NOTO #13

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Vandalisme, une histoire de l’art en négatif PA R P I E R R E N O U A L I L L U S T R AT I O N A M É L I E C L AV I E R P O U R N O T O

E N T R E L E S AT T E I N T E S S A N S C E S S E R E N O U V E L É E S A U X B I E N S C U LT U R E L S , L E S É VO LU T I O N S D E L A CO N S C I E N C E PAT R I M O N I A L E E T L ’ I N T É R Ê T À G É O M É T R I E VA R I A B L E D E S P O U V O I R S P U B L I C S , L E S D É G R A D AT I O N S S O N T U N R É V É L AT E U R D E S R A P P O RT S D ’ U N E S O C I É T É À S O N PA S S É E T À S O N P R É S E N T.

« Il n’y a peut-être pas en France à l’heure qu’il est une seule ville [...] où il ne se médite, où il ne se commence, où il ne s’achève la destruction de quelque monument historique national, soit par le fait de l’autorité centrale, soit par le fait de l’autorité locale de l’aveu de l’autorité centrale, soit par le fait des particuliers sous les yeux et avec la tolérance de l’autorité locale  1. » Près de deux siècles plus tard, cet extrait du célèbre pamphlet « Guerre aux démolisseurs » du jeune Victor Hugo semble n’avoir pris aucune ride. « Destruction », « détérioration », « mutilation », « dégradation » : nombreux sont les mots pour désigner les menaces sur le patrimoine qui ont émaillé l’Histoire, que l’on nomme plus couramment sous le terme de « vandalisme ». Fils de la période révolutionnaire, le vandalisme est resté, mais son application a changé. Ses formes se sont renouvelées, mais la notion n’en demeure pas moins agressive, dans la mesure où elle prive les monuments et les œuvres d’art de leurs paroles et donc de leur sens. Lorsqu’il fait

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disparaître des pans entiers d’un patrimoine, le vandalisme induit une vision tronquée de l’Histoire et de l’humanité. Aujourd’hui, ces actes révèlent d’importants clivages entre les défenseurs du patrimoine et ses destructeurs. Dès lors, le vandalisme ne serait-il qu’une histoire passionnelle, dont les monuments et les œuvres ne sortiraient pas indemnes ? Comme le rappelle l’artiste et professeur Miguel Egaña, « l’enjeu de la pratique vandale, consciente ou non, c’est l’articulation complexe du réel et du symbolique : un objet réel est réellement détruit, entraînant dans la destruction de ses propriétés physiques celle de valeur symbolique  2 ». L’acte de destruction induirait nécessairement qu’il faille l’interpréter et le qualifier. Au fil du temps s’est opéré un transfert de la question « Qu’est-ce que le vandalisme ? » à « Quand une action est-elle qualifiée de vandalisme ? ». Traditionnellement, les auteurs ont eu tendance à opposer le « vandalisme d’en haut » (pouvoirs publics) et

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