Nouvelles N° 2319

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Jeudi 8 août 2019 - N° 2319 - Hebdomadaire - 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX - Prix : 0,80 euro

LA RADIO : UN MEDIA DE PROXIMITÉ ET DE DIVERSITÉ


LA RADIO : UN MEDIA DE PR RADIOS ASSOCIATIVES LOCALES

La passion, l’humain et le goût de la liberté zoom, qu’on a monté sur un PC prêt à rendre l’âme, qu’on a equalisé et qu’on diffuse, on fait le même boulot que 12 personnes à France Inter. On est mobile, on est prêt des gens et on peut faire bien avec peu.

Depuis la création des radios libres, dans les années 70, la Gironde connaît une vitalité particulière de l’émission radiophonique auquel le secteur associatif apporte pluralisme, diversité. D’où viennent-elles ? Qu’est-ce qui les fait tenir ? Comment ses acteurs voient-ils l’avenir ? Nous avons posé ces questions à Geneviève Teyssier, présidente de R.I.G. et vice-présidente de la Fédération régionale des radios associatives, Hervé Captain, journaliste à R.I.G. et Xavier Ridon, journaliste et directeur de la Clé des Ondes.

Les Nouvelles. Quand vos radios ont-elles été créées, avec quel projet, quel contenu ? Geneviève Teyssier : R.I.G. (Radio Iguanodon Gironde, prononcé érigé) a été créée en octobre 1981. Globalement, à la fin des années 1970, des radios pirates sont créées progressivement, souvent par des anarchistes, des libertaires, des écologistes, ou encore la CGT qui émettait sur les hauteurs de la Bourse du travail. Elles sont interdites et la police tente de les faire taire. En 1981, François Mitterrand autorise l’émission radiophonique mais les autorisations arrivent en 1982 en Gironde. Xavier Ridon : La Clé des Ondes est créée le 4 août 1981, parce que l’un des co-fondateurs, Marc, – qui en a été salarié ensuite jusqu’à sa retraite – avait senti qu’il y avait un coup à jouer pour faire de la radio associative légalement. Il a créé la radio dans son garage, où ils étaient quatre à bricoler avec un émetteur, et, quelques semaines après, c’était légalisé par Mitterrand. La Clé des Ondes a été construite pour être la radio des mouvements sociaux, de manière large que ce soit sur les salaires, le féminisme, l’antiracisme ou les mouvements culturels dans leur diversité. Pour le CSA, nous sommes classés comme radio d’opinion, il ne doit y en avoir que deux en France (l’autre est une radio d’extrême droite en région parisienne). Ce qui avait été déclaré c’est que, à la Clé des Ondes, on ne recevrait que la gauche, du PS jusqu’aux anars en passant par les 50 nuances de rouge. Ceci dit, les émissions les plus engagées portent le plus souvent sur des questions sociales ou sociétales : les conditions de détention, le chômage et la précarité, les mouvements animalistes, etc. Nous voulons être une chambre d’écho des mouvements sociaux et de tout ce qui fourmille. Gilbert Hanna (voir légende photo) 2 • Les Nouvelles 8 août 2019

avait l’habitude de dire que les luttes doivent sortir de la radio, parce qu’il avait une casquette syndicale forte. Il en arrivait à poser des enceintes devant l’EHPAD, dont il venait d’interviewer les salarié·es en grève, pour diffuser l’émission sous les fenêtres de la direction. Là, la radio prend encore plus de valeur. Pendant longtemps aussi, la Clé des Ondes était diffusée dans les manifs avec un petit chariot qu’on se trimballait. Geneviève Teyssier : Nous, c’est un groupe d’éclaireurs (Ndlr – Éclaireuses et éclaireurs de France, scoutisme laïque) de Bordeaux, dont faisait partie mon fils qui est à l’origine de notre radio. Lors d’un rassemblement international d’Éclaireurs-euses sur le Larzac, un groupe de Lyon avait installé un atelier radio. De retour à Bordeaux, le groupe local a décidé de créer une radio. Il a fallu convaincre l’association nationale, cela a été une grande bataille mais ils ont réussi. Et comme j’étais responsable du groupe d’Éclaireurs-euses, je suis devenue responsable de la radio. Je n’en suis la présidente que depuis qu’elle n’est plus liée aux Éclaireurseuses. C’est diffuser et parler de musique qui a motivé le groupe au départ. Et puis petit à petit on s’est axé sur ce qu’on a envie de défendre dans le domaine du social, du sociétal, de la culture, de l’écologie… Nous avons aussi une émission avec Espaces Marx sur l’actualité et une autre qui fait des portraits de militants. Nous nous plaçons plus du point de vue de l’humain, ce qui nous intéresse c’est la parole, le témoignage. Par exemple, nous avons fait des émissions sur le STO (Ndlr - Service de travail obligatoire en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale) parce qu’on ne parle jamais de ces gars qui n’ont pas choisi, qui sont allés en Allemagne parce que, s’ils refusaient, c’était toute leur famille qui était prise… Nous n’avons pas vraiment d’émission politique… il faudrait le faire bien et personne dans l’équipe n’est vraiment motivé pour le faire.

