ARKUCHI #40 JANVIER/FÉVRIER 24

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JAN. / FÉV. 24

gratuit

#40

art culture architecture



N 40 °

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DÉVIATION

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C Dans L’Air

• Carole Thibaut au TNP • Julie Deliquet aux Célestins

TOURS & DÉTOURS Art en sous-sol

Blandine Soulage ©

Dans le Rétro… Dans le Viseur

À LA MOULINETTE La cold rageuse de Vale Poher

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Festivals

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Hors champ

Gilles Perret

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Le Street Musée du mois

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Enna Pator ©

Popote(s) & Jugeote

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Guillaume Ducreux Des mondes fantasmés

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Carte blanche

Munstrum Théâtre

Gratuit • Toutes les 6 semaines Diffusion : plus de 400 lieux Lyon, Métropole & Rhône‑Alpes Édité par La Plume d’icKar S.A.S. au capital de 1 000 € ‑ 18 rue Belfort 69004 Lyon Direction de la publication ‑ Rédaction en chef Anne Huguet ‑ 06 13 07 06 97 Secrétariat de rédaction : Emmanuelle Babe Ont participé à ce numéro Martin Barnier, Blandine Dauvilaire, Nadège Druzkowski, Ponia DuMont, Émiland Griès, Marco Jéru, Valérie Legrain-Doussau, Miss Pretty Little Things, Trina Mounier, Irène Rigaldiès, Florence Roux, Les Soreuses, Gallia Valette-Pilenko, Laurent Zine Illustration de couverture : Guillaume Ducreux Publicité : mag.arkuchi@gmail.com 06 13 07 06 97 Conception et mise en page Impression : FOT

LES VOIES DE LA LIBERTÉ

EXPOS Tous les visages de Jean Moulin Art brut à Villefranche, Jean-Baptiste Carhaix à la BmL, Les belles ruines au MBA, Laurent Mulot, Édith Roux…

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Bêtes de Scènes

Aurélien Bory, David Coria, Lucie Rébéré, Baro d’evel, Kery James, Julie Ménard, Kim Noble, etc.

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Bâtisseurs rêveurs

Sport et littérature

Forme & Fonction

contact.arkuchi@orange.fr

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Philippe Somnolet ©

MON MANÈGE À MOI Chronique hallucinée

Lettres & Ratures

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Tirage : 15 000 ex. Dépôt légal à parution – ISSN : 2646‑8387 La rédaction n’est pas responsable des textes et photos publiés qui engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés.

ABONNEMENT

7 num./an = 30 eur. Rejoignez la communauté ArKuchi


À L’OMBRE D’ELVIS Sofia Coppola livre Priscilla, un biopic trash et acidulé sur l’époque et le mythe. La fan devenue la femme de Presley – et la productrice du film – lève le voile sur la face cachée du King. Faux conte de fées et règlement de compte ? En salle depuis le 3 janvier

découverte

Affres et fulgurances, travail d’une jeune actrice avant une audition. C’étaient les vers de Phèdre dits par Lou Bernard-Baille, La Brillante, dirigée par un Olivier Maurin très inspiré. Drôle et émouvant. Une pépite de l’Élysée.

CINÉ

Le quotidien routinier d’un homme faussement ordinaire sur une somptueuse playlist. Wim Wenders signe, avec Perfect Days, un portrait intimiste en forme de balade urbaine dans un Tokyo étonnamment humain. Sublime. À (re)voir.

À FLEUR DE PEAU

DANS LE RÉTRO...

PAR ÉMILAND GRIÈS, ANNE HUGUET, TRINA MOUNIER, IRÈNE RIGALDIES, FLORENCE ROUX

Master Mind ltd ©

chaises musicales Gérard Lecointe parti à la retraite, La Renaissance accueille son nouveau directeur Hugo Frison qui arrive du Diois. La Mouche perd aussi sa directrice : Mathilde Favier rejoint la team de la future Cité Internationale des Arts du Cirque.

BOOK

Playformances Les SUBS sortent du cadre avec Sauve Qui Peut La Vie. Trois semaines de friction entre jeux vidéo, chercheurs, artistes, stand-up et master class. Avis aux gamers !

CONFESSION

Bien au-delà du récit de l’inceste qu’elle a vécu enfant, Neige Sinno nous entraîne, avec Triste tigre (P.O.L., août 2023), dans l’exploration de sa pensée curieuse, infiniment littéraire. Et dans ce texte tissé d’autres voix que la sienne, pourtant si forte.

24 JAN. > 11 FÉV.

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ÉCRANS MIXTES 2024

Des podiums aux planches, Martin Fourcade fait le show avec Hors-piste, mis en scène par Matthieu Cruciani. Un seul en scène bluffant pour parler biathlon, gagne, éthique et de ce grand frère Simon. Vu aux Célestins.

champion

... DANS LE VISEUR

Cinéma queer Lyon & Métropole 06 > 14 MARS

dans   les   oreilles Medecine, François Virot Run Run Run, The Libertines Grace, IDLES

INCUBATION Dorothée Richard ©

Omart dévoile le nom des 10 artistes issus de la nouvelle scène artistique locale qui seront accompagnés en 2024. Du beau monde du street art (Boun Ka, Toki, Spirale…), mais aussi Dorothée Richard et Charlène Planche. C’est Kairos qui ouvre le bal à l’omarterie.

A  chaud Des rencontres du 3 e type au Marché Gare pour faire se télescoper actus littéraires et performances. Avec Prélude à son absence, Robin Josserand propose le Mala Noche de Gus Van Sant comme un prolongement à son ouvrage. On teste ? 23 JAN. Marché Gare NOUVEAUTÉ

ORGIE DE MOTS Dans Les Personnages de la pensée,

une avalanche de mots débaroule trois heures et demie durant sur le plateau, comme autant de performances d’acteurs. Sublime et incompréhensible, Valère Novarina tel qu’en lui-même ! 23 > 27 JAN. TNP Villeurbanne GRANDE CLASSE Trio de choc pour What will have

been : les Australiens de CIRCA mettent toujours aussi haut la barre entre acrobaties époustouflantes, esthétisme graphique et musique classique. On retient son souffle. 26 JAN. Théâtre de Vénissieux 27 JAN. Théâtre de Roanne (42) 11 FÉV. Radiant-Bellevue DÉCHIRANT L’épisode du Radeau de la Méduse,

immortalisé par Géricault, en live aux Célestins par Les Bâtards dorés. Méduse comme si vous y étiez. Au milieu d’une mer déchaînée avec les larmes, la terreur, la violence, et même le procès du capitaine… 31 JAN. > 09 FÉV. Théâtre des Célestins MÉTAMORPHOSE Cinq ans après avoir poussé la

chansonnette avec brio dans Hen, Johanny Bert signe avec Fucking Eternity un oratorio lyrico-punk débridé, dont il est l’ange magnifique déchu. Création très attendue. 06 > 10 FÉV. Théâtre de la Croix-Rousse

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C DANS L'AIR

EX MACHINA

Performeuse de choc PAR TRINA MOUNIER

CAROLE THIBAUT EST COMÉDIENNE, METTEUSE EN SCÈNE ET DIRECTRICE DU THÉÂTRE DES ÎLETS (CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL DE MONTLUÇON). AVEC EX MACHINA, ELLE SE MET EN SCÈNE DANS UN SOLO TRÈS PERSONNEL, INTIME, À VOIR AU TNP.

Parlez-nous un peu de votre parcours professionnel qui est au centre de ce spectacle. CAROLE THIBAUT Depuis une quinzaine d’années, j’interprète des solos où je me prends comme sujet d’expérimentation. J’écris beaucoup à partir de rencontres pour m’ouvrir à d’autres histoires humaines. Mais c’est en cherchant à parler de moimême, de manière plus intime, que j’ai commencé à travailler la question du genre et du pouvoir. J’ai débuté comme comédienne dans les années 1990, alors que #MeToo n’était pas encore passé par là. À l’époque, je faisais figure d’exception un peu étrange face à des metteurs en scène et des directeurs de théâtre presque exclusivement masculins. Puis j’ai accédé à la direction d’une institution publique, un endroit de pouvoir personnel, même s’il s’agit du plus petit CDN de France, en zone rurale, alors que j’avais toujours travaillé en banlieue parisienne.

Quel lien avec Ex Machina ? CT Ex Machina parle de la traversée de ces contradictions et de mon expérience intime, car c’est par là qu’on touche au politique et à l’universel. Il aborde un parcours lié profondément à l’histoire de la domination masculine, notamment à travers une manière stéréotypée de regarder les femmes. Toutes les affaires qui remontent aujourd’hui du monde du cinéma montrent à quel point cela peut être violent. J’y interroge donc comment être actrice tout en étant directrice, c’est-à-dire en tant que femme représentant le pouvoir. Sans tricher sur les difficultés, la tentation de l’autocensure… Cette sincérité m’amène à casser l’image de la directrice. Pourquoi parler de solo-performance ? CT C’est un solo très écrit mais qui m’amène à traverser des états de corps particulièrement poussés

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Heloise Faure ©

C DANS L'AIR

L’artiste n’arrête pas de faire bouger les lignes

30 JAN. > 03 FÉV. TNP Villeurbanne tnp-villeurbanne.com

qui viennent bousculer les représentations d’une directrice d’institution. Et c’est une performance dans la mesure où ça me met en jeu de manière intime. Il y a la dimension de l’écriture poétique mais en même temps ça parle de moi, de mon rapport avec ce métier, de mon rapport avec mon père. C’est dans ce sens que c’est performatif : cela travaille avec mon réel à moi. Je n’ai pas écrit un solo fictionnel. Mais je ne suis pas une performeuse dans le sens où je travaille beaucoup sur l’écriture. Par contre, au plateau, je mets mon corps, mon histoire en jeu. Ce n’est pas trop compliqué par rapport à l’équipe que vous dirigez de casser l’image de la directrice ? CT Non, parce qu’ils savent que je ne triche pas, c’est une équipe où l’on s’entend très bien. Même les autorités de tutelle ont trouvé cela très fort ! Le fait de ne pas faire de la provoc gratuite est fondamental. Je ne suis pas en scène toute nue en train de raconter ma vie. L’artiste est celui qui n’arrête pas de faire bouger les lignes, car lui-même est dans un questionnement permanent au monde. C’est pourquoi il est important de nommer des artistes à la direction de théâtres : ainsi, les théâtres eux-mêmes deviennent des lieux de création.

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s e r u Fig de l a é t i r a c pré PAR FLORENCE ROUX

24 JAN. > 03 FÉV. Théâtre des Célestins Lyon 2 theatredescelestins.com

ADAPTANT AU THÉÂTRE LE CHEF-D’ŒUVRE DOCUMENTAIRE WELFARE DE FREDERICK WISEMAN, JULIE DELIQUET FAIT LE PARI RADICAL ET RISQUÉ DE LA SOBRIÉTÉ. ELLE S’APPUIE AUSSI SUR UNE RESSOURCE EN OR : LE JEU DES COMÉDIENS.

