Nouvelles N° 2320

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Jeudi 15 août 2019 - N° 2320 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro

MÉDOC

UN PARC NATUREL FAÇONNÉ PAR LA MAIN DE L’HOMME


TERRIT MÉDOC

Un parc naturel façonné par la main de l’homme Le Médoc est devenu un parc naturel régional par décret du 24 mai 2019. Bordé à l’est par l’estuaire de la Gironde et à l’ouest par l’océan Atlantique, le territoire s’étend des portes de la métropole bordelaise à la pointe de Grave. Sur une superficie de 2 400 km2, plus de 102 000 personnes habitent donc ce parc. Aujourd’hui comme hier, le patrimoine médocain est tout aussi affaire d’hommes et de femmes que de paysages. Le pays médocain est devenu parc naturel régional. Parc naturel… spontanément, la dénomination évoque les pins maritimes, les dunes de sable, les vignes et la culture locale… On sera bien en peine cependant de trouver trace d’un esprit contemplatif dans la littérature administrative qui a conduit, le 26 mai dernier, au classement par décret du pays médocain parmi les 5 parcs naturels de Nouvelle Aqui-

taine (Landes de Gascogne, Périgord-Limousin, Marais Poitevin et Millevaches) et les 54 de l’hexagone. Se félicitant de cette classification, qui « donne des outils aux services de tous ceux qui souhaitent développer le Médoc en valorisant ses ressources », le président de la région Alain Rousset et celui du pays Médoc Henri Sabarot, détaillaient en termes peu fleuris, les vocations de ce nouveau PNR : Le Médoc, presqu’île évolutive qui accorde ses activités humaines avec les dynamiques naturelles. Le Médoc, territoire solidaire qui prend soin de ses équilibres pour renforcer son essor. Le Médoc, territoire ouvert et acteur d’une relation équilibrée avec la métropole bordelaise. Il faut dire que, si ce classement en parc naturel est une valorisation patrimoniale, les élus locaux ont surtout voulu en faire un outil de développement : « l’idée est de concilier deux objectifs trop souvent en opposition, celui de désenclaver et dynamiser le territoire et celui de

préserver sa qualité de vie, son environnement et ses paysages », argumentaient-ils à l’occasion du bilan de la longue concertation qui a présidé à la démarche. « Le Médoc porte l’identité historique, géographique, naturelle et culturelle de toute la presqu’île médocaine. Ce projet est avant tout un outil de développement du territoire qui s’appuie sur ses fondamentaux comme ses immenses espaces, ses paysages variés, son eau, son économie forestière et viticole, ses entreprises qui ont développé des savoir-faire uniques (le matériau composite, les artisans du bâtiment, les métiers de bouches, la tonnellerie, l’élevage, l’ostréiculture…) et son économie touristique », rajoutent les deux présidents dans leur communiqué de « victoire ». Pour les girondins en tous cas, le Médoc, c’est un territoire enclavé dans lequel on se balade, dans lequel on cherche des cèpes, on parfait son bronzage, on surfe, on goûte de merveilleux breuvages… mais un territoire sur l’histoire duquel on

s’attarde très peu. Et pourtant, si les paysages du Médoc sont riches, ils le sont aussi de l’apport des activités humaines qui les ont façonnés. Dunes, forêts, vignes, marais… c’est la main de l’homme qui a dessiné, régulé, construit l’identité paysagère de ce territoire. Tout autant peut-être, que les eaux qui l’entourent… Pour les Nouvelles de Bordeaux, mettre en valeur ce classement en Parc naturel, c’était donc d’abord se pencher sur l’histoire des hommes et des femmes qui l’ont façonné. A travers les contes, les chansons, les légendes qui s’y transmettent ; à travers les savoir-faire (gemmage, viticulture,…) qui s’y sont aiguisés ; à travers les photos et souvenirs de familles qui s’y sont gravés. Parce que l’histoire des hommes et des femmes de ce territoire fait intégralement partie du patrimoine naturel de celui-ci.

