Cendrillon une très jeune fille, elle a une dizaine d’années dans mon histoire. Elle perd sa mère et se retrouve dans une famille recomposée chez une femme qui a deux filles. J’ai cherché à comprendre la passivité, la bonté de cette petite fille qui accepte les brimades, la méchanceté des autres sans chercher à se rebeller. Ma curiosité me poussait à chercher à comprendre le cheminement de cette docilité, que j’ai relié finalement à une sorte de culpabilité morbide, presque un masochisme.

CENDRILLON 10 > 21 JAN. 24 Théâtre des Célestins theatredescelestins.org

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24



BIBI

DR ©

cœur de plastique

ADN

bibi.fr bibi_artist bibiplastic

LE ROI DES DRAGONS, LYON 2012

HABITUÉ DE LA FÊTE DES LUMIÈRES, BIBI REVIENT À LYON AVEC UN PROJET QU’IL CONSTRUIT AVEC DES ENFANTS DU 8e ARRONDISSEMENT : DES OISEAUX LUMINEUX FABRIQUÉS À BASE DE BIDONS ET BOUTEILLES EN PLASTIQUE… UN CONCENTRÉ DU TRAVAIL DE L’ARTISTE PASSÉ MAÎTRE DANS L’ART DE SUBLIMER LES DÉCHETS.

A

07 DÉC. > 03 JAN. 24 Dans le cadre de la Fête des Lumières 07 > 10 DÉC. Place du 8‑Mai‑1945 Lyon 8

BIBI, LE 5e ÉLÉMENT th (THE 5 ELEMENT) 2020

*Falun ou dépôt sédimentaire meuble formé de débris fossiles de coquillages

PAR FLORENCE ROUX

nimaux et plastiques sont intimement liés dans l’œuvre de BIBI, bestiaire forgé dans des bidons et autres cônes de Lübeck [cônes de signalisation, ndlr]. L’artiste tourangeau de 59 ans, alias Fabrice Cahoreau, s’est d’abord incarné en paléontologue arpentant, de 10 à 20 ans, les faluns* de Touraine, à la recherche de fossiles marins. Puis, « au départ, pour être à Paris », glisse ce fan de rock, il passe en 1986 un brevet d’orthoprothésiste qui le rapproche de la sculpture, « avec des cours d’anatomie comme dans un atelier de Rodin ». « Grâce à ce cursus, j’ai aussi appris ce qu’étaient les matériaux et les plastiques, explique‑t‑il. J’ai appris leur chimie, à les différencier à l’odeur, à les manipuler et à comprendre le sens du plastique. Le plastique va au‑delà du problème des déchets. Il représente le monde éphémère de notre société où tout est jeté, les idées, l’information, les concepts, aussi fugaces que nos déchets. » La question du jetable l’amène à questionner le recyclé et le recyclable, à transformer des bidons de polyéthylène en animaux, objets devenus des

déchets inutiles mais qui restent « magiques dans leur design », et auxquels « l’artiste donne un sens ». Mille et un projets nourrissent sa créativité : dès les années 1990, après avoir dessiné des milliers de crocodiles et pratiqué le street art la décennie suivante, le foisonnant BIBI éclaire ses sculptures de l’intérieur, sublimant ses premiers poissons. Il maîtrise son sujet, lui qui affirme avoir passé deux ans et demi sous les mers entre sa pratique de l’apnée et la chasse sous‑marine. S’il est déjà venu plusieurs fois à la Fête des Lumières – on se souvient notamment de ses étranges poissons techno (place des Jacobins) ou de ses diablotins dans les arbres de la Presqu'île –, s’il a exposé son éléphant rouge, son Bibigloo et quelque dragon dans le monde entier, BIBI est très attaché à son projet actuel, Gazouillis#2. Comme l’an dernier, il pilote un atelier d’enfants qui fabriquent 400 oiseaux en bidons et bouteilles recyclés. Cette volière faite maison illuminera la place du 8‑Mai‑1945, dans le quartier des États‑Unis. C’est un moment où l’artiste transmet des gestes et des idées, lorsque le manque de maîtrise confère de la grâce aux sculptures. Avant cet instant de fête, dans l’espace public, qui rend tout étonnement possible, toute émotion permise.

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24



Cyrille Cauvet / MAMC+ ©

FORME & FONCTION

HOME SWEET HOME LA SALLE DE SÉJOUR. PHILIPPE CHARBONNEAUX, TÉLÉVISEUR PANORAMIC 111, 1957, MARQUE TÉLÉAVIA, ÉDITEUR SUD‑AVIATION. HISTOIRES D’INTÉRIEURS. COLLECTION DESIGN DU MAMC+.

PAR ÉMILAND GRIÈS

I

LE MAMC+* DE SAINT‑ÉTIENNE FERME SES PORTES AU PUBLIC POUR TRAVAUX JUSQU’EN SEPTEMBRE 2024... ET ENTROUVRE SA CAVERNE D’ALI BABA, REGORGEANT DE TRÉSORS DU DESIGN, DANS L’EXPOSITION HISTOIRES D’INTÉRIEURS À LA CITÉ DU DESIGN.

* Musée d’art moderne et contemporain de Saint‑Étienne

l était plus que temps d’offrir un lifting intérieur au bâtiment de l’institution culturelle stéphanoise, sollicité par trente‑six années de bons et loyaux services, quelque 400 (dé)montages d’expositions et plus de deux millions de visiteurs. Son extension est même programmée à horizon 2030, mais ne brûlons pas les étapes ! À quelque chose – relatif – malheur est bon, cette fermeture momentanée est l’occasion de découvrir hors les murs une petite partie de sa pléthorique collection d’objets design (120 pièces sur 2 000). L’agence ligérienne Museotrope, maître d’œuvre de la scénographie, a conçu l’exposition en épure de maison en 3D. Éclatée et stylisée par de longs tasseaux en bois naturel, assemblés et tendus de voiles blancs, cette installation est annoncée entièrement recyclée et réemployée après son démontage. Une préoccupation environnementale

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


FORME & FONCTION

BREAKING NEWS

Accueillie au sein de la Cité du design, l’exposition du MAMC+ est l’un des premiers actes concrets du rapprochement entre ces porte‑drapeaux culturels de la métropole stéphanoise. Cette synergie souhaitée par les deux partenaires culminera par leur copilotage de la future Galerie nationale du design, soit 1 000 m² aménagés dans la halle 242 de l’ancienne Manufacture nationale d’armes. Ce lieu, qui ouvrira au printemps 2025, offrira l’opportunité de regrouper des fonds nationaux du design à l’occasion de grandes expositions annuelles.

> 31 DÉC. Cité du design Saint‑Étienne (42) citedudesign.com mamc.saint‑etienne.fr

contemporaine qui met un peu cruellement en évidence, sans leur en faire procès, l’obsolescence conceptuelle des objets présentés. Pour le reste, ils conservent une extraordinaire acuité. Regroupés par pièces de vie d’une maison familiale – dans l’ordre de la visite : la cuisine, le bureau, le séjour, la salle de jeux, la chambre parentale et la salle de bains –, ils illustrent tous à leur manière la pensée du designer et graphiste Raymond Loewy, résumée dans le titre lapidaire de son autobiographie en 1952, La laideur se vend mal. Cette immersion dans les usages et les modes de vie des années 1930 à nos jours est l’occasion de (re)voir des objets, certains disparus – le Minitel, l’un des premiers modèles de Mac – ou, au contraire, encore d’actualité comme le presse‑agrumes iconique de Philippe Starck ou un rasoir Babyliss® pour femme, tout en rondeurs roses estampillées de fleurs stylisées. Ils nous font remonter le fil de notre histoire, à la fois sociologique et affective, et interrogent sur l’évolution, en un siècle, du mode de vie occidental. Le séjour, par exemple, autrefois organisé autour de la cheminée, est désormais totalement tourné vers l’écran. Et, clin d’œil au temps qui passe, le téléviseur présenté est fuselé comme une carlingue d’avion parfaitement laquée, à mille lieux de nos écrans plats, noirs et anguleux. Certaines pièces arborent des formes et couleurs exubérantes comme ce sèche‑cheveux aérodynamique en inox poli‑brillant et aux dimensions imposantes, ou encore l’écarlate Valentine de 1969, machine à écrire transportable d’Olivetti dessinée par l’Italien Ettore Sottsass (visionnaire du travail nomade ?). D’autres, bien au contraire, affichent une esthétique less is more : ainsi le très sobre bureau Standard BS courbé de 1943 et son fauteuil de Jean Prouvé ou le poste de radio ultra‑minimaliste de Dieter Rams, le designer historique de la marque Braun. Tous produits en quantités industrielles, ils ont largement participé à la démocratisation du design. La présence du lit en plastique moulé intégrant chevets et lampes dessiné par Marc Held en 1970 pour Prisunic rappelle, avec son slogan‑pirouette, l’ambitieux marketing de l’enseigne : « Le beau au prix du laid » !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


Studio Kalice ©

TOURS & DÉTOURS

Un flamboyant secret PAR NADÈGE DRUZKOWSKI

DANS UN DÉCOR INTIMISTE, LE FOURVIÈRE HÔTEL, À DEUX PAS DE LA FAMEUSE CATHÉDRALE, RÉVÈLE UN AUTRE CHEF‑D’ŒUVRE – BIEN PLUS MÉCONNU – SIGNÉ BOSSAN, ET TRANSPORTE DANS L’UNIVERS NÉO-ROMANO‑BYZANTIN DU CÉLÈBRE ARCHITECTE LYONNAIS. À L’APPROCHE DES FÊTES DE FIN D’ANNÉE, POURQUOI NE PAS S’IMMERGER, AUTOUR D’UN VERRE, DANS CETTE AMBIANCE FEUTRÉE ?