Welfare de Julie Deliquet s’ouvre sur le démontage d’hébergements d’urgence dans un gymnase, là même où les agents de l’aide sociale organisent une journée d’accueil d’usagers démunis. On est en 1973 aux États-Unis : la pièce s’inspire du documentaire éponyme que Frederick Wiseman tourne cette année-là dans un centre d’aide sociale new-yorkais. Le cinéaste a lui-même demandé à la metteuse en scène d’adapter à la scène ce film auquel il trouve « une forte théâtralité, avec des gens qui jouent pour survivre ». Et pourtant. La tension oppressante du film en noir et blanc, ses plans serrés sur des regards désemparés, l’absurde qui sourd et le montage haletant semblent se diluer au plateau, a fortiori dans l’immense Cour d’honneur d’Avignon où la pièce a été créée en juillet dernier. La transposition de Deliquet est sobre, voire sèche, évitant tout effet vidéo, en particulier. Trop ? Les quinze personnages, travailleurs sociaux et exclus, semblent perdus dans ce centre social de fortune. Comme si, cinquante ans plus tard, l’aide sociale était encore plus en danger, prise dans un enchaînement de situations et de difficultés plus insolubles les unes que les autres. Mais, dans l’espace évidé de la scène, les acteurs, brillamment dirigés par Julie Deliquet, jouent comme au bord de la rupture. C’est Astrid Bayiha, en mère divorcée enceinte de son cinquième enfant, Mexianu Medenou en ancien prisonnier sans logement mais non sans charme, Julie André en superviseuse à cran, Vincent Garanger dont le personnage raciste (M. Cooper) pète un câble… Chacun a son heure de gloire, également porté par le collectif théâtral qui se rassemble, lors d’une pause déjeuner, entre paniers de basket, récits de vie et chansons tendres.


PAR LAURENT ZINE

« VIDALA 23 JAN. Amphi Opéra de Lyon BORN TO RAVE 2024 27 JAN. Double Mixte La Doua, Villeurbanne LA COLONIE DE VACANCES 16 FÉV. CCO La Rayonne Villeurbanne

Plus vite, plus haut, plus fort » et sûrement la fièvre au corps, j’ai rêvé que je participais aux JO en mode sonique course contre la montre ! Mais ça se passait bizarrement à Lyon et non à Paris, sans doute parce que c’est là que devait se dérouler cette chronique un brin hallucinée. Super bien entraîné ou dopé (au choix), j’étais manifestement à même de relever le défi. Ainsi ai-je commencé par payer un métro surtaxé pour rejoindre la Soie, afin d’assister à une compétition de Coolitude programmée dans une soirée dark electro post punk. Telle que Grrrnd Zero en organise tous les mois. Et c’est seulement au petit matin que je suis revenu de Vaulx via le fleuve délicatement nettoyé au glyphosate, pour m’essayer à l’épreuve de dos crawlé avec quelques ragondins radioactifs. Une lente dérive jusqu’au centreville, préalablement vidé de ses SDF, bouquinistes, vendeurs à la sauvette et autres créatures, qui font généralement tâche dans Bienvenue à Gattaca. Évidemment grâce à mon patrimoine génétique irréprochable, j’ai réussi à m’évader, le temps d’un concert de musiques populaires d’Amérique latine avec le quatuor Vidala, programmé dans le cadre intemporel de l’Opéra Underground. C’est en sortant Place-de-la-Comédie – qui porte définitivement bien son nom – que j’ai reconnu ma face projetée sur un écran géant, alors que je n’avais pas traversé dans les clous. J’ai immédiatement fui vers l’est en suivant les coureurs du marathon à la trace ! Des centaines de bouteilles en plastique abandonnées sur leur chemin. Et ce n’est qu’arrivé à la Doua, que j’ai enfin pu décompresser dans une chambre estudiantine. Dont les occupants avaient été gentiment éjectés pour que les estivants dans mon genre puissent assister au concours de lancer de disques lors de la nuit Born to Rave au Double Mixte. J’avais croisé partout des panneaux publicitaires France welcome the World ! C’est à ce moment-là que je me suis demandé si mon trip n’avait pas un peu viré au cauchemar. Il s’agissait bien de recevoir le monde mais pas tout le monde. Tant pis pour l’esprit olympique. Tant pis pour la flamme. N’empêche qu’à rêver dans le bruit d’une cavalcade, j’en ai profité pour demander l’asile politique à Villeurbanne. Et rejoindre illico la Colonie de Vacances au CCO La Rayonne. Pour une expérience quadriphonique exceptionnelle : quatre scènes avec quatre groupes dessus (Papier Tigre, Marvin, Electric Electric et Pneu) et nous au milieu ! Un bon moyen de rêver éveillé en ce début d’année. Que je vous souhaite simplement ensoleillée à l’intérieur et solidaire à l’extérieur.

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Enna Pator ©

MON MANÈGE À MOI

Nuit sur le mont Olympe



JEAN MOULIN, LES VOIES DE LA LIBERTÉ > 26 MAI Centre d’histoire de la Résistance et de la Déportation Lyon 7 chrd.lyon.fr

libre PAR BLANDINE DAUVILAIRE

ALLEZ-Y ! Ne vous laissez impressionner ni par le lieu, ni par le sujet, l’exposition Jean Moulin, les voies de la liberté est un hommage plein de vie et de pudeur au héros de la Résistance. La scénographie, très réussie, nous plonge dans une ambiance tamisée qui fait écho au bleu de la Méditerranée. Le visiteur rentre peu à peu dans l’intimité de Jean Moulin, grâce aux nombreuses photos et aux objets inédits, telle sa tenue de ski qui révèle une silhouette plutôt menue pour un aussi grand homme. Son talent de dessinateur est aussi mis en valeur avec ses carnets de croquis et son matériel de peinture. Ponctuées de citations et de textes parfaitement équilibrés, les différentes salles font la part belle aux témoignages vidéo, comme celui de sa sœur Laure. On découvre également l’ordre de mission rédigé par le général de Gaulle, le registre d’écrou de la prison de Montluc à Lyon, ou encore la dernière lettre de Jean Moulin adressée à sa mère et sa sœur. Une exposition à voir absolument.

AUSSI ÉLÉGANTE QUE PASSIONNANTE, LA NOUVELLE EXPOSITION DU CENTRE D’HISTOIRE DE LA RÉSISTANCE ET DE LA DÉPORTATION DE LYON DÉVOILE TOUS LES VISAGES DE JEAN MOULIN. VISITE AVEC ISABELLE DORÉ-RIVÉ, DIRECTRICE DU CHRD.

Pourquoi consacrez-vous une nouvelle exposition à Jean Moulin ? ISABELLE DORÉ-RIVÉ Beaucoup d’historiens continuent de se pencher sur ce personnage complexe et fascinant, notre rôle est de rendre compte de cette recherche historique foisonnante. De plus, Cécile et Gilbert Benoit, ses arrière-petits-cousins, ont découvert dans la maison familiale des vêtements qui appartenaient à Jean Moulin. Nous voulions partager toutes ces découvertes. Quel angle avez-vous choisi ? ID-R Nous dressons un portrait chinois de Jean Moulin, en faisant parler des gens qui l’ont connu ou qui ont travaillé sur son histoire. L’exposition retrace son parcours. Elle est centrée sur les années de guerre et montre un homme qui aime beaucoup la vie. Les documents et objets associés permettent de le découvrir dans toutes ses dimensions. Qu’apprend-on de nouveau sur lui ? ID-R On découvre sa forte appétence pour l’art, lui-même dessine beaucoup et tout le temps, ses carnets de croquis sont magnifiques et il est aussi graveur. C’est un homme sportif qui fait du ski dans les années 1930, ce qui est plutôt rare, on présente sa tenue de ski qui est très élégante. On apprend l’importance de la famille pour lui, notamment de sa sœur Laure, grâce à des photos émouvantes. Et on essaie de rentrer dans le détail de sa mission d’unification de la Résistance, à travers ses échanges avec Londres. Pourquoi est-ce si important d’évoquer Jean Moulin en 2023 ? ID-R Parce qu’il nous parle d’une période extrêmement sombre de l’histoire de l’humanité, de l’Europe et de notre pays, et nous montre que même quand la situation semble quasi désespérée, on voit des gens se relever, s’organiser pour résister, afin que les forces de la liberté et du progrès triomphent. C’est une exposition qui parle d’espoir.

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Philippe Somnolet ©

EXPOS

Vivre


EXPOS

En e g r ma ILENKO

LETTE-P

LLIA VA

PAR GA

PAR EMMANUELLE BABE ET GALLIA VALETTEPILENKO

L’exposition Singuliers théâtres qui se tient actuellement au musée Paul Dini est épatante. Elle réunit au rez-de-chaussée pas moins de douze artistes dits "singuliers", issus de la région ou s’y étant durablement installés. Singulier, outsider, brut, hors normes selon la qualification qu’on lui attribue, le dénominateur commun de cet art est de rassembler des artistes inclassables, atypiques et très personnels. Il faut d’ailleurs saluer l’idée du panneau explicatif à l’entrée de l’accrochage pour débrouiller les différentes appellations et permettre au public de s’y retrouver. Le parcours est plutôt chronologique puisqu’il commence par des images du Palais du facteur Cheval, considéré aujourd’hui comme la première œuvre d’art brut, et se termine par l’artiste Loren qui officie encore dans sa petite galerie lyonnaise cachée dans le quartier de la Guillotière. Cependant, il n’est pas didactique dans ses choix. Au contraire, il instaure des correspondances entre les univers, comme la rencontre entre les sculptures en pierre de lave noire de l’ancien maçon Joseph Barbiero et les incroyables gouaches d’Anselme Boix-Vives. Ou les précieux papiers froissés méticuleusement peints d’Isabelle Jarousse qui dialoguent en creux avec les magnifiques "peintures" texturées et constellées de détails de Marie Morel, à l’incroyable minutie. Les petites boîtes encastrées dans ses toiles font étrangement écho avec Le Théâtre violet de Philippe Dereux ou Les Binettes d’Armand Avril que l’on peut découvrir juste après. Les techniques, les matières, les origines se télescopent joyeusement et des mondes se déploient sous nos yeux. Magnifique !

