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PIERRE-ALAIN de GARRIGUES

Le Jurassien aux

Magazine gratuit

45 000 voix

Du Grand Bleu à Bienvenue chez nous

FRANÇOIS TRUFFAUT Ü L'ÉTÉ 1971 DANS LE JURA HAROUN TAZIEFF Ü EXPÉDITION SUR L'ETNA ASLOVE Ü LE TUBE DE L'ÉTÉ

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GuiLLaume De menTHon - asLove - françois TruffauT - Haroun Tazieff

été 2018 numero39.com

PIERRE-ALAIN de GARRIGUES

Le Jurassien aux

45 000 voix

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Magazine gratuit

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Du Grand Bleu à Bienvenue chez nous

françois TruffauT Ü l'été 1971 dans le Jura Haroun Tazieff Ü expédition sur l'etna asLove Ü le tuBe de l’été

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résidence des Épilobes 300, chemin des Mouillettes 39220 Prémanon Tél. : + 33 (0)6 85 96 90 94 E-mail : magazine@numero39.com numéro est édité 39 par les Éditions du Jura SAS au capital de 5 000 € RCS Lons-le-Saunier 538 166 166 Président : Franck Lacroix

} Rédaction 1, chemin du Moulin 39260 Martigna Directeur de la publication et de la rédaction : Franck Lacroix Ont collaboré : Armand Spicher, Karine Garnier, Samuel Cordier, Pierric Bailly, Nicolas Gascard, Pierre-Victorien Compagnon, Marie Spicher (cartes). Merci à Vincent Bichet, Frédéric Lavachery, Véronique Chauvet (de la Cinémathèque française), Nadine Girod, Éric Gavard, Françoise Plas, Éric Mourez, Jean-Gabriel de Bueil, Apolline Compagnon. } Publicité Tél. : + 33 (0)6 24 85 36 20 Merci à nos partenaires annonceurs. } Distribution Liste complète des points sur www.numero39.com www.numero39.com facebook.com/Numero39 La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes et photos qui lui sont adressés pour appréciation. La reproduction, même partielle, de tout matériel publié dans le magazine est interdite. Impression : Rotimpres Création : juin 2016 Dépôt légal : juin 2018 ISSN : 2495-3393 Photo de couverture : Numéro 39

Foi

de Bonaparte D

e si nombreuses pierres les unes sur les autres, mangées par la forêt, dissimulées sous la mousse. Une ville oubliée se cache du côté de Chaux-des-Crotenay. Peu importe son nom. Son identité, trop longtemps source de querelles, importe désormais moins que l'impérieuse nécessité de la redécouvrir. Des associations militent pour que des archéologues s'en emparent. Et la réveillent de son sommeil. Et si finalement cet appel relayé dans ce numéro ne symbolisait-il pas, à lui seul, les choix opérés par la rédaction. Se remémorer que François Truffaut, figure majeure de la Nouvelle Vague — selon l'invention de Françoise Giroud —, a posé sa caméra sur la petite île du lac d'Ilay, n'est-ce pas aussi inviter le lecteur à revoir Les Deux Anglaises et le Continent, film moins connu que Les Quatre Cents Coups ou L'Argent de Poche ? Tout comme se souvenir de son tournage conduit inévitablement à surligner les liens qui unissent l'acteur Jean-François Stévenin, qui se voit toujours en « petit gars du Jura », à cette montagne sur laquelle son père plantait des remontées mécaniques. C'est lui, d'ailleurs, qui a suggéré à l'ancien critique de la revue Les Cahiers du cinéma ce territoire de France, préféré aux Alpes pourtant si attractives. Il faut donc regarder Les Deux Anglaises et le Continent, comme il ne faudra pas manquer, à l'automne, la réédition en DVD des trois films réalisés par Stévenin le Grandvallier. « Qui prend le plus d'images dans sa mémoire est celui qui a le plus d'imagination », a dit Napoléon. Numéro 39 a donc rencontré des faiseurs d'histoires, de belles histoires. Qu'il s'agisse du grand écran... ou de la petite lucarne. Les feuilletons à succès de TF1 et France 3, Demain

nous appartient et le phénoménal Plus Belle la Vie, ont été défendus par un Jurassien. À la tête de TelFrance, Guillaume de Menthon a dû convaincre les dirigeants de chaînes pour que ces séries voient le jour. Facilitateur d'histoires, donc. Ou raconteur d'histoires, devrions-nous écrire à propos de Pierre-Alain de Garrigues, qui a prêté sa voix à tant d'univers différents. On ne le connaît pas, mais son ton nous est familier. Il s'est ancré en nous, formant quelques-uns des microsillons de notre mémoire. La voix d'Haroun Tazieff que l'on retrouve sur l'Etna parle aussi aux plus anciens d'entre nous. Son accent russe est immédiatement reconnaissable... et inoubliable. Et pourtant, il pourrait tomber dans l'anonymat le plus complet, si on laissait son souvenir se recouvrir de poussière... de lave bien sûr. Heureusement, ceux qui l'ont côtoyé sont bien vivants, comme le sont les témoignages qu'ils nous livrent à l'occasion d'une rencontre. Et si le témoignage constituait la frontière entre le passé et l'avenir ? Et s'il dressait une passerelle entre les générations ? Et s'il permettait de colmater les brèches qu'une société en perpétuelle accélération et superficialité tend à agrandir ? Le récit serait donc mortier. Dans ce cas, nos existences, à condition qu'elles soient consignées quelque part, pourraient se révéler très utiles aux générations futures. Prenez notre cité disparue non loin de Champagnole. Imaginez que l'on découvre un écrit nous décrivant ses rues, ses maisons, ses échoppes... et, surtout, nous contant le quotidien de ses habitants. D'un seul coup, la végétation qui la recouvre de partout disparaîtrait... et notre imagination se mettrait en marche. Foi de Bonaparte !

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Sommaire Légende de la photo.

Guillaume Banet a intégré le top 100 des musiques les plus diffusées sur la bande FM l'an dernier. Cet été, il espère renouveler l'exploit avec son nouveau titre, Good Ideas.

Le cœur de la nuit bat pour

Aslove

Jura Portrait

Le Jurassien aux 45 000 voix Pierre-Alain de

Put your records on, le tube de l’année 2017, est l’œuvre du Lédonien Guillaume Banet, alias Aslove. Jeune DJ de 22 ans, sous licence Universal Music, cet instrumentiste ambitieux aime lier ses influences rock à sa passion de l’électro. Ü

GARRIGUES Le petit gamin du généraliste d’Andelot s’est tracé une voie royale en prêtant sa voix, ou plutôt ses voix, au monde du show-biz. Lui qui rêvait de musique a donné ses lettres de noblesse à un métier qui n’en était pas un. Ü

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b guillaume malheiro

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Sur les berges du lac de lamoura, à proximité de son domicile, Stéphane Dalloz avec sa fille, Marie

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Les monts Jura séparent la France du bassin genevois.

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Mon Jura à moi

itinéraires

Stéphane

Jura Balades

RegaRd

Dalloz Sur la piste

sur la

fRontièRe

des géants

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Avec sa proximité avec la Suisse, le Jura a rapidement su regarder vers l'extérieur. A travers huit balades, Numéro 39 vous invite à jouer à saute-frontières. Direction le canton de Vaud, mais aussi l'Ain et le Doubs si proches. Attention, vous allez en prendre plein les yeux. Ü

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L'hies. Ü

Kika Markham, François Tuffaut et Jean-Pierre Léaud, lors du tournage des Deux Anglaises et le continent.

Le célèbre volcanologue Haroun Tazieff, né à Varsovie le 11 mai 1914, qui nous a quittés il y a juste 20 ans.

Jura Récit

Il y a 50 ans... sur l'Etna, avec

TAZIEFF

ÉTÉ 1971

François Truffaut

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30 GUILLAUME DE MENTHON 36 ALAIN DE GARRIGUES 44 ASLOVE 50 JEAN-YVES MONNERET 58 STÉPHANE DALLOZ

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RAYMOND DEPARDON Ü mon jura intime DENIS FAVIER Ü sa Vie à la tête du GiGn J.-FRANçOIS chARNIER Ü créateur de musée

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GuiLLaume De menTHon - asLove - françois TruffauT - Haroun Tazieff

un cuisinier jurassien à Matignon

PIERRE-ALAIN de GARRIGUES

aux

45 000 voix

Du Grand Bleu à Bienvenue chez nous

françois TruffauT Ü l'été 1971 dans le Jura Haroun Tazieff Ü expédition sur l'etna asLove Ü le tuBe de l’été

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Le Jurassien

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MARIN KONIK

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la grande boucle 1939 de la Faucille à dole salomé stévenin } empreintes JUrassiennes la marseillaise } retoUr en grace # erikwww.espacedesmondespolaires.org orsenna } ce qUe J'aime à arbois

ROMAIN BARDET - RAYMOND DEPARDON - DENIS FAVIER - DENIS TROSSAT - JEAN-FRANçOIS chARNIER

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le tour de France dans son jura

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alexis vuillermoz

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un musée une patinoire un restaurant

STATION DES ROUSSES

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NOUVEAUTÉ 2017

RENDEZ-VOUS DANS L’ESPACE

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alexis vuillermoz - salome stevenin - erik orsenna - jean-gabriel de bueil - sylvie vermeillet

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dans le Jura

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b ColleCtion Christophel/pierre ZuCCa

b Centre tazieff pour les sCienCes de la terre

Jurassiens, le géologue Michel Campy et le peintre Bernard Moninot ont accompagné, à la fin des années soixante, le célèbre vulcanologue en Sicile. Pour Numéro 39, ils se souviennent. Ü

Le cinéaste tourne des scènes du film Les Deux Anglaises et le continent dans le Jura, sur une île au milieu d’un lac. C'est l'acteur Jean-François Stévenin qui avait effectué une partie des repérages. Récit. Ü

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84 HAROUN TAZIEFF 92 BERNARD MONINOT 102 FRANÇOIS TRUFFAUT 110 CATHERINE SAUVIN 130 PIERRIC BAILLY

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À l'heure bleue, le lac de Coiselet offre des contrastes et couleurs remarquables. Au premier plan, les lumières de Chancia. Cliché : Nicolas Gascard

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Un lendemain matin d'orage, la brume s'empare du lac de Chalain, tel un tsunami. Souvenir d'une ambiance atmosphérique magique. Cliché : Nicolas Gascard

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Le Château du Pin, un soir d'avril. Le soleil couchant se reflète dans les vitres de l'imposante demeure que domine la lune. Fantastique ! Cliché : Pierre-Victorien Compagnon

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60 ans de l'AOP Comté

Chez les Parent, ça compte

Le comté fête les 60 ans de l’obtention de son AOP le 17 juillet et, chez les Parent, c’est forcément un grand événement. Pourquoi ? Dans cette famille de Bief du Fourg, non seulement on fait du comté depuis au moins quatre générations, mais en plus, de très nombreux membres exercent un des trois métiers de la filière ! En tout, ils sont dix hommes et femmes à travailler ou à avoir travaillé en tant que producteur de lait à comté, fromager ou affineur ! Et tout ça, c’est un peu grâce à Claude Parent, le paternel, fils d’agriculteurs qui a commencé sa carrière d’ouvrier fromager à 14 ans, avant de rejoindre la maison d’affinage Petite pour gérer la production et la commercialisation auprès des crémiers. « Jamais je n’ai obligé mes enfants à suivre la même route que moi, observe-t-il. Mais ils nous ont simplement vus heureux dans nos métiers, ma femme et moi, et ça leur a donné envie ! » Et oui, chez les Parent, on fait tout en famille : Marie-Thérèse, l’épouse de Claude, vient d’arrêter son travail à la fromagerie du village, l’an dernier, à l’âge de… 74 ans ! Trois des six enfants du couple sont fromagers, cinq de leurs 17 petits-enfants sont agriculteurs ou fromagers et on ignore encore quel métier exercera Flavien, deux ans, qui finit toutes ses phrases par « bottes de foin », « tracteur » ou « vaches » ! S'il choisit la voie du comté, il pourra bénéficier du véritable organisme de formation familial qui s’est créé au fil des ans : « Nous sommes tous passés par la fromagerie de Bief-du-fourg et chacun a formé le suivant », explique Thierry, le second de la fratrie, aujourd’hui fromager à Froidefontaine. « Mon frère Christophe a succédé à mon père, puis j’ai succédé à Christophe et Joël a suivi. Une véritable transmission des savoir-faire en famille ! » Les réunions familiales sont toujours… « animées ! », coupe tout sourire Claude Parent. « On parle de voitures beaucoup, et de comté un peu ! »

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Christophe, Thierry, Joël, Claude & Marie-Thérèse, en haut. Léo, Marie, Laurine, Simon avec Flavien et Loïs, en bas. Tous fromagers, agriculteurs ou affineurs en comté !

Jean-François Stévenin côté cour...

Après restauration, les trois films réalisés par l'acteur et cinéaste jurassien Jean-François Stévenin seront édités, en septembre, en DVD. Le plus ancien est sorti il y a tout juste quarante ans. Il s'agit de Passe Montagne, tourné au cœur du Jura, avec Jacques Villeret. Double messieurs avec Carole Bouquet date de 1986 et Mischka, avec Jean-Paul Roussillon, de 2001. « Chaque film est une expédition en hors-piste, dans son contenu comme dans sa fabrication », écrit Télérama à propos de ces histoires d'amitiés qui ont également fait l'objet d'une sortie en salles au printemps.

... et côté jardin Yann Dedet, monteur de Passe Muraille, le premier long métrage de Jean-François Stévenin, a aussi une belle plume. Dans Le Point de vue du lapin [P.O.L.], il raconte le tournage du film dans le Haut-Jura. Au moyen d’une langue pleine de verve, il se rappelle les préparatifs, l’attente interminable des financements, les problèmes de production... Son récit est enrichi par les souvenirs de Jean-François Stévenin lui-même. L'auteur a aussi travaillé avec Truffaut, Pialat et Garrel.


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Vins du Jura

Devillard s'offre Rolet Père & Fils Décidément, le vignoble jurassien a le vent en poupe dans le monde entier et cet attrait grandissant pour les vins oxydatifs et typés du Jura ne manque pas de susciter l’intérêt de nos voisins bourguignons. La famille Devillard, propriétaire de quatre prestigieux domaines bourguignons de la Côte de Nuits jusqu’au Mâconnais, a annoncé, en mai, l’acquisition du domaine Rolet Père & Fils, basé en Arbois. Pour sceller cet accord avec le plus grand domaine indépendant du Jura, les Devillard se sont associés avec les familles Flambert, à la tête d’un groupe hôtelier parisien et Dupuis, détentrice des marques de vêtements pour sports de combat Venum et Dragon Bleu. Ces géants de Bourgogne (Château de Chamirey, Domaine des Perdrix, etc.) mettent un pied sur les plus beaux terroirs jurassiens et s’offrent la possibilité de travailler les plus prestigieuses appellations de la région, sur 65 hectares : Arbois, Côtes du Jura, mais aussi L’Étoile et Château-Chalon. Pour Aurore et Amaury Devillard, le Jura était une évidence : « Nous avons de nombreux points communs. Deux cépages bien entendu, mais surtout une topographie très proche de la Bourgogne et une réelle proximité géographique. » Les frères et sœurs dirigeants du Domaine Devillard promettent « l’évolution, sans la révolution ». « Le Domaine Rolet bénéficie d’une excellente image et produit des vins de grande qualité, ajoutent-ils. Notre volonté est de consolider la réputation, la qualité des vins et leur distribution en France et à l’export. » C’est d’ailleurs l’actuel responsable Export des Domaines Devillard, Cédric Ducoté, qui a pris la direction générale du Domaine Rolet à compter du mois de juin. Pour Éliane, Pierre, Bernard et Guy Rolet, « c’est une nouvelle ère qui démarre pour notre domaine. Les Devillard souhaitent continuer à développer notre maison, tout en conservant son identité et ses savoir-faire ».

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b SERGE CHAPUIS

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Amaury et Aurore Devillard avec leur père, Bertrand Devillard.

Gabriële Buffet-Picabia à l'honneur Dans Grabriële [Éditions Stock], Anne et Claire Berest se sont lancées dans la reconstitution de l'itinéraire peu commun de leur arrièregrand-mère. Gabriële Buffet-Picabia a partagé la vie du peintre Francis Picabia (1879-1953). Elle a été une figure marquante de la vie artistique du début du XXe siècle, originaire du Jura, plus précisément d'Étival. Dès les premières pages du livre, les sœurs Berest écrivent à son sujet : « elle n'appartient à nulle part. Mais, enfant, elle s'est choisie jurassienne. Car elle aime le Jura, elle y puise sa force, son endurance et son raffinement ».