Hervé Captain : Nous sommes plus dans l’Éducation populaire au sens de la génération d’avant, on donne à savoir, à réfléchir, en présentant des alternatives. On ne se rend pas compte parce qu’on a vécu 30 ans avec, mais l’arrivée de la radio libre, c’était un truc de fou. On avait grandi avec deux-trois radios et les radios anglaises qu’on arrivait à capter les jours de grand vent. Il n’y avait pas beaucoup d’alternatives au discours dominant. Quand c’est arrivé, il y a vraiment eu une libération de la parole. Moi j’étais surtout intéressé par la musique mais il y avait une expression de toutes les différences, de tous les styles de vie et les gens adoraient ça. Je pense que Mitterrand, à l’époque, a cédé à la pression car, de fait, ça existait. Il devait compter sur l’usure, car la radio ça prend un temps fou puisque ça doit fonctionner 24h sur 24h et ça repose sur du volontariat. Mais il y a eu un impact énorme, toute une génération a découvert une certaine liberté intellectuelle par la radio libre. Maintenant le tout est de savoir comment on continue à vivre, comment on se place face aux évolutions techniques qui vont nous concerner directement et face à la concurrence. Aujourd’hui, un gamin n’écoute de la musique que sur Youtube.

en avaient sans doute marre de déclarer ce qu’elles touchaient, c’est devenu un budget de l’État. Depuis, non seulement ce soutien n’a pas augmenté mais on ne sait jamais si on l’aura ou on ne l’aura pas. Il faut toujours faire une demande et une commission se réunit. Ce qu’il y a de bien c’est que c’est une des rares commissions de subvention où siègent aussi des membres de radios associatives. Ils peuvent y défendre les radios. Nous, nous avons 5 salariés à R.I.G. (seulement deux à temps plein) mais même sans salariés, rien qu’avec les charges on n’y arriverait pas sans ce fonds. X avier : La Clé des Ondes a 50 000 euros de budget, à peu près. Le FSER en représente 80 %, le reste provient du département, des cotisations, des aides pour le contrat aidé lorsque j’étais en contrat aidé et des messages d’intérêts généraux qui doivent nous apporter 300 euros sur l’année. Maintenant je suis salarié à temps plein. C’est un choix stratégique qu’il n’y ait qu’un salarié mais c’est impossible de tout faire seul. En fait, il y aurait du boulot pour trois entre la partie technique, la partie éditoriale et la partie administrative… Geneviève : Dans de petites équipes comme les notres, c’est compliqué mais il faudrait aussi quelqu’un qui s’occupe du commercial…

Les Nouvelles. Justement, quelles sont vos difficultés ? Qu’est-ce Les Nouvelles. C’est qui vous fait vivre… ou difficile mais vous tenir ? continuez… Geneviève : Quand François Mitterrand arrive au pouvoir, une association c’est une fréquence et pas de pub. La fréquence est gratuite pour tous. Mais les annonceurs rapidement s’y intéressent donc un Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER) est créé, il récupère une part de la publicité diffusée et redistribue ce budget : vous avez une fréquence, vous avez droit au FSER en fonction de vos recettes, avec un barème. Comme les radios commerciales