Les héritiers

Que transmet un artiste à un autre artiste ? C’est la question que pose l’exposition de la Fondation Renaud au Fort de Vaise, en étudiant les filiations lyonnaises de Gustave Moreau (1826-1898), grand peintre symboliste français. On découvre ainsi celle avec Georges Décôte, son élève, après qu’il a gagné le Prix de Paris, puis celle avec Louis Charrat à qui il léguera ses outils. Plus contemporains, le photographe et peintre Claude Grand et, aujourd’hui, Fabienne Comte, co-commissaire de cette exposition La Fabrique du regard, figurent aussi parmi les héritiers de Gustave Moreau. GV‑P > 11 FÉV. Fondation Renaud Lyon 9

Vies en exil

Adagp, Paris, 2023 / Photo Didier Gourbin ©

TELEXxxxxxxx

ANSELME BOIX-VIVES, LA MISE AU TOMBEAU OU CALVAIRE LUNAIRE 1964, COLLECTION MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE CHAMBÉRY

> 11 FÉV. Musée Paul Dini Villefranche-sur-Saône musee-paul-dini.com

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La photographe Edith Roux conduit un travail au long cours pour rendre compte de la situation de la communauté musulmane ouïgoure, persécutée par le régime chinois. Après Les Dépossédés, une première série montrant la destruction aussi méthodique que terrifiante des quartiers ouïgours au Turkestan oriental (exposée à Lyon en 2012), elle s’est intéressée à la diaspora, d’Istanbul à Washington en passant par Paris. Avec Les Exilés, on découvre ces Ouïghours dans leur quotidien, à la fois en phase d’intégration et soucieux de conserver leurs culture et traditions. Tout est à observer dans ces portraits, Edith Roux ayant placé ici et là une référence à de précédents travaux (un livre sur une étagère, une image sur une télévision à l’arrière-plan…) ou le signe d’une surveillance permanente par le régime chinois, même à distance. Les sujets ayant souhaité rester anonymes ont le visage remplacé par une surface spéculaire floue. Le visiteur peut y deviner son propre reflet, comme dans un miroir. Une belle façon de dire la part d’humanité qui nous relie. EB > 02 MARS Le Bleu du Ciel Lyon 1


EXPOS

> 02 MARS Bibliothèque municipale Part-Dieu Lyon 3 bm-lyon.fr

Jeu(x) de mort PAR EMMANUELLE BABE

E

SISTER FRIEDA PEOPLES & SISTER SADIE SADIE THE RABBI LADY, 1984 SÉRIE THE SISTERS OF PERPETUAL INDULGENCE

n 2022, Jean-Baptiste Carhaix donnait à la bibliothèque municipale de Lyon un ensemble d’ouvrages d’art moderne et contemporain, ainsi que 241 tirages de ses photographies. Un signe supplémentaire de l’attachement profond qu’avait le photographe – disparu en mars 2023 – pour la "BmL", laquelle lui rend à nouveau hommage avec une exposition balayant les différentes facettes d’une œuvre bâtie pendant quarante ans. Intitulée La Camarde, personnage allégorique muni d’une faux, elle explore les thèmes de prédilection de celui qui fut également professeur : la mort et la religion chrétienne. La série en noir et blanc Danses macabres reprend pour mieux les détourner les codes des vanités, mettant en scène avec malice des squelettes enlacés ou un crâne recouvert

d’une mantille. Carhaix poursuivra ce travail au mitan des années 2000 avec la série Enfances, dont sont présentés quelques surprenants portraits de fillettes et de garçons costumés arborant des ossements. Si l’exposition donne aussi à voir des séries moins connues (Poétique de Barbie, Bunkers), elle ne peut ignorer ce qui a fait la notoriété du photographe : l’amitié le liant, pour l’éternité, aux Sisters of Perpetual Indulgence, nonnes queer militantes pour les droits des homosexuels nées dans le San Francisco du début des années quatre-vingts. Le sida tue et Carhaix documente l’action de cette drôle de confrérie pour l’agence Sipa. Le photographe et ses sujets ne se quitteront plus. Le visiteur découvre ainsi des photos issues de reportages, mais également de magnifiques et émouvants portraits de Sisters posant sur les hauteurs de la ville.

Un arbre et des hommes Laurent Mulot poursuit ses pérégrinations autour de la planète. Il était encore en mars dernier en Argentine pour, comme à son habitude, suivre des scientifiques qui s’intéressent au cyprès de Patagonie ou Fitzroya cupressoides de son nom savant, alerce en espagnol (« mélèze ») et Lawal en mapudungun (la langue des Mapuches). D’où le nom du projet en diptyque LAWAL QUILCAS, présenté en ce moment à la galerie Françoise Besson qui le soutient dans son entreprise. Le volet 1, exposé cet été à l’ambassade de France à Buenos Aires, circule en Argentine actuellement. Le volet 2, composé de photos, d’installations multimédia et d’une sculpture, restitue cette expérience avec les scientifiques mais aussi avec les communautés mapuches, que l’artiste a rencontrées et qui vénèrent cet arbre depuis des millénaires. Petits et grands formats se télescopent tandis que l’installation Un coup de dés, même de Lawal, jamais n’abolira le hasard, non plus est un malicieux hommage au poète Stéphane Mallarmé, faisant dialoguer Europe et Amérique du sud, le savoir "blanc" et celui des cultures ancestrales. GV-P

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> 05 MARS Galerie Françoise Besson Lyon 1 francoisebesson.com


EXPOS

Les belles ruines

Jean-Baptiste Carhaix, Collection BmL ©

PAR GALLIA VALETTE-PILENKO

La figure de la ruine inspire les artistes et les hommes depuis la nuit des temps. En témoigne cet artefact trouvé dans la grotte d’Hyène (Arcy-sur-Cure), un polypier fossile qui semble être la première attestation d’une volonté de collection – selon l’hypothèse de l’archéologue Leroi-Gourhan. Le visiteur peut le découvrir dans la première partie de l’exposition Formes de la ruine qui se tient actuellement au musée des Beaux-Arts de Lyon. Elle recèle de pépites même si son fil conducteur est un peu abscons pour le néophyte, mais elle s’avère passionnante par sa richesse et la beauté des œuvres exposées. Si l’on retrouve la star du musée Nicolas Poussin, avec sa fameuse Fuite en Égypte, et le grand peintre des ruines Hubert Robert, dont la peinture Vue imaginaire de la Grande Galerie du Louvre en ruines ouvre l’accrochage, d’autres merveilles méritent le détour. Tel ce bois peint de Mathieu Dubus, La Destruction de Sodome et Gomorrhe (vers 1610) qu’on croirait réalisé au XXe siècle par un artiste surréaliste ou ces toiles du Lyonnais Richard Fleury qui laisse certaines parties de ses peintures inachevées. On mentionnera également la saisissante installation de l’artiste syrien exilé en France Khaled Dawwa, une maquette d’un quartier imaginé de Damas totalement bombardé. Stimulantes et foisonnantes, pas moins de trois cents œuvres sont rassemblées : elles questionnent aussi la fascination que les ruines exercent sur les humains depuis les origines.

Museo Nacional Thyssen-Bornemisza-Scala, Florence / Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dali / ADAGP, Paris, 2023 ©

> 03 MARS Musée des Beaux-Arts Lyon 1 mba-lyon.fr

SALVADOR DALÍ, GRADIVA RETROUVE LES RUINES ANTHROPOMORPHES (FANTAISIE RÉTROSPECTIVE), VERS 1931-1932

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RÊVEURS BÂTISSEURS

FORME & FONCTION

L’EXPOSITION UTOPIES D’ARCHITECTES QUE PROPOSE ACTUELLEMENT LE MUSÉE URBAIN TONY GARNIER DE LYON (MUTG) RAPPELLE QUE L’ARCHITECTURE NE SE RÉDUIT PAS AU SEUL ACTE DE CONSTRUIRE. C’EST ÉGALEMENT ET SURTOUT UNA COSA MENTALE (« UNE CHOSE DE L’ESPRIT »), COMME AIMENT À LE RÉPÉTER NOS AMIS TRANSALPINS DEPUIS LEONARDO DA VINCI !

PAR ÉMILAND GRIÈS

C

omme tout processus intellectuel, l’architecture n’échappe pas à l’aventure de l’utopie. Elle anime ceux qui pensent autrement, proposant des solutions innovantes face aux situations injustes. Le mal-logement fait partie de ces injustices. Plaie permanente des sociétés humaines, elle est d’autant plus cruelle qu’elle touche les plus démunis. Dans la région lyonnaise, des architectes précurseurs se sont attelés au XXe siècle à l’amélioration radicale des conditions de vie de ceux qui n’en avaient pas les moyens. Ils laissent dans notre paysage urbain de grands ensembles atypiques, traces tangibles de leurs réflexions et jalons précieux pour les générations qui suivent. Soutenus par des élus tout aussi visionnaires, ces concepteurs ont inventé des bâtiments novateurs, encore habités de nos jours. Avec une exposition riche en archives graphiques et cinématographiques, le MUTG sélectionne quatre d’entre eux, qui ont propulsé certaines villes de la région dans le club restreint de celles ayant osé un habitat social expérimental à grande échelle. Le doyen en la matière est Tony Garnier. Celui qui a créé le statut de l’architecte-urbaniste moderne imagine, au tournant du XXe siècle, sa Cité industrielle : une forme urbaine progressiste, organisée pour la santé de ses habitants, bénéficiant tous du soleil, d’un air de qualité et de l’eau courante.

LES ÉTOILES DE RENAUDIE, GIVORS

Pas si basique que ça dans les villes de l’époque, et notamment à Lyon en plein essor, où les familles d’ouvriers s’entassent dans l’insalubrité. Soutenu par Édouard Herriot, maire de la ville pendant près de quarante-cinq ans, Tony Garnier réalise ex nihilo 1 500 logements répartis en 50 immeubles entre 1921 et 1933. Aux confins de la ville, le quartier des ÉtatsUnis sort de terre, équipé des commodités les plus en pointe, y compris des ascenseurs. Le look Art déco soigné de ces petits immeubles régulièrement disposés dans une trame verte lui évite toute stigmatisation. L’exposition retrace bien l’immédiat et franc succès que rencontre ce nouvel ensemble urbain !

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Jacques Del Pino - Ville de Givors ©

Voisine et rivale, Villeurbanne n’est pas en reste. Son maire Lazare Goujon, médecin acquis à la cause hygiéniste, impulse la création d’un nouveau quartier inauguré en 1934, lui aussi entièrement dédié au logement social, mais cette fois-ci en plein centre-ville, ce qui fait et reste son unicité. Son architecte Môrice Leroux conçoit "à l’américaine" des immeubles en gradins élancés, tout aussi bien équipés, avec en plus un balcon pour chaque logement. Construit en charpente métallique à la vitesse de l’éclair, tels les gratte-ciels de Chicago et Manhattan, le quartier a trouvé son nom ! Et contrairement à celui de Tony Garnier, il bénéficie de

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Tout le monde a en tête les photos des Années folles et ces ouvriers américains se riant du vide, casse-croûtant en toute décontraction assis sur des poutrelles métalliques. Comme les buildings du Nouveau Monde partis à l’assaut des records de hauteur dès le tournant du XXe siècle, les gratte-ciels villeurbannais ont été réalisés comme un Meccano géant en acier. Choix rare, en nos contrées de tradition latine, et audacieux pour l’époque, où le béton règne en maître dans l’art de construire. Résultat, le nouveau quartier central de Villeurbanne atteint les hauteurs inédites de 19 étages en un temps record de quatre années de chantier, de 1931 à 1935. Autre innovation pour l’époque : les logements bénéficient d’un chauffage central issu du brûlage des ordures ménagères dans une chaufferie dédiée toute proche, le résidu de cette combustion étant utilisé dans la fabrication du mâchefer. Et dire qu’on croit aujourd’hui tout inventer du recyclage !

En mode vertical

FORME & FONCTION

tous les équipements : maison du peuple, dispensaire, stade, piscine, écoles, commerces et hôtel de ville flambant neuf ! L’exposition ne fait bien sûr pas l’impasse sur la master piece régionale en terme d’habitat collectif utopique, réalisée dans l’immédiate après Seconde Guerre mondiale. Si l’audace conceptuelle de la Cité radieuse de Le Corbusier à Firminy reste intacte, l’exposition lève le voile sur sa dimension domestique moins connue, en présentant l’amusant fac-similé du livret d’accueil des habitants, qui délivre force conseils pour l’usage des appartements comme des parties et équipements communs. Le quatrième de ces utopistes, le moins connu du grand public, est Jean Renaudie, qui conçoit en plein Givors, dans les années 1970, la cité des Étoiles, à flanc de coteaux, à la place d’un ancien quartier insalubre. Ses immeubles de logements en forme de pyramides hérissées ne ressemblent à aucun autre, et selon le vœu de l’architecte, surtout pas aux barres et tours anonymes fleurissant alors depuis deux décennies dans les ZUP. Collées au site naturel collinaire, ses Étoiles proposent un logement différent pour chaque famille, loin de toute standardisation déshumanisante. Le musée organisera en février une visite guidée de cette insolite réalisation, pleine de qualité comme de défauts, comme le sont les grandes idées. L’occasion de remettre en question nos a priori sur le logement social !