D FOURVIÈRE HÔTEL 23, rue Roger-Radisson Lyon 5 fourviere‑hotel.com

e l’extérieur, rien ne laisse présager un tel faste. Situé au‑dessus du théâtre antique, l’ancien couvent de la Visitation, reconverti en hôtel de luxe depuis 2015, déploie une façade tout en sobriété. Passé l’entrée, le contraste est saisissant. On est immédiatement transporté dans l’ancienne chapelle. L’œil est happé par un majestueux ciborium, dressé sur ses colonnes en stucs imitant le marbre rose, véritable parure ciselée destinée à mettre en valeur l’ancien autel. Une lumière savamment dosée révèle sa délicate décoration. L’inscription en latin, Hortus Conclusus (« jardin enclos »), thème fréquemment

associé à la pureté et à la Vierge, rappelle que le couvent de la Visitation abritait des sœurs Visitandines, qui honoraient Marie. L’histoire raconte d’ailleurs que l’une des sœurs de Bossan avait rejoint la congrégation. Réalisé en 1854, le couvent est l’une des toutes premières œuvres de l’architecte. Pierre‑Marie Bossan revient alors d’un long voyage en Italie, effectué entre 1845 et 1850, au cours duquel il découvre, en Sicile, l’art romano‑byzantin, qui influencera son œuvre. Doté d’une riche symbolique liée au Christ et à la Vierge, le plafond du hall, incarnation des cieux, vibre d’un éclatant bleu azur, où se mêlent l’or et le rouge. Il résonne encore des propos de Bossan : « Il faut établir dans l’ornementation une sorte de crescendo,

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


TOURS & DÉTOURS

Studio Kalice ©

en donnant aux parties supérieures le maximum de richesse ». Les financements s’étiolant, le décor n’est finalisé qu’en 1864‑65, dix ans après le début des travaux. À l’intérieur, l’ancien cloître entièrement rénové, habillé de pierres jaunes de Couzon (les fameuses pierres dorées du Beaujolais), calcaire blanc et brique rouge, fait écho à la façade extérieure. Entouré d’un cosy péristyle, il abrite le bar de l’hôtel, invitation à siroter un verre dans une ambiance feutrée. Au centre du cloître, la sculpture en rubans d’acier de l’artiste franco‑argentin Pablo Reinoso, Arrêt‑sur‑nuage, est un discret clin d’œil à la rêverie et à la contemplation, que le cloître devait jadis susciter auprès des Visitandines. Une autre de ses œuvres, qui court entre le hall d’entrée et le cloître, provoque un étrange dialogue entre passé et art contemporain. Issu de sa série Spaghetti Bench, un banc se transforme en longues volutes de bois torsadé, dont l’inextricable enchevêtrement semble questionner l’infini.

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


DÉAMBULATIONS

MUSIQUES PAR EMMANUELLE BABE, ANNE HUGUET

DARK MATTER 05.12.23 | 20H

Peu de dates annoncées au Sonic pour les mois à venir : doit‑on s’inquiéter ? Mais on note la venue de la musicienne irlandaise touche‑à‑tout Hilary Woods – elle s’intéresse aussi au cinéma, à la danse ou à la peinture. Un concert tendance crépusculaire, on se doute. La musique, élégiaque, de la Dublinoise est plutôt spectrale. Dans une mouvance très This Mortal Coil, Cocteau Twins voire Hope Sandoval (à vouloir la mettre dans une case), elle vient de lâcher son troisième album Acts of Light, toujours chez Sacred Bones (autant dire un gage de qualité), soit 9 titres un peu glaçants à la lenteur hypnotique. Avec force cordes, synthés, drones et des enregistrements terrain collectés au fil de ses voyages, elle façonne un univers étrange où la voix, délicate, semble venir de l’au‑delà pour habiter ses complaintes méditatives. AH

Vivi Hmwk ©

Sonic Lyon SonicLyon

ROMANE SANTARELLI

ODYSSÉE FUTURISTE 14.12.23 | 20H

Avant de filer au Marché Gare, pensez à écouter Cosmo Safari dans votre salon. Car le premier album de Romane Santarelli est autant un recueil de titres qu’un long set taillé pour le dancefloor. La Clermontoise, remarquée par un certain Rone dès son premier EP en 2020, est née en musique par le rock avant de se lancer dans l’electro‑pop un brin planante sous le nom de Kawrites. D’où un certain sens de la mélodie et une facilité à poser des sons aux horizons futuristes. Que l’on se rassure, Cosmo Safari réussit la prouesse de ne pas sacrifier la puissance du beat sur l’autel de la rêverie. On devrait donc vibrer, d’autant que la demoiselle a annoncé avoir peaufiné sa scénographie pour cette tournée. EB Marché Gare Lyon 2 marchegare.fr

INVITATION À LA RÊVERIE 15.12.23 | 21H

On oublie que le groupe Les Marquises est lyonnais. Depuis plus de dix ans, la formation à géométrie variable de Jean‑Sébastien Nouveau, son maître d’œuvre, trace son chemin loin des sentiers battus avec une musique incarnée qui ne cesse de sortir du cadre. Folk, electronica, pop, expérimental, tout est bon à prendre, à malaxer, à transformer, à sublimer. Évidemment, on pense de loin en loin à Swell et aux Young Gods, peut‑être Massive Attack, mais ces Lyonnais‑là échappent à toute comparaison. Après le bluffant La Battue (2020) qui faisait le grand écart dans une pop à la fois mystique et à l’os, JS Nouveau revient seul aux manettes avec Soleils Noirs (sortie au 17/11). Un cinquième album expérimental et (très) contemplatif avec deux instrumentaux de vingt minutes, le violon d’Agathe Max et une invitation à des voyages sonores mystérieux. Le genre à ne pas mettre entre toutes les mains mais qui confirme la beauté poétique de sa musique. Release party avec Agathe Max en solo d’ouverture. AH Périscope Lyon 2 periscope‑lyon.com

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


Julien Bourgeois ©

DÉAMBULATIONS

POP CULTURE 17.01.24 | 20H

Transbordeur Villeurbanne transbordeur.fr

ALBIN DE LA SIMONE

LES ÂGES DE LA VIE

Neighbourhood PR ©

On se souvient, en 2003, avoir transpiré la même soirée sur les Velvet, Dolly Parton et Hanayo sans vraiment savoir de quelles platines sortait ce maelström électro‑rock. Réponse : 2ManyDj’s, l’une des facettes de Soulwax, qui mettait le feu avec cet album de 45 morceaux remixés, As Heard On Radio Soulwax Pt. 2. Un disque tellement culte qu’il a été réédité fin 2022. Depuis qu’ils ont fondé Soulwax en 1995 avec Stefaan Van Leuven et Steve Slingeneyer, les Belges David et Stephen Dewaele mènent avec succès leur barque musicale qui mélange disco, rock, funk, cold wave, électro… Fondateur de ses propres label et sound system, Soulwax expérimente aussi, s’acoquinant avec des électroacousticiens (l’album DEEWEE Sessions Vol. 01 en 2020) ou des réalisateurs de cinéma. Des bidouilleurs de génie ! EB

19.12.23 | 20H

L’enfance, la filiation, mais aussi l’amour et l’éloignement… Avec Les Cent Prochaines Années, son septième album après un opus sans paroles sorti post‑pandémie, Albin de la Simone explore son rapport au temps qui passe avec talent (comme toujours) et sans nostalgie. Inspiré par la nature – l’album a été conçu en partie dans la haute vallée de Chevreuse – et par la peinture, le chanteur offre une fresque à la fois intime et solaire, une musique élégante mais jamais figée. Une fois n’est pas coutume, la réalisation de l’album a été confiée à Sage (Ambroise Willaume), ancien membre du groupe Revolver, qui donne à l’ensemble la touche pop aussi bienvenue qu’inattendue. Petit, petit moi pose à lui seul le décor de l’album et ses jolies histoires à dérouler, presque touchantes. EB Radiant‑Bellevue Caluire radiant‑bellevue.fr

SOULWAX

100 0/0 GROOVE 16.12.23 | 20H

Chaad Murphie ©

Son nom intrigant et sa musique foutraque sont sur toutes les lèvres depuis qu’il a signé chez Ed Banger et que Pharrell Williams a été surpris à Paris avec son vinyle sous le bras. Et voilà le Suisse Varnish La Piscine validé par le prince du groove US ! C’est mérité : cela fait quelques années déjà que Jephté Mbisi, 29 ans, nous régale avec un son ultra créatif qui mêle rap, bossa, funk, reggae… Artiste complet, Varnish le cinéphile – il a réalisé un moyen métrage – s’amuse aussi à raconter des histoires avec ses acolytes dont Bonnie Banane, Rico TK, Makala. Premier album sous son nouveau label, This Lake Is Successful ravit une fois encore par sa musique à l’imaginaire débridé. Hop hop hop, sur la piste ! EB

VARNISH LA PISCINE

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

Le Sucre Lyon 2 le‑sucre.eu


MUSIQUES

WARUM JOE 01 DÉC. Mistral Palace Valence (26)