Hervé : Jusqu’à ce que la concurrence technologique nous mette au cimetière… En attendant, il y a 32 fréquences à Bordeaux, tu peux tomber aussi bien sur la Clé des ondes que sur France Inter ou RCF, il n’y en a pas une plus mise en avant que l’autre. C’est pourquoi je m’applique au montage. Je veux que ça sonne comme une vraie émission de radio parce que celui qui tombe dessus, il faut l’attraper au passage. Parfois on arrive à monter une émission qu’on a enregistrée tout seul, avec un petit

Xavier : L’avantage de la radio, c’est que c’est le media le meilleur pour être militant sans être chiant. Les gens nous écoutent pour notre ligne éditoriale mais aussi parce que nous avons une programmation musicale très variée. Nous avons plus 11 000 titres sur la bande musicale. J’ai un objectif encore plus élevé, pour avoir un brassage musical le plus large possible et faire entendre des choses qu’on n’entend pas ailleurs. Nous avons aussi une partie d’émissions communautaires, notamment l’émission portugaise qui est sans doute le pic d’audience de la Clé des Ondes, avec 9 heures sur les deux matinées du week-end, et aussi les émissions espagnoles et d’Amérique latine. Ce sont trois preuves qu’on peut être militant et sans être chiant, c’est militant mais sur un autre versant.

Les Nouvelles. Est-ce que les jeunes écoutent la radio ? Hervé : Ils n’écoutent pas la radio comme un media général, ils écoutent des trucs ciblés et probablement de plus en plus en podcast.

*Dans Polyphonies militantes, diffusée sur R.I.G Jean-Claude Masson ont entrepris de recueillir vement social local, à travers des portraits d’un scène la notion de Progrès Social ».


ROXIMITÉ ET DE DIVERSITÉ

Sauf pour la musique peut-être, si tu as une sélection pertinente ça se sait comme on sait que la Clé des Ondes a une bonne émission reggae ska. Mais je pense que les jeunes écoutent surtout de plus en plus leur téléphone. Xavier : De mémoire, une étude avait été faite avec Jean-Jacques Cheval, elle indiquait qu’il n’y avait pas tellement de baisse d’audience par rapport à l’âge. Il y en a une mais pas énorme. Il n’y a rien de catastrophique sur le fait que les jeunes n’écouteraient plus la radio. Après, est-ce qu’ils écoutent la notre, c’est une autre question. Est-ce qu’on s’adresse à eux ? Pour ce qui nous concerne, je dirais un peu car en arrivant j’ai amené la musique que j’écoute, que je pense que les jeunes écoutent et qui est engagée. On essaie de programmer des chansons qui ont du sens, quand même. Là où je te rejoins c’est que l’auditeur, jeune ou pas, cible des programmes précis. Geneviève : Je ne sais pas si les jeunes écoutent ou pas la radio mais moins de jeunes viennent vers nous pour proposer des émissions. Peutêtre que c’est différent à la Clé des Ondes qui est sur Bordeaux et qui est engagée. Mais nous, nous avons moins de jeunes parce qu’ils peuvent créer leur web radio de chez eux, sur leur ordi. Nous avons un travail à faire envers ces jeunes pour qu’ils s’intéressent aussi à la FM.

G. le vendredi à 18h30, Évelyne Brouzeng et r la parole d’actrices et d’acteurs du moune heure, pour « remettre sur le devant de la

Xavier : À chaque fois que j’entends parler d’une web radio, je me demande ce qui fait que nos portes ne sont pas assez ouvertes pour qu’ils veuillent la créer chez eux ? Hervé : Chez nous, si tu prévois un direct hebdomadaire de 2h, il faudra que tu le tiennes 40 fois dans l’année, que tu sois là à l’heure, que tes invités soient là, que tu aies un sujet différent à chaque fois… Une fois, deux fois, trois fois, c’est marrant mais la récurrence ça use. La web radio, c’est plus souple. Xavier : C’est pour ça qu’à la Clé, nous avons toujours essayé d’amener des collectifs pour porter des émissions. C’est plus facile à assurer. Et d’ailleurs avec l’émission sur les LGBT, avec le Génépi sur les prisons, avec Dynam’eau, ce sont des jeunes. Il y a une jeunesse qui s’engage, qui émerge. Il faut aller vers eux et leur montrer que nos radios sont un vecteur pour percer médiatiquement.