GRATTE-CIEL VILLEURBANNE

Gilles Michallet / Villeurbanne ©

> 02 MARS Musée urbain Tony Garnier 4, rue des Serpollières Lyon 8 museeurbaintonygarnier.com


TOURS & DÉTOURS

1. DANIEL BUREN PARC CÉLESTINS 2. REGRET DES OISEAUX PARC HDVV (HOTEL DE VILLE VILLEURBANNE)

Thibault Pinguet ©

3. AURÉLIE PÉTREL PARC MARCHÉ GARE

PAR NADÈGE DRUZKOWSKI

EN RÉPONSE AU FANTASME DE DESCENDRE L’ART DES MUSÉES DANS LA RUE, RENDEZVOUS CARRÉMENT DANS LES PARKINGS SOUTERRAINS POUR EN PRENDRE PLEIN LES YEUX !

«

Ma tour était un phare englouti sous les eaux. » Reprenant un extrait du poème Regret des oiseaux écrit en 1947 par Marcel Béalu, le plasticien Philippe Favier nous entraîne dans les entrailles du parking souterrain de l’hôtel de ville de Villeurbanne. Le poète, un temps lié aux surréalistes, y évoque sa descente lyrique dans un phare pour rejoindre sa bien-aimée. Philippe Favier matérialise le phare en une gigantesque colonne de 20 mètres de haut où, sur sept étages, plus d’un millier de lettres métalliques, aux reflets rouille, égrènent le poème. Connu pour ses œuvres de poche, telles ses boites d’allumettes remplies de papiers découpés, l’artiste livre ici une œuvre monumentale suspendue de plus de sept tonnes, tout en ombre et lumière. Depuis les années 1990, une vingtaine de réalisations font chatoyer les profondeurs de la ville de Lyon et

é o p e s u so Guillaume Perret ©

@lpa_mobilites

constituent aujourd’hui une collection artistique, librement accessible au public. Œuvre iconique, l’installation hypnotique Sens Dessus-Dessous de Daniel Buren – immense miroir rotatif qui inverse la perception – installée en 1994 dans le parking des Célestins, s’observe in situ ou en surface depuis la place, via un télescope qui brouille encore davantage les sens. La spécificité lyonnaise ? « Les œuvres ont été pensées dès la création des parkings souterrains, dans une démarche impliquant commanditaires, architectes et artistes, et non pas rajoutées après », explique Ariane Réquin, conseillère artistique auprès de LPA,

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LPA ©

TOURS & DÉTOURS

e i s é en l o s-s société gestionnaire des parkings. L’aventure commence en 1992. Les édiles veulent remettre l’homme au cœur de la cité et la voiture à sa place. Exit les parkings sur les quais du Rhône, dorénavant ils seront souterrains. Et rendus glamour avec de l’art. Plus récemment, l’aventure s’est poursuivie avec la volonté de faire appel à des talents locaux comme Aurélie Pétrel au Marché Gare, à la Confluence, l’artiste lyonnais d’origine chinoise Mengzhi Zheng revisitant en lignes design d’un jaune éclatant le parking-escargot des années 1970 aux Halles. Ou encore Le Gentil Garçon et son cabinet de curiosités coloré, lors de la rénovation du parking place AntoninPoncet, en 2021. Ces parkings imprégnés d’art, telle une collection permanente, se sont ouverts depuis 2016 aux expositions temporaires. « En partenariat avec des professionnels ou institutions de la ville, ces expos temporaires viennent soutenir ou prolonger un événement, avec une volonté forte de soutenir la jeune création », détaille Ariane Réquin. Lors de l’exposition Wall Drawing au MAC, LPA a ainsi hébergé les œuvres de l’Australien Reko Rennie, au parking République. Ou, cet automne, l’installation immersive Déviation de Blandine Soulage. En mars prochain, le parking SaintAntoine servira de vitrine souterraine à Kommet, galerie d’art contemporain à la Guillotière. L’art n’a pas fini d’illuminer la ville.


FOKUS

Le noir et blanc détache de toute temporalité

MONDES FANTASMÉS PAR ANNE HUGUET

PHOTOS GUILLAUME DUCREUX

Il y a quelque chose de radical chez Guillaume Ducreux. Le propre des vrais passionnés ? Chez lui, ça vibre, ça palpite, ça respire, ça bouillonne, l’émotion est à fleur de peau, la nostalgie jamais très loin et l’adrénaline, un puissant moteur. Souvenir de ses vertes années, sans doute, lorsqu’il s’adonnait aux sports extrêmes (skate, roller, snow…), avide de sensations fortes et de cultures en marge ! Premier appareil de photo numérique « pour shooter les potes » et des débuts « dur, dur » à couvrir compéts et autres événements d’envergure dans les sports extrêmes, toujours. Sacrément formateur pour commencer à « appréhender le medium photo ». Car Guillaume est un autodidacte qui s’est plongé dans la photo comme d’autres entrent en sacerdoce. En photographiant ce qui lui plaisait, le verbe revient souvent. Comme le mot liberté. Son premier travail d’auteur, Désert rural, le mène aux portes du Morvan, l’errance de jour avant de découvrir les vibrations des nuits de pleine lune. « Beaucoup de sensations, des bruits, ton imaginaire projette des choses… Et tu te rencontres petit à petit. » Des images en noir et blanc, déjà, qui narrent l’abandon, les brumes sur les étangs, la nature décharnée, des ciels. Des paysages fantasmés. Les


bases de son travail sont là : le noir et blanc, la nostalgie qui suinte, le regard sur le monde, la quête existentielle sur soi et sur la photographie. La suite ne fera qu’enfoncer le clou. Des séries qui se font sur plusieurs mois ou années, ce besoin « de bouffer de la pellicule » en se perdant dans les villes et autres lieux en décrépitude, l’envie forte de rencontres, comme celle de Charleroi « dont je suis tombé amoureux instantanément », du Bosphore à Istanbul ou ce graffeur illustre croisé à New York. Du numérique des débuts à l’argentique avec tous les formats possibles (chambre, 24x36, moyen format...) – et ce que ça induit sur le tirage –, Guillaume expérimente : « cette boulimie de tester et comprendre ». Le Leica ou le Nikon pour la rue, la chambre qui donne une respiration différente, le lourd Pentax 6x7, la découverte magique de ce vieux Polaland acheté chez Emmaüs… Il en sortira Black Sunflowers, « un road-movie personnel entre mer du Nord et Méditerranée. Un travail assez sombre mais lumineux, qui m’a permis d’expurger tout ce que j’avais en moi. Qui j’étais, d’où je venais, ce que j’aimais… Se confronter avec soi-même pour faire la paix avec soi. Ensuite tu es prêt à dire le monde. » Être le témoin d’une époque ; laisser une archive, une mémoire. Raconter ce qu’il y a autour de soi et ce qu’on laisse derrière soi, « ce schisme entre deux époques, cette équidistance entre passé et futur ». Le rôle du photographe dans son époque. Tous ces questionnements sont au cœur de son travail. Avec la photo de rue, Guillaume Ducreux se met à photographier des gens. « Compliqué. Fort. Bizarre. Plein d’émotions », se souvient-il. Aujourd’hui il avoue photographier « le visage brut des villes . « Tu marches tu marches, tu te perds, tu photographies à tout venant pendant des jours, de 6h à 19h. Pour amasser le plus de matière. » Ce qui l’intéresse par-dessus tout ? « Toutes ces centaines de microopérations, d’éléments ou d’événements qui vont se percuter les uns les autres pour t’amener à déclencher. Comprendre tous ces milliards d’atomes qui se percutent et qui font que l’émotion prend forme. La technique intervient en arrière-plan. Tu cadres, tu déclenches, bim c’est parti. Avec la lumière qui a un rôle prédominant là-dedans. » L’acte photographique pourrait s’arrêter au déclenchement. Le principal est de ressentir, « tout ce qui me percute avant de faire la photo, ce moment où tu as l’émotion ».

ILS L’ONT MARQUÉ Chris Killip, Paulo Nozolino irisetchimere.format.com guillaume_ducreux

RING >30 JAN. Poisson Béton 16 rue Pouteau Lyon 1


CARTE BLANCHE

LOUIS ARÈNE (ANCIEN PENSIONNAIRE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE) ET LIONEL LINGELSER FORMENT EN 2012, EN ALSACE, LE MUNSTRUM THÉÂTRE. DEPUIS, LA COMPAGNIE SE SINGULARISE PAR UNE DÉMARCHE ESTHÉTIQUE FORTE ET SA RADICALITÉ POÉTIQUE AUTOUR DES « MONDES D’APRÈS ». ILS SONT ARTISTES ASSOCIÉS AUX CÉLESTINS DEPUIS LA RENTRÉE 2023.

LE THÉÂTRE COMME FORCE VITALE

N

40° SOUS ZÉRO 07 > 10 FÉV. Théâtre des Célestins Lyon 2 13 > 14 FÉV. Comédie de Valence (26)

LES POSSÉDÉS D’ILLFURTH 20 > 30 MARS Théâtre des Célestins Lyon 2 05 > 06 AVR. Espace des Arts Chalon-sur-Saône (71) LE MARIAGE FORCÉ 04 > 14 AVR. Théâtre des Célestins Lyon 2

PAR LE MUNSTRUM THÉÂTRE

ous vivons des temps extraordinaires où l’humanité contemple sa possible fin prochaine dans une sorte de torpeur cataleptique. La révolution écologique que nous devons collectivement entreprendre semble inévitable, mais l’apathie de nos dirigeants confine à la folie. Les conflits d’intérêt et la corruption auront peut-être raison de l’avenir de notre planète et d’une partie de ses habitants. En réaction, des mouvements de révolte jaillissent un peu partout sur la planète pour remettre en question le système capitaliste et tentent de renverser la domination patriarcale qui, elle aussi, a colonisé nos imaginaires, jusque dans nos rapports les plus intimes. Sentant grandir cette aspiration au changement, les forces réactionnaires et conservatrices prennent de l’ampleur. Le fascisme et le nationalisme gangrènent les démocraties. Les ténèbres sont à l’œuvre tout autour de nous. Elles remplissent l’espace physique et émotionnel, colonisent nos imaginaires et notre pensée.

À la télévision, sur les réseaux, dans les institutions politiques, dans nos rapports humains au quotidien, c’est un combat de chaque instant pour ne pas se laisser happer par le cynisme, par les passions les plus sombres, la bêtise et la désespérance. Pourtant, un changement de paradigme sociétal majeur est à notre portée. Nous sommes confrontés au défi d’une transformation dont le calibre est analogue aux grands événements historiques tels que la révolution néolithique ou la révolution industrielle. Notre chance est que la pandémie de Covid-19 a ouvert une brèche dans nos représentations de ce qui était possible et ce qui ne l’était pas. Chez beaucoup de gens, la possibilité d’une autre vie, d’un autre rapport à la réalité est devenue concrète. Les membres du Munstrum prennent très au sérieux leurs rôles d’artistes dans cette société en mutation, refusant de se faire happer par l’angoisse grandissante. Bien que la tâche soit immense. Ce moment inédit de notre histoire nous oblige à repenser notre rapport à l’espoir et à la transcendance en dehors des catégories du vieux monde.