Mon manège à moi E FURANIA SAINTÉ INDÉ 1980‑2020 Sortie 25/11

Enna Pator ©

TROUBLES 05 > 06 DÉC Transbordeur Villeurbanne

PAR LAURENT ZINE

xit la vogue des marrons, bonjour les dindes ! Le point commun ? Mais bien sûr les marrons ! Les châtaignes, les pains, les beignes, les gnons, bref, tous les coups sont permis. En direct en bas de chez moi et dans tous les médias. Avec un effet domino pour ne pas dire démesuré sur les réseaux dits "sociaux". Le principe ? Si tu n’es pas avec nous, tu es forcément contre nous. La nuance, le débat, connais pas ! Pour ou contre la vogue ? Pour ou contre l’écologie ? Pour ou contre les traditions ? Pour ou contre la délinquance juvénile ? Pour ou contre les syndicats ? Pour ou contre le vaccin ? Pour ou contre la guerre froide ? Pour ou contre le réchauffement ? Pour ou contre, c’est pas compliqué ! Non du tout. C’est même simplifié à outrance. Le monde et la pensée seraient ainsi redevenus totalement

binaires. Vous êtes pro ou vous êtes anti, mais vous êtes surtout sommés de nous le dire. Jusqu’à vous caricaturer. Pour mieux régner ? Mais surtout pour mieux profiler. Prenons un exemple : si tu habites en ville et que tu projettes comme moi d’aller voir Troubles au Transbordeur (05 et 06 déc.), c’est forcément parce que tu es un bobo gauchiste altermondialiste délinquant adepte de la chienlit et de cancel culture. Au bas mot. Si tu viens en revanche de la campagne et que tu préfères "connemarer" avec Sardou à la Halle TG (19 déc.), c’est sûrement que t’es un peu réac has been, amateur de bizutage et/ ou de chasse aux sangliers radioactifs. Pour ou contre Juliette Armanet ! Exit le décryptage, bonjour le raccourci. Bonjour l’opposition systématique. En la matière, le président de la région Auvergne‑Rhône‑Alpes est un champion hors catégorie. Mais passons. Perso, j’aime

autant la ville que la campagne, Sainté que Lyon, la funk que le punk… Et par‑dessus tout, je déteste les cases où il faudrait rentrer. En parlant de Forez libre, un superbe ouvrage accompagné de quatre vinyles (!) vient de paraître pour retracer 40 ans de musiques underground : Furania Sainté Indé 1980‑2020. Et à 50 balles juste avant Noël, stratégiquement parlant, c’est imparable. Sauf que me voilà catalogué, géo‑localisé mais surtout démasqué et c’est ballot avant les fêtes. Bontempi autant assumer. Autant réenfiler mon costume de mécréant propagandiste pour aller écouter le meilleur groupe du monde : Warum Joe le 1er décembre au Mistral Palace. Le meilleur vraiment ? Oui et ce n’est pas négociable ; simplement parce que désormais, je maîtrise le b.a.‑ba de la communication politique. À bon entendeur…

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


MUSIQUES

RENCE

PAR FLO

Vincent Guignet ©

t o m Le et e t o la n ROUX

Performance ? Concert ? Lecture ? Ces deux spectacles ne souffrent ni le catalogue, ni le genre : ce sont des ovnis très musicaux et assurément littéraires, fruits de rencontres entre des artistes sans frontières. Ainsi, Objet littéraire à 3 inconnues réunit à la Comédie de Valence Bertrand Belin, “multiste” entre tous (auteur, compositeur, poète, chanteur, acteur), Marie‑Sophie Ferdane, comédienne intense et metteuse en scène, et Superpoze, compositeur de musiques électroniques et d’atmosphères. Tous trois étaient l’an dernier à l’affiche de la pièce En travers de sa gorge de Marc Lainé, à Valence. Aujourd’hui, ils s’y retrouvent pour dire un texte inédit de Bertrand Belin, dans le souffle de Marie‑Sophie Ferdane, avec la musique de Superpoze. « Conversation artistique », disent‑ils… Un peu plus loin, à Villefranche, l’actrice Sandrine Bonnaire et le trompettiste jazz Erik Truffaz n’en finissent pas de célébrer les noces des mots et des accords. La comédienne et le musicien invitent cette fois à entendre La Clameur des lucioles de Joël Bastard. Ce texte raconte une errance dans Montréal et offre à la voix de Bonnaire et à la trompette de Truffaz un terrain de choix pour déambuler à leur guise, se glisser dans la nuit l’air de rien, faire entendre la beauté d’un reflet ou la solitude de l’auteur. Comme dans un road‑movie. À déguster en douceur.

SANDRINE BONNAIRE

OBJET LITTÉRAIRE À 3 INCONNUES 19 DÉC. Théâtre de la Ville Valence (26) comediedevalence.com

BONNAIRE/TRUFFAZ 13 JAN. 24 Théâtre de Villefranche theatredevillefranche.com

Kronos défie le temps

20 JAN. 24 Auditorium de Lyon Lyon 3 auditorium‑lyon.com

Voilà l’un des grands rendez‑vous de ce début d’année et l’occasion pour le célèbre Kronos Quartet de souffler ses cinquante bougies. La preuve que Chronos, le dieu du temps, n’a pas de prise sur cette formation majeure de la musique de chambre, pour laquelle les frontières aussi bien spatiales que temporelles semblent définitivement inconnues. Année après année, le quatuor à cordes fondé par le violoniste – et compositeur – David Harrington s’est taillé une solide réputation, avec une reconnaissance jamais démentie, toutes esthétiques confondues. Allant du classique au contemporain en passant par le jazz et l’électronique, ce sont surtout les collaborations avec Terry Riley, Philip Glass ou Steve Reich pour les minimalistes américains, ainsi que l’inoubliable bande‑son du film Requiem for a Dream qui ont amené les musiciens de San Francisco à se faire connaître du grand public. C’est un programme quatre étoiles qui s’annonce à l’Auditorium avec l’interprétation des œuvres de Laurie Anderson, d’Angélique Kidjo, de Nicole Lizée et de la chanteuse indonésienne Peni Candra Rini, figurant désormais au répertoire. Passé, présent et futur se conjuguent de concert pour une immanquable soirée anniversaire. ET

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


FOKUS

J’aime les décors figés comme des tableaux

EN FLAGRANT DÉCLIC PAR EMMANUELLE BABE

VISUELS LAURIE DIAZ

Il y a des personnes comme ça. Qui ne voient pas uniquement une banale sieste derrière des persiennes au fond d’une ruelle. Mais également des points de fuite, des perspectives, une lumière. Laurie Diaz est de celles-là, construisant son identité de photographe de rue de Cuba à la Pologne en passant par la Thaïlande et le Maroc. Sur le vif, « avec une espèce d’excitation », voilà comment travaille la pétillante Laurie, qui « shoote beaucoup, voire compulsivement ». Pour cette directrice artistique dans la publicité, tout a commencé à La Réunion où son agence parisienne l’envoie en 2008. Elle y restera quatre ans, le temps de s’essayer à la photographie – puis de s’y plonger. « J’ai toujours été fascinée par la photo, raconte-t-elle, je me suis d’abord acheté un appareil, pour essayer. » La « photogénie » de La Réunion et les images ramenées lors de déplacements dans l’océan Indien feront le reste. De retour dans l’Hexagone, elle est bien décidée à « creuser la photographie ». Elle intègre un studio lyonnais : finie la photo amateur en solo, ici Laurie œuvre


aux côtés de dix professionnels. Elle apprend beaucoup sur les shootings – la précision de la mise en place, le souci de la bonne composition. Au bout de quatre ans, elle se lance, seule, pour en faire son métier. Laurie trace le sillon de « la street » en voyageant, le plus possible, et en s’équipant : un Fuji X100V numérique. « J’ai découvert cet appareil par un ami qui avait le modèle X100T. Je l’ai testé et adopté immédiatement ! C’est une focale fixe 35 mm que j’adore, idéale pour la photographie de rue », explique-t-elle. Son « hyper compact » toujours à portée de main, dans un bus lyonnais ou un bar cubain, Laurie déclenche « quand la lumière est belle, parce que l’ambiance me plaît. J’aime les décors figés, comme des tableaux ». Pas question de jouer la timide : « Quand je suis derrière l’appareil, je n’ai plus aucune conscience des distances même si je suis à quelques mètres de mon sujet. J’ai l’impression d’avoir une cape d’invisibilité, donc j’ose... Ensuite, je laisse les images dormir pendant quelques jours. » Voire plusieurs mois. Il y a peu, la photographe a « vidé » la carte de son appareil, « la première fois depuis huit mois. J’ai eu la surprise de redécouvrir des prises de vue que j’avais complètement oubliées, c’était comme l’effet de l’argentique ». C’est dans cet esprit qu’elle a conçu son exposition à Omart, en recréant une sorte de chambre noire avec lumière rouge et tirages étendus comme dans un laboratoire : « L’idée est de présenter des images numériques comme si elles étaient sorties d’une pellicule argentique. » Laurie réfléchit à la façon de faire évoluer son travail personnel, « aller vers des choses qui créent de l’intime, des émotions – dans la veine de la série Underwater – et pas seulement une belle esthétique ». Ses « convictions écologiques » pourraient la conduire à une photographie « engagée, à ma façon. Les images font réagir et à ce titre créent le débat et le dialogue de façon moins frontale ».