Les Nouvelles. Comment vous voyez l’avenir de vos radios ? Geneviève : Pas facile. Pourtant, si nous disparaissions, il manquerait quelque chose parce qu’il ne resterait plus que des radios commerciales. Il faut quand même savoir que ces radios commerciales copient beaucoup les radios associatives. Quelque part, nous les obligeons à faire un peu mieux, au niveau des sujets à aborder, des choses à défendre, car nous sommes beaucoup plus proches des gens, même par rapport au service public. En permettant à des personnes de s’exprimer à travers une émission de radio, on mène une activité culturelle. Hervé : C’est le local notre grand challenge. C’est moins facile de faire parler des gens qui ne sont pas rodés à l’exercice. C’est la croix et la bannière parfois pour leur faire dire un truc. C’est plus facile d’interviewer une star, il suffit de poser une question et le reste, il le déroule. Notre défi, c’est de rendre notre voisin sexy et attractif. C’est intéressant mais pas facile du tout. Geneviève : La valorisation que tu fais des groupes émergents, ce n’est pas toujours facile… Hervé : Ben oui, parce que des gamins n’ont pas toujours d’histoire à raconter. Parfois les gens que nous allons voir, c’est la première fois que quelqu’un leur demande de parler de ce qu’ils font. Xavier : J’ai l’impression qu’ils pensent beaucoup leur projet parce que c’est ce que l’institution leur demande pour les soutenir financièrement. Les faire parler de ce qui les remue, les anime artistiquement, c’est plus difficile.

Hervé : Ah oui, il faut y aller au tirebouchon ! Mais en même temps, c’est ce qui est intéressant. C’est là aussi l’intérêt des radios associatives qui proposent des formats où le citoyen lambda a le temps de raconter son histoire. C’est pour ça que j’ai voulu revenir à R.I.G. Xavier : En tout cas, moi je vois l’avenir avec enthousiasme. J’ai commencé la radio à 13 ans. De part mon expérience, je vois ce que ça peut apporter sur le plan personnel. Pour moi envisager l’avenir, c’est réfléchir à la façon dont je peux faire partager cette expérience d’émancipation. C’est ouvrir les portes et les fenêtres en grand. Une fois que les émissions sont construites, qu’on a de la bonne musique et de la bonne politique à se mettre dans l’oreille, il faut qu’on émette le mieux possible et donc qu’on profite des nouvelles technologies, de tous les réseaux sociaux pour faire connaître nos émissions. En ce moment, nous faisons un travail sur les archives pour voir ce que nous avons pu apporter à la cité comme agitateurs mais aussi comme soutiens à des causes devenues populaires alors qu’elles étaient extrêmement marginalisées. Je pense à deux personnes qui étaient là dès le début de la radio parce que l’affaire qu’ils ont portée est arrivée à peu près au même moment. Il s’agit de Michel Slitinsky et Gérard Boulanger, le premier a révélé l’affaire Papon en donnant les documents au Canard enchaîné, le deuxième était l’avocat qui a déposé les premières plaintes. Nous pouvons être fiers que la radio ait été là tout au long du procès, même dans les moments difficiles. (…) Puisque nous avons cette histoire, il faut la poursuivre et prendre notre part, à chaque fois que nous le pouvons, pour médiatiser les choses qui ont besoin de l’être.

Xavier Ridon (à droite) avec Gilbert Hanna, président et animateur de la Clé des ondes, décédé en mai dernier.