À la carte de la meilleure table Au Noma de Copenhague, où officie le chef René Redzepi, on ne sert que des produits d’excellence. Et que boit-on dans le « Meilleur restaurant du monde », ainsi que l’a classé durant quatre années la revue britannique Restaurant ? Des vins du Jura, d’au moins 17 domaines, tous spécialistes des vins « nature ». C'est Mads Kleppe, le sommelier en chef, qui a été séduit : « Pierre Overnoy de Pupillin est l’un des viticulteurs qui m’a le plus inspiré. Il nous a servi un incroyable Ploussard de 1970 et m’a montré ce qu'il était possible de faire avec le bon mode de culture et l’expérience. » Céline Gormally du Domaine des Dolomies à Passenans savoure cette jolie reconnaissance : « Nous étions très agréablement surpris, d’autant que le Noma a acheté nos vins dès le premier millésime… »


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Aujourd'hui, Alain de Laguiche partage son château avec ses visiteurs : « Une manière contemporaine de vivre l'aristocratie. »

Jura Enquête

aristos dans le Jura Les

d'aujourd'hui Leurs noms sont illustres, leurs châteaux superbes... La noblesse continue de fasciner par ses valeurs et son histoire. Pourtant, ce monde de tradition est en pleine mutation.Ü

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ILS ONT DES CHÂTEAUX AVEC DES TOURS ET DES REMPARTS, DES JARDINS BIEN ORDONNÉS ET D’IMMENSES COURS DE GRAVIER qui crissent sous vos pas. Ils ont de grands escaliers de pierre et des galeries de portraits, où les ancêtres vous observent sévèrement. Leurs meubles sont sans prix, leurs boiseries ont traversé les siècles et vous vous perdriez si vous entrepreniez de faire le tour du propriétaire. Le monde des grandes familles à particule fait rêver, depuis toujours. Les lignées aux arbres généalogiques millénaires fascinent encore et stimulent l’imaginaire, mais l’aristocratie jurassienne n’est pas monolithique et l’histoire s’est amusée à redistribuer les cartes. Il est même des nobles qui n'ont que faire de la fleur de lys.

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LE POIDS DE LA LIGNÉE Lorsqu’il tourne les énormes clés en fer dans la serrure de son château, c’est une bouffée d’air frais qui vous ensevelit. L’immense bâtisse d’Arlay garde, en mai, toute l’humidité accumulée durant les mois d’hiver. Mais installé dans un fauteuil de son salon, Alain de Laguiche, un verre à la main, sait faire revivre la superbe aristocratique : « Quand on habite un endroit pareil, c’est un enchantement personnel. Je ne regarde pas les murs de cette pièce, je vois les enduits façon palais italiens. Je ne suis pas dans l’apparence, je baigne dans la matière intellectuelle. Cette maison me parle, elle m’interpelle... et mon épouse le vit comme moi. » Alors, bien sûr, pour comprendre un peu mieux il faut revenir en arrière. Même très loin, en arrière. Les familles nobi- Ü

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liaires du Jura n’ont pas vraiment de spécificité. On a été prince, comte, marquis dans cette terre comtoise arrachée par Louis XIV comme presque partout en France. Une aristocratie de campagne, de grandes familles de province qui n’empêchent pourtant pas la gloire et la fortune. Les origines des Menthon, à Choisey, remontent au tournant de l’an mil. Noblesse d’épée et non pas de robe, elle a acquis ses titres sur les champs de bataille, aux côtés des grands de France. L’énorme château familial de Menthon Saint-Bernard, en Haute Savoie, a traversé les siècles et chaque génération se doit d’entretenir le patrimoine.

LE NERF DE LA GUERRE Il en est de même pour les Broissia à Blandans, Sainte Marie à Montigny-les-Arsures, Vorges à Rotalier, d’Escriennes à Dompierre-sur-Mont… Claude-Isabelle Brelot, professeurhistorienne à Lons-le-Saunier, a beaucoup travaillé sur le sujet : « Il existe une classification nobiliaire avec, au premier rang, la noblesse d’épée, dont la filiation remonte autour du XIIe siècle. Ensuite, vous rencontrez les familles d’extraction, dont la filiation remonte avant 1520, puis les anoblis de l’Ancien Régime — c’est la noblesse de robe — et, enfin, les titrés de l’Empire, assimilés à la noblesse qui ont pris des noms de terres au XIXe siècle. Pour chacun d'entre eux, le château reste le point d’ancrage. Ceux qui ont vendu leur patrimoine sont déconsidérés, surtout pas les anciennes générations. » Alain de Laguiche peut en témoigner. Quand ses parents ont ouvert le château au public, en 1965, pour faire rentrer un peu d’argent, ses grands-parents ont mis énormément de temps à

leur pardonner. On n’ouvrait pas sa demeure aux inconnus ! Le virage, et même la rupture, se sont produits à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Pour beaucoup, ce fut la fin des précepteurs, le départ des domestiques recommandés d’une maison à l’autre sur leur bonne moralité. La dernière génération de cette aristocratie aux fortunes importantes, qui partait séjourner plusieurs mois par an à l’étranger, a commencé à se transformer à cette époque. Au temps des gestionnaires de patrimoine, de ceux qui n’exerçaient aucune autre profession que celle de porter une particule, a succédé l'ère des enfants envoyés à l’école communale avec les petits roturiers du village. Cette nouvelle génération a bien été obligée d’apprendre un métier, histoire de palier une fortune disparue ou, dans le meilleur des cas, très amoindrie. Aujourd'hui, pour entretenir les biens familiaux, l'argent reste le nerf incontournable de la guerre, ce qui amène les descendants de grandes familles jurassiennes, soit à bien gagner leur vie, soit à faire preuve d’imagination. Claude-Isabelle Brelot, encore : « Il existe des bastions de noblesse : on entre dans la diplomatie par filiation ou, plus récemment, dans le business. Les banques et la finance sont les voies traditionnelles. » Guillaume de Menthon, P.-D.G. de Telfrance [lire notre portrait pages 30 à 35] a une formule lapidaire : « L’argent que l’on gagne, on le met dans les vieilles pierres. La maison de Choisey nous apporte beaucoup de pression, mais c’est un devoir de transmission. Il faut en être digne. L’aristocratie donne une colonne vertébrale, elle oriente nos choix. » De la même manière, Pierre de Sury a poursuivi le chemin Ü

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Florence et Pierre de Sury ne vivent pas dans leur château de Frontenay, mais leur projet est bien de s'y installer au plus vite.

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Machine à rêver Pourquoi tant de Français sont-ils fascinés par le milieu aristocratique, dans ce pays qui guillontina son roi ? Pourquoi Stéphane Bern et ses histoires nobiliaires font-ils flores sous la Ve République ? Parce que les escaliers sculptés, les grands salons, les enfilades de pièces aux dorures surannées réveillent en chacun de nous le mythe d’un passé glorieux. Cette histoire, si elle n’est pas la nôtre, nous appartiendrait quand même un peu. Quand le donjon du château du Pin ouvre ses portes pour les journées du patrimoine, des centaines de visiteurs se pressent dans les vieux escaliers de bois pour s’imprégner d’un temps révolu. Dès le mois de mai, et jusqu’à l’automne, le parc du château de Frontenay se remplit, pour un concert, un spectacle ou un séminaire. Le festival Jazz à Frontenay a rapidement trouvé son public et, à l’occasion, les visites guidées d’une partie du château ressuscitent la nostalgie. À Choisey, la vieille demeure est prise d’assaut tous les deux ans pour une visite devenue traditionnelle… La noblesse fait rêver. Sans doute parce qu’elle évolue dans des univers que l’inconscient collectif assimile à une forme d’idéal, fut-il irréel. Après tout, qu’importe, l’essentiel n’est-il pas de pouvoir s’accorder, de temps en temps, une petite fenêtre de bonheur.

initié par sa mère Ghislaine de Sury, qui a fait du château de Frontenay un lieu culturel et d’hébergement : « Le château a été racheté à un cousin de la lignée de Chambray en 1970 par mon grand-père. Mes parents ont voulu l’ouvrir sur le village, ils ont commencé à accueillir des séminaires de psychologie, de danse, de musique qui généraient des recettes pour entretenir le patrimoine. » Aujourd’hui, Florence, épouse de Pierre, a pris la relève et l'aménagement d'une nouvelle tranche de logements a été engagé… mais pas dans le château qui n’est ouvert au public qu’à la belle saison. Le couple et ses enfants se sont, eux, installés dans les communs, juste en face du château.

À QUI TRANSMETTRE ? Des exemples comme ceux-là, il en existe beaucoup dans le Jura. Mais ce fragile équilibre résistera-t-il au temps ? Si, comme le précise François de Chavanes à Montigny-les-Arsures, il faut s’endetter et investir lourdement, le pari est loin d’être gagné. Ce descendant des Boutechoux de Chavanes ne mâche pas ses mots sur ce qu’il appelle les « nobliaux de village », avec lesquels il ne partage « aucune valeur, aucun attachement de lignée » [ lire par ailleurs]. Lui qui se sent noble par accident de descendance sait que, s’il a accepté de racheter les parts du château à sa famille, ce n’était pas pour redorer un quelconque blason, mais bien pour donner corps à un projet d’hébergement culturel. Cet ancien réalisateur a replanté six hectares de vigne et Ü

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Pour les générations actuelles, l'entretien d'un château est une charge financière mais aussi morale.

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François de Chavanes est un rebelle : « J'ai vu notre espace de vie se déliter à une époque où ma famille avait de quoi l'entretenir, mais ne l'a pas fait. »

aménagé des chambres de standing. Le vin dans un lieu historique : le concept aurait pu fonctionner, d’autant qu’il a carrément aménagé un auditorium très contemporain dans les anciennes remises. Un projet haut de gamme qu’il a dû abandonner par manque de clientèle. Après avoir revendu son domaine au marquis d’Angerville, important propriétaire bourguignon de Volnay, c’est son fils graphiste de quarante-sept ans qui est à la manœuvre depuis quelques mois pour gérer le lieu : « Si je n’avais pas eu cette idée, je vivrais tranquille avec ma femme, alors qu’aujourd’hui il faut faire attention ! »

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LE SENS DE LA FAMILLE La transmission, voilà le gros problème. Quand les enfants voient leurs parents courir dans tous les sens pour joindre les deux bouts, dans le seul but de conserver leurs biens, ontils vraiment envie de reprendre le flambeau ? La réponse est moins évidente qu'il n'y paraît. Chaque génération semble produire un « repreneur », fils ou fille qui prend conscience que le lieu qui est sien ne doit pas quitter la famille. Pierre de Sury ne fuyait-il pas, adolescent, le château de Frontenay pour courir les routes de France et de Navarre en stop ? Et tout gosse, François de Chavanes ne venait-il pas avec les copains du village casser les carreaux pour dire son hostilité à l’aristocratie ? Et les enfants de Laguiche ? Leur père déplore qu’ils aient une vie « bourgeoise » loin de leur terre natale. Il espère néanmoins... « La plus belle qualité de quelqu’un qui sort d’une lignée aristocratique, c’est de transmettre ce qu’il a reçu, même si cela a signifié des sacrifices pour lui et sa famille, milite-t-il. Je suis confiant parce qu’il n’est pas possible d’avoir vécu des années ici et de ne pas aimer ce lieu ! » Alors, finalement, c’est quoi être noble jurassien en 2018 ? Et si c’était tout simplement des valeurs, une certaine conception de la vie, le sens de la famille comme creuset d’où le meilleur peut toujours émerger, le souvenir des ancêtres, de ceux qui sont passés avant vous et ont marqué leur temps ?

Histoire d'aïeux « Notre histoire a basculé sous la Révolution parce que l’un de nos aïeux de la sixième génération était joueur ! » François de Chavanes est un noble atypique. D’ailleurs il ne se considère pas comme tel. À 78 ans, il aime se rappeler cet ancêtre qui tomba amoureux d’une fille Grand, roturière de Montigny, dont il eut trois enfants, mais qu’il ne put épouser sous peine de perdre ses biens. Il reconnut néanmoins les enfants en 1852. Aussitôt, son frère lui fit un procès et réussit à obtenir de la justice que cette descendance hors mariage ne puisse s’appeler de Boutechoux, mais Grand : « Nous nous appelons depuis Grand de Boutechoux de Chavanes, ça n’a rien d’aristo, s'amuse François, et j’ai vécu une vie qu’aucun nobliau n’a connue. Je me sens différent. Ma vie n’a rien à voir avec la leur ! » À 49 ans, Guillaume de Menthon, qui évolue aujourd'hui

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dans l'audiovisuel, se souvient avec émotion de ses grandspères : « L’un était Juste, l’autre a accueilli des réfugiés chiliens sous Pinochet. Ma famille a traversé les siècles avec des valeurs chrétiennes et altruistes qu'elle a développées à toutes les époques. » Alain de Laguiche pense sans cesse à Auguste d'Arenberg, son aïeul qui fut président de la Compagnie maritime du Canal de Suez en 1896 et député du Cher : « Je connais toute son histoire et celle de mes ancêtres. Je suis admiratif de leurs engagements dans la société de leur époque, nous ne sommes rien aujourd’hui par rapport à eux. Nous sommes issus de cette aristocratie de propriétaires d’Arlay qui avaient de la fortune, alors que pour notre génération, c’est difficile sur le plan matériel. Mais nous sommes de bons soldats, on se dit : “prenons notre part, mais pas à regret”. C’est presque un devoir moral. »


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Demain nous appartient, réunit, chaque soir, 3,5 millions de téléspectateurs. Avant son lancement, Guillaume de Menthon a pesé de tout son poids pour mener à bien ce projet ambitieux, aujourd'hui succès de TF1.

Jura Itinéraire

Guillaume

de Menthon

Faim de séries Un Dolois au patronyme bien connu dirige Telfrance, la société de production de Plus belle la vie, Demain nous appartient ou encore Candice Renoir, séries à succès de TF1 et France Télévisions. Ü 30 numéro

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QUAND IL ÉTAIT GOSSE, GUILLAUME DE MENTHON AVAIT UN RÊVE SECRET, IL VOULAIT DEVENIR PRODUCTEUR DE CINÉMA. Pas acteur, mais « fabricant » de films. Il voulait créer, à sa façon, apporter du rêve, raconter des histoires. Sauf que la réalité a eu raison de la fiction et il a fait des études de commerce, d'abord en économie et gestion à la Sorbonne, avant de passer son diplôme à l’École de Management Lyon Business School, originellement École supérieure de commerce de Lyon, qui a également eu pour élève Stéphane Bern. Finalement, il s’est engouffré dans la finance : « La formation commerciale donne des bases. On n’apprend rien et on apprend tout, je n’ai pas fermé les portes ! »

« J’évoluais dans un milieu d'entrepreneurs. » Très vite, le jeune homme fait ses preuves. On citera quelques étapes : directeur général de Multilignes Conseil, du groupe Datem et de GoFluent... Mais c’est sa rencontre avec Fabrice Larue — magna français des médias, patron du groupe Newen, producteur de fictions — qui marque le vrai tournant de sa carrière. Il devient, en 2011, P.-D.G. de CAPA Développement, premier groupe de documentaires. Depuis 2015, il dirige Telfrance, célèbre pour la production de feuilletons à succès, notamment Plus belle la vie et Demain nous appartient, mais aussi pour ses fictions, Le Sang de la vigne avec Pierre Arditi, dont un épisode a été réalisé dans le Jura, Candice Renoir, Nina… La boucle est bouclée, Guillaume de Menthon — Ü

Guillaume de Menthon aime revenir à Choisey ou dans le Jura suisse, où il se ressource.

