NOTO #13

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© BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BStGS

CHRONIQUES

Albert Einstein étaient venus au musée ; le lieu avait permis, au fil de son existence, de fonder et de nourrir bien des recherches universitaires qui distinguaient la communauté académique brésilienne. L’émotion de l’opinion publique au Brésil fut immense et légitime au lendemain de cette tragédie. Dès l’après-midi du 3 septembre, plusieurs milliers de personnes se rassemblèrent place Cinelândia. Le matin même, près de cinq cents étudiants et chercheurs liés au musée, la plupart vêtus de noir, s’étaient réunis devant les décombres encore fumants, formant une chaîne humaine pour entourer l’ancien bâtiment. Leur chagrin se mêlait à l’indignation et à la colère. En effet, les dirigeants du musée déclarèrent très vite que cet incendie était une catastrophe annoncée ; Luiz Fernando Dias Duarte, directeur adjoint de l’institution, dénonça, dans les pages du quotidien britannique The Guardian, « le manque de soutien et le manque de conscience » de la puissance publique, qui ont conduit à cette situation tragique : « Nous nous sommes battus pendant des années, sous différents gouvernements, pour obtenir des ressources afin de préserver de manière adéquate tout ce qui a été détruit aujourd’hui. » Comme malheureusement bien d’autres institutions culturelles, universitaires et muséales du Brésil, le musée national de Rio n’avait pas

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reçu les subsides nécessaires à son entretien. Le drame, sans doute né d’un banal court-circuit, a pris les dimensions du désastre, faute de portes coupe-feu, d’extincteurs en état de marche, de réserves d’eau accessibles – les pompiers ont dû recourir à des camions-citernes, perdant un temps précieux. Au-delà du drame lui-même, les images du musée en flammes dans la nuit brésilienne ont fait le tour du monde. Leur force tient à la tragédie, malheureusement avérée, mais aussi à leur référence à des modèles picturaux anciens, auxquels leur sujet, leur composition, leur puissance colorée les rattachent. La représentation des flammes d’un incendie dans la pénombre est, pour le peintre, un tour de force. Parvenir à faire jaillir la lumière au cœur de l’obscurité, savoir jouer des ombres et des contours, réussir à rendre sensible l’explosion terrible et splendide des rouges, des jaunes, des oranges, exige une habileté virtuose. L’usage de la peinture à l’huile, pratiquée dès le xv e siècle par les peintres flamands, a offert de donner à leurs artifices picturaux la densité de la matière, renforçant encore leurs effets. La représentation de l’incendie, drame alors fréquent, à la terrible puissance dévastatrice dans des villes aux maisons en bois, aux rues étroites, puisait

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