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Darek Szuster ©

CARTE BLANCHE

un combat de chaque instant pour ne pas se laisser happer par le cynisme

40° SOUS ZÉRO

munstrum.com munstrumtheatre

En tant qu’artistes, nous avons le pouvoir d’agir sur les représentations que les individus se font de la réalité. Le changement doit avant tout commencer dans les consciences. Puisqu’un nouveau paradigme doit être perçu comme possible, mais surtout désirable et lumineux, nos récits, nos manières de raconter, de jouer avec la fiction doivent induire la possibilité de son avènement. C’est dans les imaginaires que le nouveau monde doit germer. Dans notre époque qui déconsidère cruellement la vie de l’âme, il est du devoir des artistes de raviver ce feu. Nous pouvons influer sur la manière dont nous interagissons les uns avec les autres et nous devons nous battre pour faire plus de place à la spiritualité, à un rapport au réel qui s’émancipe de la vision marchande et des systèmes de domination. Nous cherchons à convoquer chez notre public une vitalité de plus en plus précieuse. C’est par cette vitalité qui anime notre quête que nous continuons à croire en la puissance salvatrice du théâtre. Avec le public, nous construisons une communauté qui a soif d’histoires, de rêve, de poésie et qui recherche dans la représentation théâtrale une expérience proche du rituel, voire du sacré. Ce sont des temps de tous les possibles, de tous les rêves : puisque ce monde se meurt, de nouveaux mondes attendent d’être inventés.

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Rosellina Garbo ©

BÊTES DE SCÈNES 06 > 10 FÉV. Maison de la danse Lyon 8 maisondeladanse.com

De vie et de mort INVISIBILI

CHORÉGRAPHE-METTEUR EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHE INVENTIF, AURÉLIEN BORY EST UN ARTISTE AU CROISEMENT DES ESTHÉTIQUES. DEPUIS 2003 ET SON FAMEUX PLAN B, IL EXPÉRIMENTE « AUTOUR D’UNE SORTE DE PHYSIQUE DU THÉÂTRE » OÙ SE TÉLESCOPENT QUESTIONNEMENT SUR L’ESPACE ET LOIS PHYSIQUES, RÉFLEXION SUR LA FORME, POÉSIE, PHYSICALITÉ ET MOUVEMENT. APRÈS LE TRÈS ÉPURÉ ASH, IL INVITE AVEC INVISIBILI À SORTIR DU CADRE POUR ÉVOQUER NOTRE CONDITION HUMAINE.

PAR ANNE HUGUET

D

ix-septième pièce à son répertoire, Invisibili a été créée au Théâtre Biondo de Palerme, avec Le Triomphe de la mort – une fresque murale du XVe siècle, de six mètres sur six, découverte par hasard au Palais Abatellis et élément essentiel à sa dramaturgie – et des artistes rencontrés sur place. « Elle m’a littéralement arrêté, se souvient Aurélien Bory, me faisant penser à un décor peint de théâtre. À la skènè grecque ; aux murs qui tombaient dans Palermo Palermo, la pièce de Pina Bausch… Une œuvre hallucinante, très moderne pour son époque, avec cette intrusion de la mort dans la vie. Il y a une sorte de chaos, de violence. De hasard aussi. C’est très beau. » Car il y est bien question de mort, plutôt de notre peur de la mort. Cette fresque montre quelque 34 personnages, dont une jeune femme et un jeune homme en train de mourir, des musiciens, trois danseuses symbolisant les Parques, et même une représentation des deux peintres (anonymes), pinceau à la main… « Elle est devenue ma partition d’espace. Un peu comme mon scénario. » De là, le chorégraphe a tissé sa toile au propre et au figuré. « Cela m’a intéressé de partir de la fresque pour la transformer en vocabulaire scénique, chorégraphique, dramaturgique, tout en ayant recours à des accessoires qui créent des bizarreries esthétiques. » L’histoire se dessine donc par tableaux. La dramaturgie d’Invisibili, « assez

écrite », tourne autour de ces deux personnages, dont on va raconter l’histoire. Hier peste, les fléaux d’aujourd’hui se nomment cancer, destin des migrants ou catastrophes naturelles. Quasi pas de mot, vocabulaire dansé, mais l’interprétation laisse une belle place à l’imaginaire. « C’est un livre ouvert que chacun lit, mais pas la même histoire », résume-t-il. Avec de la musique jouée live (Gianni Gebbia au saxo) et quatre danseuses « que je me suis plu à imaginer comme les petites-filles de Pina Bausch ». En gardant en tête « qu’on est le chorégraphe de soi-même », et donc qu’il faut « que la danse se déploie » et laisser l’interprète « chercher des choses au fond de lui ». Il y a aussi Chris Obeyi, jeune musicien nigérian arrivé par bateau : « J’avais envie qu’il raconte un peu ce qu’il a traversé. » Et surtout la fameuse fresque, imprimée sur un rideau, et « premier partenaire des interprètes. Tous les acteurs de la pièce la traversent ou en sont issus. Elle est centrale dans l’utilisation de chaque scène. Même si j’ai laissé la place à des accessoires "agissant" voire autonomes qui n’ont rien à voir. Un bateau pneumatique, un harmonium, des chaises douées de mouvement… Ils sont là pour une raison dramaturgique. J’ai aussi recours à la technologie, comme la vidéo en direct, ou quelques machines. » On connait l’importance de la scénographie qui fait partie intégrante des spectacles d’Aurélien Bory. « Cette fresque est une danse », on est curieux de voir.

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BÊTES DE SCÈNES

DR Opéra de Lyon ©

Art e u q i poét

PAR GALLIA VALETTE-PILENKO

Ce ne sera pas le Baro d’evel qu’on connaît, celui des oiseaux ou des chevaux. Ce ne sera pas Là, opus magnifiquement sensible que le public lyonnais a pu découvrir aux Célestins en juin dernier, dans le cadre du festival utoPistes et des Nuits de Fourvière – à (re)voir au Théâtre Dijon-Bourgogne (26-30 mars). Quand les deux créateurs de l’une des compagnies les plus poétiques de notre époque se laissent déborder par un corbeau-pie aussi farceur qu’émouvant. Ici, il s’agit davantage d’un projet parallèle autour d’une rencontre : celle de Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias avec le guitariste Nicolas Lafourest. Ce dernier a déjà collaboré avec eux lors de la création de Bestias – vu sous chapiteau, en 2015, dans le parc de Lacroix-Laval, toujours dans le cadre des Nuits de Fourvière. Guitariste autodidacte, Nicolas Lafourest développe un univers musical aussi singulier que les deux complices de Baro d’evel. Pour ce « concert scénographié » malicieusement baptisé La Cachette, l’engagement du corps, de la voix et du rythme, le travail sur la matière et la transformation des espaces se déploient au service d’une authenticité recherchée par les artistes. « Les chansons sont comme des mises à nu, elles doivent naître d’un état et les personnalités de chacun portent à la scène l’émotion accompagnées par la guitare électrique, la voix, l’harmonium et la percussion », explique le texte de présentation. À vérifier sur pièce !

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15 > 17 FÉV. Amphi de l’Opéra de Lyon opera-lyon.com


BÊTES DE SCÈNES

Alban Van Wassenhove ©

Amour & paillettes DANS TA PEAU

PAR TRINA MOUNIER

E

14 > 15 FÉV. Théâtre de la Croix-Rousse Lyon 4 croix-rousse.com

lle a fait son chemin, depuis 2019 où Inoxydables lui offrait le prix du public du festival Impatience. Julie Ménard avait malheureusement un peu disparu de nos écrans radar. La voici de retour avec Dans ta peau, un conte fantastique où il sera beaucoup question d’amour, bien sûr, mais aussi de musique avec le même compositeur complice Romain Tiriakian. Cela augure bien de cette histoire où Julie Ménard nous fait vivre le passage de l’enfance à l’âge adulte et l’éclosion de son héroïne sur fond de renoncement

aux illusions et moult métamorphoses. Sybille, qui a perdu le chanteur de son groupe de rock et l’amour de sa vie, va oser devenir la star de ses rêves. Elle aura traversé pour cela bien des doutes, des fureurs et des larmes, mais aussi des moments de grâce. La musique n’est pas un accessoire mais devient l’essence même du spectacle. Les costumes sont superbes et l’ambiance joyeusement chaotique. Tout va très vite au point que l’héroïne n’est pas la seule à ne plus savoir où elle habite, le spectateur est emporté, sidéré et ravi. La vie, quoi !

À la sauce trash Kim Noble n’est jamais venu à Lyon mais peut-être qu’on va le regretter, si l’on en croit la critique (ironique) du quotidien anglais The Guardian. Célèbre outre-Manche pour son duo Noble & Silver, il est aussi l’auteur de ses propres spectacles, dont une trilogie sur la solitude et l’amitié. Lullaby for Scavengers (littéralement « berceuse pour charognards ») en est le troisième opus, un seul en scène qui nous plonge dans les tréfonds de l’âme humaine, la sienne compris. En compagnie d’un écureuil mort et d’un renard tout aussi trépassé, le célèbre comique et performeur anglais raconte des bribes de sa vie intime grâce à des vidéos bricolées par ses soins, dans lesquelles il injecte son sperme dans un écureuil mort, maltraite sa propre mère et insère un asticot, dont il a décrété que c’était sa fille, dans son.... Comme l’écrit The Guardian dans sa critique, ce spectacle est « envahissant, indélébile, riche et étrange ». Trash et drôle, aussi, à n’en pas douter, on vous laisse juge ! GV-P

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23 > 24 JAN. Ateliers-Presqu’île Lyon 2 tng-lyon.fr


BÊTES DE SCÈNES

Lolo Vasco ©

Larguer les amarres PAR FLORENCE ROUX

APRÈS LA SOMPTUEUSE SARRAZINE, INSPIRÉE DE LA VIE D’ALBERTINE SARRAZIN, LA METTEUSE EN SCÈNE LUCIE RÉBÉRÉ SE PENCHE SUR LE DESTIN D’UNE AUTRE FEMME LIBRE, LILI, HÉROÏNE DU ROMAN LE GRAND MARIN DE CATHERINE POULAIN. ELLE CRÉE DERNIÈRE FRONTIÈRE À LA RENAISSANCE.

u a ’ u J us q b ou t DOS

S ROBA

ILE LOS BA

Quel est le lien entre Sarrazine et ce nouveau spectacle ? LUCIE RÉBÉRÉ J’ai dévoré Le grand marin, emportée par l’histoire de Lili qui, du jour au lendemain, quitte la France pour aller pêcher sur un palangrier en Alaska. On sent qu’elle fuit quelque chose, mais on est ébloui par son courage et sa liberté. Cette héroïne rappelle Albertine Sarrazin qui saute les murs des prisons. Lili, qui est aussi un personnage d’autofiction, dépasse les préjugés, se dépasse elle-même pour vivre son rêve sur un bateau au bout du monde. Comment est venue l’idée d’adapter ce roman ? LR J’avais envie de porter l’océan et l’Alaska sur scène, d’emmener en voyage sur les pas d’une héroïne. Contactée, Catherine Poulain nous a dit qu’on pouvait l’adapter à notre guise. Pour le texte, nous l’avons lu entièrement ensemble et avons travaillé par aller-retour entre les comédiennes et moi, avant le regard de Julie Rossello-Rochet. Chacune des quatre interprètes porte à son tour le personnage de Lili et celui d’un marin. Ce choix radical démultiplie les regards sur Lili et crée comme un kaléidoscope sur scène. Et pour créer l’océan ? LR Au départ, je voulais épurer un maximum l’évocation. Mais avec la scénographie d’Amandine Livet et le son de Jules Tremoy, nous avons tout de même introduit des éléments réalistes pour évoquer le bateau, dire le froid, "l’organicité" de la mer, les bruits de pêche industrielle… Nous nous sommes beaucoup appuyés sur la machinerie du théâtre, les perches et toute la hauteur de la cage de scène, pour trouver le mouvement en permanence et évoquer le voyage, donner le souffle. Dernière minute. La création initialement prévue en janvier et sa tournée sont reportées à l’automne 2024, à Oullins et en région Auvergne-Rhône-Alpes.