ELLE AIME Martin Parr, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, David LaChapelle, Xavier Dolan, Edward Hopper…

09 > 23 DÉC. Omart 10, quai des Célestins, Lyon 2 omart.fr

lauriediaz.com @laurie__diaz


Familia Brickia /Métropole de Lyon – Louison Desforets/ Michel Denancé /Milène Jallais ©

EXPOS

MAQUETTE EN BRIQUES LEGO®

Briques impériales PAR BLANDINE DAUVILAIRE

R

aconter l’Empire romain en briques de Lego®… Voilà une idée jubilatoire que l’on doit au musée Lugdunum. Riche d’une trentaine de maquettes souvent spectaculaires et d’une centaine d’objets archéologiques, sa nouvelle exposition nous propose de suivre Les aventures de Brickius Maximus. Ce légionnaire romain chargé de sauver l’Empire nous apprend une multitude de choses sur son époque (IIe siècle de notre ère), notamment grâce aux reconstitutions en briques Lego®. On redécouvre entre autres l’aqueduc du Gier qui alimentait la cité en eau, le sanctuaire et

l’amphithéâtre des Trois Gaules où se réunissaient les représentants des soixante tribus gauloises, et la caserne de Lugdunum, seule ville de Gaule à disposer d’une garnison de maintien de l’ordre. La scénographie, belle, ludique et écoresponsable, ménage des espaces de manipulation qui vont de l’impression d’un message secret à la construction collective d’une ville à partir de 500 000 briques. Les amateurs d’histoire, les fous de briques Lego®, les passionnés d’archéologie, les grands enfants accompagnés (ou pas) de plus petits, tout comme ceux qui traînent les pieds à l’idée d’aller dans un musée, trouveront leur compte dans cette exposition très réussie.

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

TELEXxxxxxxx

> 09 JUIN 24 Lugdunum Musée & Théâtres Lyon 5 lugdunum.grandlyon.com


EXPOS

PAR ANNE HUGUET, GALLIA VALETTE‑PILENKO

Voyage En Inde(s)

Avec Inde(s) au pluriel, la galerie lyonnaise Le Réverbère réunit huit photographes autour de l’Inde, dont six sont défendus ici depuis fort longtemps et deux invités pour l’occasion. « L’envie d’aller dans le pays de Siddharta a été des clés de ma génération. Tous nous avons été attirés par le voyage en Inde », écrit Bernard Plossu, qui fait partie des photographes représentés par la galerie. Des clichés inédits de William Klein, Bernard Plossu, Marc Riboud et Denis Roche côtoient les images délicates et pudiques de Françoise Nuñez et celles éclatantes de couleurs (les seules) de Raghu Rai, ces deux regards se détachant des autres par leur singularité et leurs cadrages, moins attendus. À l’instar de cette émouvante photo de Nuñez montrant la silhouette minuscule d’une petite fille devant un éléphant. > 30 DÉC. Le Réverbère Lyon 1 galerielereverbere.com

À3!

Chouette palette de couleurs annoncée pour cette expo collective au nom addictif, Plongeoirs, Pylônes ! Une rencontre du troisième type à quatre mains entre l’illustratrice Flore Chemin – dont la pratique s’inspire de l’art brut et naïf – et la Clermontoise Anne‑Marie Rognon avec ses cartes postales colorisées. Ces deux‑là ne se connaissaient ni de visu, ni même de nom. La galerie Tator les invite à croiser le fer et à se connecter. Avec Simon Roussin, auteur et illustrateur, pour croquer les univers picturaux des deux premières. Tout un programme ! Dès le 24 novembre. > 28 JAN. 24 Galerie Roger Tator Lyon 7

Love, etc.

Tout savoir sur l’amour et les formes différentes qu’il peut prendre, c’est le défi qu’a voulu relever le Musée des Confluences avec sa nouvelle expo. À nos amours s’intéresse à l’attachement, l’érotisme, la chimie, etc. pour explorer les diverses facettes de ce sentiment qui touche chacun et chacune d’entre nous. L’expo fait dialoguer les points de vue scientifique, sociétal et artistique, mêlant les supports et les sujets. Des vidéos didactiques et/ou ludiques, comme ce petit dessin animé très réussi sur la notion de consentement, des photos, des œuvres d’artistes d’hier et d’aujourd’hui, des objets ethnologiques ponctuent un parcours immersif et interactif parfait pour une escapade familiale. On en sortira le sourire aux lèvres, mais sans avoir réellement approfondi le sujet… > 25 AOÛT 24 Musée des Confluences Lyon 2 musedesconfluences.fr

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


BÊTES DE SCÈNES

JEUNE CRÉATION

Ça pousse sur les plateaux  !

C’EST DANS LES GRANDES SALLES DE PÉRIPHÉRIE ET LES PETITS THÉÂTRES DE CENTRE‑VILLE QUE LES COMPAGNIES EN DEVENIR FONT LEURS PREMIERS PAS PROFESSIONNELS ET LES PROGRAMMATEURS LEUR MARCHÉ. ON Y TROUVE, PARFOIS, DES PÉPITES QUI RAYONNERONT DANS UN AN, DANS CINQ ANS, À L’AUTRE BOUT DE LA FRANCE. UN CHOIX SUBJECTIF FORCÉMENT INJUSTE AVEC À LA FOIS DE JEUNES ARTISTES À DÉCOUVRIR ET D’AUTRES QUI ONT DÉJÀ FAIT LEUR PREUVE.

PAR TRINA MOUNIER

O OÙ

retrouver tous  ces spectacles ?

Daniel Michelon ©

Les Clochards Célestes Théâtre du Point du Jour Théâtre de l’Elysée Le Ciel La Renaissance Théâtre de Vénissieux Le Polaris Théâtre Théo Argence Toboggan C.C. Charlie Chaplin Théâtre de Villefranche MC2: Grenoble, etc.

À TOUT ROMPRE, WAS GROUPE

n commence par les tout jeunes qu’on ne connait (sans doute) pas encore. Chloé Bouiller, après le conservatoire de Toulouse, est entrée au GEIQ, dispositif de formation en alternance imaginé, il y a quelque vingt ans, par la compagnie des Trois‑Huit. C’est dans ce cadre que Martha Spinoux, la directrice des Clochards Célestes, l’a vue jouer la première fois, avant de l'inviter pour une carte blanche. « J’en suis sortie bluffée », se souvient‑elle. Et voilà. Martha a proposé à Chloé le statut de compagnie associée pour trois ans. On verra Foutre plein les yeux, une pièce très personnelle qui évoque le déterminisme à l’œuvre dans l’inconscient des filles (et sans doute des garçons, mais là c’est une autre histoire). Ce parcours est révélateur de la manière dont ces jeunes créateurs sortent de l’ombre. Ainsi, les cinq compagnons qui vont jouer sous la direction de Jean‑Philippe Salerio (qui s’était consacré au jeu depuis quelques années) dans Hetero, une tragi‑comédie patriarcale de Denis Lachaud, sortent aussi du GEIQ. Avec Salerio aux commandes, fous rires assurés ! En revanche, Lucile Courtalin qui écrit et joue dans Didi (à l’Elysée) sort de l’ENSATT. Elle nous a conquis dans d’autres spectacles, mais pas encore à l’écriture… Parmi les tout nouveaux, citons aussi Liora Jaccottet et Pascal Cesari, issus de l’École de la Comédie de Saint‑Étienne en 2021, programmés l’an dernier au Théâtre du Point du Jour avec Oh ! Johnny,

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


BÊTES DE SCÈNES

réflexion drôle, tendre et nostalgique sur les fans du chanteur qu’on pourra (re)voir à la MC2: Grenoble prochainement. La jeune garde, c’est aussi Laurie Iversen : après sa sortie de résidence au TNG, elle présente, toujours à l’Elysée, Craving sur la difficulté de se retrouver dans le rôle trouble de parent obligé d’un père alcoolique et dépendant. Mais d’autres compagnies déjà confirmées, et dont le talent n’est plus à démontrer, sont déjà à l’affiche. C’est le cas de la pianiste fantaisiste Jeanne Bleuse (passée, entre autres, par la case CNSM de Paris) qui ensorcelle avec Études, paillettes et fantaisies, un seule en scène virtuose qui s’amuse des codes du classique ; l’autrice Jeanne Benameur, quant à elle, propose avec Présent un regard lucide et tendre sur l’école et son système de notation. Les deux à découvrir à La Renaissance. On pourra se laisser tenter par Déborder, pièce inclusive sur la grossophobie de la compagnie La Grenade, toujours en résidence au Polaris. Ou par Héroïnes, la nouvelle pièce, féministe, cela va sans dire, de Joséphine Chaffin, montée par Juliette Rizoud, une première collaboration prometteuse qui va tourner. Création le 8 décembre à Voiron. On ne manquera pas non plus La Tempête (à Villefranche) vue par Sandrine Anglade et ovationnée l’été dernier dans le Off d’Avignon, ni Alberta Tonnerre, un spectacle de marionnettes de la compagnie des Mutants tendre, beau et intelligent qui tourne dans toute l’Europe (et au Ciel). WAS Groupe enfin, est le nouveau nom

dénicher les talents de demain que se sont donné deux circassiens (Voleak Ung et Vincent Brière) et deux comédiens (Sacha Ribeiro et Alice Vannier) pour inventer ensemble À tout rompre, un spectacle hybride sur la difficulté, l’accident, l’erreur, tous ces empêchements et ces ruptures qui font naître désillusions et peines de cœur mais aussi l’étincelle de la création. Le résultat est à la hauteur… vertigineuse parfois, c’est malin et très abouti ! N'oublions pas non plus le duo Pauline Hercule et Pierre Germain dont Trois notes pour un cerveau enchante et réjouit les cœurs et soyons curieux : la compagnie Demain dès l’aube conduite par Hugo Roux, qui excelle dans l’adaptation de romans, monte Les Raisins de la colère d’après l’émouvant roman de Steinbeck, avec (entre autres) l’excellent Mickaël Pinelli : préparez vos mouchoirs !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


Dorothée Thébert Filliger ©

Dorothée Thébert Filliger ©

BÊTES DE SCÈNES

Les dames de Grémaud CARMEN.

