Au Vietnam également, la classe moyenne est fortement marquée par le dualisme. Une strate haute, limitée en taille, est constituée de deux sous-groupes représentant respectivement 7 et 16% de la classe moyenne vietnamienne : les dirigeants, cadres et professions intermédiaires du secteur public (qui sont à plus de 80% des employés du secteur public) très éduqués et dont les revenus sont les plus élevés de la classe moyenne, et les indépendants, employés et employeurs des services, qui sont essentiellement urbains, plutôt bien éduqués (60% ont une éducation secondaire), et disposent de revenus relativement élevés par rapport aux autres. Ces deux sousgroupes sont les plus proches de la notion classique de la classe moyenne, même si une partie des ménages du second groupe est liée à l’informel et est plus vulnérable car ne bénéficiant pas de l’assurance sociale. Une large strate basse est composée des retraités et inactifs (14%) au niveau d’éducation et de revenu relativement plus faible que celui des autres sous-groupes, et des employés de l’informel (30%) majoritairement constitué d’ouvriers, disposant d’un niveau d’éducation moyen, que l’on retrouve dans le secteur manufacturier, de la construction et des transports où ils sont généralement employés par des unités de production privées exerçant au sein de l’économie informelle. Si l’on ajoute les travailleurs ruraux non rémunérés (7%) qui rassemblent des chefs de ménage travailleurs non rémunérés exerçant dans leur grande majorité en milieu rural dans l’agriculture formelle, et le sous-groupe des exploitants agricoles (27%) constitué d’agriculteurs (ainsi que des pêcheurs et des exploitants forestiers) indépendants formels assez peu éduqués et aux faibles revenus, la strate basse et vulnérable représente plus de 75% de l’ensemble de la classe moyenne vietnamienne. Une spécificité vietnamienne est que, quelle que soit la strate de la classe moyenne (haute ou basse), une partie des chefs de ménages combinent une activité agricole à leur activité salariée ou indépendante. 2.3.2. Des classes moyennes de salariés plus que d’entrepreneurs ? Une particularité commune aux quatre pays est qu’il n’existe pas de groupe de classe moyenne d’entrepreneurs, contrairement à certaines préconceptions de cette catégorie. Dans les quatre pays, les entrepreneurs se distribuent dans plusieurs groupes selon les caractéristiques de leurs entreprises ou du secteur d’activité. Ils ont donc des caractéristiques très différentes d’un groupe à l’autre et d’un pays à l’autre. En d’autres termes et contrairement aux hypothèses théoriques se basant sur les faits stylisés inspirés par les trajectoires de développement industriel européenne et nord-américaine et le rôle qu’y ont joué les entrepreneurs (Doepke and Zilibotti, 2008), l’entreprenariat n’est pas un réel facteur de différenciation au sein de la classe moyenne dans les pays en développement de notre échantillon. Cela ne signifie évidemment pas qu’il n’existe pas d’entrepreneurs au sein des classes moyennes des économies en développement. Les capacités d’épargne et d’endettement peuvent être utilisées par une petite partie des groupes à revenu intermédiaire pour structurer des activités de marché, créer des entreprises formelles et investir dans la productivité. Mais, comme le montrent Banerjee et Duflo (2008), il s’agit d’un entreprenariat souvent informel, contraint financièrement, peu productif et peu pourvoyeur d’emploi formel. Pour la plupart des ménages de la classe moyenne qui possèdent une entreprise, cette dernière est juste une source de revenu supplémentaire et les investissements productifs sont moins importants que les investissements en capital humain.
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