Ce fut à cette époque qu’elle fut affublée du surnom de « Folle ». Un soir, alors qu’elle traversait la petite propriété, elle s’aperçut que, sans qu’elle ne s’en occupât, la vigne était fin prête pour la récolte. Le lendemain, elle se mit à l’ouvrage. Toute à ses souvenirs, elle travaillait comme un automate, ne s’étonnant pas que ses cuves fussent propres et le chai bien rangé. Du vivant de Pierre, elle ne s’était jamais occupée de la vinification, ce qui ne l’empêchait pas d’agir avec méthode et précision, comme si une volonté supérieure lui dictait les gestes à accomplir. La récolte fut prodigieuse. Jamais auparavant, le vin n’avait eu cette robe, ce bouquet, ajoutés à la quantité. Lorsque son voisin, le marquis de Bernac, dernier du nom, vint lui rendre visite, il s’étonna de la qualité de la récolte et proposa à Marie de l’acheter à un prix plus que raisonnable. Des engagements furent pris pour les années suivantes. Grâce à ces rentrées d’argent, Marie put améliorer… d’autant plus qu’elle n’avait aucun ouvrier à payer. À la fin de troisième année, elle avait pourtant recueilli un roulier, arrivé à un âge où plus personne ne voulait l’employer. Il allait bien avec Marie, rigolaient les gens, puisqu’il était aussi fou qu’elle. Il faut raconter que les propos qu’il tenait avaient de quoi faire sourire, sinon rire. Malgré cela, on lui reconnaissait des talents de conteur, et lorsqu’il se lançait, après boire, dans le récit de ses visions nocturnes, pas un ne l’interrompait. Il avait l’art de captiver les gens en répétant, soir après soir, la même histoire. Il créait une légende, sans le savoir, puisque, de ses dires, il ressortait que, à date fixe, des ombres se profilaient dans les vignes, et que, le matin, il voyait

son travail de la semaine terminé. Comme si une douzaine de personnes avaient travaillé toute la nuit. Un soir, il raconta même qu’il avait trouvé une lampe Pigeon dans les vignes. Après son départ, chacun se mit à se moquer de lui, il l’apprit, on ne sait comment, et le lendemain, lorsqu’il pénétra dans la taverne, il tenait l’objet précieusement. Chacun s’empressa autour de lui, voulant voir et toucher cette lampe qui s’avérait être ce qui se faisait de mieux à l’époque. Il rentra fort tard cette nuit-là… Chacun ayant tenu à lui offrir le « petit coup pour la route »… On ne le vit plus les jours suivants. On se racontait qu’il était malade, ne pouvant trouver une explication à cette absence, on extrapolait, il gardait le lit suite à sa cuite, il gardait sa lampe, cadeau des fantômes, bref, on ne savait rien et lorsque l’ouvrier de Marie revint, on se bouscula pour avoir droit à ses confidences. L’explication en était fort simple, on lui avait volé la précieuse lampe et, d’après lui, ce ne pouvait être que quelqu’un à qui il avait fait ses confidences. Chacun se récria bien sûr… Il n’empêche que le surlendemain, il revint triomphant et inquiet. Il montrait à tous une lampe identique, à ceci près que cette dernière était absolument neuve. Loin d’être content, il se sentait mal à l’aise, et attribuait ce prodige à une puissance occulte qui le surveillait. Il ajouta qu’il était sûr d’avoir oublié de ranger ses outils… il avait voulu se lever en pleine nuit, et, ce matin, il les avait trouvés rangés et nettoyés. Chacun s’apitoya sur son sort en ajoutant qu’il avait de la chance d’avoir un ange gardien qui veillait à l’aider dans son travail et à réparer ses erreurs. Même