LA FABRIQUE DE FEUILLETONS

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Comment échapper à son destin ? Ses parents ont toujours été des managers : sa mère Sophie de Menthon —connue pour sa participation à l'émission de radio Grandes Gueules sur RMC, éditorialiste pour Challenges et Valeurs actuelles — a longtemps eu des responsabilités nationales au sein du Medef dont elle a même brigué la présidence en 2010 ; son père a créé des entreprises et occupé plusieurs mandats électifs à Choisey et dans la région doloise. Forcément, l’entourage a pesé :


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Guillaume de Menthon dirige TelFrance, une maison de production française créée en 1949, connue pour être la société de production de la série Plus belle la vie.

qui ne ferme jamais les portes, ne l’oublions pas — fait aujourd’hui le métier dont il rêvait il y a quarante ans : « Je ne sais pas par quel karma j’y suis parvenu, c’est la chance. » Comme quoi, il faut toujours croire en sa bonne étoile ! À moins qu'il ne s'agisse d'une récompense pour un infatigable travailleur, comme en témoigne Sébastien Charbit, producteur du célèbre feuilleton de France 3. Il travaille à ses côtés depuis deux ans et demi : « C’est un patron exigeant, mais aussi stimulant. Nous avons un travail stressant et il sait calmer, tout en dynamisant. Il est moderne en ce sens qu’il se questionne sans cesse, il ne s’arrête pas à ce qui existe et à ce qu’on a l’habitude de faire. Quand on lui dit que quelque chose est impossible, il demande toujours pourquoi… et il trouve des solutions. C’est également quelqu’un d’honnête dans un milieu où la parole donnée n’est pas toujours respectée ! »

L’ART DE S’ADAPTER À 49 ans, voilà donc ce fils d’une très ancienne famille aristocratique jurassienne parmi les hommes d’affaires les plus influents du PAF français. La cour des grands : « Telfrance est une société-écrin où on accueille des talents. On met tout en œuvre pour qu’ils s’épanouissent. C’est un groupe constitué d’un certain nombre de producteurs. J’assure les financements, traite les relations humaines, l’informatique, le juridique... et je représente le groupe vis-à-vis de nos clients, c’est-à-dire les chaînes. L’autre volet de mon travail, c’est d’assurer le Ü

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L'homme qui aimait Dole Guillaume de Menthon ne cache pas qu’il aime Dole, où il s’est ressourcé avant le lancement de Demain nous appartient en 2017. Il apprécie cette ville pour sa beauté, son histoire et cette dignité endormie qui court encore dans ses ruelles. Jugement romantique ? Affectif ? Pas que… L’homme est un cartésien, un pragmatique. Son métier, c’est l’analyse… et l’intuition : « Quand je retourne à Dole, je vois son évolution. C’est une ville qui ne s’en sort pas trop mal. Elle est située dans une région plutôt privilégiée. Il existe une vraie activité. » La famille de Menthon a toujours eu cet attachement ancré en elle, la généalogie récente est là pour le confirmer. Aujourd’hui encore, elle continue d’œuvrer dans la sous-préfecture. Ne soutient-elle pas la librairie la Passerelle via une SCI avec Philippe Thiéfaine ? Pour autant, les ambitions politiques qui ont marqué les générations précédentes ne semblent pas titiller Guillaume : « Mon père et mon grand-père ont fait de la politique, mais les gens ont changé. Ils veulent des élus sur place. Pour que je sois intéressé, il faudrait que je fasse un choix de vie. »


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dialogue pour accompagner les producteurs, pour les aider à réussir. » Ainsi, il est arrivé à Guillaume de Menthon de peser de tout son poids pour mener à bien certains projets comme Demain nous appartient ou Versailles, la série à grand spectacle de Canal+ : « Je me suis investi personnellement dans le montage, mon rôle est d’être aux côtés des producteurs comme soutien, en même temps sponsor et coach. » Facilitateur, en somme, mais bien conscient de devoir rester dans son domaine de compétence : « J’accompagne des producteurs, mais je ne le suis pas moi-même. Je m’occupe du financement, c’est vrai et c’est très important. Il faut de l’argent pour pouvoir continuer, il permet de réaliser de belles choses. Mais mon moteur n’est pas juste le gain ! »

LA FICTION FRANÇAISE SÉDUIT LES TÉLÉSPECTATEURS Non, le moteur de Guillaume de Menthon, c’est plutôt le plaisir : « Je m’amuse dans ce métier. Je ne dis pas que je ne me réveille pas à 3 heures du matin pour lister toutes les choses que j’aurai à faire dans la journée, mais je savoure le fait de pouvoir aider à créer, à donner du bonheur. Ce que je préfère, c’est la rencontre avec des gens qui me font rêver. » Le descendant d’aristocrates jurassiens n’en conserve pas moins une certaine rectitude : « On est dans un métier qui donne du sens. On sait pourquoi on travaille ! » Et les résultats sont là. En 2013, la fiction française représentait 13 % de parts de marché ; en 2017, elle atteint 85 %. Elle se porte si bien qu’elle occupe aujourd’hui le devant de la scène internationale : « Elle a atteint un standard de qualité meilleur que la plupart des autres pays et ce niveau de compétence s’exporte bien. » L’autre raison, c’est l’appétit du public : « Ce qui se passe dans les bureaux de police américains n’intéresse plus guère le public français, il préfère que l'action se déroule à Sète ou à Marseille. Il faut que l'histoire lui parle, que le téléspectateur se sente concerné. » Avec l’offre qui s’est multipliée — en partie d’ailleurs avec le streaming et les enregistrements illégaux — le public a pris l’habitude d’aller chercher la qualité là où elle est. La course aux nouveautés est donc semée d'embûches, elle constitue un vrai pari : « Dans neuf cas sur dix, notre métier est de

Guillaume de Menthon avec son fils, au retour d'une balade à vélo sur les routes jurassiennes.

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Plus belle la vie (notre photo), mais aussi Candice Renoir, Le Sang de la vigne, Versailles, Louis la brocante... les séries de TelFrance séduisent les téléspectateurs français.

trouver un diffuseur qui achète un projet et, s’il ne peut pas le financer seul, il faut aller chercher d’autres partenaires à l’international. » Telfrance doit donc produire sur un maximum de marchés dans un métier où la visibilité est réduite. Mais Guillaume de Menthon porte en lui une confiance qui n’est pas qu’apparente : « Je crois au temps qui passe, les choses se font toujours comme elles doivent arriver. » Finalement, c’est peut-être Fabrice Larue, le big boss, qui le définit le mieux le jour où il lui dit : « Si vous étiez dans l’eau, vous auriez des nageoires qui pousseraient… » Pour comprendre l’homme, il faut revenir au Jura. Tout s’est passé et tout se passe encore à Choisey, dans le château familial. Guillaume est certes né en région parisienne en 1969, mais son jardin se situe à quelques encablures de Dole. Il y passe toutes les vacances scolaires, ce sont les jeux dans le parc,


J’y ai côtoyé mon grand-père, maire de Choisey pendant vingt ans, consul, ambassadeur au Chili au moment du coup d’État de Pinochet. Mon père a été maire lui aussi, président de la communauté de communes de Dole, il a été battu aux législatives en 1978 par Gilbert Barbier ! » Il faudrait aussi parler de la ferme dans la vallée de Joux où le petit Guillaume passait tous ses hivers : « Je le dis sereinement, le plus bel endroit du monde, c’est le Mont Tendre ! » Quand il pose les pieds dans le Jura, le businessman parisien se ressource, change de décor, renoue avec ses racines. C'est à Dole, en novembre 2017, après le lancement de Demain nous appartient qu'il organise à la Commanderie la première rencontre entre les comédiens de Plus belle la vie, la production et les téléspectateurs jurassiens. Plus de mille personnes répondent présent. Et puis, il y a le ski de fond, une vraie passion. Guillaume de Menthon affiche au compteur quatorze Transjurassienne, dont la dernière il y a quelques mois avec son fils de vingt ans et une poignée d’amis ramenés de Paris et embringués dans l’aventure : « J’essaie de transmettre cet amour pour le Jura, c’est un endroit dont il faut savoir être digne. »

UN HOMME EN QUESTIONNEMENT b FRANÇOIS LEFEVRE/FTV/TELFRANCE SERIES

Honneur, sens des responsabilités, dignité, tradition. Nous sommes là dans les valeurs qui ont porté depuis des siècles la famille de Menthon, une véritable lignée en fait que Guillaume accepte et même revendique d’une certaine façon. Ne dit-on pas que chacun est le fruit de son éducation : « Ma famille est aristocratique, mais elle a toujours été sociale. Ce sont des gens croyants, très pratiquants qui ont toujours adopté des positions très fortes. » De là sans doute une manière très personnelle d’aborder la vie et ses questionnements incessants. Alexia Delrieu, la sœur de Guillaume, connaît bien le bois dont son frère est fait, ce « cherchant » qu’elle définit plutôt comme « un pragmatique curieux, pas du tout mystique, ce qui n’empêche pas le doute. Il est fort et assez sensible à la fois, d’où ses interrogations constantes. Il sait qu’il ne peut pas partir comme ça, au bout du monde, même si l’envie lui prenait parce qu’il a des choses à assumer et il le fait avec fierté et plaisir. » Et peut-être l’interrogation ultime est-elle autre ? « Je me demande si je suis un homme libre. J’ai une forme de liberté, bien sûr, mais je crois que l’essentiel réside dans les questions que l'on se pose, dans la faculté que l’on a à s’écouter et à s’adapter. Celui qui ne s’interroge pas tous les jours a pour moi une espérance de vie proche de zéro. »

les descentes de la Loue en canoë, les escapades risquées dans les barrages ou les balades dans la forêt de la Serre.Toussaint, Pâques, été : « La famille n’y va pas l’hiver parce que la demeure n’est pas chauffée. Quand on se retrouve, il y a là quatre générations autour de ma grand-mère qui vit toujours. Choisey, c’est le lien entre ma vie parisienne et mes racines jurassiennes. Quand j’y suis, je me sens moins bête. C’est étrange à dire, mais ma présence régulière dans le Jura me permet de garder du bon sens, de rester à l’écoute des gens qui vivent là. Bref, de ne pas être hors sol. » La grande demeure, monument historique, est le lieu de ressourcement et dieu sait que la famille, ça compte chez les de Menthon : « J’ai toujours été dans cette maison de Choisey [dans le Jura on l’appelle le château, N.D.L.R.] qu’on ouvre au public tous les deux ans pour les journées du patrimoine.

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Jura Portrait

Le Jurassien aux 45 000 voix Pierre-Alain de

GARRIGUES Le petit gamin du généraliste d’Andelot a joué dans Le Grand Bleu. Le film de Luc Besson, emblématique d'une génération, célèbre en 2018 ses trente ans. Portrait d'un Jurassien qui s’est ensuite tracé une voie royale en prêtant sa voix au monde du show-biz. Ü

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« PADG » adore se faufiler sur les toits et dominer la place des Vosges, un perchoir idéal qui inspire cet artiste à l'itinéraire hors du commun.

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A

À LE VOIR, C’EST UNE « GUEULE ». À l’entendre, c’est un déluge de voix venues des mondes virtuels de la publicité, de la BD, du cinéma ou des jeux vidéo. De plus près, c’est un mélange de rythme et de zen. Pierre-Alain de Garrigues échappe, depuis trente-trois ans, aux clichés. L'homme à la cinquantaine sereine est un caméléon beaucoup plus pudique qu’il en a l’air. C’est surtout un homme des grands espaces intérieurs, un mélange des vagues de l’océan qui claquent du côté de Mimizan et des arbres centenaires de la forêt de la Joux. Quand on lui demande de se définir, PADG (le raccourci de son nom pour ceux qui le connaissent bien), véritable pape dans son métier, a une formule qui le fait rire : artiste-à-facettes. Le gaillard a été batteur, chanteur, auteur, acteur, doubleur de 45 000 voix, producteur et même un peu mannequin. Mais il le reconnaît lui-même, il a toujours été au bon endroit au bon moment, et il a toujours suivi sa bonne étoile : « Cette faculté à entrer en moi, à me recentrer, à m’écouter et à me respecter dans mes choix, c’est dans la forêt de la Joux que je l’ai apprise. » Explication : après deux ans à l'université à Besançon, où il passait plus de temps à jouer dans un petit groupe qu'à étudier dans les amphis, la fac de philo l'ennuie. Il demande une année sabbatique à ses parents pour écrire un livre. Rien que ça et le voilà débarqué dans le petit chalet familial en bordure d’une des plus belles sapinières de France. Premier contact conscient avec les arbres qui le marqueront à jamais par leur « sagesse », avec la neige et le ski de fond aussi : « Ce fut pour moi un travail intérieur et extérieur, le fondement de tout. » À partir de là, la chance ne va plus le quitter. Quand il envoie son manuscrit aux éditeurs parisiens, il obtient un rendezvous avec Jean-Marc Roberts en personne, le patron du Seuil. À 22 ans, on lui propose un contrat qu’il refuse : « Il fallait écrire deux livres en cinq ans, j’étais resté tout seul pendant des mois, je ne voulais pas recommencer ! » À son retour à Andelot, dans le Jura, sa mère lui annonce qu’il part pour la Bretagne où elle lui a trouvé un travail d’écrivain pour la capitainerie de Lorient : « Je me suis retrouvé sur le bateau La Peyrouse pour une saison de pêche de trois mois dans l’Atlantique Nord, je devais écrire là-dessus. Au bout de deux Ü

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Sa belle gueule a permis à Pierre-Alain de Garrigues de ne pas passer inaperçu, un bon atout dans le milieu du show-business.


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Une philosophie de vie Nathalie Diskiewic – ex-épouse de Jean Reno – a connu Pierre-Alain de Garrigues en 1993, mais, depuis trois ans, elle partage avec lui une approche spirituelle de la vie : « Je l’appelle mon ange gardien, il m’a énormément apporté, il est dans l’acceptation. Il part du principe que, quelle que soit la situation, elle a toujours quelque chose de positif. Il applique cette règle dans sa vie, il sait transformer la difficulté et la souffrance en énergie positive », confie-t-elle. À la manière de l'athlète de haut niveau, complète l'intéressé : « Je m’astreins à une discipline sévère : lever à 5 h 30, méditation, sport. C’est indispensable. Je dois être au top du début à la fin de la journée parce que les clients attendent le meilleur de moi. Si ça ne va pas, je m'isole et je respire. Ce n’est pas comme au théâtre où les acteurs sont protégés. Ici, le stress est permanent. » Ce message, PADG le martèle sous toutes les formes : « Quand je fais l’âne devant 5 000 personnes, je reste ce petit enfant qui sait qu’il existe de vastes étendues paisibles, des arbres immuables. Cette vision de la forêt jurassienne m’apaise parce qu’elle porte en elle tous les éléments qui me rattachent à la nature, mon essence première. »

La musique, au fond, c'est le fil conducteur de sa vie et « PADG » aime gratter quelques notes au milieu de ses livres.

semaines, j’avais fait le tour de la question ; le reste du temps, j’ai bossé avec les pêcheurs. Une expérience inoubliable. » Au retour, le Seuil lui commande un reportage d’un mois et demi dans les oasis tunisiennes avec un photographe. Nouvelle découverte. Quand il rentre, il décide de monter à Paris faire de la musique avec son groupe, le contrat espéré ne sera jamais signé, mais il reste dans la capitale.

LE P'TIT COUP DE CHANCE Madame la chance est présente quand il décroche un job de batteur pour une émission en play-back avec Dick Rivers qui passe dans l’École des Fans de Jacques Martin. Elle est encore là quand, sans le sou, il croise la route de René Pourcheresse, autre Jurassien, patron du restaurant Pacific Palissade, qui le reconnaît et le fait bosser comme serveur. Elle est toujours fidèle au poste quand un copain l’inscrit, sans le lui dire, au casting de la comédie musicale La petite boutique des horreurs que prépare le producteur – entre autres – de Claude François, Paul Ledermann. Mais ce n’est plus sa bonne étoile qui compte lorsqu’il décroche le rôle. Le gaillard sait saisir les opportunités : « Les producteurs

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américains avaient remis en cause l’acteur du rôle principal. Avant de passer le casting, j’ai pu regarder ce qu'il se passait sur scène et j’ai vu qu'on ne voyait pas l’acteur, mais il devait donner sa voix à une plante qui dévorait tout. C’était très difficile, car il fallait être dans le rythme. Je me suis concentré et, là, mon métier de batteur m’a servi ! » Il signe son premier vrai cachet : 150 € la semaine. Le pactole. Et qu’est-ce d’autre sinon de nouveau la chance quand il décide de couper ses cheveux pour changer de look et se fait remarquer – sa belle gueule y est pour quelque chose – par Nathalie Cherron, productrice qui lui propose quelques semaines plus tard un rôle dans le film Le Grand Bleu d’un jeune réalisateur, Luc Besson, avec un certain Jean Reno. Il enchaînera ensuite avec Nikita : « Je dois beaucoup à Luc Besson, j’ai fait plein de choses avec lui dans la production, la liaison avec la Gaumont… En parallèle, je continuais la musique avec les copains, j’ai fait une tournée avec Laurent Voulzy. » Énième coup de bol quand le même Besson lui demande d’aller récupérer un contrat dans une boîte de production du XVe arrondissement et qu’il remplace au pied levé un comédien devant prêter sa voix à deux chiens, un gros et un petit : « Gérard Laffont, le producteur du film, était coincé, il n’avait personne sous la main. J’ai dit que je savais faire, mais je n’avais jamais fait de voix-off. J’ai bien vu qu’il n’y croyait pas, mais j’étais vraiment fait pour ça, je me sentais à ma place ! » Succès. Il commence à enregistrer quelques doublages. Et ultime hasard heureux quand, un jour qu’il est en studio, le réalisateur Jean Becker débarque à la recherche du merle blanc : « Il fallait dire une phrase en sept secondes dans une pub et l’acteur choisi la disait en onze secondes, ça ne passait pas ! » Il n’a pas besoin de se proposer, tout le monde le montre du Ü


Caves d’exception, Comtés d’exception

2014

2015

C’est à 1150 mètres d’altitude, dans les caves voûtées en pierre du Fort des Rousses que sont affinés les Comtés Juraflore. Élevés à l’instar des plus grands vins, les Comtés Juraflore Fort des Rousses délivrent des saveurs d’une extraordinaire richesse issues de la diversité florale du Massif du Jura. Régalez-vous d’un remarquable assemblage de saveurs torréfiées et fruitées. Cette année encore, les Fromageries Arnaud se sont distinguées au dernier Concours Général Agricole de Paris en obtenant une médaille d’or pour la huitième année consécutive dans la catégorie Comté et une médaille d’argent pour le Mont d’Or Arnaud.

Visitez les caves du Fort des Rousses au cœur du Parc Naturel du Haut-Jura. Renseignements sur www.juraflore.com

P O U R V O T R E S A N T É , É V I T E Z D E G R I G N O T E R E N T R E L E S R E P A S . W W W . M A N G E R B numéro O U G E39R .41F R


b DOMINIQUE PERRIN

« Il a un don pour jouer devant un micro, comme un enfant », estime Patrick Kuban, la voix de Canal +.

Pierre-Alain de Garrigues est le super-intendant dans le Grand Bleu de Luc Besson. Il a aussi joué dans Nikita.

Voix d'antenne de Radio Classique et de Comédie+, il a aussi travaillé pour les Guignols de l'info et Groland.

Les téléspectateurs de TF1 entendent sa voix dans l'émission Bienvenue chez nous.

Le Jurassien a travaillé pour de nombreux jeux vidéos, de Warcraft à Hearthston, en passant par Heroes of the Storm.

