La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?

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La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?

proche de Moïse Kette, chef « codo »* (Chauvin, 2015). Dans les années 1990, des rébellions « sudistes »* entretiennent toujours des bases arrières en Centrafrique, comme les Forces armées de la République fédérale (FARF) de Laokein Bardé Frisson dans le massif de Bakoré (ICG, 2006). Ces liens inciteront N’Djaména à se détourner d’Ange-Félix Patassé et à soutenir François Bozizé. À partir de 2005, les rébellions anti-Bozizé formées dans le Nord de la RCA font craindre à N’Djaména une nouvelle déstabilisation. Dans le Nord-Ouest, l’APRD est formée par d’anciens proches d’Ange-Félix Patassé, dont quelques « codos »*, comme le général tchadien Doumro. Dans le Centre-Nord, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC) est dirigé par Abdoulaye Miskine. En 2009, arrive un autre compétiteur, Baaba Ladde, semi-coupeur de route et semi-rebelle tchadien (Chauvin et Seignobos, 2013). N’Djaména s’allie à François Bozizé pour lutter contre ces rebelles, avant de comprendre son incapacité à ramener la paix, ce qui décide N’Djaména à se tourner alors vers la Séléka. Toutefois, pour N’Djaména, les principaux risques sécuritaires se localisent plutôt dans la zone des trois frontières, soit aux confins du Tchad, du Soudan et de la Centrafrique, que dans le Sud du Tchad à proprement parler.

1.3. Sécuriser la zone des trois frontières Dans un contexte de guerre par procuration entre le Tchad et le Soudan (20032010), le président Idriss Déby cherche à stabiliser le Nord-Est de la Centrafrique, où circulent des hommes en armes prêts à menacer Bangui voire N’Djaména. Le Nord-Est de la Centrafrique sert de repère pour des rebelles tchadiens basés au Darfour et de zone d’implantation de rebelles centrafricains. En 2002, l’Armée nationale de la résistance (ANR), rébellion tchadienne, attaque les militaires tchadiens dans la localité de Tissi (Tchad), en passant par le Nord-Est de la Centrafrique (Birao). Khartoum utilise les petites pistes d’atterrissage du NordEst centrafricain, servant à l’exportation du diamant, pour approvisionner les rebelles tchadiens en armes. En 2006, une colonne armée des Forces unies pour le changement (FUC) part du Nord-Est de la Centrafrique pour rejoindre N’Djaména, son itinéraire par le Salamat et le massif du Guéra évitant la route Abéché-Ati, voie habituelle des attaques rebelles où Idriss Déby a massé ses troupes (Magrin, 2013). Une partie de cette colonne est formée de « libérateurs »* tchadiens ayant aidé François Bozizé à prendre le pouvoir à Bangui en 2003 (Marchal, 2006 ; Debos, 2012). À partir de 2006, des rébellions se créent dans le Nord-Est de la Centrafrique, l’UFDR et la CPJP, faisant craindre que cette région devienne durablement un repère d’hommes en armes, capables d’attaquer Bangui comme N’Djaména. Ainsi, la sécurisation du Sud du Tchad, région d’opposition et d’implantation des champs pétrolifères, et du Salamat, région périphérique instable, est stratégique pour le pouvoir central tchadien. N’Djaména intervient en RCA pour éviter la 46


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