si la crédulité n’est pas d’usage dans le Médoc, force était de reconnaître que les résultats obtenus par Marie et son ouvrier dépassaient largement le rendement que l’on put attendre de deux personnes. Devant le corps d’habitation, une pelouse était parfaitement entretenue. Les bordures, à la belle saison, regorgeaient de fleurs et les allées semblaient être nettoyées de leurs feuilles, toutes les semaines qui font l’année. Une nuit, le notaire de Saint-Laurent revenait du Château de Balac, lorsqu’au loin il aperçut des lumières qui venaient de la propriété de Marie. Immédiatement, tel un cheval pris de folie, la nouvelle galopa de Lesparre à Castelnau, et plus personne n’osa élever la voix, lorsqu’il fut question des terres à Marie. La légende s’enracinait. Les années s’écoulèrent sans que Marie et son ouvrier ne changeassent quoi que ce soit à leurs habitudes. Tous les dimanches, le Marquis lui rendait visite, critiquant ou approuvant le travail fourni. Marie lui répondait, « Nous ne sommes que deux… » lorsqu’il émettait un reproche et « On fait ce qu’on peu… », lors d’un éloge. Il faut bien dire que le Marquis, en vieillissant, devenait de plus en plus critique et qu’ayant profité vingt ans du travail de sa voisine, beaucoup trouvaient ses reproches, pour le moins, déplacés. Alors que le soleil chauffait les vignes, en une magnifique journée d’été, Marie rejoignit les siens qui, pensait-elle, ne l’avaient jamais laissée seule. Le Marquis la suivit quelques jours plus tard et l’ouvrier de Marie ne put faire autre chose que de rejoindre sa maîtresse. Il fallut, pourtant, aux Médocains, qui sont curieux de nature, attendre

V.B.

ALAIN POLFIET

Marie la folle Qui se souvient, aujourd’hui, de Marie Ballamard, dite Marie la folle ? Quelques anciens Médocains, peut-être… Elle était de ces gens que l’on craint et admire à la fois. Mais surtout, Marie alimentait les discussions le soir à la veillée. Elle vivait, semblait-il, hors du temps. Et sa beauté extraordinaire n’était pas la seule raison qui expliquât la fascination qu’elle exerçait sur ses compatriotes. Marie avait une idée fixe… Un matin, la maréchaussée avait tout retourné chez elle, les gens d’armes l’avaient menacée et bousculée… Marie n’avait pas compris leur brutalité, alors que ses fils se battaient pour la France, et, que Pierre, son mari, était parti depuis un mois les rejoindre à Paris. Très digne, elle avait supporté les affronts et les insultes. Elle avait au fond du cœur tant de confiance en les siens que, pas une seconde, elle n’imagina la vérité. Pierre et ses deux fils avaient été tués sur les barricades aux côtés des communards. Lorsque, plusieurs mois plus tard, elle l’apprit, son visage ne broncha pas. Puisqu’ils n’étaient pas revenus et qu’ils ne reviendraient jamais, elle ferait en sorte que leur souvenir ne s’efface jamais de la mémoire de son peuple… Et puisque leurs corps étaient perdus quelque part dans une fosse commune, elle bâtirait de ses mains une sépulture digne d’accueillir leurs âmes. Caillou après caillou, elle construisit un étrange monument où se mêlaient des entrelacs et des figures représentant les visages des défunts. Il se dégageait, de l’ensemble, une tristesse que l’on trouve rarement dans le Médoc. 2 • Les Nouvelles 15 août 2019

qu’un journalier ayant travaillé pour le Marquis donnât, enfin, la clé du mystère, après s’être saoulé plus que de coutume. Pendant vingt ans, il avait taillé, nettoyé, vendangé la nuit, payé par le Marquis, avec l’aide de dix autres, les terres de Marie. Et chacun, suite à d’autres témoignages, se rendit à l’évidence, le Marquis de Bernac n’avait eu qu’un seul amour dans sa vie, Marie Ballamard, dite Marie la Folle. Dans Poésies, Contes et sortilèges du Médoc, éditions Arpol, 2000, p.15-18