GISELLE…

PAR GALLIA VALETTE‑PILENKO

A CARMEN. 19 > 23 DÉC. GISELLE… 26 > 31 DÉC. Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com

près le formidable Phèdre! vu au théâtre de la Croix‑Rousse la saison dernière, le public lyonnais a rendez‑vous avec le trublion suisse François Gremaud, qui n’aime rien tant que se coltiner des classiques en les ramenant à l’essentiel. Ainsi de Giselle et de Carmen qui arrivent (presque) ensemble aux Célestins. Et pourtant, avoue‑t‑il, « c’est le hasard de la vie » qui l’a fait tomber dedans. Une commande du Théâtre Vidy de Lausanne a tout déclenché. L’idée était de « s’emparer d’un classique pour donner le goût du théâtre aux jeunes des lycées. Avec cette envie de travailler avec un seul comédien pour montrer que le théâtre peut beaucoup avec peu de choses », raconte François Grémaud pour expliquer sa démarche. Toujours « par le hasard de la vie », il a eu la chance d’échanger

avec Samantha van Wissen, « danseuse merveilleuse chez Anne Teresa De Keersmaeker », et l’envie de revisiter avec elle la référence absolue du répertoire romantique, Giselle. Ensuite, la figure de Carmen, autre chef‑d’œuvre mais d’un répertoire différent, s’est logiquement imposée, tout comme la présence de la soprano Rosemary Standley, artiste tout‑terrain et chanteuse du groupe Moriarty. Pour les deux propositions, il a « travaillé d’abord seul à l’écriture du texte avant de le mettre en jeu au plateau » avec les interprètes. Parce que « les corps doivent raconter quelque chose », parce que « le corps raconte autrement » précise celui qui communique beaucoup par le non verbal – son frère est sourd. Si l’on en croit les critiques, autant Giselle… (avec trois points de suspension) que Carmen. (avec un point) font mouche, après Phèdre! (avec un point d’exclamation). La boucle est bouclée et ces trois héroïnes nous apprennent autant qu’elles nous enchantent…

L’épineuse question Faut-il séparer l’homme de l’artiste ? Cette interrogation agite l’histoire de l’art depuis un moment et avec la vague #metoo ce n’est plus de l’agitation mais de l’affolement. Pas étonnant que le Grand ReporTERRE #5, événement initié par le théâtre du Point du Jour autour d’un sujet d’actualité, se soit penché sur la question. Il réunit le metteur en scène et comédien Étienne Gaudillère, la journaliste et productrice Giulia Foïs, un comédien et une comédienne. La proposition, sous forme de discussion avec micro à la table, secoue violemment le cocotier, opposant les questionnements d’un jeune artiste masculin aux faits et chiffres qu’énumère l’animatrice de l’émission Pas son genre sur France Inter, et féministe revendiquée, dans son rôle de journaliste. Très drôle et engagée, cette performance réussit admirablement son coup. Elle répond clairement à la problématique, solides arguments à l’appui… tout en laissant le débat ouvert ! GV-P

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

05 & 06 DÉC. Théâtre de Villefranche theatredevillefranche.com 07 DÉC. La Mouche, Saint-Genis-Laval la-mouche.fr


BÊTES DE SCÈNES

Le fado qui danse

e l b u Tro dans e r n e le g

PAR ÉLISE TERNAT

Après le passage de Monsieur K à la Maison de la danse, retour aux sources cette fois‑ci avec le cabaret Madame Arthur qui se délocalise pour illuminer le plateau du théâtre de la Croix‑Rousse. Avec près d’une cinquantaine de spectacles par an, cet enfant terrible d’après‑guerre - le premier cabaret travesti parisien -, symbole de la culture underground à la française, n’a de cesse de troubler genre et ordre trop bien établis. Envolées de paillettes et de plumes, charme irrésistible et fortes personnalités promettent une série de shows d’exception. Pour les aficionados de Barbara, de Björk, de Stromae ou autre Céline Dion, Bili L’arme à l’œil, Diamanda Callas, La Biche, La Briochée, Martin Pie et bien d’autres divas s’en donnent à cœur joie et à gorge déployée pour offrir un moment gracieux et grivois, irrévérencieux et glamour à souhait. Une heureuse bouffée d’extravagance et de liberté qui ne sera pas un luxe pour envoyer valser la fin d’année.

19 > 23 DÉC. Théâtre de la Croix‑Rousse Lyon 4 croix‑rousse.com

Dérivé du latin fatum (« destin »), le fado est au Portugal ce que le tango est à l’Argentine, un genre musical venu du fond des âges, mais surtout des bouges mal famés de Lisbonne. Classé en 2011 patrimoine culturel immatériel mondial de l’humanité, ce mélange de musiques brésiliennes revues à la sauce portugaise était aussi dansé (fado batido) avant que la dictature ne s’en mêle et le censure parce qu’il défiait par son caractère érotique et provocateur. Depuis la création de leur compagnie, les chorégraphes portugais Jonas Lopes et Patrick Lander alias Jonas & Lander explorent le mélange entre les différents arts avec un accent particulier sur la musique, notamment les rythmes et les percussions. Ils ont créé Bate Fado (2021) pour rendre hommage à cette danse oubliée et, surtout, tenter de la retrouver. Il s’agissait de redonner de la danse à ce genre musical, de lui "rendre ses pas". Véritable laboratoire de recherche sur ce patrimoine culturel, pensé pour quatre danseuses et danseurs, quatre musiciens et un chanteur (Jonas lui‑même), Bate Fado réactive avec humour et poésie cette danse de claquettes et de déhanchements. Oscillant entre la saudade – mot intraduisible qui exprime tout à la fois la mélancolie, la nostalgie et une sorte d’espoir désenchanté – et la pulsion de vie, le spectacle fait voyager les spectateurs au pays « où le noir est couleur ». Des rythmes qu’on n’a pas souvent l’occasion de voir (et d’entendre) mais qui embarquent avec un enthousiasme communicatif ! Paulo Pimenta ©

Bruno Gasperini ©

PAR GALLIA VALETTE‑PILENKO

11 > 12 JAN. 24 Maison de la danse Lyon 8 maisondeladanse.com BATE FADO

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


Agitateur comiques

Alain Doucé ©

BÊTES DE SCÈNES

lesnonalignes.com

13 > 15 DÉC. TNP Villeurbanne tnp‑villeurbanne.com 25 JAN. 24 L’Amphithéâtre Pont‑de‑Claix (38)

MORT D’UNE MONTAGNE

PAR TRINA MOUNIER

À mi‑chemin entre le théâtre documentaire et l’œuvre de fiction, Jérôme Cochet et François Hien, amoureux des sommets, nous parlent de leur passion commune, avec une question centrale : l’amour de la montagne autorise‑t‑il toutes les aventures ? Mort d’une montagne entreprend d’abord de dénoncer un désastre écologique, la fonte des glaciers et ses conséquences dramatiques, notamment pour les populations locales. Mais il s’appuie aussi sur un minutieux travail d’enquête auprès des différentes parties prenantes – scientifiques, maires, préfet, guides de haute montagne, commerçants – dont l’activité tient au tourisme. À partir de ce matériau, les auteurs ont écrit une fiction pour quatre personnages. Joués par des comédiens remarquables, ils campent une famille de passionnés qui a déjà beaucoup donné à la montagne, ainsi qu’une touriste décidée, coûte que coûte, à tenter une ascension extrêmement périlleuse. Les points de vue des "locaux" et de l’alpiniste amateur s’affrontent. La compagnie des Non‑Alignés fait entendre les arguments de chacun, respectueusement. On parle beaucoup, et avec véhémence, dans ce spectacle qui, jamais, ne paraît bavard. Grâce à la mise en scène au cordeau de Jérôme Cochet, on suit passionnément ce roman d’aventures contemporaines aux airs de thriller pendant presque deux heures. La scénographie, par un jeu subtil de tulles, de vidéos et de lumières, crée l’illusion, fait entendre les craquements de la montagne comme les hurlements du vent, et transporte là‑haut. Une incontestable réussite.