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PAR AN

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24 > 26 JAN. danse Maison de la Lyon 8 anse.com maisondelad 27 JAN. franche lle Vi de e Théâtr he.com nc ra eatredevillef

s ec le trè 2021 av n e s a ia r p o ar ses David C bluffé p couvert avait été On a dé n théâtrale O é !. it s o n g ndan ette inte c , ts o p u r et beau ¡Fa n a flamenc e oulevers d b e x g u de n e d de fait partie t ce méla Sévillan danse e s a Le . s le e u s c in n s a ra d mpo rs maju elle conte e danseu re d è n n é o g ti de gestu ré ra é des, le velle gén ule les co ’a-t-il cette nou en bousc i nces (n u e q u fl co n in e s m e a tr fl allois u e G ’a d nt d e Jann ourrissa ip hop d h avec à le il c en le n o e v v le fer a nte. Le re é e v is in ro tion c ré a s pa ?) et le es »), cré perfecto nses volé a ont d d , s le ca dans Im s (« e flamen s Robado , et z e la scèn e d ír r Los Baile u m e a fl Rafael R c la fine t e e v a z , la e 3 e lv 2 20 a Gá lle recru Oz, Mart s. Nouve o lle g e La m ju id Florencia Dav O’Ryan – or jondo ur ce e Isidora u s o u d le canta te e n n a pporte u iste et ch a ll – ts ce z n n e O lo a m vio renci es m o seuse Flo pirant d e s ll n e ’i u S q . s la de la dan e ie) dans n aux trip a d m n s ré n re o a p qui e (ou ch anser, s collectiv ment à d e e ri e it h b té p s u s y ra t d’h etten chorég pes se m mort, le ire des grou squ’à la ju ite à « fa is v o in rf t a e p i t o e s rt e a e h l’ c relâ sir d’êtr nu tout ue le dé . Au me » iq s, d le ie n v b e v ca la re vec s impla e deux a r, apateado u z s re e d fu c un pas d la e cris, de Coria av s e e d d l . , a e s tr u te is q mag o vibran hypnoti es en du estuelle s g n e a n d ’u s d e d uté et la bea du plaisir t. n e ti a p On est im


EN APARTÉ

PAR TRINA MOUNIER

PAR TRINA MOUNIER GALLIA VALETTE-PILENKO

Remède à la tristesse

Thomas Poulard signe avec Toutes les choses géniales un seul en scène touchant et une vraie performance d’acteur. Confronté à la dépression et inconsolable à la suite d’un deuil, le héros cherche tous ces petits riens qui donnent du bonheur. Levers de soleil comme vieilles rengaines et Mistral gagnant. Il va d’un spectateur à l’autre dans une recherche de complicité fondée sur des souvenirs communs à tous, qui peu à peu fait tache d’huile. À la fin, on se sent plus heureux et une réelle communion a gagné le public. Bravo l’artiste ! TM 26 JAN. Théâtre de Givors

S

ultan Ulutas Alopé est une jeune femme turque et kurde, un mélange bien difficile à vivre, débarquée en France il y a trois ans pour poursuivre ses études théâtrales. Son premier spectacle, La Langue de mon père, qu’elle a écrit en français, revient sur son histoire récente : la difficulté à obtenir des papiers pour pouvoir travailler, le racisme auquel elle se heurte, la quasi-interdiction de retourner dans son pays tant qu’elle n’est pas en règle. Peu à peu, elle déroule sa vie à l’envers et bute sur son désir d’apprendre la langue maternelle de son père, qu’elle n’a pourtant jamais parlée. Pourquoi, alors que ce père était un homme violent – elle va le découvrir en remontant dans ses souvenirs – , toujours absent parce qu’il avait refait sa vie, au loin, sans un mot d’explication ? L’écriture de cette jeune femme révèle une vraie plume, alerte, rapide, tour à tour sombre et joyeuse. La Langue de mon père, déjà publié aux éditions l’Espace d’un instant, trouve véritablement sa grandeur et sa vérité sur un plateau. Sultan Ulutas Alopé est constamment juste et émouvante sans jamais sombrer dans le pathos. L’épisode où elle relate une crise de violence de son père, vue par les yeux d’une petite fille, est rendu de manière vivante, à la fois distanciée et imagée sur scène. Ce n’est pas un hasard si le festival Sens Interdits a décidé de labelliser ce spectacle. Et si nous attendons sa prochaine création avec impatience…

Jeu de piste

Olivier Borle et David Mambouch n’en sont pas à leur première collaboration théâtrale. Jamais pourtant ils n’ont porté si loin un projet autant intime, écrit, mis en scène et joué ensemble. À travers les relations compliquées entre un réalisateur sur le retour et sa nouvelle assistante qui n’en fait qu’à sa tête, ils construisent avec Suzanne un récit virtuose dans lequel on ne sait plus vraiment qui est qui. L’occasion d’évoquer les différentes facettes du métier d’acteur qui nous mène de surprise en surprise. C’est intelligent, drôle et émouvant. TM 23 JAN. > 10 FÉV. Théâtre Comédie Odéon

Odyssée express

L’épopée d’Ulysse en accéléré, voici ce que propose Pauline Bayle avec son Odyssée. En une heure et vingt minutes, deux comédiens et trois comédiennes ficèlent les 500 pages du voyage d’Ulysse. Sans fioritures, avec quelques chaises, du sable, des seaux et des flammes, ils incarnent (presque) tous les personnages. La verve et l’allant en bandoulière, ils restituent avec vigueur et enthousiasme ce mythe qui a innervé toute l’histoire de l’art… Et nous ramènent au texte, et à sa puissance, épique et éclatante de modernité. GV-P 09 FÉV. Le Sémaphore Irigny

Jeanne Garraud ©

BÊTES DE SCÈNES

Une histoire de résilience

ARKUCHI #40 JAN. / FÉV. 24

06 FÉV. La Mouche Saint-Genis-Laval la-mouche.fr 12 > 14 MARS Théâtre de la Croix-Rousse Lyon 4 croix-rousse.com


Koria ©

BÊTES DE SCÈNES

Duel à la barre PAR FLORENCE ROUX

Six ans après sa première pièce, À vif, le poète rappeur Kery James orchestre dans À huis clos un nouveau face-à-face entre France des banlieues et du centreville, qui a fait salle comble en décembre à Vénissieux. Un soir, Soulaymaan Traore, jeune avocat issu de l’immigration incarné par l’auteur, débarque déguisé en coursier dans le bureau d’un juge, interprété par Jérôme Kircher. Soulaymaan menace l’homme de loi d’un flingue. Motif : ce dernier aurait innocenté le policier qui a assassiné son frère Demba, ébranlant sa confiance dans la justice française. S’ensuit un match serré où chacun affûte ses arguments, campe sur ses positions, écoute, aussi. Les fêlures, l’amour, la mort, affleurent peu à peu. Les deux comédiens livrent dans un décor bourgeois un jeu efficace, tout en nuances malgré le manichéisme du pour ou contre les flics. Et grâce au dispositif des caméras du metteur en scène Marc Lainé, qui démultiplie les perspectives du jeu (au plateau, de dos, de biais, serré), on tourne avec les deux personnages autour du pot : la douloureuse question des violences policières. Le débat s’engage en même temps que, magie du théâtre, s’opère une véritable rencontre entre les deux hommes, là, sous nos yeux. Mais qui dit que la tragédie ne veille pas derrière la porte ?

ARKUCHI #40 JAN. / FÉV. 24

23 > 24 JAN. Radiant-Bellevue Caluire-et-Cuire radiant-bellevue.fr 26 > 27 JAN. MC2: Grenoble (38) mc2grenoble.fr 30 JAN. > 01 FÉV. Bonlieu Annecy (74) bonlieu-annecy.com


A

ux pionniers des pratiques antiques, les honneurs : dans la famille athlétisme, je demande Jean Giraudoux (qui, outre ses chroniques et maximes autour du sport, courait le 400 mètres en 50 secondes), Allan Sillitoe (La Solitude du coureur de fond), Haruki Murakami (Autoportrait de l’auteur en coureur de fond), Jean Echenoz (Courir) et Mathieu Palain (Ne t’arrête pas de courir). Au rayon vélo, je braque Alfred Jarry et son ubuesque chemin de croix cycliste, Tristan Bernard (créateur du journalisme sportif), Antoine Blondin et ses chroniques du Tour, Éric Fottorino ou Jean-Bernard Pouy (54 x 13). Dans la famille football – adoubée de la divine main gauche de Maradona qui, telle celle d’Adam dans la chapelle Sixtine, frôle celle du roi Pelé –, la prime va aux Anglais John King (Football Factory), Nick Hornby (Carton jaune) ou David Peace (Rouge ou mort), mais aussi à Jean-Claude Michéa (Le plus beau but était une passe), Camus, Pasolini, Montherlant et Philip Kerr. Côté boxe, j’annonce une longe avec Jack London (Un Steak), Hemingway (50 000 dollars), Leonard Gardner (Fat City), F.X. Toole (La Brûlure des cordes), Craig Davidson et David Lopez (Fief). Les Américains font main basse sur le baseball avec Philip Roth (Le Grand Roman américain), Frederick Exley (Le Dernier Stade de la soif) et Don de Lillo (Outremonde), de même que les Français sur l’Ovalie avec Mauriac, Mac Orlan, Richard Escot et Benoît Jeantet (Jeux de lignes). Au tennis, citons David Foster Wallace (L’Infinie Comédie) et Gilles Deleuze (L’Abécédaire) ; en gymnastique, Lola Lafon (La Petite Communiste qui ne souriait jamais) ; à la voile, Bernard Moitessier (La Longue Route) et Jim Lynch (Face au vent) ; en canoë (Sur les rivières du Nord), Stevenson ou en surf, William Finnegan (Jours barbares) et Gilles Deleuze (Le Pli), à la pêche, Hemingway, Brautigan et John Gierach (Traité du zen et de l’art de la pêche à la mouche)… La liste est longue des écrivains ayant fait œuvre de leur passion ou de leur pratique sportive, sans parler du fait qu’aboutir un roman vaut bien courir quelques marathons, globe-trotter comme Mike Horn dans Seul au monde ou gravir l’Everest comme dans Tenzing d’Ed Douglas, belle manière de « rendre aux sherpas ce qui est aux sherpas » : le record absolu des 8 000 mètres vaincus dans l’ombre de leurs clients et l’indispensable logistique sans laquelle nombre de ces derniers resteraient au camp de base. Et puisque j’en suis, avec ce livre rouge propre aux éditions Guérin, à m’arrêter sur le toit du monde pour rendre justice aux grimpeurs himalayens, j’en profite pour saluer le travail de l’éditeur chamoniard, fleuron depuis 1995 des récits de montagne, à l’instar de leurs voisines houchardes, les éditions du Mont-Blanc de Catherine Destivelle. Elle vient de publier Il était une fois l’escalade, histoire d’apprendre à se hisser un peu plus haut, à bout de bras comme de plume, sachant que la littérature aussi est un sport de combat.