TOIRE ALAIN POLFIET

Le temps Il en va des temps comme il en va des choses. Il en va, aussi, d’un temps qui fait vieillir les choses que nous côtoyons tous les jours sans y prendre garde, tellement elles font partie de notre vie. Que le temps passe, que les choses s’usent, on ne s’en aperçoit jamais à l’instant où il passe, ni lorsque nous le passons à user les choses. Et puis, un jour, sans le chercher, on retrouve un vieil outil oublié, déjà rongé par la rouille, ce cancer du fer, et on se dit : « Ah, celui-là, il y a au moins trente ans qu’on l’a employé la dernière fois. » Et on se rend compte de tout ce temps passé, d’autant plus que le hasard veut que ce soit à ce moment-là que l’on ressent certaines douleurs dans le dos, ou à l’estomac, ou ailleurs. Et on se dit qu’on devient vieux. Si je vous parle ainsi, c’est qu’en rangeant un vieux chai, je suis tombé sur une caisse pleine de vieux outils dont j’ignorais l’existence. Une vieille bouteille poussiéreuse, enveloppée dans un chiffon attira mon attention. Par curiosité, je l’ai débouchée pour la sentir. Un parfum enivrant s’attaqua à mes narines embrumant mon cerveau. Je me suis assis, et j’ai commencé à astiquer les vieux outils. Si certains me rappelaient vaguement mon enfance, j’étais certain de ne pas reconnaître les autres. Mais tous me rendaient, sans en comprendre la raison, nostalgique. Et de toute façon, à part le regret d’une jeunesse envolée, je n’avais aucune raison d’avoir du vague à l’âme. Parce qu’il faut bien dire que depuis ma naissance, la chance n’a jamais cessé de m’accompagner. Ma mère et mon père amènent, à chaque instant, leur joie de vivre, leur énergie et un optimisme indestructible… Ma femme, mes jumelles de dix ans et

moi-même, ne pouvons faire autrement que de les suivre. Notre petite propriété n’est que rire et chansons. Nous essayons de faire partager cette façon de vivre à nos amis, mais ce n’est pas toujours évident… Nous n’ignorons pas que nos voisins mettent notre chance sur le dos de ma grand-tante. Ils la surnomment la sorcière, ce qui heurte la fibre familiale de nos filles, et pourtant, il faut bien reconnaître qu’elle ressemble à une sorcière. Elle-même en rit, ajoutant que c’est dû à son grand âge. De mauvaises langues, des jaloux, prétendent que c’est elle qui gère le domaine. Mais si nous suivons ses conseils, c’est qu’elle connaît mieux la vie en général, et la vigne en particulier que quiconque. De plus, les jumelles l’adorent lorsqu’elle raconte le soir des histoires plus fantastiques les unes que les autres. Ceci, à notre grand plaisir, nos enfants ne connaissent pas le mot ennui. En frottant les out i l s, je f u s étonné de les voir briller entre mes mains. Une fois la poussière enlevée, ils paraissaient neufs. La bouteille retint, une nouvelle fois, mon attention. Et presque machinalement, j’ai porté le goulot à mes lèvres. Je me sentais bien. Le vin avait un goût « d’avant », un petit quelque chose qui réveillait en moi des souvenirs oubliés. Je revoyais mon grand-oncle fourbir sa pipe d’écume, décrotter ses sabots de bois, lisser sa moustache à l’aide d’un morceau de miroir, rire de tout et de rien, et entraîner ma mère dans une folle farandole.

Était-ce la douceur avinée du vieux chai, les quelques gouttes de vin, ou plus simplement la fatigue normale après un dure journée de travail ? Je me sentis brusquement fatigué. Les vieux avaient l’air de me dire « Repose-toi, tu l’as bien mérité … » Et j’ai fermé les yeux. Puis je les ai rouverts, étonné. Je me trouvais dans la vigne, la serpe rougissante dansait avec le sécateur raide comme la justice, la binette se prenait pour un petit rat et faisait des pointes, ce qui faisait rire la masse qui enfonçait tranquillement les caraçons. Et tout ce petit monde, tout en dansant, se mit à cailler, à biner, à cirer les fils, devant mes yeux ébahis. Un soc visiblement très âgé se mit de la partie en riant d’une façon

grinçante. Des vieux morceaux de fils de fer enlaçaient les sarments coupés au cordeau par un sécateur facétieux. Tout cela sur un fond de musique qui me rappelait avec précision les bals des vendanges d’autrefois. Une grande haridelle de faux vint m’inviter à danser. Une main sur le manche, l’autre sur la poignée, nous avons valsé comme deux amoureux. Le soleil avait disparu depuis longtemps lorsque nous avons arrêté de danser. Je me suis assis et j’ai croqué un oignon avec un morceau de pain, comme les journaliers faisaient dans le temps, le vin avait un petit goût suret, un vin de jeunes vignes assurément ! Et puis malgré le froid de ce mois de janvier, je me suis assoupi… ,