Moi, ça m’enthousiasme beaucoup de continuer à contribuer à cette histoire. L’inconnu pour l’avenir, c’est le pognon. Il y aura toujours un combat pour défendre le FSER, et pour avoir des financements localement aussi. Comme sans doute toutes les radios associatives de Nouvelle Aquitaine, je me demande ce qui fait que des socialistes ne veulent pas plus mettre en valeur cet héritage socialiste ? Qu’est-ce qui fait qu’Alain Rousset, à la Région Nouvelle Aquitaine, décide de ne pas donner un seul centime à un héritage de François Mitterrand alors qu’il va donner plus d’un million d’euros pour les 4 télés locales. Il y a 83 radios associatives en Nouvelle Aquitaine, 1 seul million d’euro, ça apporterait 12 000 euros à chaque radio. Qu’est-ce qui fait que la Région crée trois financements différents pour la création documentaire et aucun pour les radios associatives ? Je n’y vois que du mépris et peut-être de la crainte du fait que l’on soit incontrôlable… Même Christian Estrosi qui avait envisagé dans sa région de supprimer l’aide aux radios associatives a reculé.

Geneviève : Qu’est-ce qu’on a pu batailler pourtant, avec la Fédération régionale, on a eu des espoirs devenus des désespoirs. Mais Rousset ne veut entendre personne. Xavier : Cette question de l’argent est capitale et nous oblige à prouver toujours notre utilité dans la cité. Propos recueillis par Christelle Danglot Le réseau de radios associatives de Federa33 : • Radio Campus - Pessac 88.1 FM - campus.org • Plage FM - Audenge 89.1 FM - plagefm.fr • MélodieFM - Libourne et Castillon 89.3 et 89.1 • La clé des Ondes Bordeaux - 90.1 FM lacledesondes.radio.fr • R.I.G - Blanquefort 90.7 FM - rigfm.fr • O2Radio - Cenon 91.3 FM - o2radio.net • Aqui FM - St Germain d’Esteuil 98.0 FM - aquifm.fr • Radio Entre 2 Mers (R.E.M) Basée à Sauveterre-de-Guyenne 98.4 FM - radio-entre-2-mers.com

EN GIRONDE

Jusque 111 radios recensées entre 1976 et 1986 La Gironde figure parmi les départements français qui ont connu la création du plus grand nombre de radios libres en 1981 et ensuite. Entre 1976 et 1986, 111 radios ont existé en Gironde, dont environ 85 projets sérieux. Parmi eux 44 ont été légalement autorisés à partir d’avril 1983. En 1984, on pouvait estimer à environ 1 500 le nombre de personnes qui collaboraient de près ou de loin avec une radio locale privée en Gironde. Au total, ce sont 27 radios qui ont commencé à émettre en Gironde en 1981 ou ont poursuivi leurs activités quand elles étaient les héritières de radios libres historiques.

Entre 1981 et 1984, les radios libres devenues locales et privées (RLP) étaient toutes associatives. Conformément aux vœux de la majeure partie des militants d’avant 1981, elles étaient soustraites aux lois de l’économie de marché, le financement publicitaire étant exclu. Elles reposent entièrement sur le bénévolat, les animations qu’elles organisent et les cotisations de leurs membres et sympathisants. Les radios se montent de bric et de broc, ce sont le plus souvent des équipements Hi-Fi domestiques qui constituent la base du matériel technique, tandis que les discothèques sont alimentées par les collections personnelles des animateurs. Mais, dans la programmation et l’animation l’enthousiasme prévaut, un ton nouveau se fait jour.

La loi du 1er août 1984, autorise le financement publicitaire et les RPL ne sont plus tenues d’adopter un statut associatif. La course aux revenus publicitaires s’accompagne d’une recherche de la plus vaste audience. La rentabilité économique suppose un maximum d’efficacité. Le financement commercial appelle à la concentration. En Aquitaine, environ 3 radios sur 4 choisissent d’aller vers un financement commercial. On entre à ce moment-là dans une période marquée par la disparition de nombreuses stations et la concentration nationale autour de réseaux. Les radios locales privées seront de moins en moins souvent locales. Source : Jean-Jacques Cheval dans Cahiers d’Histoire de la Radiodiffusion, n° 67, janvier-mars 2001.

