James Kreiling - Alexander Scriabin - Complete late piano music

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FRA Scriabine n’a pas toujours eu bonne presse au cours de sa carrière. Ses excentricités ont souvent été décrites comme des symptômes de folie ou de fébrilité mentale. De telles attitudes ont peut-être légèrement changé ces dernières années, mais quand je suis tombé amoureux de sa musique il y a 18 ans, beaucoup d‘étudiants et d‘enseignants (au Royaume-Uni tout du moins) dénigraient ses dernières œuvres comme de simples curiosités. Les auditoires me scrutaient avec perplexité. D’aucuns se moquaient quand j‘expliquais ses idées concernant l‘art et l‘existence. Ce n’était certes pas la réaction de tout le monde, mais une réaction régulière malgré tout. Je trouve cette perception de sa musique injuste : pour moi, les dernières œuvres de Scriabine sont parmi les plus extraordinaires, originales et somptueuses que je connaisse, et méritent d’être prises au sérieux. Ces attitudes proviennent en partie de la conviction de Scriabine que sa musique annoncerait finalement une transfiguration de la conscience humaine. Je l’admets, il ne s‘aide pas beaucoup ainsi. Essayer de trouver le moyen d‘expliquer à un auditoire qu‘il préparait un opus magnum si vaste qu‘il engloberait tous les arts et initierait une transfiguration spirituelle de masse est assez délicat. (Oh, et cela devait avoir lieu dans un temple spécialement construit dans l‘Himalaya). Cependant, si nous y réfléchissons un peu différemment, je crois que, dans son essence, l’idée n’est pas si ridicule. Nombre d‘entre nous amateurs de musique sommes conscients de son pouvoir : la capacité d‘une grande performance à nous faire oublier le temps qui passe, à nous donner la chair de poule ou nous émouvoir jusqu’aux larmes, chacun œuvre un monde en soi. C‘est la capacité transformative de l‘art que Scriabine évoquait. Il voulait que son art unisse les hommes, pour faire tomber la barrière entre public et interprète, tout comme la musique est capable de dépasser les divisions sociales et culturelles. Dans mon désir d‘aider le public à trouver son chemin dans les dernières œuvres de Scriabine, j‘ai consacré les 10 dernières années à l‘étude de ces pièces, et complété mes études doctorales sur sa Sonate No. 6 en 2017. Pendant tout ce temps, j‘ai continué à enregistrer et à absorber autant de son monde musical que possible, en visitant notamment le musée Scriabine à Moscou. La musique de Scriabine n‘est pas seulement une partie inextricable de mon identité artistique, c‘est une musique qui parvient à accomplir ce que la musique fait de mieux : nous émouvoir, nous élever et nous impressionner en se demandant comment quelqu‘un a pu écrire de telles œuvres. James Kreiling 18 18


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