pour me réveiller secoué par ma chère femme qui s’inquiétait. « Tu vas tomber malade…, avec ce froid et cette saleté. » Elle me prie le sécateur des mains, et la rouille rougie ses doigts. Par terre, la divine bouteille répandait son nectar. Isabelle renifla avec dégoût. « D’où sors-tu ce vinaigre ? Il sent le moisi ! » Elle jeta le sécateur dans la vieille caisse, sur les autres outils cassés et ébréchés. Dans un coin, je vis ma cavalière, cassée… Une seconde, j’eus l’impression que le vieux soc me souriait de sa bouche édentée. Puis, je suivis ma femme. Le repas était servi. Ma grand-tante me regardait, l’air de me demander ce que je pensais de ce que je venais de rêver. Intuitivement, je savais qu’elle était au courant de mon rêve. Mes parents discutaient avec les jumelles, ce qui, immanquablement, se terminera par des éclats de rire des enfants, c’est-àdire de tout le monde. « Tu sais, mon grand, me dit ma grand-tante, si les gens me surnomment la sorcière, sais-tu comment ils appelaient ton grandoncle ? » Comme j’avouai l’ignorer, elle continua : « Merlin ! Comme l’enchanteur. Ah…, si tu avais pu le voir danser avec ses outils dans les vignes. Il abattait le travail de trois personnes en faisant le pitre. Et ses fagots de sarments, comme ils étaient beaux, on venait de Bordeaux lui en acheter. Et oui…, dans la vigne c’ était vraiment un magicien, et il faut dire que la vigne le lui rendait bien. Malgré tous nos efforts à tes parents et à moi, nous ne sommes jamais parvenus à réussir le vin comme il y arrivait. Et puis, il l’aimait son vin, il ne partait jamais sans en emporter

une bouteille, non pour la boire, mais pour jouir de sa présence. Pendant des années, une bouteille a accompagné les outils partout où il les transportait. Ce doit être du vinaigre maintenant. » Elle reprit après s’être servi un verre de vin. « Si tu avais pu le goûter, je ne pense pas que tu en aurais oublié la saveur extraordinaire. Il est dommage que tu n’aies pas connu ton grand-onde…, c’était quelqu’un de rare… » C’est vrai, je ne l’avais pas connu et pourtant… « Il fumait bien la pipe ? » « Bien sûr, une belle pipe en écume et bruyère, il passait des heures à la nettoyer. » « Il portait de gros sabots de bois ? » « Comme beaucoup de paysans à cette époque… Mais il les nettoyait luimême… » « Il lissait sa moustache devant un morceau de glace qu’il avait toujours en poche ? » « Comment sais-tu tout cela ? » J’ai souri, vraiment heureux. « C’est lui qui me l’a dit… » Isabelle a haussé les épaules, en me disant que j’étais vraiment fatigué et que c’était normal en voyant le travail que j’avais abattu dans les vignes. « Tu étais en forme aujourd’hui…. » Intervint mon père. « Pas plus que d’habitude… » « Tu as travaillé comme trois… Par contre, je suis triste de te le dire, mais tu sens la vinasse… , et j’ajoute que tu donnes l’impression d’avoir ramassé une belle cuite avant d’aller dormir dans le chai. Enfin, ça te regarde, surtout si ton travail est fait. Et chapeau pour tes fagots, tu ne les as jamais aussi bien fait, on dirait ceux de mon oncle… » Je suis monté me coucher en pensant que c’était dommage d’avoir renversé la bouteille… Ce n’était pas de la vinasse ou du vinaigre pour moi…, c’était le vin d’antan… Dans Poésies, Contes et sortilèges du Médoc, éditions Arpol, 2000, p.43-47

Eysines Recueilli auprès de Roland Baron, 65 ans, à Blanquefort en 1984, ADG, Fonds Lavaud, 75J56A, publié dans Le Médoc, de bouche à oreille, par Les Archives départementales de la Gironde. Le maire un brave homme Il faut bien le reconnaître. Mais il est bien fatigué, Il est né un dimanche. Quand il commence un discours Il le bégaie cinq fois Après il va dormir. Heureusement qu’il a ici Un homme de confiance. Il a Moussa Car tout en étant rien Moussa est maire deux. Quand il dit : « Et moi je dis ceci »

