La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?
de la fédération, notamment pour l’Oubangui-Chari. Les enfants des premiers commerçants de bétail arrivés en RCA, arabes salamat, diversifient par la suite leurs activités commerciales, rejoints bientôt par d’autres migrants venus du Tchad pour y exercer le commerce de produits manufacturés, et pour investir dans les secteurs des transports et de l’immobilier (Arditi, 2000). Par ailleurs, à partir de 1982, des combattants tchadiens de groupes armés du Nord et de l’Est du Tchad arrivent en Centrafrique pour fuir les violences. Suite à la prise de pouvoir par Hissène Habré en 1982, des partisans du Gouvernement d’Union nationale de transition (GUNT) s’installent en Centrafrique (Hadjaraï, Toubous, Arabes). Après la prise de N’Djaména par Idriss Déby en 1990, des combattants goranes (toubous) d’Hissène Habré se réfugient en Centrafrique. Parallèlement, les migrations du Salamat vers le Nord-Est de la Centrafrique sont continues, constituées par des Roungas installés de part et d’autre de la frontière et, plus récemment, par des éleveurs arabes, missiriés et salamat qui, depuis longtemps, transhument dans le Nord-Est centrafricain en saison sèche et qui, depuis les années 2000, s’installent à l’année, notamment dans le BaminguiBangoran, dans les parcs Awakaba, Ngarba et Manovo-Gounda-Saint Floris 19.
1.2. Les migrants originaires du Sud du Tchad Les migrations depuis le Sud du Tchad sont liées à des réseaux transnationaux et aux conflits tchadiens. Les réseaux ethniques (notamment sara) et familiaux, ainsi que le vivrier marchand suscitent des mouvements migratoires récurrents entre le Sud du Tchad et le Nord-Ouest de la Centrafrique. Par ailleurs, dans les années 1980, des violences provoquent des départs du Sud du Tchad vers la RCA. En 1983, Hissène Habré réprime les rébellions du Sud du Tchad provoquant la fuite de 4 000 Saras tchadiens. André Kolingba et les militaires français installent un centre d’accueil de réfugiés à Batangafo. Fin 1984, 30 000 réfugiés tchadiens originaires du Sud sont installés en Centrafrique, dont environ 5 000 à Bangui. En 1985, le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) met à disposition des camions pour rapatrier les réfugiés au Tchad, mais nombre d’entre eux décident de rester, quittant Batangafo pour rejoindre Bangui (Bigo, 1988). Les campagnes de démobilisation de l’armée tchadienne des années 1980-1990 poussent aussi des ex-militaires tchadiens, la plupart originaires du Sud du Tchad et proches de Félix Malloum, en Centrafrique. Certains de ces migrants diffusent des armes légères, notamment revendues aux convoyeurs de bétail, et s’engagent dans le banditisme et le braconnage (Marchal, 2009). 19. Entretien, N’Djaména (Tchad), juillet 2016 (E. Chauvin). 54