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doigt et le voilà, casque sur les oreilles, vantant la juste sèche de Justin Bridou : « Je me suis planté quatre fois. À la cinquième, c’était bon ! » Patrick Kuban, la voix de Canal +, qui côtoie PADG depuis 1988, voit en lui un professionnel hors pair : « C’est un acteur-né, il a un don pour jouer devant un micro, comme un enfant, et il n’a pas de limite dans le jeu. Il est atypique dans le métier en ce sens qu’il est polyvalent. Il peut enregistrer n’importe quoi et c’est très rare. Il possède ce don de s’adapter aux désirs des producteurs ou des financiers. C’est une référence, sa voix fait partie de notre inconscient collectif et c’est pour toutes ces raisons qu’il dure depuis trente ans ! »

DE DANONE AUX GUIGNOLS De là, il va prêter sa voix pour la publicité de Danone, qu’il doit encore à Jean Becker avec qui il a signé un contrat alléchant. Mais Pierre-Alain de Garrigues va plus loin, il travaille pendant près d’un an sur un projet qui lui est personnel : « Je ne savais pas trop comment allait évoluer mon nouveau métier, il n’existait pas de professionnels de la voix à cette époque, nous étions quelques-uns, alors j’ai enregistré une cassette, la Banque des mots, qui est devenue ensuite le premier CD de voix. J'en ai fait cinq mille que j’ai envoyés à tous les techniciens. Du coup, ils l’utilisaient tous. À partir de ce jour, j’ai basculé dans une autre dimension, c’était dans les années quatre-vingt-dix. » Il travaille avec les plus grands et multiplie les supports : Groland, Vu sur Terre, Française des jeux, Nescafé, Adidas, Chanel, Coca, Kellogs… Depuis plus de vingt ans, il est le complice de Daniel Prévost pour la publicité Super U, il chante les


Ce qui rattache l'homme au Jura Comment peut-on se définir jurassien ? Par la loi du sol ? Alors Pierre-Alain de Garrigues ne l’est pas ; il est né à Bordeaux et a vécu ses premières années à Mimizan. Par la loi du sang ? Sa mère est fille d’agriculteurs du côté de Nancray, dans le Doubs, et son père est enfant des Landes. Pourtant, c’est bien le Jura qui l’a façonné. Cette appartenance par le cœur, il la revendique : « Tout a guidé notre famille à Andelot. Mon père était médecin généraliste à Mimizan, il a rencontré ma mère à Bordeaux, et c’est parce qu’elle est tombée en panne de voiture dans ce village de 300 habitants, en retournant voir sa famille, dépannée par le maire de l’époque, que nous avons atterri ici. C’était presque une histoire écrite : il manquait un médecin, l’opportunité a plu à mes parents… » La suite, PADG la raconte comme un feuilleton : l’enfance dans la grande maison, un père très ancré dans la vie de la commune, président du club de football et fondateur du moto-cross, les copains, la vie à la campagne et cette sensation toujours présente que la nature apaise le petit Landais : « C’était les années bonheur, à courir partout avec les potes. Nous n’avions pas un instant à nous. Alors, c’est au milieu des arbres que je me retrouvais. » Mais ce qu’on retiendra de cette époque, c’est que le petit Pierre-Alain est beau mec et, quand il arrive à l’internat du collège Notre Dame de Mont Roland, à Dole, s’il vit mal les deux premières années entouré de garçons trop sportifs à son goût, il se rattrape ensuite en jouant de la batterie jusqu’au bac qu’il devra repasser. Éric Grandmaison, le copain de primaire puis de collège, se souvient de ce tombeur : « Il a toujours eu un truc avec les filles. Il plaisait, c’était comme ça. Bien sûr, il avait un look, de grands yeux bleus, mais il savait faire, attirer l’attention... et puis, c’était un marrant, les nanas en étaient folles. Nous, on courait tous derrière ! » Un magnétisme qu’il conservera toute sa vie. Aujourd’hui, à 59 ans, il ne passe toujours pas inaperçu quand il slalome avec sa moto dans les rues de Paris.

Produits Laitiers, écrit les chansons de Tic-Tac ou Mérinos, prête sa voix au Hobbit, incarne les jeux vidéo World of Warcraft. Producteur à ses heures, PADG a créé Le Grand Tout, film de science-fiction de Nicolas Bazz, et lancé la collection de contes Papa te raconte. Mais il demeure intermittent du spectacle, c’est son statut et il y tient. Avec d’autres, il a fondé « lesvoix.fr », une association qui regroupe plus de 200 professionnels et régit ce métier où les dérives sont fréquentes. S’il songe aujourd’hui à redonner aux jeunes générations un peu de son expérience, en animant des master class, il n’a pas pour autant l’intention de lever le pied : « J’adore faire ce boulot en vivant vraiment l’instant présent, sans oublier qui je suis, d’où je viens. Dans ma tête, j’ai toujours vingt-trois ans ! »

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Guillaume Banet a intégré le top 100 des musiques les plus diffusées sur la bande FM l'an dernier. Cet été, il espère renouveler l'exploit avec son nouveau titre, Good Ideas.

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Le cœur de la nuit bat pour

Aslove b GUILLAUME MALHEIRO

Put your records on, le tube de l’année 2017, est l’œuvre du Lédonien Guillaume Banet, alias Aslove. Good Ideas, son nouveau titre, pourrait être celui de l'été 2018. Jeune DJ de 22 ans, cet instrumentiste ambitieux aime lier ses influences rock à sa passion de l’électro. Ü

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L

Le tube de l’été 2017, Put your records on, interprété par Mia Wray, c’est lui ! Top 100 des titres les plus diffusés sur les ondes FM l’an dernier, 200 000 vues du clip en trois mois sur YouTube, plus de six millions de streams, 200 000 requêtes Shazam et un remix officiel d’un tube de la star Katy Perry en prime. Ce soudain succès vaut à Guillaume Banet le privilège d’être aujourd'hui sous licence Universal Music et de pouvoir créer sa musique dans de bonnes conditions. Son nouveau single, Good Ideas, pourrait être un des tubes de cet été. Passionné d’électro depuis 2008, après l’électrochoc créé par l’album Cross de Justice, le jeune homme est tombé en adoration pour un mouvement encore émergent début 2015 : la deep house, venue de Hollande et d’Allemagne, qui consiste à lier de vrais instruments organiques à la musique électro. « Des DJ comme Bakermat et son morceau Zomer en sont un bon exemple. Prayer in C de Lili Wood & the Prick fut un des premiers gros succès de cette musique en France. »

LE DÉBUT DES « COVER » Pour lui, cette nouvelle tendance n’est que pur bonheur. Il veut percer dans ce métier. Pour cela, il utilise des musiques connues, ne garde que les paroles, les mélodies et recrée intégralement les instruments et les voix. Il travaille avec Charles-Henry Monley, Sanclaudien qui avait partici-

pé à l’émission Nouvelle Star et publie leurs réalisations sur Sound Cloud. « Le premier morceau que nous avons réalisé avec Charles-Henry était une reprise de Cupid's Chokehold [de Gym Class Heroes] avec le sax de Jean-Philippe Fusier, un ami de mon père. » Le Jurassien commence à bien connaître la mécanique du net, des réseaux sociaux et cherche inlassablement à se faire « reposter » par des chaînes et des blogs influents. Du jour au lendemain, le nombre de vues de ses créations augmente pour atteindre la barre des 15 000. Joli coup que le DJ réitère avec d’autres « covers », au rythme d’une par mois : Feel Good de Gorillaz plaît beaucoup, tout comme Miss You des Rolling Stones avec un ami harmoniciste et la guitare de Jean Rigo. Le guitaristechanteur des Infidèles, qui travaille avec Aslove sur son prochain single, se dit impressionné par le souci constant de Guillaume d’élever la qualité de ses productions : « Musicalement, il est très attaché à trouver le bon “hook”, mais le centre de ses préoccupations, c’est la qualité du son. Il est talentueux et très volontaire. C’est un bosseur qui a une grosse charge sur les épaules : il crée, il compose et en plus, il est producteur de sa musique. » Jérémy Vannier, patron du Copa Klub Underground, club de nuit de la région lédonienne où DJ Aslove a commencé sa carrière, confirme cette volonté d’exigence perpétuelle : « Si on écoute Guillaume, ce qu’il fait n’est jamais assez bien ! Il est très perfectionniste. Il doute, se pose pas mal de questions, mais il se construit seul, toujours dynamique. » Guillaume se souvient encore de sa rencontre déterminante avec les frères Jérémy et Nicolas Vannier dans un restaurant lédonien. « Je venais d’avoir seize ans et ils m’ont proposé de tester un live dans leur établissement. La première expérience n’a pas été très concluante, mais ils m’ont fait confiance et j’ai pu continuer à venir m’entraîner en début de soirée, avant que les gens arrivent. Petit à petit, j’ai mixé de plus en plus tard et j’ai fini par animer une soirée complète, puis deux, puis trois, et je suis finalement devenu DJ résident ! » Ü

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Aslove aux côtés de Jérémy Vannier.

b ARCHIVES PERSONNELLES

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Guillaume Banet dans son studio à Lons-le-Saunier.


en version numérique

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ALEXIS VUILLERMOZ

MARIN MA M ARIN A RIIN R KON KO KONIK NIIK

Le Tour de France dans son Jura

SALOMÉ STÉVENIN ` EMPREINTES JURASSIENNES LA MARSEILLAISE ` RETOUR EN GRACE ERIK ORSENNA ` CE QUE J'AIME À ARBOIS

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Un cuisinier jurassien à Matignon

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Jérémy Vannier, resté très ami avec Guillaume, se souvient de son côté un peu introverti à ses débuts : « Il était tout jeune et depuis longtemps déjà dans la musique. Ses amis l’ont poussé gentiment à me dire qu’il était DJ. Avec un copain, ils m’ont invité à une petite audition et ce que j’ai entendu m’a beaucoup plu. Guillaume est très créatif, beaucoup plus que la plupart des DJ et très réactif sur la technique : en trois semaines, il mixait déjà comme quelqu’un qui fait cela depuis dix ans ! »

L’ÉLECTRO D’ED BANGER, UNE RÉVÉLATION Dès sa plus tendre enfance, ce jeune Lédonien a appris la batterie, la guitare et le piano, sans doute inspiré par l’atmosphère familiale et les sons de la guitare rock de son père, très bon musicien et excellent bluesman. Sophie, sa mère, a, quant à elle, été choriste dans quelques formations. « Mon oncle faisait de la prod’ et mon cousin jouait de la guitare », complète le jeune homme, devenu à vingt-deux ans un DJ internationalement connu. Depuis son adolescence, le DJ sait où il veut aller et ce que l'on attend de lui. « Le monde du deejaying repose sur la présence du public », explique-t-il, simplement. Et le jeune homme aime cette foule, ce pouvoir qu’il détient de la faire s’agiter, de la rendre frénétique et joyeuse. Ses premiers talents de musicien, Guillaume Banet les a exercés dans le groupe de rock de son cousin, de quelques années son aîné. « J’avais douze ans et j’étais le batteur. Nous nous appelions les Honey Lips ! J’étais plutôt rock à ce moment-là, mais j’ai commencé à m’ouvrir à d’autres styles et j’ai découvert l’électro en 2008, avec l’album Cross. Pour moi, il y a eu clairement un avant et un après Justice. Je me suis mis à écouter des tonnes de musique électro, avec un net penchant pour les artistes du label Ed Banger, LE label de la French touch qui m’a beaucoup influencé. Breakbot notamment et beaucoup d’autres… »

MAJOR DE PROMO À force de regarder leurs vidéos en train de mixer sur les platines, Guillaume Banet meurt d’envie d’essayer lui aussi ce mode d’expression propre au monde de la nuit. Son tout premier matériel ? Un MacBook [l’ordinateur portable d’Apple] sur lequel le logiciel Garage Band permet de créer et d’enregistrer sa propre musique. « J’ai adoré faire ça ! », lâche le Jurassien, qui fonde alors le groupe Revolvers, avec son copain Maxime Ravier. « On a fait nos premiers mix ensemble sur ordi et de petits lives dans des bars. Je me souviens d’un mix à Foncine-le-Haut et d’un autre à Paris, un mardi soir au Panic Room, où nous avions joué devant oh… quatre personnes ! »

Après avoir marqué les esprits avec son titre Put your records on et un remix de Bon appétit de Katy Perry, Aslove vient de sortir Good Ideas, un titre pour lequel il a collaboré avec le Danois Tim Schou et le rappeur allemand Leroy Menace.

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Il se rend à l’évidence : mixer, c’est sa passion, sa vie et il est doué pour cela. Il investit dans des platines - des Pioneer basiques – et s’entraîne le soir, en rentrant du lycée. Le DJ Aslove [nom de scène tiré d’une chanson de Jimmy Hendrix] fait une entrée fracassante dans les line-up… mais Guillaume le lycéen, lui, saborde complètement sa 1re S. « La fatigue, les cours manqués… J’ai raté mon bac, stoppé mes études, mais j’ai pu avancer dans ma musique. Entre seize et dix-huit ans, je mixais tous les week-ends. Puis, je suis entré à l’UCPA, une école de DJ lyonnaise. » Les études ayant lieu en alternance, Aslove devient DJ au Chat Noir à Dijon pendant un an et rencontre les artistes souvent très connus qui s’y produisent. Il se constitue ainsi un réseau d’amis et de confrères originaires de toute la France. « Pendant cette période, je produisais beaucoup moins, bien que j’aie acquis un peu plus de matériel. Puis, j’ai terminé mon alternance au Copacabana à partir de 2015 et, là, j’ai pu de nouveau faire ma propre musique. » En mars 2016, le Lédonien finit major de sa promotion avec les félicitations du jury.

LA CONSÉCRATION En parallèle de ses covers, l’ambitieux garçon a créé son auto-entreprise à la fin de ses études de DJ et est deve-


Le confort pour tous

© lordn

nu DJ itinérant pour des boîtes régionales. Puis, un jour, il flashe sur une voix : celle de Mia Wray qui reprend Put your records on accompagnée d’une simple guitare. « J’ai pris sa voix, trituré un truc que j’ai posté sur Sound Cloud. Le son a été repéré par Radio FG qui l’a passé sur les ondes en octobre 2016. » Les choses s’accélèrent alors, mais Ludovic Rambaud, un de ses profs à l’UCPA et rédacteur en chef de DJ Mag, lui conseille de ne pas se précipiter. « C’est ce que j’ai fait. J’ai continué à travailler et, un jour, il m’a proposé de participer à l’Amsterdam Dance Event, le salon mondial de la musique électro. À six cents euros la place, ce n’était pas donné, mais cela me permettait d’avoir accès à une liste de contacts intéressants. J’ai envoyé des mails à tous ces gens et reçu plusieurs propositions en retour. » C’est ainsi qu’après quelques mois de négociations, Aslove a signé une licence pour trois albums avec Universal Music. Entendre son titre en radio, tourner le clip à New York, faire des mix dans de nombreux clubs et des scènes avec d’autres artistes pendant tout un été… L’année 2017 fut un cadeau des dieux pour Guillaume, qui travaillait ce printemps sur son nouveau single, Good Ideas [feat. Tim Schou et Leroy Menace] sorti en juin. À coup sûr, le tube de l'été.

La cuisine des jours

Guillaume Banet est un perfectionniste. Le Lédonien, spécialiste de deephouse, peut passer des heures à améliorer un morceau.

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Jura Entreprendre

Jean-Yves

Monneret

Il va vous faire tourner la boule

S

Il est le dernier producteur français de cochonnets. Depuis Jeurre, ses buts sont expédiés dans le monde entier. Et séduisent les entreprises qui les transforment en objets publicitaires. Ü

Si vous jouez aux boules, pétanque ou lyonnaise, vous devez forcément lancer un cochonnet jurassien ! Mieux, vous avez en mains un cochonnet venu tout droit des tours à bois de la petite entreprise Monneret à Jeurre. Cette tournerie, tout ce qu’il y a de plus traditionnelle, est devenue la référence mondiale du « but », comme on dit dans le jargon bouliste. Une de ces réalités jurassiennes qui entretiennent le mythe du savoir-faire local : des ateliers qui fleurent bon le XIXe siècle avec poussière de bois et copeaux en veux-tu en voilà, mais la tête déjà entièrement tournée vers les Jeux Olympiques de Paris en 2024.

LA TOURNERIE N’EST PAS MORTE Image d’Épinal de l’artisanat haut-jurassien, la tournerie sur bois s'est réduite comme peau de chagrin. Au fil des ans, cette activité née il y a quinze siècles a laissé place à des matières plus faciles à façonner et moins chères à produire, dont le plastique n’est que l’emblème. Résultat, en quelques dizaines

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d'années, le chapelet d'ateliers qui parsemaient les vallées de la Bienne, du Tacon, de la Valouse et du Suran a disparu. Rangé dans les livres ou au fond des mémoires. Pourtant, Jean-Yves Monneret, patron de la tournerie éponyme, ne vous dira rien de tout cela. Non pas qu’il conteste cette réalité économique et sociale, mais il fait partie de ces gens optimistes de nature qui préfèrent voir le verre à moitié plein : « Le métier s’est épuré, les tourneurs qui restent ne sont plus concurrents. Au contraire, ils s’entraident et parfois travaillent ensemble », s'enthousiasme-t-il. Il est bien placé pour parler de ce renouveau, lui qui est un héritier de la plus pure tradition. Son père, René, paysan à l’origine, se recycle en tourneur quand arrive l’Union Électrique qui développe le rendement des tours à bois. Il loue sa place dans un groupement d’artisans avant de se lancer à son compte avec sa femme, Suzanne. C’était en 1951 à Grand-Serve, un hameau de Montcusel, près de Moirans-en-Montagne. L’atelier brûle en 1963 — ce qui Ü


Michel Monneret stocke le buis si précieux avec lequel sont fabriqués les cochonnets.