Les autres courbent le dos Pour recevoir les coups de bâton. Serres le vacher Ne pense qu’à ses vaches Qui lui donnent du lait Et bien de la barbaque. Buffeteau vole d’aise, Il a tout d’un épicier Mais rien du conseiller. Bourdette Le roi des cantonniers, Le roi de la brouette, Il faudra bien un beau jour Lui faire une statue Que l’on mettra dans le bourg Au beau milieu de la rue. Mais avant tout cela Il faudra le décorer de l’ordre de la citrouille Ou du doryphore. Les Nouvelles 15 août 2019 • 3


TERRITOIRE Le gemmeur Recueilli auprès de Elie Souleyrau, 80 ans, (né à Cabanac-et-Villagrains), à Lacanau-Medoc en 1985. ADG, Fonds Lavaud, 75 J 66 A, publié dans Le Médoc, de bouche à oreille, par Les Archives départementales de la Gironde. J’ai débuté dans la forêt du Porge. Et alors, là, c’était un propriétaire, il s’appelait Gori. E c’était une forêt qui avait dix-huit kilomètres de long et dix-huit cents mètres de large. Il y avait quatre cent cinquante résiniers. Et alors là, c’était le patron, bien sûr, qui payait un peu comme il voulait. (…) Le premier février, il fallait faire la préparation, c’est-à-dire préparer, peler, cramponner. Il ne fallait pas que ça dure plus d’un mois et demi, pour que les gemmeurs soient prêts à la même date. Et après, il fallait commencer à piquer, à faire couler la gemme.

Mais à l’époque, pour gagner sa croûte, il fallait que tout le monde travaille, la femme, tout le monde. Tout le monde et même les enfants, tout petits, tous travaillaient. Le piquage commençait vers le quinze mars, jusqu’à fin septembre. Après, le barrascage. Racler ce qui restait sur l’entaille et le mélanger avec la résine qui était dans le pot. Pendant l’hiver, il y avait l’aménagement de la forêt, l’éclaircissage, il y avait toujours du travail. On vivait dans des cabanes, et toute la semaine, et il fallait même travailler le dimanche. Ce n’était pas possible de faire ce travail si on n’avait pas une cabane sur place. Mais on avait quand même un logement en ville, enfin, dans la commune, à Lacanau. Mais il était impos-

sible de faire le travail que l’on faisait si on n’était pas sur place. Ce qui fait que, dès qu’il faisait jour, allez, hop, on était dans les pins, à travailler jusqu’à la nuit. Ici, il y avait l’union. Et bien, pardi, ces manifestations nous on permis d’arriver à travailler au mois. Parce qu’avant on était payé… Par exemple, on commençait le travail le premier février mais on n’était payé que quand il y avait des rendements, au mois de mai. Tandis que après trente-six, la revendication de mille neuf cent trente-six, on a voulu être payé tous les mois.

La galette Recueilli auprès de Joseph Roux, 86 ans, à Saint-Germain-d’Esteuil en 1985 ADG, Fonds Lavaud, 75 J 71 A, publié dans Le Médoc, de bouche à oreille, aux Archives départementales de la Gironde.

La résine Recueilli auprès d’André Constantin, 73 ans, à Lacanau Médoc en 1985, ADG, Fonds Lavaud, 75 J 74 A, publié dans Le Médoc, de bouche à oreille, par Les Archives départementales de la Gironde. La résine autrefois, c’était un revenu. Tous les mois, enfin presque tous les mois, on touchait un peu d’argent. Cela faisait une paye, si on peut dire. Aujourd’hui, on dirait un salaire, mais à cette époque, c’était une paye. Ils faisaient une paye, ils faisaient un peu de résine. J’ai connu, enfin c’est pas bien le mot, un parent me l’avait expliqué, et autrefois j’en ai vu un, il y en avait un à Meogas, on faisait brûler cette résine, pour en extraire le brai car on ne récoltait

pas, à ce momentlà, l’essence de térébenthine. On faisait brûler la résine pour récolter le brai qui était vendu après pour mettre sur les bateaux. On faisait ça à pieds. Après, il s’est monté d’abord une usine à Lacanau qui a récolté la résine, qui a fait sécher la résine, l’essence de térébenthine, le brai, la colophane, tout ça. Par la suite, Lacanau ne marchait plus, c’est Carcans qui a monté une coopérative et c’était les camions, à l’époque, qui venaient chercher la résine qu’ils mélangeaient à d’autres récoltes.