PAR MARCO JÉRU

Les mots de l’effort

LETTRES & RATURES

ALORS QUE SE TIENT À L’INSTITUT LUMIÈRE, FIN JANVIER, LA ONZIÈME ÉDITION DU FESTIVAL SPORT, LITTÉRATURE ET CINÉMA, INAUGURONS CETTE ANNÉE OLYMPIQUE AVEC UN FLORILÈGE D’AUTEURS QUI ONT ARTICULÉ AVEC TALENT ÉCRITURE ET SPORT.

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À LA MOULINETTE

Girl Poher PAR EMMANUELLE BABE

UNE BELLE VOIX RAGEUSE ET UN SON MINIMALISTE QUI NOUS HARPONNENT. VALE POHER, EX-MOITIÉ DU DUO LYONNAIS MENSCH, LIVRE LE SUCCÈS, UN ALBUM AUX TEXTES POLITIQUES ENTRE COLD WAVE ET POP.

AVEC LE SUCCÈS, TU FAIS QUOI  ?

TON DERNIER GRAND FRISSON  ?

UNE CHANSON POUR TOUS CEUX

LES LARMES DE JUDITH GODRÈCHE.

QUI N’EN ONT PAS.

LES ARTISTES DANS TA PLAYLIST DU MOMENT  ?

UNE FEMME ET UN HOMME QUI T’INSPIRENT  ?

JORJA SMITH, CAT POWER, RÓISIN MURPHY,

DEUX FEMMES : LOLA LAFON

NABIHAH IQBAL, FONTAINES D.C.,

ET GLORIA STEINEM.

GRIAN CHATTEN, ROMY.

QU’EST-CE QUI TE DONNE LE VERTIGE MODERNE  ?

LA BO QUE TU AURAIS AIMÉ SIGNER  ?

LES CHAÎNES TV INFO.

ASSAUT DE JOHN CARPENTER.

RASSURE-NOUS, QU’EST-CE QUI VA NOUS SAUVER DU CHAOS  ?

L’ŒUVRE DANS LAQUELLE TU AIMERAIS VIVRE  ?

JE NE SAIS PAS. C’EST MAL PARTI. LA MUSIQUE ET LA BEAUTÉ ?

UNE BAIGNADE À ASNIÈRES

OU PAS.

DE GEORGES SEURAT.

LE PITCH DE TA PREMIÈRE CHANSON, ADO  ?

LE SUCCÈS (autoproduit) SORTIE : 17 NOV. 2023

QUELQUE CHOSE INSPIRÉ DE THE CURE ET DES BEATLES.

20 MARS Centre Pompidou Paris (75)

Sarah Bastin ©

RIEN N’A CHANGÉ FINALEMENT.

@valepoher valepohermusic

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FESTIVALS

Atelier de production – France 3 Cinéma 2023 ©

On projette à l’Est

DAAAAAALÍ !, QUENTIN DUPIEUX

PAR EMMANUELLE BABE

L DRÔLE D’ENDROIT POUR DES RENCONTRES 26 > 28 JAN. cinemalesalizes.com UN POING C’EST COURT unpoingcestcourt.com

es cinéphiles sont gâtés fin janvier avec deux festivals qui ont l’habitude d’animer les écrans de l’Est lyonnais, depuis respectivement 32 ans et 24 ans ! Le premier, Drôle d’endroit pour des rencontres, prend ses quartiers aux Alizés de Bron et le second célèbre à Vaulx-en-Velin le film court francophone. L’affiche brondillante donne le ton, avec une doublette Léa Seydoux et Lino Ventura incarnant l’attachement du festival à la diversité et aux « regards qui se croisent et se répondent ». En témoigne le Off des Rencontres, nouveauté 2024, qui proposera tables rondes, débats, expo et blind-test autour du 7e art et en direct du bistrot des Iris. Plutôt convivial, non ? Le In, quant à lui, ne change guère, avec 12 films présentés en trois jours, dont 10 en avant-première et 7 en présence des réalisatrices et des réalisateurs. Ainsi Isabelle Brocard pour Madame de Sévigné, Alix Delaporte pour Vivants ou

encore le Lyonnais Stéphane Marchetti pour La Tête froide. Le chouchou du cinéma frappadingue Quentin Dupieux ne fait pas le déplacement mais les aficionados pourront découvrir, en avant-première également, son nouveau projet, DAAAAAALÍ !. Un comédien, et pas des moindres, est à l’affiche du festival du film court francophone, Un poing c’est court, à Vaulx-en-Velin : Jean-Pierre Darroussin a carte blanche pour l’ouverture des festivités, qui mettent cette année l’Albanie à l’honneur. L’actrice et réalisatrice albanaise Flonja Kodheli prend ainsi place au sein d’un jury professionnel très cosmopolite, aux côtés de la productrice allemande Bärbel Mauch ou encore du musicien et réalisateur sénégalais Wasis Diop. Plus de 100 films sont programmés pour les neuf compétitions – dont quatre scolaires et une carte blanche aux habitants. Pour les marathoniens, le festival organise une nuit complète de projection de courts, le 26 janvier. Préparez les thermos !

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Olivier Carrard ©

FESTIVALS

EUSTACHE MCQUEER

n o h t M a ra e indi PAR ANNE HUGUET

En janvier, c’est au Kraspek Myzik que tu découvriras le meilleur de la scène indie (mais pas que) de demain. Le Plug & Play revient et concocte 10 soirées en 15 jours avec une large place faite à la découverte et à l’émergence. Ici peu de noms (très) connus mais des nouveaux venus et des soirées inédites. Il faudra être curieux pour pousser la porte du petit club de la montée Saint-Sébastien ! Après la Lyonnaise Cavale en ouverture de bal acoustique et les mélodies lo-fi vicelardes de François Virot, la suite s’annonce des plus défricheuses, toutes couleurs musicales confondues. Dans les dates qui font envie, on pioche Opaleene et son électro-pop planante en co-plateau avec le folk en clair-obscur de Caïman. Bien plus énervé, Victor and The Haters devrait envoyer la sauce avec un rap punkoïde sans concession, orchestré d’ailleurs par un certain Maître Madj (celui d’Assassin). Hors les murs (nouveauté 2024), direction le Trokson pour jeter une oreille aux vocalises glamour des rockeurs des Vans, THE TIGRE. Sans doute, on poussera jusqu’au Sonic pour onduler du bassin avec Eustache McQueer (qu’on ne présente PLUG & PLAY plus) et un show électro-sexy-trash. Et on ira lever > 26 JAN. le poing avec Poésie Zéro, oui « c’est nous les punks / kraspekmyzik.com On n’aime rien / À part le punk ». CQFD.

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Laurent Cousin ©

HORS CHAMP

LA FERME DES BERTRAND

LA VIE à la FERME GILLES PERRET EST UN CINÉASTE ENGAGÉ SUR LES QUESTIONS SOCIALES. IL N’A PAS EU À ALLER TRÈS LOIN POUR TROUVER LE SUJET DE SON NOUVEAU DOCUMENTAIRE. CE SONT SES VOISINS DE VALLÉE, EN HAUTE-SAVOIE, QUI SONT L’OBJET DE CE FILM AU LONG COURS TOURNÉ SUR PLUSIEURS ANNÉES.

G

PAR MARTIN BARNIER ET VALÉRIE LEGRAINDOUSSAU

LA FERME DES BERTRAND Gilles Perret Sortie : 31 JAN.

illes Perret a commencé sa carrière de cinéaste avec les frères Bertrand et un premier documentaire, Trois Frères pour une vie, tourné en 1997. À cette époque, ils transmettent l’exploitation familiale à leur neveu. En 2022, le cinéaste filme une nouvelle fois la transmission à la jeune génération. Gilles Perret a également utilisé des images tournées lors d’un reportage télévisé, en 1972, sur cette même terre. Trois périodes se mêlent donc, retraçant cinquante ans de la vie d’une ferme et d’une famille. On passe de l’image en noir et blanc des trois frères cassant des cailloux pour construire une étable en stabulation libre à un robot qui va remplacer les humains pour la traite. Le documentaire donne le point de vue de la famille Bertrand, tout en témoignant de l’évolution de l’agriculture. La ferme est performante, elle a été modernisée au fil des ans. Mais le prix à payer est rude pour la fratrie. Ils ont consacré toute leur vie au travail. Si la ferme est « un succès sur le plan économique, c’est un échec sur le plan humain », constate André, aucun des frères ne s’est jamais marié. Et quand il faut passer

la main, ce n’est pas si simple de quitter cette vie de labeur. « Je ne vais pas me forcer à faire semblant de m’amuser », s’exclame l’un des frères. La nouvelle génération a choisi ce métier plutôt que de le subir. Elle s’est organisée pour avoir un peu plus de temps libre. C’est le film le plus personnel du cinéaste. Il vit à proximité de Mieussy et a grandi à côté de cette famille et de ses vaches aux prénoms cocasses, comme Insulaire, Jugeotte, Drôlette ou Ravioli, les autres héroïnes de ce documentaire. Le film possède aussi des scènes truculentes, remplies d’anecdotes avec l’accent savoyard, parfois arrosées d’un bon coup de gnôle. Puis il y a la poésie des images, la beauté des plans au fil des saisons sur cette vallée du Giffre avec vue sur le mont Blanc. Un paysage préservé grâce à l’activité agricole. La ferme et ses terrains empêchent l’urbanisation dévorante. La famille a transmis des valeurs de travail mais aussi celle de la préservation de la nature. Avec ce dixième film, c’est un témoignage singulier que nous offre Gilles Perret. Sa vocation ? « Raconter l’histoire de ses voisins pour raconter l’histoire du monde ».

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STREET ART

ZACHARIE BODSON EMEMEM

LASCO OLSON ONOFF

LE STREET MUSÉE

MYET

BRKNWRLD

DU MOIS PAR MISS PRETTY LITTLE THINGS ET LENDASKIN

AGRUME

JEAN-LUC NAVETTE

ADVENTIS ARKUCHI #40 JAN. / FÉV. 24


8 ENDIVES 200 G D’OIGNONS 200 G DE LARDONS 1 REBLOCHON AU LAIT CRU 2 CÀC DE SIROP D’ÉRABLE SEL ET POIVRE

PAR LES SOREUSES

20 MINUTES

4 PERSONNES

Fooddenou ©

Enfin l’hiver, le froid et la neige... C’est le temps de la peuf, du carving, des kicks à shaper, et simplement des pentes à dévaler pour les fanas de glisse. C’est aussi l’époque de l’après-ski avec son vin chaud, des soirées au coin du feu et des tartiflettes géantes pour se refaire une santé après avoir envoyé du gros. Mais, prise de risque maximal, on lâche la tradition et la tartifle pour draguer l’endive ! Commence par préchauffer le four à 200°C. Vas-y, attaque avec les endives, un petit coup de rinçage avant le planter du couteau pour déshabiller les belles à feuilles de leurs trognons. Ouvre-les en deux dans le sens de la longueur et émince grossièrement. Place à l’oignon, tout pelé et bien charclé, que tu fais suer dans la poêle avant l’avalanche de lardons. Ça saisit sans faire de gôgnes. Tu encapes tout schuss avec tes endives et du sirop d’érable à la saveur caramel, tu tournes avec ta spatule et hop-là ça rôtille à couvert à feu moyen une dizaine de minutes. Sel et poivre puis tu glisses le tout dans un plat à gratin. V’là enfin le roi de la piste. Pas un monchu, mais un reblochon au lait cru, crémeux à souhait, un peu odorant et fait à point. Tu le découpes horizontalement et tu taillades en lamelles l’une des moitiés sur tes endives. Ça part rider au four dix minutes. Fromage fondu, premier fumet et ça ressort pour un coup de big air, back flip à 180°, tu mélanges et tu fartes de nouveau avec ta moitié restante de rebloch’. Au four une dizaine de minutes de plus pour la bronzette finale. Dré dans l’pentu, c’est l’heure du réconfort, ta fourchette, un gorgeon et plus qu’à godiller serré dans ton plat. C’est-y pas bon ?!