Le savoir-faire de la tournerie Monneret est reconnu par ses clients, dont Obut.

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Jean-Yves Monneret a succédé à son père René, à la tête de la tournerie familiale.

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n’était pas rare à l’époque — mais qu’à Dieu ne plaise, il achète les bâtiments de ce même groupement d’artisans (la SCIAT) où il reste jusqu’en 1969 lorsqu’un second incendie réduit en cendres des années de labeur. Pas abattu, René Monneret déménage et s’installe à Jeurre, où il bâtit ce qui est toujours l’entreprise actuelle. Au départ, pas un seul cochonnet, la tournerie se spécialise dans les objets courants : bouchons, toupies, bilboquets, bobines de fil, manches de limes, poignées de parapluie… Pas de cochonnets, mais des objets ronds : des boules, des perles, des grains de chapelets... Le savoir-faire est là, déjà. Le premier « but » sera fabriqué en 1956 en buis, la matière première locale.

Suzanne Monneret entre ses deux fils, Michel et Jean-Yves.

FOURNISSEUR ATTITRÉ D’OBUT

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Drôle d’histoire que ce cochonnet… Ce petit objet insignifiant en lui-même prend son essor quand une toute petite ville des plateaux du Forez, dans la Loire. Saint-Bonnet le-Château décide de relancer la fabrication des boules de pétanque dont elle devient la capitale mondiale, excusez du peu. Mais qui dit boules, dit… cochonnet. Nous sommes à la fin des années Soixante. Au départ, là-bas, deux entreprises se tirent la bourre : Obut et JB. Au milieu des années quatre-vingt, au moment de l’explosion de la pétanque, le premier avale le second : classique. La tournerie Monneret, elle, fournit alors JB et c’est un autre Jurassien qui alimente Obut. À l’époque, cette production représente 5 à 10 % de la charge de travail. Les choses auraient donc pu mal tourner. Mais appelée par Obut pour un dépannage, la maison Monneret en devient finalement le fournisseur essentiel : « Nous n’avons pas l’exclusivité bien qu’on fournisse Obut à 100 %, nous travaillons aussi pour d'autres fabricants de boules. Nous avons en face de nous des gens de parole qui savent nous écouter. Par exemple, nous les avons alertés sur la pyrale du buis qui n’intéresse pas les pouvoirs publics parce que nous ne sommes pas assez nombreux à vivre du buis. Aujourd’hui nous sommes encerclés, nous sommes les derniers Gaulois… Du coup, même si notre stock représente cinq

années de travail auxquelles il faut rajouter deux ou trois autres années de coupes encore à faire dans le Jura, on commence à regarder vers l’étranger pour s'approvisionner : la Bulgarie et la Roumanie parce qu’en France, les Pyrénées — autre producteur de buis — sont sinistrées. » Reste qu’aujourd’hui, les cochonnets représentent 35 % de l’activité, chiffre auquel il faut ajouter encore 8 % pour la lyonnaise.

EN ATTENDANT LES JO DE 2024 L’essor du cochonnet, Jean-Yves Monneret l’explique de plusieurs manières. Les Jeux Olympiques déjà, puisque la pétanque pourrait être présente pour la première fois de son histoire à Paris en 2024. La décision définitive sera annoncée en 2021 et c’est Claude Azema en personne, président de la Confédération mondiale des sports de boules depuis 2015… et Jurassien d'origine, qui mène l’énorme campagne de lobbying aux quatre coins du monde : « Nous avons postulé pour intégrer les JO en tant que sport à part entière. La pétanque est universelle, je la fais connaître à l'international et le fait que les Jeux se déroulent à Paris est une chance supplémentaire. » Et d'ajouter à l'attention de son compatriote : « Mais ce succès, nous le devons aussi à la famille Monneret chez qui tous les fournisseurs viennent passer commande, ils sont incontournables parce que les seuls à faire une telle qualité en si grosse quantité ». L’autre élément, c’est la télé, depuis qu’elle retransmet toutes les épreuves importantes, la chaîne L’Équipe a démultiplié l’intérêt pour la petite boule, comme elle a été béné- Ü

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L’esprit de famille Ce n’est pas simplement un mot. La tournerie Monneret, ce sont cinq personnes. Jean-Yves, le patron, son frère Michel — trisomique et parfaitement intégré dans la vie de l’entreprise —, Jean, le plus ancien, l’homme qui sait tout faire, Alexis, un jeune régleur, et Cassandra pour le tri et le perçage. Sans oublier Suzanne, la maman qui assure la finition chez elle, à côté de la tournerie, dans une maison envahie de buts tous plus incroyables les uns que les autres. Il faudrait ajouter René, le créateur aujourd’hui disparu tant son empreinte reste forte. Les valeurs qu'il a transmises, où le travail se marie à l'humilité, à la solidarité et au respect de la parole donnée, sont bien vivantes. Il y a aussi les deux filles, Martine, qui s'occupe de la comptabilité, et Véronique. Dans cette famille, chacun a sa place et l’ensemble fait corps : « L’usine est une épicerie fine où l’on trouve de tout, mais chaque poste est important et l’essentiel est de bien le tenir. Nous avons toujours fonctionné en famille, c’est notre ADN. » On ne compte pas ses heures. Les Monneret progressent telle une cordée en haute montagne, chacun contribuant à faire avancer le groupe. Et tout ce petit monde échange, débat, discute, les pieds dans la poussière de buis et la tête dans les étoiles.

fique pour le biathlon que porte Martin Fourcade. Si l’on ajoute le Mondial de pétanque qui s’est déroulé à Marseille en 2012, on comprend mieux la lame de fond sur laquelle a surfé ce sport qui compte 580 000 licenciés répartis dans près de 80 pays, dont plus de 300 000 en France ! Traduction de cette aura internationale, le développement de l’export : si la France reste sa tête de pont, la tournerie Monneret envoie ses cochonnets aux États-Unis, en Thaïlande, en Russie, au Japon ou encore en Malaisie. Pour Suzanne, la maman, cette accélération de l’histoire est tout bonnement stupéfiante : « Quand on a débuté avec mon mari, tous nos articles se vendaient sur place. La seule exportation que nous avions, ce n’était pas pour la pétanque, mais pour la lyonnaise et on vendait à un seul client italien. C’est un autre monde ! »

LA PETITE BOULE QUI MONTE Un monde qui est tout sauf simple. Désormais activité très encadrée, la pétanque est régie par des normes très strictes, donc les cochonnets aussi : 30 millimètres de diamètre (dans les premières années, il pouvait osciller de 27 à 32 millimètres) et 10 grammes au minimum pour un cochonnet en buis (plus lourd qu’un bois classique). C’est que, justement, si les cochonnets de concours sont obligatoirement en buis, il n’en a pas toujours été ainsi. La réglementation a joué au yoyo : l'article devait être en bois jusqu’en 1980, puis en buis jusqu’en 2000, puis de nouveau en bois, avant de revenir au buis depuis sept ans ! Autre contrainte, la course aux nouveautés : « Les fournisseurs passent commande et il faut aller présenter nos Ü

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C'est depuis Jeurre que la tournerie Monneret expédie ses productions aux États-Unis, au Japon, ou encore en Russie.


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cochonnets. Au départ, ils étaient tous en bois naturel, puis avec des teintes azur. Ensuite, on est passé aux laques et aux fluos. Aujourd’hui, je sous-traite la peinture. Avant, les buts étaient plantés sur des clous et posés sur une planche pour être peints à la main sur place. Maintenant, tout se fait au pistolet. Notre sous-traitant installé à quelques kilomètres utilise des laques hydro sans solvant. C’est le début d’une prise en compte de l’environnement. » L'innovation n'échappe pas à cette fabrication traditionnelle. Des cochonnets intègrent, par exemple, de la poudre de fer pour qu’un aimant puisse les ramasser. Ils ne sont pas homologués, mais ils sont très appréciés par les personnes âgées. Pour répondre à la demande, l’entreprise s’adapte donc. Depuis 1980, les vieux tours Monneret fabriqués à Moirans (pas de lien familial) ont été remplacés par des tours automatisés, ce qui permet de produire entre 600 000 et 800 000 pièces par an. Mais tout ça pourrait bien n’être qu’un début…

ET SOUDAIN… INTERNET Une véritable révolution s’est produite dans le monde du cochonnet. C’était en 2010 : « Obut a voulu imposer son logo sur tous les buts et tout le monde s’est mis à faire la même chose. Depuis cinq ans, on personnalise ! » Le leader tricolore a sa propre gamme business : Air France, le LOU, l’OL… Mais d’autres se sont engouffrés dans ce qui est devenu un objet de communication. Imaginez… Petit, rond, design, glamour, ils sont nombreux à avoir été séduits : Générali, Caterpillar, Tour de France, Crédit

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Agricole. « Depuis 2012, après le Mondial de Marseille, internet a tout changé. Aujourd’hui, je travaille avec des sites internet. Ce sont de petites séries et les cochonnets sont présentés dans des coffrets. Les demandes portent sur les championnats régionaux, nationaux ou internationaux, ou encore sur des événements n’ayant rien à voir avec la pétanque. Certains personnalisent carrément leur cochonnet-souche à la main et font de véritables œuvres d’art ! » Adaptation, encore et toujours. Aujourd’hui si en pénétrant dans l’atelier, la tradition vous saute au visage avec sa poussière, ses machines, ses piles de bois, en revanche JeanYves Monneret travaille aussi dans son bureau à concevoir entre quatre et cinq projets nouveaux chaque jour, des prototypes qui prendront forme en impression numérique ou par laser : « On pourrait ne faire que du cochonnet, mais je ne veux pas mettre tous mes œufs dans le même panier. Je continue les articles ménagers et les pièces détachées pour jouets qui ont constitué notre activité de base, en y ajoutant d’autres choses, par exemple des planches Fanny ou encore des socles pour les boules de neige. Autrefois, on y mettait des souvenirs, maintenant on met un peu tout ce qu’on veut. C’est une vraie folie ! » Et l’avenir ? Le Jurassien ne croit pas trop à la concurrence : « Il faut un stock important que tout le monde ne peut pas se payer. Notre principal fournisseur est satisfait de ce que nous produisons. Tout va bien, on réembauche des jeunes. » Ni le fils, ni la fille de Jean-Yves Monneret ne sont intéressés pour prendre le relais. Pour la suite, il faudra imaginer un autre scénario. « Le métier est dur, mais il a changé. Je vais aller jusqu’aux JO de 2024, j’aurai 58 ans et je ne m’interdis pas de repartir sur autre chose, quitte à faire une formation. »


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Sur les berges du lac de Lamoura, à proximité de son domicile, Stéphane Dalloz avec sa fille, Marie, observe les canards.

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Mon Jura à moi

Stéphane

Dalloz Sur la piste des géants

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b NUMÉRO 39

Tout petit, le fils du garagiste et de l'institutrice voulait être agriculteur, mais la vie en a décidé autrement. À 47 ans Stephane Dalloz s'est fait un nom avec une majuscule, dans le monde des épreuves internationales de ski. Cet été, il sera aussi sur les routes du Tour de France. Ü


Stéphane Dalloz connaît bien les monts Jura. Sur les pistes de Lélex, il a eu l'occasion d'accueillir les meilleurs skieurs alpins.

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I

IL ORGANISE DES COURSES DE SKI INTERNATIONALES, TRAVAILLE SUR LA COMMUNICATION DE LA FILIÈRE COMTÉ, sillonne le Tour de France avec les journalistes de France Télévisions, conseille La Transjurassienne et trouve même le temps de gérer un restaurant de pistes au-dessus de Lélex (Ain). Sous l’écorce de ce couteau suisse pur jus, se cache en réalité un homme patient. Stéphane Dalloz a mis vingt ans avant d’éclore au plus haut niveau du monde de l’organisation.

b NUMÉRO 39

Denis Trossat a été le trésorier de Fédération française de football. Un poste qui ne l'a jamais éloigné des petits clubs. Ici, avec les enfants de Macornay.

NUMÉRO 39 - Rien dans votre vie ne vous prédestinait à exercer un métier qui n’existe pas dans le Jura ? STÉPHANE DALLOZ - C’est vrai. Depuis 2010, je suis consultant en conseil marketing et communication, et également en charge de l'organisation de grands événements. Avant, j'ai passé vingt ans chez Jean-Claude Dalloz, fabricant de piquets de ski à Lamoura, où j'assurais la direction commerciale et l’assistance technique. À l’origine, j’ai un BTS électrotechnique. Mais, dans la vie, on peut toujours se former ! Après mon service militaire au fort des Rousses au groupement d’instruction - une année de rêve, je passais mon temps à m’entraîner - j’ai appris le marketing et la communication en deux ans à la CCI du Jura, avec Denis Trossat [Lire Numéro 39 n° 2]. J’avais la certitude que c’était incontournable pour développer la société de Jean-Claude Dalloz, mais aussi pour réussir l’organisation d’une épreuve sportive de très haut niveau, surtout si l'on veut inscrire cette dernière dans la durée. Ü

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Le milieu de la compétition était donc déjà présent dans votre tête. Comment cela est-il venu ? S. D. - Quand je préparais mon BTS au lycée du Pré Saint-Sauveur de Saint-Claude, en 1991, se profilaient les Jeux olympiques de 1992 en Savoie que je voulais suivre à tout prix. J’ai obtenu mon BTS et j'ai été embauché par le Monsieur ski alpin du Jura, Jean Claude Dalloz, qui venait de décrocher le contrat pour les JO. C'est à ce moment-là que j’ai découvert les coulisses, une organisation technique inconnue pour moi et une présence médiatique incomparable, notamment grâce à la télévision. Seul, libre, indépendant… Aujourd’hui ce métier, c’est votre rêve réalisé ? S. D. : Oui. Pendant toutes ces années chez Dalloz, j’ai beaucoup travaillé avec la station de Val d’Isère sur les épreuves de coupe du monde. En 2010, le club des sports m’a demandé de prendre la coordination générale du Critérium de la Première Neige, étape de la coupe du monde qui se déroule sur la piste Oreiller-Killy. J’ai alors pénétré ce monde si particulier. J’ai la chance de pouvoir faire exactement ce qui m’a toujours passionné.

Quelle impression en retirez-vous ? S. D. - Une sensation de magie puisqu’il s’agit de faire fonctionner ensemble des entreprises éphémères. Embaucher des prestataires, s'occuper de la presse, assurer le débit internet, prévoir la nourriture, préparer les pistes, gérer le public… Si chaque poste dispose d'un responsable, il faut néanmoins coordonner l'ensemble. La plus grosse partie d’un événement sportif, ce n’est pas toujours l’épreuve, c’est tout ce qu’il y a autour. La réussite d’une course dépend de la couverture télé et de la publicité qui l’accompagne. C’est un métier de metteur en scène ? S. D. - Un peu ! Val d’Isère est la station qui a accueilli, depuis 62 ans, le plus de coupes du monde de ski, elle fait rêver. Pourquoi ? Parce qu’on place plus de caméras que sur la plupart des autres coupes du monde, pour que les images de la compétition et de la station soient belles et spectaculaires. Je suis payé pour ça, pour ces petits détails auxquels ne pensent pas toujours les réalisateurs. Dans ce type d’épreuves, comme dans le Tour de France, l’aspect sportif couvre 50 % du temps d’antenne ; le reste, c’est de la promotion touristique ! Pour

moi, il y a eu Val d’Isère et puis Miribel, Chamonix, avec le Kandahar, manifestation mythique qui égale les descentes de Wengen et de Kitzbuhel. Les épreuves internationales, c’est une chose, mais, dans votre emploi du temps, il y a aussi depuis peu le Tour de France et la Transjurassienne. S. D. - Du pur hasard. Je connais bien Alexandre Pasteur, un excellent journaliste sportif qui commente le Tour de France pour France Télévisions. Nous avons les mêmes valeurs, il est petit-fils de scieur. L’an dernier, il m’a proposé d’être son assistant comme chauffeur sur la Grande Boucle. Je lui donne des conseils, je fais attention aux détails. J’emmène aussi Franck Ferrand, le célèbre historien qui présente les trésors de notre patrimoine. En même temps, Trans'Organisation m'a sollicité pour une expertise quand Hervé Balland était encore directeur. Maintenant, c’est une autre équipe qui est aux manettes de la plus grande épreuve de ski de fond en France, avec PierreAlbert Vandel à sa tête. Franchement, je ne me voyais pas dire non à la Trans', c’est une course mythique, mais sous-exploitée. Nous avons intérêt à mettre beaucoup de moyens pour communiquer. Les médias sont demandeurs, il faut en profiter. Les élus doivent penser économie, mais pas seulement pour les retombées les jours de courses. Les effets peuvent durer toute une année si l'on s'y prend bien. La Transjurassienne est fragile et elle peut disparaître du jour au lendemain. Et vous gérez aussi un restaurant, la Catheline dans la station des Mons-Jura. S. D. - L’aventure a démarré là aussi en 2010, j’étais encore chez Dalloz et, à cette époque, j’ai eu l’opportunité de reprendre, avec un ami, la gestion du bar-restaurant situé en haut des pistes de Lélex (Ain). Au début, c’était difficile ; maintenant ça va, même si cette activité monopolise plus de temps que je ne voudrais. Diriez-vous que le sport a façonné votre vie ? S. D. - Oui, mais... je n’ai jamais fait d’exploits ! [Sourire] J’ai toujours aimé le haut niveau, mais je n’ai jamais eu les qualités pour devenir un champion. Pour exceller, il faut des qualités, du talent, mais aussi un encadrement. Moi j’étais au ski-club du Lizon. Par contre, à l’US Lamoura où j’avais tous mes copains, il y avait des jeunes qui évoluaient en équipe de France. Pour eux, le rêve était accessible parce qu’ils avaient des exemples sous les yeux. Moi, le haut niveau, je ne le voyais qu’à la télé ! Enfant, c'était pourtant autre chose qui vous faisait rêver. Ne vouliez-vous pas devenir paysan ? S. D. - Ma mère était institutrice à Larrivoire et mon père garagiste à Saint-Claude. Nous avons déménagé à Pratz quand ma mère a été nommée à l'école. J’avais deux mois. Plus tard, mon père a racheté le garage Renault à Moirans-enMontagne. J’ai vécu dans ce village jusqu’à l’âge de 23 ans. Mon grand-père avait, lui, une scierie à Septmoncel, j’aimais y aller, respirer cette odeur de bois. C’est la nature qui a marqué mon enfance. Avec les copains, je traînais toujours du côté de la chapelle Saint-Romain et, adolescents, nos circuits de motocross et VTT passaient par la grotte de Pratz Ü

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b NUMÉRO 39

Avec Marie et Noé, ses enfants, une balade à VTT dans les Hautes-Combes.