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LA RADIO : UN MEDIA DE PROXIMITÉ ET DE DIVERSITÉ FRUIT D’UNE HISTOIRE ET D’UNE VOLONTÉ POLITIQUE

Une logique d’expression plus que d’audience Par Jean-Jacques Cheval, extrait des p.203-237 de Diversité et indépendance des médias, dirigé par Isabelle Gusse, aux Presses de l’Université de Montréal, 2006. L’audiovisuel et le paysage radiophonique français ont été et sont indéniablement marqués par l’exemple et l’expérience des radios locales privées et de leur importante composante associative. Issues des radios libres, les radios associatives ont été rapidement, à plusieurs reprises et diversement

encadrées, modifiées, bousculées mais aussi confirmées et légitimées. Menacé avec régularité, voire donné pour mort à plusieurs reprises, le tiers secteur radiophonique n’en demeure pas moins une part essentielle du champ médiatique français. Dans un environnement marqué par des tendances à la concentration, à la simplification de l’offre, allant dans le sens d’une rationalité économique, l’organisation structurelle de ce secteur continue à présenter une grande diversité. Il laisse une place

réelle au pluralisme des acteurs et à leur potentiel d’action. Le nombre des radios associatives françaises ne décroît pas, au contraire et, après 25 ans d’existence dans leur globalité, les radios associatives ont acquis une légitimité qui s’appuie sur une histoire déjà longue, gage de leur maturité. Mais c’est en même temps un secteur qui apparaît d’une fragilité congénitale. Il est fortement lié au bénévolat militant d’une part et, d’autre part, aux mécanismes d’aide de l’État, dont le maintien – absolu ou quantitatif – est périodiquement questionné. S’interrogeant sur leur pérennité, affichant, le plus souvent, des audiences minoritaires, l’ancienneté des radios libres devient une faiblesse quand elles éprouvent certaines difficultés de renouvellement.

La logique fondatrice et intrinsèque des radios associatives françaises, héritières des radios libres des années 1970, demeure une logique d’expression plus que d’audience. Elles justifient l’espace qu’elles occupent par leur capacité à donner la parole, à fournir un accès direct à l’expression radiophonique et, plus largement, à la communication sociale. Ces stations sont à la fois le fruit de l’histoire de ce média en France et résultent d’une volonté politique reconduite d’organiser et de maintenir à travers des dispositifs d’ordonnancement, de réglementation, de surveillance et de protection, les différents secteurs de la radiodiffusion. La réalité et la validité du troisième secteur radiophonique n’existent pas seulement parce qu’il émane de la

société civile (conçue comme étant elle-même issue des associations et des organisations citoyennes diverses), mais aussi parce qu’il est encouragé et défendu à divers paliers politiques et administratifs. Son existence est garantie par une définition légale introduite dans la législation générale de l’audiovisuel ; le maintien de son périmètre bénéficie de l’attention bienveillante que lui porte l’organisme de régulation de l’audiovisuel français, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). La pérennité de ses activités, enfin, est largement conditionnée par l’existence et le maintien d’un système financier national d’aide : le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER). Ce système français original constitue l’une des bases essentielles du maintien du pluralisme radiophonique en France.

UN PEU DE TECHNIQUE

Évolution des modalités de diffusion Alors que nous recevions ces acteurs de radios locales associatives, celles-ci attendaient un retour du CSA quant au partage du multiplexeur… Pour diffuser en FM, la plupart des radios associatives diffusent par ellesmêmes, d’autres paient pour utiliser, par exemple, l’antenne de Bouliac. La diffusion en RNT (en numérique), passera par un multiplexeur, partagé par 13 radios. Il y a trois niveaux de RNT : la RNT métropolitaine avec les grosses radios qui auront des fréquences un peu

partout en France, la locale Bordeaux-Libourne, sur laquelle seront la plupart des radios associatives qui en partageront le coût et celles sur Bordeaux « étendu » où il faut payer pour chaque émetteur. L’enjeu est principalement de dégager des fréquences comme cela avait été fait avec la TNT pour créer la 4G. Aujourd’hui, il s’agit de dégager des fréquences sur la FM, ce que va permettre le DAB+ (RNT) pour aller vers la 5G. Dans un premier temps FM et DAB+ vont coexister mais il risque d’y avoir une prise de vitesse qui nécessite de convaincre

les radios. Ce sont les petites qui risquent d’essuyer les plâtres car elles ne veulent pas prendre le risque de se faire voler les fréquences. D’après Xavier Ridon, l’enjeu pour le CSA est qu’il y ait promesse de 20 % du territoire couvert par la RNT afin que les constructeurs de voiture soient obligés d’inclure la RNT dans les autoradios. « Si la RNT est intégrée aux autoradios, de plus en plus de gens y ont accès, donc les grosses radios comme Radio France vont s’y intéresser. D’ailleurs Radio France, qui veut à nouveau supprimer FIP Bordeaux, annonçait “l’essor de FIP sur tout le territoire grâce à la RNT” ».