10 MINUTES

Péla d’endives

POPOTE(S)

PAR PONIA DUMONT

Horizontalement

jugeote

1. Jour de banquet annuel au Paradis ? 2. S’amusera. Parfois de soulagement. 3. Endossons pleinement. 4. Font preuve de sévérité ? Sans complément, a manqué de sobriété. 5. N’a pas son code postal. C’est le pied… pour le pied ! 6. Accueillit ses hôtes. Ainsi positionné ne lèvera pas grand-chose. 7. Trop jeune pour régner sur la Sainte Russie. 8. Peuple pastoral africain. Ainsi, carrément irrattrapable ! 9. Futur rival chinois de Mercedes et BMW ? Pierre précieuse aux vertus spirituelles. solutions 10. Pensent, éveillés ou endormis. Ici ou ailleurs. arkuchi 39

Verticalement

A. Pierres naturelles pour revêtements. B. Vides d’occupations. Satellite de Jupiter. C. Le 7 horizontal ne lui a pas survécu ! Vieux trouillard. D. L’aïeul, genevois, fut le "père" de l’alpinisme ; son arrière-petit-fils, celui du structuralisme. E. Pas franche. F. Fade et sans peps. Expression qui claque sec. G. Fille de rien en grand désordre. Tête de ptérodactyle. H. Possessif. De très mauvais goût. I. Très proche s’il est aussi "à toi". On y rentre souvent avec plaisir. J. Se partagera en son extrémité.

ARKUCHI #40

JAN. / FÉV. 24

C R O I S S AN T S A UMON E U E L E P OM E N D E H E B E T U D E D R A P R E C E L OU L I P O H U I N E E ANN E X E I L A S S A S R E L E I S B R A N E S T O R I E N S



OÙ TROUVER

Annecy Bonlieu. Bourg‑en‑Bresse Théâtre de Bourg‑en‑Bresse. Bourgoin‑Jailleu Les Abattoirs. MBJ (Musée). Maison de Launay. Office de Tourisme. Brignais Le Briscope. Bron Espace Albert Camus. Ciné Les Alizés. Ferme du Vinatier. Jack Jack. Pôle Pik. Médiathèque de Bron. Université Lyon II. Caluire‑et‑Cuire Cinéma Le Méliès. Médiathèque B. Pivot. Radiant‑Bellevue. Chalon‑sur‑Saône Espace des Arts. Chassieu Karavan Théâtre. Chazelles‑sur‑Lyon Musée du Chapeau. Corbas Le Polaris. Dardilly L’Aqueduc. Décines Le Toboggan. Écully Écully Cinéma. Médiathèque. Feyzin L’Épicerie Moderne. Médiathèque. Firminy Site Le Corbusier. Francheville L’Iris. Grandes Voisines. Givors Médiathèque Max Fouché. Théâtre de Givors. Gleizé Hangar 717. Grenoble MC2. Irigny Le Sémaphore. La Mulatière Aquarium de Lyon. Aux Bons Sauvages. Lyon 1 À Chacun sa tasse & Tomé. L’Atelier Item. À Thou bout d’chant. Archipel. Art Génération. Atelier Terreaux. Bar 203. BistrO d’à côté. Bloom. Boîte à café. Boulangerie des Chartreux. CAUE Rhône. Chasseurs d’influences. Chez Grégoire. Cinéma Polycarpe. Clef de Voûte. Condition des Soies. Delicatessen. Diable!. DogKlub. DRAC Auvergne‑Rhône‑Alpes. Fromagerie BOF. Galerie Ceysson & Bénétière. Galerie Cinéma Lumière. Galerie Françoise Besson. Galerie Mainguy. Galerie Nörka. Kraspek Myzik. L’Âne sans queue. La BF15. La Bonne Gâche. La Corniche. La Madone. La Menuiserie. La Salle de Bains. Le Bal des Ardents. Le Bleu du Ciel. Le Livre en Pente. Le Morfal. Le Réverbère. Le Voxx. Léon de Lyon. Les Artpenteuses. Les Clochards Célestes. Les Sœurettes. Les SUBS. Librairie À Soi.e. Librairie Ouvrir l’œil. Maison Nô. Mangiabuono. Manifesta. Matisse. Mongi Guibane. Ô Tao Bom. Opéra de Lyon. Petit Bleu. Pilo Hôtel. Première Loge. Prêt à Manger. Radio Canut. Rés. Villemanzy. Sans Contrefaçon. SK‑FK (Skunkfunk). SOÉM. Sofffa Terreaux. Spacejunk. Tikki Records. Un Brin de folie. Village des Créateurs. Lyon 2 Agnès B. Archives Municipales. Atelier Parfumé. Autour de l’Image. Benoit Guyot. Boulangerie Saint‑Marc. Chez Camille. Cité de la Gastronomie. CJB. Cycles Marchi. Docks 40. Fondation Bullukian. Galerie Dettinger. Galerie Em’Arts. Galerie O. Houg. Galerie SLIKA. Galerie Tatiss. Hard Rock Café. Hôtel 71/Heat. La Cloche. Librairie Adrienne. Librairie des Arts. Librairie Expérience. Librairie Gibert. Librairie Passages. Marché Gare. MJC Confluence. Musée des Confluences. Musée de l’Imprimerie. Omart. Ories Galerie. Repetto. Strate Design. Théâtre‑Comédie Odéon. TNG‑Les Ateliers. Théâtre des Célestins. Théâtre des Marronniers. UCLY. Lyon 3 Auditorium de Lyon. BM Part‑Dieu. Café du Rhône. École E. Cohl. Gnome et Rhône. Hooper. Les Assembleurs. Mademoiselle Rêve. Métropole de Lyon. Pieds‑Compas. Poltred. Salle des Rancy. Tandem. Lyon 4 1150 Vintage. Agend’arts. Aquarium Ciné Café. Aux Trois Cochons. BM du 4e. Bistrot fait sa Broc. Bistrot des Voraces. Boîte à Vape. Bonnesœurs. Büfé. Burning Cat. Canuts & Les Gones. Café Bouillet. Cavavin. Cave Tabareau. Cave Valmy. Chez Robert. Chez Simone. Coop du Zèbre. Diable Rouge. ESPÉ. Fromagerie Galland. Galerie Vrais Rêves. KLS Lunettes. L’Assiette du vin. La Torpille. La Valise d’Élise. Le Grain de Folie. Labelalyce. LaBd. Maison Jolivet. Momento Café. Ô Fournil des Artistes. Paddy’s Corner. Sibilia. Théâtre de la Croix‑Rousse. Un Grain dans le Grenier. Villa Gillet. Vivement Dimanche. Lyon 5 Acting’s Studio. Ames Sœurs. Armada. Atelier Marinette. CRR de Lyon. École de Cirque Ménival. ENSATT. Espace Gerson. Food Traboule. L’Œil Écoute. Librairie Virevolte. LUGDUNUM Musée. La Mi Graine. MJC du Vieux‑Lyon. MJC Saint‑Just. Musées Gadagne. Le Sonic. Théâtre du Point‑du‑Jour. Lyon 6 BM du 6e. Institut Vendôme. Jobaar. Librairie Le Rameau d’Or. MAC Lyon. Taggart. Via Barcatta. Lyon 7 Arts en Scène. Atelier Chalopin. Bibliothèque Diderot. Bistrot des Fauves. Café Botani. CHRD. Cinéma Comœdia. COREP. EAC Lyon. École de Condé. ENS. La Commune. Le Court‑Circuit. Le Flâneur. Galerie Tator. HO36 Montesquieu. IEP. Kargo Kult. Librairie La Madeleine. Librairie La Voix aux Chapitres. Le Ciel. Librairie Rive Gauche. Livestation DIY. Mama Shelter. Mimo. Mowgli. Plasma. Sofffa Guillotière. Théâtre de L’Élysée. Lyon 8 Institut Lumière. Maison de la Danse. Médiathèque de Bachut. MJC Monplaisir. Salle Genton. Lyon 9 Au Bonheur des Ogres. Cave Valmy. Ciné‑Duchère. CNSMD. Fondation Renaud. L’Attrape‑Couleurs. Les Mangeurs d’Étoiles. Médiathèque de Vaise. Musée Jean Couty. TNG. Mâcon Cave à Musique. Musée des Ursulines. Théâtre de Mâcon. Miribel L’Allégro. Mornant Espace Jean Carmet. Neuville‑sur‑Saône La Maison Jaune. Médiathèque. Oullins La Mémo. MJC d’Oullins. Théâtre de La Renaissance. Pierre‑Bénite Maison du Peuple. Médiathèque E. Triolet. Rillieux‑la‑Pape CCNR. Ciné‑Rillieux. Espace culturel Marcel André. Médiathèque L’Échappée. MJC Ô Totem. Saint‑Étienne Cité du Design. Comédie de Saint‑Etienne. La Comète. Le Fil. MAMC. Musée d’Art et d’Industrie. Musée de la Mine. Opéra de Saint‑Étienne. Saint‑Fons Médiathèque Roger Martin du Gard. Théâtre Jean Marais. Saint‑Genis‑Laval La Mouche. Médiathèque B612. Saint‑Priest Cinéma Le Scénario. Médiathèque Fr. Mitterrand. Théâtre Théo Argence. Saint‑Vallier Ciné‑Galaure. Sainte‑Foy‑lès‑Lyon Bibliothèque. Ciné‑Mourguet. Tassin‑la‑Demi‑Lune Cinéma Le Lem. L’Atrium. Librairie Pleine Lune. Médiathèque. MJC Omega. Valence Comédie de Valence. Vaulx‑en‑Velin C.C. Charlie Chaplin. Cinéma Les Amphis. École d’architecture. ENTPE. Planétarium. Vénissieux Bizarre! C.A.P. Madeleine Lambert. Cinéma Gérard‑Philipe. Médiathèque Lucie Aubrac. Théâtre de Vénissieux. Vienne Théâtre de Vienne. Villefontaine Le Vellein. Villefranche‑sur‑Saône Auditorium. Cinéma Les 400 Coups. Conservatoire. Galerie Le 116art. Librairie des Marais. Musée Paul Dini. Office du Tourisme. Théâtre de Villefranche. Villeurbanne Campus de la Doua. CCO. CCVA. Cinéma Le Zola. Galerie Domus. ENMDAD. ENSSIB. Espace Info. Espace Tonkin. 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