A Savoir n° 19 | L’Afrique et les grands émergents

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3. Implications sectorielles des puissances émergentes

Encadré

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L'uranium du Niger, fin du monopole français

Les gisements d'uranium du Niger constituent un approvisionnement stratégique pour la France, en amont de sa filière énergétique. Grâce aux campagnes d'exploration, du BRGM et du CEA, les mines exploitées par AREVA permettent au Niger de se classer parmi les premiers exportateurs mondiaux de "yellow cake" (concentré d'uranium ou uranate). En 2015, le Niger pourrait être le deuxième producteur au monde (9 000 à 10 000 tonnes/an) derrière le Canada, devant le Kazakhstan. Il fournissait en 2008 le tiers des besoins des centrales françaises et en assurera probablement la moitié en 2015. Malgré les fluctuations du cours de la livre de “yellow cake" sur le marché spot, les industriels français ont procédé à des achats réguliers sur une base de prix d'enlèvement en nette croissance. Le kilogramme d'uranate, qu’AREVA payait 17 500 francs CFA, soit 26,5 euros, entre 1990 à 2000, avait doublé entre 2006 et 2008, pour dépasser 50 000 francs CFA en 2009. Ces réajustements ont été consentis sous la pression du cours mondial et de la concurrence qui jouait pour la première fois. Au pouvoir depuis 2000, le président Tandja se trouva en position de force dans la négociation qui l'opposa à AREVA, et ce pour deux raisons. D'une part, les permis d'exploitation des deux principaux gisements (Arlit et Akokan) arrivaient à terme ; d'autre part, AREVA n'était plus le seul groupe intéressé par l'attribution du nouveau gisement d'Imouraren,. Les Chinois, qui effectuent au Niger une percée remarquable, ont failli supplanter la société française, grâce à une proposition de prix d'enlèvement nettement supérieure. Après la visite éclair du président Sarkozy, le permis de la mine d'Imouraren a été finalement attribué à un consortium franco-nigérien, mais à un prix finalement supérieur au cours mondial. Si l’enjeu de ces concessions est important pour la France, il l’est aussi pour la Chine qui aura besoin de grosses quantités d'uranium pour porter de 2,5 à 6 % la part du nucléaire dans sa production d'électricité. La construction de ce parc est également un enjeu pour AREVA. La Chine a finalement obtenu des autorités de Niamey l'exploitation d'un gisement voisin d'Imouraren. Elle reste en position d'attente dans le secteur minier, où elle continue ses explorations. Elle investit par ailleurs dans le secteur pétrolier et dans la construction d'infrastructures qui lui assurent une bonne visibilité. Après la Chine, l’Inde, le Brésil, le Canada s’intéressent aux ressources africaines en uranium. Malgré les risques liés à la menace terroriste, malgré les interrogations créées par l'accident de Fukushima, le boom de l'uranium semble devoir se prolonger, dopé par la demande d'énergie des puissances émergentes. En dépit des incertitudes politiques de la région sahélienne, le Niger devrait rester un acteur important de la filière nucléaire.

Avril 2013 / L’Afrique et les grands émergents / © AFD

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