RADIOTOUR2019

avec les amis de la Librairie de la Renaissance

Discussion autour de la proximité et de l’engagement en radios locales En mai dernier à Bordeaux, au salon professionnel de la radio, Jean-Jacques Cheval, Professeur de l’université Bordeaux Montaigne et fondateur du Groupe de recherche et d’étude sur la radio (GRER), devenu une association internationale, animait une table ronde autour des notions de proximité et d’engagement dans les radios locales.

Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest S.A.S. au capital de 37 000 euros Associés (à parts égales) : L. Chollon, F. Mellier, S. Laborde, M. Lavallée Directeur de la publication : Frédéric Mellier Abonnement 1 an : 25 euros. Abonnement de soutien : 40 euros Rédaction, composition, impression : S.A.S. Les Nouvelles de Bordeaux et du Sud-Ouest 15, rue Furtado - 33800 BORDEAUX Tél. 05 56 91 45 06 - Annonces légales : annonces@nbso.fr Comptabilité : compta@nbso.fr - Redaction/Proposition d’article : redaction@nbso.fr @nvlbx Les nouvelles de bordeaux nbso.fr Commission paritaire de presse : 0123 C 85932

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Avant de passer la parole aux participants à Dominique Bourdot, animateur de France Bleu Gironde, Damien Arnault de Bergerac 95, Jérôme Martin-Castera d’Aquitaine Radio Live (ARL), ou encore Vincent Laugier, responsable régional de Chérie FM Sud Ouest, entre autre, JeanJacques Cheval a interrogé les notions de proximité et d’engagement. Proximité, c’est pour le local ? Vers le local ? Ou par le local ? Qu’est-ce que l’engagement pour une radio locale ? La compromission avec un territoire ? Une vocation depuis toujours et qui était celle des radios libres de donner

la parole « à ceux qui ne l’ont pas », avec des résonnances sociales, politiques ? Est-ce que les radios locales continuent de donner la parole ? Ou des engagements de service sur l’information, la culture, l’identité, les langues, l’éducation, l’économie locale sans oublier l’engagement de distraire les gens ? Ce qui est sûr, c’est que la radio et le local est affaire de passion pour ces professionnels. « La proximité, c’est notre ADN », affirme Dominique Bourdot de France Bleu Gironde, un choix assumé et maintenu en accompagnant des événements locaux pour NRJ-Chérie FM, un ancrage et une connaissance des territoires qui intéressent les institutions et les annonceurs, explique Jérôme Martin-Castera ou encore tout un réseau d’associations, de particuliers, héritage des radios libres, qui est à la fois une cible et une source d’informations, voire un acteur. La notion d’engagement vient moins naturellement aux intervenants si ce n’est pour France Bleu Gironde qui rappelle qu’en tant que service

public, elle est mobilisable par la préfecture pour faire face à une crise majeure comme des inondations ou de gros blocages de circulation. Diffuser l’information, recevoir les appels, relayer la solidarité demande alors un engagement de l’ensemble du personnel. Pour Damien Arnault, c’est par exemple relayer les appels à la solidarité pour soutenir un producteur dont la serre a brûlé et suivre la situation. Pour Jérôme d’ARL, c’est aussi aider une dame à retrouver son chien ou faire gagner une place de concert et c’est bien sûr donner la parole aux auditeurs, ce que les moyens techniques rendent de plus en plus aisés. « Les échanges, c’est magique. C’est ce qui donne du sens à ce que l’on fait ». Donner la parole aux auditeurs – mais pas forcément avec des résonnances sociales et politiques comme l’évoquait Jean-Jacques Cheval –, tout le monde s’accorde à dire que c’est indispensable, que c’est tout l’intérêt même du métier en créant des espaces de parole et en trouvant les bons sujets qui intéressent, quelque soit le programme.


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