L’accès et le maintien des femmes à l’emploi de qualité au Maroc, en Tunisie et en Turquie

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Les femmes marocaines, tunisiennes et turques font face à de multiples obstacles et freins dans l’accès et le maintien au marché du travail

Si à l’origine dans les campagnes, travailler pour quelqu’un d’autre que la famille était synonyme de difficultés économiques (Belghiti 1971, cité par Damamme 2011), les femmes rencontrées lors des enquêtes de terrain ressentent une forme de reconnaissance sociale. D’une part, le fait de ramener des ressources au foyer les rend responsables et les libère de la seule identification à la sphère domestique et de leur statut de « femme » ou de « mère ». Elles sont aussi « ouvrières agricoles ». Khadija de la coopérative Amanar explique que l’objectif était bien sûr d’abord pécuniaire, mais il était aussi d’ordre « moral, psychologique » : « Avec le travail on peut faire beaucoup de choses, les contacts, rencontrer des gens… l’argent bien sûr c’est l’objectif, mais aussi moral. Le travail dans la coopérative aide les femmes à sortir de leur petit monde, à connaître d’autres personnes et être connues par d’autres personnes, connaître sa propre valeur, savoir de quoi on est capable. (…) On n’est pas toujours gagnant pour l’argent, mais on gagne quand même beaucoup en tant que personnes. Moi maintenant, je pars à l’étranger faire des expositions et c’est bien. Et les autres aussi ont ouvert leur monde. S’il n’y avait pas la coopérative, elles n’allaient même pas voir des gens de l’extérieur. Elles vont dans des expositions, elles vendent, elles sont bien » (Maroc, 2014). Dans le même temps Khadija, qui n’a pas suivi d’études, signale qu’elle a gagné en compétences professionnelles puisqu’elle a appris la comptabilité, mais qu’elle a également pu suivre des formations dispensées par l’Initiative nationale de développement humain (INDH) pour la gestion des coopératives. Elle a ainsi renforcé ses compétences et son autolégitimation à être présidente de la coopérative. Loin de sous-estimer l’importance et la motivation du salaire, Isabelle Guérin (et alii, 2011) note aussi que les « collègues » offrent aux femmes des espaces de délibération, des moments d’échanges, des opportunités de partage et de mutualisation d’expériences, mais aussi des moments propices à l’obtention d’informations et à l’acquisition de compétences.

2.

Le manque de formalisation et le manque d’accès à la protection sociale précarisent le travail des femmes et leur accès au travail décent

Au Maroc, le secteur du textile emploie près de 175 000 personnes (200 000 pour le Ministère de l’industrie). Il est le premier employeur industriel du pays avec 14 % des emplois industriels nationaux. Le secteur contribue à 24 % des exportations marocaines de biens, ce qui représente en 2013 7 % du PIB national 15. L’Association Marocaine de l’industrie textile et d’habillement recense 1 600 entreprises qui produisent un milliard de pièces par an, dont 27 % est orienté à l’export. La production écoulée sur le marché national ne couvre que 10 % de la totalité de ce marché. Le Ministère de l’industrie marocain insiste

15

Le ministère de l’industrie à travers sa page dédiée au programme EMERGENCE ne donne pas les mêmes chiffres puisqu’il estime que les exportations de textile représentent 13 % du PIB, c’est-à-dire près du double de ce que l’AMITH affiche. Les dates des chiffres ne sont pas claires, on peut donc supposer qu’il s’agit d’un problème d’harmonisation des dates plutôt qu’un problème statistique.

76 | NOTES TECHNIQUES – N°32 – JUILLET 2017


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