13 > 16 DÉC. Ateliers – Presqu’île Lyon 2 tng‑lyon.fr PAR GALLIA VALETTE‑ PILENKO

Si le burlesque vous titille les neurones, le nouvel opus de Guillaume Bailliart et François Herpeux est la bonne solution ! Ces deux‑là se sont rencontrés en 2012 sur Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz ‑ Guillaume Baillart était à la mise en scène ‑ et ne se sont plus (vraiment) quittés… Rappelons que François Herpeux est l’épatant Perceval dans le Merlin de Tankred Dorst, toujours mis en scène par le même Bailliart, et surtout un incroyable et désopilant Malvolio dans la pièce de Tim Crouch (Moi, Malvolio) montée par Catherine Hargraves en 2019. Les voilà qui décident de réaliser ensemble une trilogie loufoque autour de Patrice, incarné par François Herpeux – il est également l’auteur de La Force de la Farce, premier épisode de ce triptyque, qui sera suivi de L’évangile selon Patrice et Le procès de l’humour. Cet humoriste loser qui veut sauver le monde vit en 1977 et s’est donné pour mission de « fabriquer sa propre bible de l’humour interstellaire et de la propulser dans l’espace », comme le fameux Golden Record lancé par la sonde Voyager la même année. Écrite à quatre mains avec l’intelligence artificielle Mich‑L, cette bible a pour but « d’archiver et concevoir la pédagogie du rire la plus subjective du XXe siècle ». Tout un programme quand on connaît le potentiel comique des deux larrons, l’un comme l’autre développant, chacun à leur manière, un goût de l’absurde, de la bouffonnerie et de l’étrange à nul autre pareil.

François Herpeux ©

Au bord du précipice

15 FÉV. 24 L’Aqueduc Dardilly

LA FORCE DE LA FARCE

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


BÊTES DE SCÈNES

post‑ scriptum PAR TRINA MOUNIER

Victime d’honneur

Alexandre Zeff revient aux Célestins avec la mise en scène de Que sur toi se lamente le Tigre, qui valut le Goncourt en 2021 à Émilienne Malfatto. Il quitte Mayotte (siège de son précédent spectacle) pour l’Irak, mais reste dans les histoires sanglantes qui en disent long sur les sociétés où elles se déroulent. Ici l’héroïne est une jeune femme dont l’amant meurt, tué dans la guerre qui ravage son pays. Elle est enceinte. La loi ancestrale est sans appel : son frère doit la tuer pour laver l’honneur de la famille… 30 NOV. > 06 DÉC. Théâtre des Célestins Lyon 2

À l’italienne

Grand amateur de théâtre, le cinéaste Nanni Moretti se lance à 70 ans dans la mise en scène. Il choisit deux comédies douces‑amères de la grande autrice Natalia Ginzburg, très connue de l’autre côté des Alpes. Elle nous raconte dans Diari d’Amore deux histoires banales de couples qui vivent, sinon dans le mensonge, du moins dans les apparences, et s’en contentent. Avec beaucoup d’humour, elle dépeint les conséquences parfois inattendues de ces trahisons et mesquineries… Diari ne veut‑il pas dire « journal » ? Quotidien ? Quelque chose de notre théâtre de boulevard en plus intime et plus… italien ! 30 NOV. > 07 DÉC. TNP Villeurbanne

Retour de bâton

Un spectacle de David Bobée est toujours une promesse de folie, de liberté, de modernité et de musique aussi. Avec ce Dom Juan de Molière, il fait sa fête au grand seigneur séducteur de paysannes et moqueur de pauvres gens. Il le sort de ce XVIIe siècle où il pouvait tout se permettre pour l’introduire à l’ère #metoo, nettement moins folichonne pour les coureurs de jupons ! Mais ne vous y trompez pas, Bobée suit Molière à la lettre… 06 > 08 DÉC. MC2: Grenoble (38)

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


TRAJECTOIRES

lacomedie.fr

Le théâtre doit être joyeux

Valérie Borgy ©

PAR TRINA MOUNIER

COMÉDIE DE SAINT‑ÉTIENNE (42) L’ÉVANGILE SELON BILL 13 > 21 DÉC. LE JEU DE L’AMOUR ET DU HASARD 16 > 27 JAN. 24

AILLEURS SALTI 06 > 14 DÉC. TNP Villeurbanne

FAJAR 23 > 25 JAN. 24 MC2: Grenoble (38) 07 > 08 FÉV. 24 Comédie de Valence (26)

CELA FERA TROIS ANS EN MARS QUE BENOÎT LAMBERT DIRIGE LA COMÉDIE DE SAINT‑ÉTIENNE. CE GRAND CDN ABRITE EN SON SEIN L’UNE DES RARES ÉCOLES SUPÉRIEURES NATIONALES DE THÉÂTRE. DANS UNE MAISON À LA HAUTEUR DE SES MISSIONS, UN OUTIL DE TRAVAIL FANTASTIQUE POUR SON DIRECTEUR.

Pour vous, c’est une responsabilité colossale.… BENOÎT LAMBERT La présence de l’école dans le théâtre a été fondamentale dans mon choix de venir à la Comédie. Je suis heureux qu’on ait transformé la troisième année en centre de formation d’apprentis. Les étudiants ne sont pas seulement en train de se former mais ils travaillent déjà. Et ils découvrent concrètement la vie d’un centre dramatique. Cette école est organisée de façon singulière car marrainée ou parrainée par un(e) artiste, c’est une richesse folle !

En quoi est‑ce un métier ? BL Parce qu’il s’apprend. C’est paradoxal car on a l’espoir qu’ils inventent quelque chose qui n’existe pas encore. On a, par contre, à leur transmettre des méthodes, des techniques, une disponibilité à jouer. Il faut d’abord construire un corps apte au jeu, un corps dont l’une des premières fonctions est de parler. Parler sur scène n’est pas parler dans la vie. Il faut des opérateurs de transformation. En apparence, un acteur ne sait rien faire de particulier, à la différence d’un virtuose du violon. L’acteur vient témoigner pour l’humanité commune. Une forme de présence simple, mais être là, présent, incarner n’importe qui, le premier venu, un quidam, le prochain, ça s’apprend en exerçant son corps et son esprit, notamment par la fréquentation de la littérature dramatique. On essaie d’apprendre le comment mais aussi le pourquoi. Comment construisez‑vous votre programmation ? BL D’abord je ne la construis pas seul, mais dans le dialogue avec Sophie Chesne [la directrice adjointe, ndlr] sur la base des propositions qu’elle apporte. Quelques principes nous guident : surtout, ne pas être dans la promotion d’un style. Il me paraît fondamental que, dans ce lieu, on puisse voir toutes sortes de choses, ce qui ne veut pas dire tout et n’importe quoi, ni qu’il en faut pour tous les goûts. L’appétence pour le théâtre se construit dans l’hétérogène. C’est ainsi que des artistes aussi différents que Gérard Watkins et Baro d’Evel, Sylvain Creuzevault et Maëlle Poésy se côtoient dans la programmation. Sans oublier que nous sommes là d’abord pour divertir. Il y a une forme de joie et de plaisir dans la représentation. C’est là tout l’art théâtral. Vous reste‑t‑il du temps pour créer ? BL Oui, vraiment, mais je le dois à l’équipe de la Comédie, une maison très expérimentée qui attend que la création soit au cœur du projet. C’est fondamental. On verra bientôt à la Comédie L’Évangile selon Bill, co‑écrit avec Emmanuel Vérité et Le Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux. Hétérogène !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24



PAR EMMANUELLE BABE

LES DIMANCHES SOIRS VOUS DÉPRIMENT ? FONCEZ VOIR MORGANE BERLING : DANS SON PREMIER SEULE EN SCÈNE, CETTE DRÔLE DE FÉE DE 22 ANS RACONTE SES TOURMENTS DE JEUNE ADULTE. MÊME LES VIEUX RIENT !

LE SPECTACLE DE

CE QUE L’ON DIT SOUVENT DE TOI

YASSINE JEMATTE, AU FIL.

« TU VEUX PAS GRANDIR

TON DERNIER FOU RIRE ?

UN PEU ?!? »

IL FAUT CHOISIR : FORESTI OU ELMALEH ?

TON LIEU PRÉFÉRÉ À LYON ?

FORESMALEH…

LA CROIX‑ROUSSE !

ET PIERRE RICHARD !

SI TU AVAIS DIX MINUTES À PERDRE ?

TROIS MOTS POUR DÉCRIRE L’ÂGE ADULTE ? UN SEUL : L’ENNUI.

VÉRIFIER QUE LE DERNIER BOUQUIN DE SARKOZY CALE BIEN LES MEUBLES.

TA PLUS GRANDE EXTRAVAGANCE ?

TON PROVERBE FÉTICHE ?

JOUER EN FACE TO FACE AVEC UN SEUL SPECTATEUR QUI COMPRENAIT À MOITIÉ LE FRANÇAIS.

FAUT PAS POUSSER MÉMÉ DANS LES CADDIES !

TES INSPIRATIONS POUR ÉCRIRE ?

QUAND TU ES SUR SCÈNE…

MA VIE, MA MÈRE

… JE M’ÉPANOUIS.

ET ETIENNE GACHET.

@morgane.brlg MORGANE BERLING > 24 DÉC. Le Boui Boui Lyon 5 bouiboui.com

QU'EST‑CE QUE TU NE SAIS PAS FAIRE ? MES LACETS ET DES BLAGUES Janis Aroling ©

À LA MOULINETTE

Morgane ne veut pas grandir

DE CUL.

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24



Paul Kircher

LE CINÉMA PEUT‑IL EMBARQUER SON PUBLIC DANS UNE RÉFLEXION SUR UNE SOCIÉTÉ PLUS SOLIDAIRE ET ÉCOLOGIQUE ? DEUX FILMS RÉCENTS EXPLORENT LA QUESTION : ESSAI TRANSFORMÉ D’UN CÔTÉ, MAIS RATÉ DE L’AUTRE.