Chaque matin, le rituel : la lecture de L'Équipe.

b AGENCE ZOOM

Réunion de travail sur la piste avec Vincent Jay, directeur du club des sports de Val d'Isère.

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b NUMÉRO 39

b TWITTER STÉPHANE DALLOZ

Sur le Tour de France 2017, avec Alexandre Pasteur, Laurent Jalabert et Marion Rousse.


(qui n’en est pas une), sur le Gy, vers Champier. J’allais aussi souvent à la ferme de Casimir Dutoit. J’aimais les animaux, cette ambiance terre à terre, d’autant plus que, de l'âge de 12 à 18 ans, je passais mes vacances dans la graisse du garage familial. J’ai vite compris que ce ne serait pas ma voie. Mais j'ai beaucoup appris avec mon papa, à commencer par la passion qu'il faut avoir pour gérer une entreprise. Mon père a commencé comme simple employé chez Renault à Saint-Claude, pour terminer patron de sa propre entreprise avec une dizaine d'employés. Le fils d’institutrice que vous étiez brillait-il à l'école ? S. D. - Je n’ai jamais été un très bon élève au grand regret de ma mère, j’ai pu aller au collège de Moirans-enMontagne par dérogation parce qu’une option technologique venait d’ouvrir. J’ai enchaîné avec un bac technique au lycée Pasteur de Dole où j’ai souffert parce que j’étais loin de la montagne. Je suis alors revenu au lycée du Pré SaintSauveur de Saint-Claude. Rien d’extraordinaire donc... Je me considère un peu inculte d’ailleurs, très centré sur mes racines. De quoi forger un caractère ? S. D. - Je suis plutôt entier, je le sais et je le revendique. Je suis exigeant aussi. C’est parfois difficile au quotidien pour les gens qui m’entourent, mais quand on nettoie la table, il faut le faire comme il faut ! Votre Jura à vous, c’est le Jura perché ? S. D. - J’adore la chaîne des Monts Jura. Bon, elle est dans l’Ain [sourire], je n’y peux rien. Contempler le Jura et les Alpes depuis le sommet de Lélex avec une vue à 360 degrés,

c’est magique. On se sent appartenir à cette montagne. Dans les Hautes Combes, je passe beaucoup de temps à vélo, ça me donne le temps de réfléchir ! Vous vous dites Jurassien du massif. Que signifie cette appellation ? S. D. - Que je suis un homme de la montagne, que j’aime son silence, ses espaces... Pour moi, être Jurassien, ce n’est pas revendiquer une appartenance à un département. Je me sens Jurassien du massif. Dès que l'on bourlingue un peu, on comprend qu’il existe une unité dans cette montagne. Elle tient aux paysages bien sûr, qui forment un ensemble cohérent, mais aussi à l’histoire des hommes. Ils ont leur caractère. Même s’il ne faut pas idéaliser ! Par certains aspects, leurs valeurs jouent parfois contre eux, elles les enferment dans une routine, une absence d’ouverture à la nouveauté, aux temps qui changent… Une sorte d'isolement ? S. D. - Dans le Jura, on a énormément de mal à faire confiance aux gens qui ne sont pas du Jura ! On préfère continuer à faire comme on a toujours fait. Vous, c’est la perspective de vivre dans le Jura qui vous a toujours guidé ? S. D. - Oui, en ce sens que j’ai pu rester dans le milieu que j’aime et vivre comme j’en avais envie en aménageant mes horaires de travail. Il est important d’accorder du temps à la vie familiale. Au lieu d’aller chez Dalloz, j’aurais pu multiplier mon salaire par trois en travaillant en Suisse ou en rejoignant un grand groupe comme Salomon ou Rossignol. Peut-être que tout aurait alors été différent.

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b NUMÉRO 39

Stéphane Dalloz n'oublie pas ses racines paysanes. Que sa fille Marie soit, à son tour, attirée par les Montbéliardes, n'est pas pour lui déplaire.


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Les monts Jura séparent la France du bassin genevois.

Jura Balades

REGARD sur la

Par sa proximité avec la Suisse, le Jura a rapidement su regarder vers l'extérieur. À travers huit balades, Numéro 39 vous invite à jouer à saute-frontières. Direction le canton de Vaud, mais aussi l'Ain et le Doubs si proches. Attention, vous allez en prendre plein les yeux. Ü numéro 67 39

b NUMÉRO 39

FRONTIÈRE


Une aire de pique-nique avec une vue exceptionnelle sur le Jura et les Alpes.

DESTINATION

COL DE LA FAUCILLE

Les monts Jura ont quelque chose d’anachronique. Ce chapelet de crêts constitue un espace sanctuarisé dédié à la nature. En même temps, il domine une région au niveau de vie parmi les plus élevés du globe. Ü

COL DE LA FAUCILLE (01)

Balcon sur un autre monde C

’est une discussion millénaire. Où se dressent les plus hauts sommets de la chaîne ? Dans l’Ain, bien entendu puisque les princes des lieux ont pour noms Crêt de la neige, Reculet, Grand Crêt ou encore Colomby… de Gex, comme pour narguer les Jurassiens ! Passée cette querelle d’autochtones, la beauté et la force des lieux l’emportent sur toute autre considération. Dans cet espace hyperprotégé par la Réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura vivent chamois, lynx, grand tétras, aigle royal, gélinotte et consorts, des mil-

DURÉE Itinéraire 1 : 5 h 15 Itinéraire 2 : 2 h

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liers d’hectares surveillés comme le lait sur le feu. Au pied de cette muraille, grouille une vie à mille lieues de la sérénité des sommets. La métropole de Genève, bien sûr, ville polyglotte, siège des organisations internationales les plus puissantes, cité de la finance est une magnifique perle lovée au bord du lac Léman. Cette princesse a su attirer les courtisans du monde entier. Tout autour, son rayon d’influence ne cesse de croître, la vie économique et culturelle y est intense. Le bassin fourmille d’activités en tous genres greffées sur une pléiade de villages devenus, en une génération, des villes importantes : Versoix, Nyon, Gland sur la Riviera vaudoise et, du côté français, Gex, Ferney-Voltaire et Divonne, avec, au cœur de ce dispositif, l’aéroport international de Genève-Cointrain (qui fait fron-


La station des Monts-Jura, dans l’Ain, regroupe les sites de Lélex-Crozet, Chézery-Menthières et Mijoux-La Faucille. Il faut y ajouter la Vattay, paradis des amoureux de ski de fond. L’enfilade des sommets entre 1 600 et 1 720 m d’altitude lui confère ses lettres de noblesse en matière d’environnement naturel (avec la Réserve naturelle de la Haute Chaîne du Jura) et de tourisme (49 pistes en alpin, 20 en fond). Un certain Edgar Grospiron, enfant de Lélex, a remporté la médaille d’or en ski de bosses aux Jeux olympiques d'Albertville. Monts-Jura, ce sont encore quatre télécabines : Mijoux, Lélex, Crozet et surtout la Faucille pour accéder sans effort sur la crête, et s’offrir, été comme hiver, l'un des plus beaux panoramas d’Europe.

tière entre les deux pays) et le Centre européen de recherche nucléaire (CERN), véritable mastodonte qui regroupe des scientifiques et des techniciens de l’ensemble de l'Union européenne. La richesse générée par cette mini-région n’en finit pas d’attirer des travailleurs de France, mais également d’autres contrées plus éloignées, venus participer à ce festin économique grâce aux entreprises suisses ainsi pourvues constamment en maind’œuvre. La frontière franco-suisse, dans son ensemble, mais en particulier dans le bassin genevois, permet aux gens d’accéder à un pouvoir d’achat très confortable.

POUMON D’OXYGÈNE La santé florissante du secteur se mesure à ses équipements et ses infrastructures parmi lesquels le tourisme en constant développement. La chaîne des Monts Jura représente la réserve d’oxygène d’une co-

nurbation lancée dans un développement difficile à maîtriser. À une demi-heure des embouteillages genevois, l’air est pur, les espaces immenses, le silence régénérant… Un autre monde s’ouvre, celui d’une moyenne montagne largement plébiscitée pour ses stations de sports d’hiver, les Rousses et Lélex en têtes de pont. La demande est grande pour tous les types de loisirs de nature. Le plaisir à portée de main. Pour répondre à cette demande en forte croissance, aux besoins de ce monde riche et exigeant, s’est développé un tourisme culturel et de bien vivre qui, de la maison du Parc naturel régional de Lajoux à l’Espace des Mondes Polaires de Prémanon en passant par le fort des Rousses, le château de Voltaire à Ferney, les golfs ou le casino de Divonne, est susceptible d’apporter une véritable plus-value à ce secteur montagnard. Ü

L'ultime montée vers le Colomby de Gex.

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b NUMÉRO 3

Monts-Jura, l'autre station


)Itinéraires(

b L. BARBEAU COCHET

UN COUP D'ŒIL

LA LUGE SUR RAIL

UN LIT

HÔTEL DU CENTRE 2* Une bonne cuisine, un bon accueil, quelques chambres sympathiques au pied des Monts Jura. Un bon endroit pour partir découvrir les environs à pied ou en VTT. Rue principale, 01410 Lélex Tél. : 04 50 20 90 81 UNE TABLE

LE GRAND TÉTRAS Le site est tout simplement vertigineux. Le restaurant d’altitude du Grand Tétras, au sommet du télécombi du Montrond, offre un panorama exceptionnel sur les Alpes et le bassin du Léman. La terrasse de 80 places s’ajoute à la centaine de places à l’intérieur. Boissons, plats chauds. Tél. : 04 50 41 30 86 Pwww.monts-jura.com UN CONSEIL OT des Monts Jura 435 rue des Monts Jura 01410 Lélex Tél. : 04 50 28 09 16 Pwww.monts-jura.com

70 numéro 70 numéro 39 39

Un balcon sur les Alpes

1

Difficulté : Difficile Durée : 5 h 15 Distance : 14,5 km Dénivelé + : 710 m Guide : topoguide Pays de Gex Balisage : puis et de nouveau

¢ Départ du parking du Pailly, 2 km après le col de la Faucille sur la RN5 en direction de Gex. Descendre la petite route sur 400 m, prendre à droite un chemin forestier direction « la Quible ». Passer devant le chalet de la Quible u, suivre la direction « Les Platières » (balisage jaune). Continuer à travers prés et forêt, récupérer le chemin forestier direction « Gex ». Poursuivre jusqu’au carrefour, prendre à droite en direction du Colomby de Gex. Montée raide, arrivée au col de Branveau v au pied d’un grand cirque. Continuer le sentier à flanc de montagne (balises jaunes au sol et sur des piquets), contourner le cirque de Branveau et monter par une pente très raide jusqu’au sommet du Colomby de Gex w, point culminant à 1 688 m, reconnaissable à son signal en fer. ¢ Là, récupérer le GR 9 (balisage rouge et blanc), descendre puis remonter sur la crête, passer le Pas de l’Échine x, poursuivre jusqu’au Grand Montrond y à 1 596 m. Balcon exceptionnel sur le lac Léman et les Alpes. ¢ Quitter le GR au panneau, prendre à droite le balisage jaune direction « Petit Montrond » z, descente raide avec vue sur le chalet de Crozat. Poursuivre et remonter. Aux panneaux suivants, prendre à droite direction « La Vie de Chaux, Gex ». Descente raide sous les falaises du Petit Montrond {, retrouver la route du Pailly et rejoindre le parking.

b NUMÉRO 39

Au col de la Faucille, une luge d’été à pratiquer seul ou à deux attend tous les amateurs de sensations fortes. 1 365 mètres de longueur (410 m de montée, 955 de descente pour 90 m de dénivelé), c’est beaucoup ; c’est même l’une des plus longues d’Europe ! Chacun peut choisir sa vitesse en toute sécurité. Proposée par la Station Monts-Jura et aménagée sur des rails, cette piste offre des virages serrés, des pentes à 37 % et même une vrille à… 540°. Ouverte tous les jours du 8 juillet au 3 septembre de 10 h 30 à 18 h. Pwww.monts-jura.com

Dolce Vita sur les Monts Jura

2

Difficulté : Facile Durée : 2 h Distance : 5 km Dénivelé + : 300 m Guide : topoguide Pays de Gex Balisage : puis et

¢ Départ du col de la Faucille (1 323 m), prendre le télécombi (ouvert en juillet et en août) jusqu’au Petit Montrond (1 533 m). Possibilité de boire un verre ou de manger au restaurant d’altitude u. ¢ Rejoindre l’antenne TDF et suivre le balisage jaune direction « le Grand Montrond », descendre un premier creux, remonter sur la crêtev et descendre un second creux. Au panneau, tourner à droite en direction du chalet du Crozat w, récupérer le GR 9, suivre un long plat, passer sous un téléski, traverser la piste et prendre à gauche. Longue descente à travers la forêt x, rejoindre la route de la Maréchaude, poursuivre jusqu’à la station.

La pratique de la randonnée comporte des risques inhérents à cette activité. Nous vous recommandons donc la plus grande prudence dans l'interprétation et l'utilisation des données fournies dans ce magazine. Malgré tout le soin accordé à leur exactitude, les informations fournies ne pourront en aucun cas engager la responsabilité de son auteur et de la SAS Éditions du Jura. Par ailleurs, les Éditions du Jura, Numéro 39 et les personnes qui participent au magazine et au site Internet déclinent toute responsabilité en cas d'accident et ne pourront être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit.


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Aquaparc

du 2 juin au 2 septembre 2018 DOLE

ISIS

Bains, forme et détente au cœur d’un site de loisirs unique en Franche-Comté.

OUVERT TOUS LES JOURS

s e n r u t c o n Soirées musicales

h 3 2 à 0 3 h 9 1 e d

let l i u j 3 1 i d e r d Ven let l i u j 7 2 i d e r d Ven et Mardi 31 juill oût Vendredi 10 a

AQ U A PAR C I S I S

Allée des Prés Buffard - 39100 Dole www.grand-dole.fr

GRAND DOLE numéro 71 39

Communauté d’agglomération


DESTINATION

Le Noirmont des Français domine la vallée des Rousses à Bois d’Amont.

Des Rousses à Saint-Cergue, la France et la Suisse jouent à cache-cache dans un décor de montagnes époustouflant. À la notion de frontière, on préfère ici celle de passage. Ü

LA CURE (39)

Une montagne franco-suisse S

'il fallait retenir une image de cette région si particulière, ce serait le sommet du Noirmont, dont un côté domine les Rousses et Bois d’Amont, et l’autre la plaine du Léman. S’il fallait en retenir un symbole, ce serait à coup sûr l’hôtel Arbez à la Cure, dont une porte donne sur la Suisse, et l’autre sur la France. Sur ce territoire, la topographie est une chose, la réalité quotidienne une autre. Les sommets forment une muraille qui sépare deux pays, mais par de petits trous de souris, les uns communiquent avec les autres dans un va-et-vient incessant.

