La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ?

Page 40

Les modalités des interventions tchadiennes en Centrafrique

Prolongeant un jeu de bascule, c’est peu avant le départ des troupes tchadiennes que la France va faire un retour plus massif en RCA, à travers l’opération militaire extérieure Sangaris (décembre 2013-octobre 2016). Depuis la fin de cette dernière opération, une force onusienne de 12 000 hommes a été déployée, tentant de garantir la sécurité en RCA.

2.2. La contestation de la partialité du contingent tchadien Le Tchad utilise sa présence dans les forces multilatérales pour peser sur la vie politico-militaire de la Centrafrique, jouant ainsi un rôle partial contesté. De 1997 à 2013, le contingent tchadien des forces multilatérales participe au renforcement ou au renversement du pouvoir à Bangui, par son soutien ou sa passivité face aux rebelles. Lors des mutineries de 1996-1998, au sein de la MISAB, le Tchad joue la carte du président centrafricain en exercice Ange-Félix Patassé contre les mutins des quartiers Sud de Bangui. En 2003, le contingent tchadien de la CEMAC, et le reste de la FOMUC ne s’opposent pas à l’entrée des « libérateurs »* de François Bozizé dans Bangui. Dans l’exercice de son pouvoir, François Bozizé reste très largement dépendant du contingent tchadien, comme en témoigne l’annulation de l’une de ses visites au Soudan sous la menace du président tchadien Idriss Déby de retirer ses troupes de la FOMUC (ICG, 2007). En mars 2013, le contingent tchadien répète l’épisode de 2003, cette fois contre François Bozizé : il laisse la Séléka franchir la dernière ville-verrou avant la capitale (Damara). Un contingent sud-africain, déployé dans le cadre d’un accord bilatéral de défense entre la RCA et l’Afrique du Sud, qui aurait été signé en 2007, tentera en vain de s’y opposer. À partir de 2013, l’un des plus importants vecteurs de montée du sentiment anti-tchadien en Centrafrique est la collusion entre le contingent tchadien de la MISCA et la Séléka, auteur de graves exactions. Le contingent tchadien de la MISCA aurait ainsi aidé, à plusieurs reprises, les combattants de la Séléka à contourner l’obligation imposée à ces derniers de rester cantonnés dans leurs casernes, soit en leur fournissant des brassards MISCA, soit en les véhiculant 11. Par ailleurs, les soldats tchadiens auraient été impliqués dans des représailles contre des civils suite à des embuscades tendues par les anti-balaka à leur encontre. Plusieurs événements vont finir par précipiter le départ des soldats tchadiens de la Centrafrique : des manifestations violentes contre les militaires tchadiens à Bangui, des affrontements sporadiques avec le contingent burundais de la MISCA et la multiplication des embuscades des anti-balaka. En avril 2014, les

11. Human Rights Watch (HRW), « République centrafricaine : des combattants de la Séléka se regroupent dans le nord  », https://www.hrw.org/fr/news/2014/02/05/republique-centrafricaine-des-combattants-de-la-seleka-se-regroupent-dans-le-nord, publié en 2014, consulté en 2016. 39


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
La guerre en Centrafrique à l’ombre du Tchad. Une escalade conflictuelle régionale ? by Agence Française de Développement - Issuu