LE RÈGNE ANIMAL

O

PAR MARTIN BARNIER ET VALÉRIE LEGRAIN‑DOUSSAU

LE RÈGNE ANIMAL Thomas Cailley Sortie : 4 octobre 2023 UNE ANNÉE DIFFICILE Olivier Nakache et Éric Toledano Sortie : 18 octobre 2023

n ne va pas se raconter d’histoires : le dernier Nakache et Toledano passe à côté du propos. Une année difficile commence pourtant avec une scène très forte dans laquelle un groupe d’écologistes activistes tente de bloquer le Black Friday dans un magasin. Ce jour‑là, rien ne peut empêcher la frénésie compulsive de consommateurs prêts à tout pour arracher le dernier écran plat. Malheureusement, le soufflet retombe assez vite. Les losers surendettés du film (Pio Marmaï et Jonathan Cohen, en pleine forme) ne semblent jamais atteindre la conscience de l’urgence écologique. Ils n’intègrent le groupe militant que pour profiter des bières gratuites, puis par attirance amoureuse pour la leader du groupe. Interprétée par Noémie Merlant, elle vit seule dans un immense appartement bourgeois et n’agit, elle, que par culpabilité. Les familles les plus riches de Paris donnent leurs meubles anciens (voire un chien empaillé !) pour se débarrasser de l’amoncellement de leurs biens. L’écologie n’est au fond qu’un prétexte et on s’interroge sur le message du film, y compris dans la scène finale : un Paris confiné, vide pourrait laisser croire

à une ère nouvelle… mais qui n’aura duré qu’un temps. Un monde en mutation dans un futur proche, c’est le thème du film de Thomas Cailley, Le Règne animal. Ici, certains humains se transforment en animaux. Sous des dehors de science‑fiction, ces histoires de survie et de métamorphoses interrogent la cohabitation entre l’humain et d’autres formes de vie. Mélangeant les genres, entre séquences très drôles à l’humour burlesque et moments d'extrême violence telle cette chasse aux allures de lynchage, le film pose des questions politiques essentielles. Qui sont les monstres : ceux qui en ont l'apparence ou ceux qui les traquent ? Faut‑il hybrider l'homme et l'animal pour que cesse la destruction de notre seul lieu de vie, la Terre ? La forêt est‑elle le refuge ultime ? Le Règne animal est également un film magnifique sur la relation entre un père (Romain Duris) et son fils (Paul Kircher). La première scène est une dispute dans laquelle le second refuse d’écouter le premier et sort de la voiture en claquant la porte. Dans la dernière, le père ouvre cette même portière pour rendre la liberté à son fils. Ce ne sont plus des super héros qui vont sauver le monde mais des humains respectueux les uns des autres, de leurs différences et de leur liberté.

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24

Nord Ouest Films / Studio Canal / France 2 Cinéma / Artémis Productions ©

HORS CHAMP

Le cinéma se met au vert



LETTRES & RATURES

PARCE QU’IL TIENT DANS LA MAIN MIEUX QU’UN SMARTPHONE, QU’IL EST L’OBJET PARFAIT POUR APPRENDRE, FAIRE RÊVER ET PENSER DE NOUVEAUX MONDES, PARCE QU’IL N’Y A RIEN DE PLUS SENSIBLE QUE LE PAPIER ET RIEN DE MOINS PÉRISSABLE QUE LE SOUVENIR D’UNE LECTURE, LE LIVRE DEMEURE LE CADEAU LE PLUS OFFERT À NOËL. VOICI QUELQUES IDÉES POUR ORIENTER LE PLAISIR DE DONNER ET LA JOIE DE RECEVOIR…

Beaux livres cherchent hotte PAR MARCO JÉRU

L

es dés sont jetés, les prix nationaux décernés : le Goncourt à une éblouissante romance sur fond de chronique italienne du XXe siècle (Veiller sur elle de Jean‑Baptiste Andrea), le Femina à un poignant témoignage sur l’inceste (Triste Tigre de Neige Sinno) et le Renaudot à Ann Scott pour un roman sur la solitude d’une compositrice de musiques de films (Les Insolents). Les recalés obtiennent néanmoins un joli succès d’estime, de l’écolo‑utopique Humus de Gaspard Koenig au subtil portrait de femme(s) de Sarah, Suzanne et l’écrivain d’Éric Reinhardt, en passant par la vibrante chronique sur les bagnes d’enfants (L’Enragé de Sorj Chalandon). Livres auxquels j’ajouterais Le Cœur ne cède pas de Grégoire Bouillier (après son incroyable Dossier M), Le Chien des étoiles de Dimitri Rouchon‑Borie, La Fête des mères de Richard Morgiève et La Foudre de Pierric Bailly. Côté étranger, mentionnons le bouleversant Silence de Dennis Lehane (roman noir qui prend pour toile de fond l’Amérique des années 1970), le bukowsko‑fantien Fuck Up d’Arthur Nersesian (jamais traduit depuis sa parution en 1997), la drôlatique dystopie L’Ultime Testament de Giulio Cavalli, les ultimes œuvres de Cormac McCarthy (Le Passager et Stella Maris), les très autobiographiques Éclats de Bret Easton Ellis, les fantastiques et sulfureuses nouvelles de l’Argentine Mariana Enriquez

(Les Dangers de fumer au lit), l’ensorcelante enquête familiale gonzo de la Péruvienne Gabriela Wiener (Portrait Huaco) et la flippante anticipation de l’Américaine Celeste Ng (Nos Cœurs disparus), où un état liberticide quasi‑trumpien fait rimer étranger avec danger et littérature avec censure... Côté BD, la moisson annuelle a également révélé son lot de pépites : pour son scénario dystopique (d’après Loïs Lowry), Passeur de P. Craig Russell ; pour sa beauté graphique, L’Encre de la Suissesse Anna Sommer ; pour son fantastique hallucinatoire, le troisième et dernier tome de Dédales de Charles Burns. Au rayon manga, Adieu Eri est une ode au cinéma, la trilogie Horizon une variation douce‑amère sur deux enfants dans un monde en guerre (tiens, donc) et Le Clan des Poe, un hymne à la culture gothique. Onimbo ravira quant à lui les fans de yôkai et Suburban Hell ceux d’univers horrifiques. Côté comics, signalons le polar vampirique Killadelphia, l’apocalyptique The Nice House on the Lake et le (presque) post‑apocalyptique Frontier de Guillaume Singelin. Et pour en finir du 9e art à la hache comme Histoire (celle qu’il convient d’étudier pour ne pas la répéter), La Dernière Reine de Rochette nous emmène dans l’entre‑deux‑guerres, Golden West de Christian Rossi sur les traces de Geronimo, La Callas et Pasolini, un amour impossible sur celles de la diva et du divin poète‑cinéaste. Nous laisserons ainsi L’Enfer à Dante, en saluant les frères Brizzi pour leur adaptation graphique. Joyeuses fêtes !

ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


STREET ART

URSHTRAY LE DENTELIER

LASCO

LE STREET MUSÉE

CHRISTÈLL.T & SEDLEX

SOHAN STREET

S I O M U D PAR MISS PRETTY LITTLE THINGS ET ENNA PATOR

GEN_IART

SAVEUR GRAFFIK EMEMEM

BUST THE DRIP ARKUCHI #39 DÉC. 23 / JAN. 24


20 CREVETTES CRUES 800 G DE PANAIS 300 G DE POMMES DE TERRE 1 OIGNON 1 GOUSSE D’AIL 30 G DE BEURRE 1 CITRON CIBOULETTE FRAICHE CISELÉE PAPRIKA (1 CÀC), NOIX DE MUSCADE SEL ET POIVRE

PAR LES SOREUSES

25 MINUTES

4 PERSONNES

Fooddenou ©

Avec les fêtes, huîtres, truffe, foie gras et consorts fatiguent la mandibule. On déguste, on sauce, on gloutonne, on bamboche tels des Gargantua. Mais las de trop de bombance, laissons place au panais avec son minois de carotte pâlotte. On pluche un bel oignon jaune qu’on rissole au fond de son écuelle. C’est le tour du sieur panais qu’on marie à nos pommes de terre coupées menu. On sale le pot et on plonge fissa dans l’eau les joyeux lurons, ça bout peinardement 20 minutes… le temps pour le vieil légume de se refaire une beauté ! Entrée en scène de nos damoiselles à longues moustaches. On va leur refaire le portrait ! Une noix de beurre et notre ail pressé frétillent déjà dans la poêle. Il est temps de jeter nos crevettes déshabillées qui, toutes prudes, rosissent déjà. Les belles adorent le panache, on s’affaire à bien faire en saupoudrant de paprika. Un dernier coup de fard et on les mouille de jus de citron. On remue le tout et on laisse frémir encore 5 minutes sur le feu. Dans le pot, panais et tubercules sont fin parés et mixés en un onctueux velouté. C’est pas tout, on verse la noix de muscade fraichement râpée et une bonne lichette de beurre. L’heure de la revanche sonne : dans nos plus belles assiettes, une bonne louche de velouté où se lovent nos pimpantes crevettes pailletées. Petite pluie de ciboulette ciselée et une pincée de paprika pour l’apparat. Y a plus qu’à… Notre panais est vengé, ce soir il va nous illuminer !

