CADRAGE
Les freins à la production locale et à l’accès aux traitements en Afrique P ar Philippe Abecassis, maître de conférences, université Paris 13 Nathalie Coutinet, maître de conférences, université Paris 13
Les pays africains font face à un enjeu majeur d’accès aux traitements médicamenteux. Alors que le marché mondial est mature et prospère, le continent africain apparaît très en retrait, malgré des besoins importants et un fort potentiel de croissance. Permettre aux patients d’accéder aux traitements et améliorer l’insertion de l’Afrique sur le marché mondial du médicament suppose de relever les défis de la disponibilité et de la qualité des produits, ainsi que celui de l’accessibilité financière.
L
a production de médicament est inégalement répartie dans le monde. Ainsi, le continent africain n’en produit que 3 %, alors que 95 % des médicaments consommés en Afrique sont importés. Cependant, cette situation diffère considérablement selon les pays. L’Afrique du Sud et le Maroc – véritables « pharmerging »1 du continent – réussissent à couvrir 70 à 80 % de leurs besoins pharmaceutiques tandis que, dans certains pays d’Afrique centrale, 99 % des médicaments sont importés.
L’Afrique affiche pourtant un taux de croissance annuel moyen estimé de l’ordre de 10 % entre 2010 et 2020 ; le continent représente un marché extrêmement dynamique – le second après AsiePacifique. Bien que l’Afrique ne représente qu’une faible part des ventes pharmaceutiques mondiales, son fort potentiel de croissance a conduit, depuis quelques années, les big pharma (multinationales pharmaceutiques) et les génériqueurs asiatiques (encadré ci-contre) à investir ce marché2 au côté des producteurs locaux. L’ensemble de ces acteurs intervient cependant sur un marché fragmenté par les spécificités historiques nationales.
UNE FAIBLE PRODUCTION AFRICAINE L’Afrique du Sud, premier producteur africain, produit principalement pour son marché intérieur – qui est le plus important du continent avec 3,19 milliards de dollars de ventes en 20163. Le groupe sud-africain Aspen, dont le
développement résulte d’un partenariat avec le groupe GSK, est le plus gros producteur du continent. Plus modeste, mais leader sur son marché, le groupe marocain Cooper Pharma met en œuvre une stratégie d’implantation d’usines
1 C ombinaison des termes « pharma » et « emerging ». 2 D ans ce contexte de croissance, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie et l’Algérie sont des marchés particulièrement porteurs. 3 Le taux de croissance attendu entre 2016 et 2017 est de 16,8 %.
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