OUTRE-MER grandeur Nature _ n°6 septembre-octobre 2021

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L’E-MAG ULTRAMARIN DE L’ENVIRONNEMENT

MAYOTTE Une émergence de petites tortues vertes vient d’avoir lieu à Saziley, premier site de l’étude. © Sophie Morisseau

Mayotte

LE JEUNE VOLCAN SOUSMARIN AU LARGE DE L’ÎLE POURRAIT-IL INFLUER SUR LA PONTE DES TORTUES VERTES ?

est un terrain d’étude grandeur nature pour les tortues vertes, avec près de

3 000 femelles venant pondre sur ses plages chaque année. Rencontre avec la doctorante Sophie Morisseau, qui explore les éventuels effets de la hausse du niveau de la mer due au nouveau volcan, sur les stratégies de ponte.

INTERVIEW SOPHIE MORISSEAU DOCTORANTE AU CENTRE UNIVERSITAIRE DE FORMATION ET DE RECHERCHE DE MAYOTTE (CUFR)

• Comment votre parcours vous a-t-il mené aux tortues marines des plages de Mayotte ? - J’ai découvert Mayotte lors de mon stage de fin de master sur la géomorphologie littorale de la plage de N’Gouja, au sud de l’île. Comme c’est un site important pour la nidification des tortues marines, c’est là qu’avec mon encadrant, nous est venue l’idée d’étudier le lien entre la dynamique des plages et la nidification des tortues marines. Peu après, j’ai découvert la plage de Saziley où les tortues semblaient chez elles et où j’ai été impressionnée par le déracinement des baobabs. J’ai alors décidé de rester à Mayotte et de me lancer dans ce projet de thèse.

• En quoi consiste votre travail ? - « Comment la dynamique des plages peut-elle influencer la nidification des tortues vertes ? » : c’est la question posée par mon sujet de thèse dans ce contexte particulier où

l’île s’est enfoncée, provoquant une élévation relative du niveau marin. Je travaille sur deux sites d’étude : la plage de Saziley, premier site de ponte de l’île qui fait l’objet d’un suivi scientifique depuis 2019, et la plage de Papani en Petite-Terre, qui est également suivie et exposée à de forts mouvements sédimentaires. Concrètement, j’effectue des relevés topographiques saisonniers et étudie de manière approfondie les nids des tortues. Je reviens d’ailleurs tout juste d’une mission de 20 jours à Saziley où nous avons posé des capteurs sur 20 nids. Nous y retournerons avec des bénévoles lors de l’émergence pour récolter des données complémentaires. Une deuxième campagne sera conduite en saison humide 2022.

• Dans quelle mesure l’élévation de la mer pourrait-elle impacter les tortues vertes ? Les tortues marines passent le plus clair de leur temps en mer, mais leur survie est étroitement liée aux plages. Les femelles pondent dans le sable et elles ont pour cela besoin de conditions optimales – substrat, pente, végétation, etc. Face à une montée des eaux, les plages changent et peuvent perdre leur qualité d’accueil pour les femelles. La plage de Papani par exemple, coincée entre mer et falaise, se rétrécie peu à peu, ce qui laisse de moins en moins d’espace aux tortues pour pondre. Par ailleurs, les petits tortillons ont besoin de conditions environnementales optimales pour éclore. Si le niveau de la mer monte, les nids peuvent être inondés et être asphyxiés : une étude en laboratoire (Limpus et al., 2020 et Pike et al. 2015) montre que l’inondation d’un nid durant plus de six heures peut entraîner une mortalité embryonnaire.

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