30 MINUTES

Velouté panais & crevettes

POPOTE(S)

PAR PONIA DUMONT

Horizontalement

jugeote

1. Viennois ou de lune, voire grandissants. 2. Geste de générosité. Pas facile à construire. 3. Sont censés en sortir "prêts à l’emploi". Sous‑marinier célèbre… en proie au mal de mer ? 4. État de prostration avancée. 5. On y taillait des costumes ! Mode de conservation peu recommandable. 6. Demandez à Queneau, Perec ou Calvino les clés de cet "ouvroir potentiel" de création littéraire ! Hors de l’usage commun, sauf journellement… en composition. 7. Originaire. S’approprie indûment un territoire. 8. C’est bien lui. Haut lieu estudiantin parisien plus connu que son Chevalier. 9. Espèce de palmier. Chauffeur égyptien. solutions 10. Hérésiarques anciens chez les chrétiens d’Orient. arkuchi 38

Verticalement

A. Vieil Écossais. B. Regimbe. Espace de réception très en vogue au siècle de Louis XIV. C. La fileuse qui mit Hercule à genoux. Est juste après. D. Victime de Zeus, elle rumine toujours sa vengeance. Tif indocile. Possède. E. À la pointe du dernier cri. Col italien. F. Jetterons à tout vent. G. Dès sa venue, les jours diminuent. Peinture avant‑gardiste. H. Pas des plus malignes, les pauvres ! I. Familiarité pronominale. Table appréciée des écoliers. Symboliquement rouge. J. Détacheras.

ARKUCHI #39

DÉC. 23 / JAN. 24

C AN D E L A B R E E X E P I N E U X R E P L I E E S C T L O T S O L E I MA G E E S E S F A C E R E P A S I D E A L I S E I C O R N E T L I V AN T U T E L L E T E L R A S E E S



OÙ TROUVER

Annecy Bonlieu. Bourg‑en‑Bresse Théâtre de Bourg‑en‑Bresse. Bourgoin‑Jailleu Les Abattoirs. MBJ (Musée). Maison de Launay. Office de Tourisme. Brignais Le Briscope. Bron Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire‑et‑Cuire Cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant‑Bellevue. Chalon‑sur‑Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan Théâtre. Chazelles‑sur‑Lyon Musée du Chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L’Aqueduc. Décines Le Toboggan. Écully Écully Cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Médiathèque. Firminy Site Le Corbusier. Francheville L’Iris. Grandes Voisines. Givors Médiathèque Max Fouché. Théâtre de Givors. Gleizé Hangar 717. Grenoble MC2. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À Chacun sa tasse & Tomé. L’Atelier Item. À Thou bout d’chant. Archipel. Art Génération. Atelier Terreaux. Bar 203. BistrO d’à côté. Bloom. Boîte à café. Boulangerie des Chartreux. CAUE Rhône. Chasseurs d’influences. Chez Grégoire. Cinéma Polycarpe. Clef de Voûte. Condition des Soies. Delicatessen. Diable!. DogKlub. DRAC Auvergne‑Rhône‑Alpes. Fromagerie BOF. Galerie Ceysson & Bénétière. Galerie Cinéma Lumière. Galerie Françoise Besson. Galerie Mainguy. Galerie Nörka. Kraspek Myzik. L’Âne sans queue. La BF15. La Bonne Gâche. La Corniche. La Madone. La Menuiserie. La Salle de Bains. Le Bal des Ardents. Le Bleu du Ciel. Le Livre en Pente. Le Morfal. Le Réverbère. Le Voxx. Léon de Lyon. Les Artpenteuses. Les Clochards Célestes. Les Sœurettes. Les SUBS. Librairie À Soi.e. Librairie Ouvrir l’œil. Maison Nô. Mangiabuono. Manifesta. Matisse. Mongi Guibane. Ô Tao Bom. Opéra de Lyon. Petit Bleu. Pilo Hôtel. Première Loge. Prêt à Manger. Radio Canut. Rés. Villemanzy. Sans Contrefaçon. SK‑FK (Skunkfunk). SOÉM. Sofffa Terreaux. Spacejunk. Tikki Records. Un Brin de folie. Village des Créateurs. Lyon 2 Agnès B. Archives Municipales. Atelier Parfumé. Autour de l’Image. Benoit Guyot. Boulangerie Saint‑Marc. Chez Camille. Cité de la Gastronomie. CJB. Cycles Marchi. Docks 40. Fondation Bullukian. Galerie Dettinger. Galerie Em’Arts. Galerie O. Houg. Galerie SLIKA. Galerie Tatiss. Hard Rock Café. Hôtel 71/Heat. La Cloche. Librairie Adrienne. Librairie des Arts. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Librairie Passages. Marché Gare. MJC Confluence. Musée des Confluences. Musée de l’Imprimerie. Omart. Ories Galerie. Repetto. Strate Design. Théâtre‑Comédie Odéon. TNG‑Les Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre des Marronniers. UCLY. Lyon 3 Auditorium de Lyon. BM Part‑Dieu. Café du Rhône. École E. Cohl. Gnome et Rhône. Hooper. Les Assembleurs. Mademoiselle Rêve. Métropole de Lyon. Pieds‑Compas. Poltred. Salle des Rancy. Tandem. Lyon 4 1150 Vintage. Agend’arts. Aquarium Ciné Café. Aux Trois Cochons. BM du 4e. Bistrot fait sa Broc. Bistrot des Voraces. Boîte à Vape. Bonnesœurs. Büfé. Burning Cat. Canuts & Les Gones. Café Bouillet. Cavavin. Cave Tabareau. Cave Valmy. Chez Robert. Chez Simone. Coop du Zèbre. Diable Rouge. ESPÉ. Fromagerie Galland. Galerie Vrais Rêves. KLS Lunettes. L’Assiette du vin. La Torpille. La Valise d’Élise. Le Grain de Folie. Labelalyce. LaBd. Maison Jolivet. Momento Café. Ô Fournil des Artistes. Paddy’s Corner. Sibilia. Théâtre de la Croix‑Rousse. Un Grain dans le Grenier. Villa Gillet. Vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. Ames Sœurs. Armada. Atelier Marinette. CRR de Lyon. École de Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. Food Traboule. L’Œil Écoute. Librairie Virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJC du Vieux‑Lyon. MJC Saint‑Just. Musées Gadagne. Le Sonic. Théâtre du Point‑du‑Jour. Lyon 6 BM du 6e. Institut Vendôme. Jobaar. Librairie Le Rameau d’Or. MAC Lyon. Taggart. Via Barcatta. Lyon 7 Arts en Scène. Atelier Chalopin. Bibliothèque Diderot. Bistrot des Fauves. Café Botani. CHRD. Cinéma Comœdia. COREP. EAC Lyon. École de Condé. ENS. La Commune. Le Court‑Circuit. Le Flâneur. Galerie Tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kult. Librairie La Madeleine. Librairie La Voix aux Chapitres. Le Ciel. Librairie Rive Gauche. Livestation DIY. Mama Shelter. Mimo. Mowgli. Plasma. Sofffa Guillotière. Théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Institut Lumière. Maison de la Danse. Médiathèque de Bachut. MJC Monplaisir. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. Cave Valmy. Ciné‑Duchère. CNSMD. Fondation Renaud. L’Attrape‑Couleurs. Les Mangeurs d’Étoiles. Médiathèque de Vaise. Musée Jean Couty. TNG. Mâcon Cave à Musique. Musée des Ursulines. Théâtre de Mâcon. Miribel L’Allégro. Mornant Espace Jean Carmet. Neuville‑sur‑Saône La Maison Jaune. Médiathèque. Oullins La Mémo. MJC d’Oullins. Théâtre de La Renaissance. Pierre‑Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. Triolet. Rillieux‑la‑Pape CCNR. Ciné‑Rillieux. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJC Ô Totem. Saint‑Étienne Cité du Design. Comédie de Saint‑Etienne. La Comète. Le Fil. MAMC. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint‑Étienne. Saint‑Fons Médiathèque Roger Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Saint‑Genis‑Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint‑Priest Cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. Théâtre Théo Argence. Saint‑Vallier Ciné‑Galaure. Sainte‑Foy‑lès‑Lyon Bibliothèque. Ciné‑Mourguet. Tassin‑la‑Demi‑Lune Cinéma Le Lem. L’Atrium. Librairie Pleine Lune. Médiathèque. MJC Omega. Valence Comédie de Valence. Vaulx‑en‑Velin C.C. Charlie Chaplin. Cinéma Les Amphis. École d’architecture. ENTPE. Planétarium. Vénissieux Bizarre! C.A.P. Madeleine Lambert. Cinéma Gérard‑Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux. Vienne Théâtre de Vienne. Villefontaine Le Vellein. Villefranche‑sur‑Saône Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Conservatoire. Galerie Le 116art. Librairie des Marais. Musée Paul Dini. Office du Tourisme. Théâtre de Villefranche. Villeurbanne Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace Tonkin. Institut d’art contemporain. La MLIS. Le Rize. Librairie Carbone. Pôle Emploi Scènes & Images. Pôle Pixel/Studio 24. Théâtre Astrée. Théâtre de l’Iris. TNP. Toï Toï Le Zinc. Transbordeur. URDLA... Mais aussi dans les mairies, bibliothèques, MJCs, hôtels,...

VOUS VOULEZ DIFFUSER ARKUCHI ? C'EST GRATUIT ! FAITES-NOUS SIGNE, CONTACT.ARKUCHI@ORANGE.FR


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.