Cela faisait une paye tous les mois. Cela aidait à vivre. Des fois, ici, par exemple, on avait un voisin à Taussat qui faisait le résinier pour nous. Mais, à cette époque, ce n’était pas comme maintenant, le résinier et le propriétaire s’entendaient très bien et se mettaient d’accord, au début de la saison, pour fixer le prix. En principe, le résinier avait la moitié et le propriétaire l’autre moitié. Des fois, c’était le cas ici, on donnait dix pour cent de plus au résinier. Et le résinier, l’hiver, souvent, travaillait pour nous, à ébrancher les pins, nettoyer, l’été, nettoyer quelques fossés, il travailler toujours pour le même propriétaire. Quand il n’y avait pas de travail, et que ce n’était pas le moment des récoltes, qu’il avait du temps libre, il faisait du bois ou curait les fossés. Il travaillait pour le propriétaire.

ANNONCES LÉGALES AVIS DE LIQUIDATION

ART EN FIL SARL au Capital social de 75 000 Euros 11 rue Georges Clémenceau 33530 BASSENS N° 483 990 818 – RCS de Bordeaux

Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest S.A.S. au capital de 37 000 euros Associés (à parts égales) : L. Chollon, F. Mellier, S. Laborde, M. Lavallée Directeur de la publication : Frédéric Mellier Abonnement 1 an : 25 euros. Abonnement de soutien : 40 euros Rédaction, composition, impression : S.A.S. Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Tél. 05 56 91 45 06 - Annonces légales : annonces@nbso.fr Comptabilité : compta@nbso.fr - Redaction/Proposition d’article : redaction@nbso.fr Les nouvelles de bordeaux @nvlbx nbso.fr Commission paritaire de presse : 0123 C 85932

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Aux termes d’une AGO en date du 07/07/2019 les associés ont : Approuvé les comptes définitifs de liquidation ; Déchargé Mme PREVOT Martine de son mandat de liquidateur Donné à ce dernier quitus de sa gestion ; Constaté la clôture de la liquidation à compter du jour de ladite assemblée. La société est radiée du RCS de Bordeaux Pour avis et mention Le Liquidateur

En revenant de Castelnau, Je trouve une vieille qui pétrissait le cul en haut. Je lui dis : - Vieille, vieille, fais-moi une galette. Elle me dit : - Je ne te ferai une galette que si me donne des tripes. - Des tripes de quoi ? - Des tripes de veau. Je vais voir le veau : - Veau, Donne-moi des tripes. - Je ne te donnerai des tripes que si tu me donnes du lait. - Du lait de quoi ? - Du lait de vache. Je vais voir la vache : - Vache, donne-moi du lait ? - Je ne te donnerai du lait que si tu me donnes du foin. - Du foin de quoi ? - Du foin de pré. Je vais voir le pré : - Pré, donne-moi du foin. - Je ne te donnerai du foin que si tu me donnes une faux. - Une faux de quoi ? - Une faux de forgeron. Je vais voir le forgeron : - Forgeron, donne-moi une faux. - Je ne te donnerai une faux que si tu me donnes du lard. - Du lard de quoi ? - Du lard de porc. Je vais voir le porc : - Porc, donne-moi du lard. - Je ne te donnerai du lard que si tu me donnes des glands. - Des glands de quoi ? - Des glands de chêne Blanc. Je vais voir le chêne : - Chêne, donne-moi des glands. - Je ne te donnerai des glands que si tu me donnes du vent. - Du vent de quoi ? - Du vent de la côte. Je vais voir la côte : - Côte, donne-moi du vent. La côte me donne du vent, je le donne au chêne. Le chêne me donne des glands, je les donne au porc. Le porc me donne du lard, je le donne au forgeron. Le forgeron me donne une faux, je la donne au pré. Le pré me donne du foin, je le donne à la vache. La vache me donne du lait, je le donne au veau. Le veau me donne des tripes, je les donne à la vieille. Qui me fait une grosse galette. Il passe une pie, Elle me prend la croûte. Il passe un rouge-gorge, Il m’en prend un peu. Et voilà un chien à la queue coupée Qui me prend tout le reste de ma galette.


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