DURÉE Itinéraire 1 : 4 h Itinéraire 2 : 2 h

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Les travailleurs frontaliers — entendez, les Français qui travaillent en Suisse — traversent la frontière par milliers, qui pour aller dans la vallée de Joux, berceau de l’horlogerie de luxe, qui pour rejoindre Genève ou Lausanne. Depuis des lustres, les deux versants d’une même montagne, identique de part et d’autre des murets de pierres sèches qui tracent la frontière, skient ensemble (il existe une réciprocité pour les pistes), jouent de la musique avec la même partition... Seul le hockey sur glace est demeuré l'affaire des Helvètes, qui n'ont pas adopté le ballon ovale. Même si chacun conserve son accent, la vie dans cette région montagnarde a imposé des lois communes, façonné un tourisme en tout point identique et une manière de vivre en symbiose avec l’environnement, protégé en France par le

b NUMÉRO 3

LA CURE


Haute de ses 1670 mètres, la Dôle fait partie des monts Jura, mais elle se distingue dans cette enfilade de crêts. Elle est plantée là, presque à part, avec son radôme (la boule, comme on l’appelle ici, abrite un radar pour le trafic aérien et une station météorologique) et sa tripotée d’antennes en tous genres, sémaphore visible au loin, point de repère pour skieurs et randonneurs. La Dôle est une montagne particulière qui semble veiller sur ses voisins. Les promeneurs aiment la gravir. Ils en font volontiers le tour. Des télécabines amènent, en hiver, des milliers de skieurs, ravis de dévaler ses pentes. Et quelle vue ! « Il n’y a pas de termes pour exprimer la beauté et la grandeur de ce spectacle », disait Goethe, en 1779.

Parc naturel régional du Haut-Jura et, en Suisse, par celui du Jura vaudois. Parlons-en de l’environnement… Il suffit de grimper jusqu'à la Dôle pour s'incliner devant sa domination ! Des chapelets de lacs, d’immenses forêts, des plateaux et partout des sommets qui surgissent : la haute-chaîne des Monts-Jura, le Mont Tendre, la Dent de Vaulion... Le catalogue à la Prévert excuse la rigueur des hivers qui a fait des Rousses et de ses environs une destination pourvoyeuse de champions nordiques ( Jason Lamy Chappuis, Anaïs Bescond, Quentin Fillon-Maillet pour les plus récents).

CHACUN SON VIN Et puis, il y a la descente vers Nyon et les rives de cette mer intérieure. Au printemps, on passe des combes enneigées à la douceur du microclimat de la Côte d'Azur. Passage, vous avez dit passage… Le

cœur de ce petit bout du monde vit à un rythme particulier. Ici, les hommes appréhendent la vie avec une forme de patience qu’il ne faudrait pas prendre pour de la lenteur. Tout juste s'agit-il de sagesse. Une relation intime au temps. S’il est hasardeux de comparer le gruyère et le comté, qui sont pourtant deux cousins germains, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’ils ont poussé le mimétisme jusqu’à produire chacun du vin. Pas le même, bien sûr, mais les blancs du vignoble de la Côte sont produits à partir de chardonnay et de gewurstraminer (dont le savagnin à l’origine du vin jaune jurassien est un descendant direct) et les rouges à base de pinot et de gamay. Si tout cela n’est pas de l’ordre de la complémentarité… Mais ce serait sans compter avec cette vieille habitude de se quereller sur tout et sur rien, un sport qui, pour le coup n’a pas de frontière ! Ü

Le Creux du Croue, une curiosité géologique comme en recèle le Haut-Jura

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La Dôle, bien plus qu’un sommet

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)Itinéraires( UN COUP D'ŒIL

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Les Platières

LES FRUITIÈRES DE NYON

LA BONNE ADRESSE

HÔTEL-RESTO LA POSTE

Une bonne adresse pour se désaltérer après une randonnée. Et si la fringale vous prend, le patron propose tous les dimanches soir pâtes fraîches et pizzas. Mais l’araignée et le carré de porc maison peuvent aussi se déguster à l’ombre d’une grande terrasse, le kir est offert sur présentation de Numéro 39. Et puis, allez, si vous voulez vous reposer, l’hôtel vous propose sept chambres bien douillettes. Tél. : +41 22 360 12 12 Pwww.delaposte.ch UN CONSEIL Station des Rousses : Tél. : 03 84 60 02 55 Pwww.lesrousses.com Saint-Cergue - Nyon Tél. : +41 22 365 66 00 Pwww.lacote-tourisme.ch

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Un creux majestueux

1

Difficulté : Moyenne Durée : 4 h Distance : 12 km Dénivelé + :510 m Guide : Randonnée sur les balcons du Jura (Col. Rando-Evasion) Balisage :

¢ Départ du parking du Cernillet, 2 km avant La Cure au lieu-dit « Les Landes ». Monter le chemin en suivant le balisage jaune. Après 300 m, prendre à droite et franchir le passage. Montée douce. Franchir une seconde barrière (vous entrez en Suisse) et commencer une montée. ¢ À 200 m, aux panneaux, prendre à gauche la direction « Creux du Croue » et monter jusqu’au téléski au sommet du Noirmont à 1 567 m d’altitude  : vue sur le lac des Rousses et les monts Jura. Prendre à droite le sentier jusqu’à une croix . Poursuivre jusqu’au chalet du Berger, continuer et suivre le chemin de crête qui domine le Creux du Croue par le Noirmont-des-Français à 1 547 m . Descente raide, passer un muret, continuer en laissant à droite la ferme d’alpage entourée de tourbières. Aux panneaux, prendre la direction « La Cure », remonter dans les bois, franchir un mur de pierres par un petit escalier et arriver au pied du chalet « Le Croue » x. ¢ Aux panneaux, prendre à droite la Combe aux Tassons jusqu’à la ferme de l’Arzière (1 145 m), passer derrière la maison et descendre direction La Cure, passer la ferme La Copette (1 323 m). Poursuivre la descente. Aux panneaux, prendre à droite direction Le Noirmont, remonter dans la forêt, franchir la barrière et rejoindre le chemin de départ, faire le trajet en sens inverse jusqu'au parking du Cernillet.

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En pleine nature, à 1 333 m d’altitude au-dessus de la Givrine, la vue sur les Alpes et le lac Léman est imprenable. Ce chalet d’alpage appartient à la commune de Nyon. À la bonne saison, François Briggen fabrique et vend le gruyère issu de ses vaches en estive, mais aussi du beurre et du séré à base de lait caillé. Les produits sont en vente directe, mais les Fruitières de Nyon ne font pas restauration. On peut y venir à pied depuis Saint-Cergue (2,5 km, 1 h de marche) ou en voiture depuis la Givrine et Combe Grasse. Pwww.lacote-tourisme.ch

Au pays du gruyère

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Difficulté : Facile Durée : 2 h Distance : 8 km Dénivelé + : 200 m Guide : Guide Touristique Nyon Région pages 50 et 51 Balisage :

¢ Départ depuis le restaurant La Givrine, direction la Genolière-cabanes de Rochefort. Monter tout droit, passer devant la fromagerie , continuer tout droit, entrer dans la forêt, passer devant une ferme puis quitter la route. Prendre à droite à travers prés, direction Les fruitières de Nyon. Passer une barrière, monter, prendre à droite, franchir un muret, passer devant la cabane de Rochefort, devant un point d’eau. Après un virage à droite serré, rejoindre la route. Faire un aller-retour jusqu’aux fruitières de Nyon (vue sur les Alpes). Suivre la route en descente. Au croisement, prendre à droite direction La Givrine. Au carrefour suivant, prendre le chemin de Bonnefontaine. Rejoindre le point de départ.


L’Alpage à votre table

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www.gruyere.com numéro 75 39


DESTINATION

NANS-SOUS-SAINTE-ANNE

Les eaux du Lison ont longtemps alimenté forges et moulins.

À la charnière du Jura et du Doubs,la vallée de la Loue est l’un des endroits les plus mystérieux de toute la Franche-Comté. C’est le beau pays du peintre Gustave Courbet. Ü

NANS-SOUS-SAINTE-ANNE (25)

Pays de Courbet I

l est des lieux qui ne respectent pas les limites administratives, des lieux frontières, des lieux entre deux… Ces endroits atypiques sont autant de passerelles entre les territoires ; ils sont plantés là, étonnés que les hommes les aient réduits à appartenir à telle ou telle entité administrative, alors qu’ils ne font qu’un par leur force et leur beauté. Ces endroits sont des rebelles, ils se suffisent à eux-mêmes. La vallée du Lison, à quelques kilomètres de Salins-les-Bains, pas loin d’Ornans (25) appartient à ce no man’s

DURÉE Itinéraire 1 : 4 h 15 Itinéraire 2 : 1 h

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land. Le petit village de Nans-sousSainte-Anne en ouvre l’accès alors que, des immenses et mystérieuses falaises, naît le petit ruisseau du Lison dans un cirque monumental.

UNE BEAUTÉ SAUVAGE Il n’est rien ici que le maître d’Ornans, Gustave Courbet, n’ait couché sur sa palette… Le pied sitôt posé, cette terre vous ensorcelle. Tout est creux et bosses, silence et senteurs, de ces parfums d’humus montés du plus profond des bois qui viennent rappeler au visiteur qu’en ce royaume, la nature règne sans partage. L’homme, depuis toujours a dû batailler contre le froid, contre l’isolement, les forêts et l’eau. Il s’est fait une petite place, humble, laborieuse à l’ombre de géants silencieux qui ont


Un réfractaire en son musée Né en 1819 à Ornans, Gustave Courbet est mort en exil en Suisse à la Tour de Peilz, en 1877. Du fait de sa condamnation pour avoir participé à la Commune de Paris, son corps ne fut ramené dans son village natal qu’en 1919. C’est que le peintre qui monta à vingt ans à la capitale fut sa vie durant un réfractaire dans son art, en imposant une touche qualifiée aujourd’hui de pré-impressionniste. Il adopta la même posture dans sa vie personnelle. Depuis 1971, sa maison natale d’Ornans est devenue le siège du musée qui lui est consacré et qui regroupe aujourd’hui 75 œuvres, dont 41 peintures et quatre sculptures. 1, place Robert Fernier 25290 Ornans Pmusee-courbet.doubs.fr

fini par l’accepter. Il fabrique des outils, cultive les champs, coupe les arbres et produit le comté, fromage emblématique de la région. Mais quand il se rend à la source du Lison, c’est dans le ventre de la terre qu’il pénètre et, sous l’immense voûte de la grotte Sarazine, il mesure sa petitesse. La vallée du Lison n’est pas qu’un lieu hors du temps, c’est un lieu habité. Ici, tout ce que la nature compte de forces et d’énergies se concentre et parfois se déchaîne en énormes colères d’esprits invisibles et pourtant tellement présents. Les femmes et les hommes gardent en eux le souvenir de la Vouivre qui hantait les ruisseaux et ils ont su mettre des noms sur ce qu’ils ressentent : le pont du Diable, le gouffre du Creux Billard… Alors, évidemment, comment imaginer que Gustave Courbet soit resté insensible à ce monde parallèle, lui, le

chercheur insatiable qui toute sa vie fut en quête de la beauté, mais aussi de la vérité. Il a tout peint, cet univers c’était son monde. Aujourd’hui, huit parcours de randonnées emmènent le promeneur sur ses pas. Ces chemins de traverse permettent de mieux comprendre la fascination qu’exercent ces paysages sur l’homme ; ils en révèlent l’âme. Une âme que l’on retrouve aussi dans les pierres que le peintre ne dédaignait pas. Les maisons perchées sur la Loue à Ornans, la saline de Salins-les-Bains inscrite au patrimoine de l’Unesco aujourd’hui musée du sel, les forts Belin et Saint-André qui défendaient la ville mais aussi le château de Cléron et les villages du plateau dont les églises, antiques sémaphores, adressent aux visiteurs le message d’un pays rude, mais beau. Le pays de Courbet. Ü

À saute cailloux devant la bouche béante du Lizon.

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)Itinéraires( UN COUP D'ŒIL

Montmahoux

b ENGRENAGES/MTCC/CL. M. PAYGNARD

Belv. de Montmahoux

Nans-sousSte-Anne

La Doye

Le Gros Chêne

À LA TAILLANDERIE, TOUT EST FAUX

UN LIT

GRAND HÔTEL DES BAINS À Salins (11 km de Nans-sous-SainteAnne), hôtel 3* avec parking, spa, restaurant gastronomique, à deux pas de la saline et de l’établissement thermal. 2, place des Alliés et de la Résistance. Tél. : 03 84 37 90 50 Pwww.hotel-des-bains.fr UN VERRE

LA GRIGNOTTE DU LIZON À Nans, l’endroit propose de la petite restauration à base des produits de la laiterie du Lizon : fromages, mais aussi salaisons et charcuteries locales, avec des tartines gratinées, des salades et des sandwichs pour les randonneurs. La terrasse sur le devant est bien agréable pour boire une bière franc-comtoise ou goûter aux vins du Jura. Tél. : 03 81 86 62 28 UN CONSEIL Office du Tourisme d’Ornans 7, rue Pierre Vernier Tél. : 03 81 62 21 50 Office du Tourisme de Salins Place des Salines Tél. : 03 84 73 01 34

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D'eau et de roche

1

Difficulté : Moyenne Durée : 4 h 15 Distance : 14,5 km Dénivelé + : 640 m Guide : Doubs Tourisme Balisage : puis et de nouveau

¢ Départ du parking de Nans-sous-SainteAnne face à l’épicerie. Aller vers l’église, tourner à droite, monter à gauche jusqu’à une fontaine. De là, à gauche, aller-retour [balisage bleu et jaune] à la cascade du Verneau . ¢ De retour à la fontaine, monter 50 m, prendre à droite. À l’intersection, vue sur le village . Prendre à gauche, monter jusqu’à l’aire de stockage de bois, suivre à gauche direction Montmahoux et monter. Après un virage à gauche, prendre à droite et suivre le balisage jusqu’au sommet de Montmahoux à 830 m . Table d’orientation. Descendre la route, récupérer le balisage rouge et jaune, rejoindre la RD 15. Après 150 m, tourner à droite et monter. ¢ À la pâture x, descendre tout droit jusqu’au chemin, prendre à gauche sur 50 m, puis à droite à travers la forêt et rejoindre la route. La suivre à gauche y et prendre à droite la direction Crouzet-Migette. Continuer jusqu’à une place de débardage. Prendre à droite [balisage bleu et jaune] et rejoindre la RD 103. Aller-retour possible pour une vue sur la vallée du Lison. ¢ Après un virage à gauche, prendre un sentier à gauche. Au gros chêne z, tourner à gauche et rejoindre le site de la source du Lison. Franchir le Lison et monter jusqu’à la grotte Sarrazine. Retour jusqu’au pont de bois. Continuer tout droit, passer devant l’arboretum et rejoindre le village.

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Qu’est-ce qu’une taillanderie ? Tout simplement une fabrique d’objets coupants. Cette industrie, aujourd’hui quasiment disparue, a fait vivre dans la région des dizaines de familles. Celle de Nans-sous-Sainte-Anne a été créée en 1798 et elle a fonctionné jusqu’en 1969. A la fin du XIXe siècle, c’était même l’une des plus importante de France. Aujourd’hui, ce monument historique se visite. Une vraie plongée dans l’univers des fermes-ateliers très répandues dans le secteur. Pwww.musee-des-techniques.org

La source mystérieuse

2

Difficulté : Facile Durée : 1 h Distance : 2 km Dénivelé + : 80 m Guide : Doubs Tourisme Balisage :

¢ Départ du parking de la source à côté de la boutique, prendre à droite, traverser le Lison , suivre le sentier. Au pont de bois, prendre à gauche : aller et retour à la grotte Sarrazine . ¢ Retour sur ses pas, franchir à nouveau le Lison et suivre à droite le ruisseau jusqu’à la source du Lison . Visiter le bas de la source et emprunter la galerie supérieure creusée dans la roche. ¢ Revenir en arrière, monter les escaliers et accéder au Creux Billard x, gouffre de 80 m de haut dont les eaux communiquent au niveau souterrain avec la source du Lison. Redescendre les marches et rejoindre le parking en longeant le Lison.


(1856-1940)

Léon FREDERIC, un autre réalisme

6 juillet > 15 oct. 2018

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DESTINATION

Tout en haut du mont Myon, une table d’orientation à 360°.

PRESSIAT

L’Ain le revendique, l’extrême-sud du Jura l’aime. Au-delà des limites, le mont Myon est avant tout le phare du Revermont. Ü

PRESSIAT (01)

Regard sur la Bresse S

on sommet est dans l’Ain, mais ses racines s'enfoncent dans la terre jurassienne. On dit de lui qu’il est la lumière du Revermont. Le mont Myon n’est pas qu’une montagne ronde qui ondule comme un chat endormi, c’est un géant qui veille sur une kyrielle de petits villages aux limites de la Bresse : Courmangoux, Treffort, Cuisiat, Pressiat, Roissiat, Vierjon, Poisoux. Il a aussi un œil, côté Jura, sur Dancia, Montfleur, Barézia, Bourcia… Lorsque le promeneur accède au sommet de cette montagne où soufflent les

DURÉE Itinéraire 1 : 5 h Itinéraire 2 : 2 h

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relents du temps d’avant, il fronce les yeux pour distinguer, comme autant de petites taches dans l’immense paysage, villages ou hameaux, églises ou châteaux, lacs, bois...

LIMITE DE TERRE Mont Myon : son nom viendrait de mediolanum qui pourrait se traduire par « limite de terre » ou encore « milieu de la terre ». Une appellation latine donc, sauf qu'ici, on ne s’y trompe pas. Le mont Myon n’a pas attendu l’époque gallo-romaine pour éclairer la région… jusqu’à Bourg-en-Bresse, Saint-Julien-sur-Suran et Arinthod en Petite Montagne jurassienne, ou encore l'industrielle Oyonnax à l’est. Éclairer, c’est bien le mot qui convient. Il ne fait aucun doute ici que les druides allumaient des feux à sa cano-


S’envoyer en l’air S’il est une expérience à faire, c’est la découverte de ce petit bout du Revermont depuis les airs. Le mont Myon est devenu un tremplin pour le vol libre où des milliers de parapentistes viennent s’envoyer en l’air chaque année. Au sommet, un peu au-dessous du refuge, l’équipement est parfait : des barrières, un panneau d’information bien sûr, mais aussi des bancs pour accueillir les sauteurs. Plusieurs associations locales utilisent le lieu. On vient de très loin pour expérimenter les courants d’air : les spécialistes, bien sûr, mais aussi tous ceux qui s'initient en duo avec un professionnel agréé. Monter dans les nuages, virevolter au-dessus du mont Nivigne, du Montfort et du mont Châtel, tutoyer la vallée du Suran, pousser jusqu’à l’aplomb d’Oliferne…

pée. Magie, mystère, sacré… l'endroit fait rêver. Quand la brise souffle tout en haut de ses 663 mètres, d’étranges effluves viennent d’on ne sait où raconter de vieilles histoires. Et c’est par dizaines que les promeneurs montent là-haut respirer cet air venu d’ailleurs. L’époque moderne s’est emparée de cette Olympe en terre des Gaules. Depuis de nombreuses années, les parapentes constellent le ciel d’une myriade de couleurs, hommage du monde nouveau et agité à ce lieu immuable. Le site est même une référence nationale en matière de vol libre. Monde nouveau… Ces deux mots sonnent comme un défi. À première vue, l’histoire s’est arrêtée entre ces vallons, ces bosquets. Tout est paisible. Aux beaux jours, les hommes investissent les chemins, les maisons étincellent de leurs peaux qui oscillent du jaune au rose au

gré de la lumière, un univers de tranquillité absolue qui vit au rythme des saisons dans ce petit bout de Revermont qui n’est pourtant qu’à deux enjambées de Bourgen Bresse. Cette paix lumineuse, Bernard Clavel, grand écrivain jurassien, est venu la chercher dans les dernières années de sa vie. Le voyageur infatigable s’est installé à Courmangoux, il avait senti l’attrait irrésistible de cette pierre extraite dans les carrières de Roissiat qui reste l’un des fleurons économique du secteur. Peut-être aussi avait-il été touché, lui l’historien, par les événements de 1944 quand huit villages martyrs ont été incendiés en représailles au mouvement maquisard local. Aujourd’hui, c’est un monument qui témoigne de ce drame dans ce site haut en énergie qu’est devenu le « Grand Brule », entre Chevignat et Roissiat. Terre de légendes, terre d'évasion, terre d’histoire aussi. Ü

Le mont Myon est devenu un haut lieu français de parapente.

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)Itinéraires(

b NUMÉRO 39

UN COUP D'ŒIL

MÉMOIRE DE PIERRE

UN LIT

L’ÉPICÉA Un petit hôtel-restaurant au pied du massif du Risoux, mais surtout un bistrot où se désaltérer après une bonne balade. Ici, on est en pleine nature, quasiment dans les champs avec les montbéliardes comme voisines. Plutôt bucolique et apaisant. Pwww.l-epicea.fr UNE TABLE

LA GRANGE DU PIN Un magnifique ensemble à deux pas de Treffort-Cuisiat, dans un parc de 7 hectares. On y trouve bar, restaurant, camping, site accrobranche, le tout au bord d’un plan d’eau ouvert à la pêche, à la baignade (surveillée) et aux activités nautiques. 410 chemin de la Grange du Pin, à Cuisiat. Tél. : 04 74 22 14 61 Pwww.lagrangedupin.fr UN CONSEIL Office de tourisme Bresse-Revermont  80, route de Bourg 01370 Saint-Étienne-du-Bois Tél. : 04 74 22 49 40 Pwww.bresse-revermont.fr

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Un sommet pour s'envoler

1

Difficulté : Moyenne Durée : 5 h Distance : 16 km Dénivelé + : 470 m Guide : topo-guide Bresse Revermont Balisage : puis et de nouveau

¢ Départ du parking face à l’église de Pressiat, suivre la route à droite sur 200 m. Au carrefour, prendre à gauche le chemin de Vogelas, descendre jusqu’à la chapelle de Chevignat u, prendre à droite la rue du mont Myon et rejoindre la D52. Tourner à gauche et monter le chemin à droite v. Au parking du Revermont, suivre le GR59 à droite et monter jusqu’au mont Myon, pousser jusqu’à la table d’orientation w. Panorama à 360°. ¢ Revenir sur ses pas jusqu’à l’aire de départ des parapentes x, descendre le GR59 (deux virages en épingle). Au croisement, monter le GR à gauche, passer une barrière. Au croisement suivant, prendre à droite direction la chapelle de Montfort , suivre le GR à droite jusqu’au croisement, puis quitter le GR et prendre à droite sur 50 m (balisage jaune). Au carrefour suivant, prendre à droite direction chapelle de Montfort y. ¢ A la chapelle, suivre le chemin qui descend (une variante part en face de la chapelle et monte jusqu’au château de Montfort z, puis redescendre en longeant la crête jusqu’au parking. Continuer la route sur 150 m (entrée de Cuiziat), prendre la 1re route à droite et suivre le chemin, puis tourner à droite direction Pressiat. À la bifurcation continuer tout droit, rejoindre l’entrée de Pressiat et le parking de l’église.

b NUMÉRO 39

C’est un sentier de 1,6 km aller-retour à prendre depuis le village de Roissiat qui raconte, à travers la pierre locale taillée par les hommes, l’histoire des villages du secteur et de leurs habitants. Imaginé en 1989, l’itinéraire est jalonné de 36 étapes où sont évoqués tour à tour des événements, des gravures, des maximes et dictons, des activités. Chaque année, au mois d’août, durant une semaine, des tailleurs amateurs et professionnels viennent écrire une nouvelle étape de ce chemin. Un lieu de mémoire, mais aussi de méditation. Pwww.memoiredepierre.fr

Entre Bourgogne et Jura

2

Difficulté : Moyenne Durée : 2 h Distance : 7,5 km Dénivelé + : 300 m Guide : topo-guide Bresse Reverm. Balisage : puis

¢ Départ du parking du Revermont (D52B) entre Roissiat et Chevignat. Prendre le GR 59 jusqu’au sommet du mont Myon (refuge et table d’orientation). Depuis l’aire de départ des parapentes u descendre par le GR59 (deux virages en épingle). Au croisement, prendre à droite le GR59, remonter, passer la barrière. Au croisement suivant, aller tout droit en quittant le GR qui tourne à droite et suivre les panneaux jaunes 10 et 109 en montant sous bois puis à travers champ. Rejoindre un chemin plus large. Au croisement, prendre à gauche direction Mont Myon et franchir deux barrières. Au croisement suivant, continuer tout droit, rejoindre le chemin emprunté au départ, tourner à droite et rejoindre le parking.


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Jura Récit

Il y a 50 ans... sur l'Etna, avec

TAZIEFF Jurassiens, le géologue Michel Campy et le peintre Bernard Moninot ont accompagné, à la fin des années soixante, le célèbre vulcanologue en Sicile. Pour Numéro 39, ils se souviennent. Ü

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b CENTRE TAZIEFF POUR LES SCIENCES DE LA TERRE

Le célèbre volcanologue Haroun Tazieff, né à Varsovie le 11 mai 1914, qui nous a quittés il y a juste 20 ans.

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« LE DÉCOR ÉTAIT LUNAIRE », RACONTE LE JURASSIEN MICHEL CAMPY. Nous marchions dans la cendre noire interrompue par des coulées de laves durcies. Des sentiers cheminaient vers le sommet qui était en fait un gros cratère aux bords abrupts, dont nous apercevions le fond rempli de fumerolles. Le flanc du cratère central était parsemé de cônes, parmi lesquels un seul, le cratère nord-est, crachait des poussières et des bombes incandescentes impressionnantes de nuit. »

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b CARSTEN/FOLOTIA

S

SUR LA TABLE DE SON BUREAU, DANS SA MAISON DE MARNOZ, MICHEL CAMPY DESSINE L’EMPLA­ CEMENT DES DIFFÉRENTS CRATÈRES DE L’ETNA tels qu’il les a découverts au cours de l’automne 1968. Le cratère central, le cratère nord-est, la Bocca Nuova, l’Observatoire... Cinquante ans après, la carte est précise. Le Jurassien n’a rien oublié du mois passé au sein de l’équipe de Haroun Tazieff, le plus célèbre des volcanologues du XXe siècle. « J’avais 28 ans, un mois de libre devant moi avant de faire mon stage d’agrégation de sciences naturelles, dit-il. J’ai vécu une expérience fantastique ». En fait, ce sont plusieurs dizaines de jeunes issus du massif du Jura qui ont eu le privilège d’accompagner le scientifique russe naturalisé belge, puis français en 1971, sur les pentes du volcan sicilien. Michel Campy fait partie de ceux-là. Les jurassiens disposaient-ils de qualités physiques particulières pour porter du matériel à plus de 3 000 mètres ? Étaient-ils spécialement préparés à encaisser les soubresauts de l’Etna un mois durant ? Pas spécialement. Le critère géographique dans la composition des équipes de Tazieff est lié avant tout à une histoire d’amitiés. Depuis longtemps, le peintre et cinéaste du Haut-Doubs Pierre Bichet était en relation avec le volcanologue – dans les années cinquante, les deux hommes ont réalisé un tour du monde des volcans dont ils rapportèrent le film Les rendez-vous du diable. Et c’est à lui que Tazieff a demandé de constituer ses équipes de portage. « On me confia la charge de recruter, initier, diriger l’équipe de porteurs, échelon le plus bas de la hiérarchie, esclaves indispensables aux expériences prévues durant les quelques semaines consacrées à chaque expédition. Je recrutais les porteurs le plus souvent parmi mes jeunes amis jurassiens, avec qui je pratiquais l’escalade, le ski, la spéléologie ou l’aile delta. Ils furent toujours de précieux compagnons. Attirés par l’exotisme des volcans, leur seul salaire était de participer. Travailler avec des savants les flattait, les imprévus de l’aventure les comblaient. Durs au travail, fidèles en amitié, ils se connaissaient tous », souligne Pierre Bichet en 2004, dans l’ouvrage-hommage collectif Haroun Tazieff, une vie de feu [édité par Glénat].. En 1967, Haroun Tazieff devient responsable de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Une nomination qui marque un tournant important dans sa carrière. « Les crédits alloués allaient me donner la possibilité de mettre aussitôt sur pied un programme de recherches cohérent, d’acquérir certains instruments, Ü


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Michel Campy, professeur émérite de l'Université de Bourgogne : « à l'époque, les volcans étaient un spectacle merveilleux qu'il fallait voir. Pour nous, étudiants, c'était un mythe ».

là que partaient les expéditions ». Avec des guides locaux, attachés à Tazieff et fiers de travailler pour lui, la troupe rejoint l’observatoire de l’Etna, « L’Osservatorio Etnea », construit sous Mussolini, au pied du cratère central, à 2 500 mètres d’altitude. Elle va loger là pendant un mois. « Le décor était lunaire, raconte Michel Campy. Nous marchions dans la cendre noire interrompue par des coulées de laves durcies. Des sentiers cheminaient vers le sommet qui était en fait un gros cratère aux bords abrupts, dont nous apercevions le fond rempli de fumerolles. Le flanc du cratère central était parsemé de cônes, parmi lesquels un seul, le cratère nord-est, crachait des poussières et des bombes incandescentes impressionnantes de nuit ».

UNE AUTORITÉ NATURELLE Mais ce qui intéresse tout particulièrement Haroun Tazieff, c’est la Bocca Nuova, « une bouche nouvelle qui s’était ouverte tout à coup dans son vaste cratère central. Large d’une demi-douzaine de mètres seulement, cette gueule incandescente délivrait, une cinquantaine de fois l’heure, des trains de puissantes bouffées de gaz torrides qui fusaient en rugissant de façon terrifiante. Entre ces séries de souffles formidables, nous pouvions nous pencher par-dessus la lèvre du gouffre et plonger la vue dans l’incandescence cylindrique qui allait se perdre dans des profondeurs d’or éblouissant. Jamais encore, nulle part, je n’avais pu regarder aussi loin dans l’intérieur de feu de la planète », explique le volcanologue (25 ans sur les volcans du globe publié par Fernand Nathan en 1975). C’est là que les scientifiques vont travailler quotidiennement, afin de recueillir des échantillons. « Le premier jour, poursuit Michel Campy, nous y installons un véritable camp de base avec tout le matériel nécessaire aux prélèvements. Pendant une dizaine de jours, sans interruption et tour à tour, nous Ü

de recruter des collaborateurs, de planifier une série de missions sur le terrain », explique Haroun Tazieff en 1975 dans l’ouvrage 25 ans sur les volcans du globe publié par Fernand Nathan. Avec un objectif : connaître la nature des gaz éjectés qui conditionnent les variations de l’activité des volcans. S’il fréquente les pentes de l’Etna depuis les années quarante, Haroun Tazieff va mettre en place, à partir de cette période, des expéditions importantes, incluant des chimistes et des physiciens, pour observer et comprendre son activité. « L’Etna devint un lieu de travail privilégié », souligne France Tazieff, son épouse, en 2004, dans Haroun Tazieff, une vie de feu.

UN DÉCOR LUNAIRE Si, pour ces missions, Pierre Bichet recrute la majorité des porteurs au Club Alpin Français (CAF) de Pontarlier, il convie Michel Campy à rejoindre l’équipe pour passer le mois de septembre 1968 en Sicile. « J’ai rencontré Pierre Bichet par l’intermédiaire de François Le Guern, étudiant en géologie à Besançon. Il m’a invité à passer un week-end chez lui, à Pontarlier, et puis, le dimanche, Bichet m’a dit : “tu viens”. C’est comme ça que, au début du mois de septembre, j’ai roulé avec mon Ami 8 depuis Lavigny jusqu’à Reggio-de-Calabre pour prendre le bac jusqu’à Messine, puis Catane. Nous retrouvons Tazieff et François Le Guern descendus en avion. Des jeeps nous ont transportés dans un village au pied du volcan. C'est de

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Pierre Bichet, l'ami jurassien Connu pour ses paysages de neige, et plus particulièrement de la montagne jurassienne, le peintre pontissalien Pierre Bichet (1922-2008) fut également le collaborateur régulier de Haroun Tazieff pendant près de quarante ans. Les deux hommes se rencontrent en 1955 dans une rivière souterraine non loin d'Ornans. Le vulcanologue propose alors au peintre de l'accompagner l'année suivante comme opérateur de prise de vue pour un tour du monde des volcans, à l'issue duquel ils réalisent Les Rendez-vous du diable (1959) puis Le volcan interdit (1962). Jusqu'à une dernière expédition en 1993 au Chili, Haroun Tazieff détourne régulièrement Pierre Bichet de sa vocation de peintre en lui confiant notamment la mission de constituer des équipes de « porteurs » pour ses expéditions, qu'il recrute dans le Jura français et suisse.


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Les Routes du Comté, réseau touristique et gastronomique dans les Montagnes du Jura

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Photos : B. Lecourt (lieu : Lac Saint-Point • Doubs) - Studiovision Conception : Nansen Développement / www.nansen.fr • Création : www.berengerlecourt.com

la bienvenue sur les Routes du Comté !


b PIERRE BICHET

b PIERRE BICHET

À proximité de la Bocca Nuova, l'équipe construit un camp de base pour les instruments scientifiques avec des plaques de plexiglas.

Pour les scientifiques, l'essentiel du travail consistait à recueillir des échantillons de gaz en bordure du cratère.

Les hommes revêtus d'un équipement anti-chaleur pour approcher la lave en fusion.

de repas quasiment permanent pour ceux qui arrivent ou repartent pour la garde de nuit », se souvient Michel Campy. Les soirées sont aussi des moments privilégiés : « Tazieff avait une autorité naturelle et restait très sympa avec nous. Le soir, il nous rassemblait et nous faisait de petites conférences ».

b PIERRE BICHET

UNE EXPLOSION PAR MINUTE

nous sommes approchés de la Bocca, caparaçonnés dans une grosse armure en amiante qui nous donnait des airs d’astronaute. Le matériel de prélèvement était un système compliqué de tubes et d’ampoules de verre dans lesquels les gaz étaient recueillis. Les ampoules étaient ensuite stockées dans des caisses adaptées et redescendues à l’observatoire ». « Les va-et-vient sur les pentes du volcan, la fébrilité des mesures réalisées dans des conditions difficiles ou dangereuses, la rudesse du climat en haute altitude, le moral fluctuant de l’équipe, l’intendance quotidienne, la tension nerveuse, constituent l’atmosphère dans laquelle mijote la troupe », écrit Pierre Bichet (Haroun Tazieff, une vie de feu, Glénat, 2004). Ainsi va la vie sur le volcan et dans le refuge. Le peintre pontissalien a organisé des tours de garde et de service, et tout marche bien. « L’intendance assure un service

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Pour celui qui deviendra président du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de 2005 à 2012, la mission s’est terminée par une tournée dans les îles éoliennes situées à cinquantaine de kilomètres au nord de l’Etna. « Nous étions avec Pierrot Bichet, son frère Bernard, ses fils Jean-Luc et Laurent, et un jeune gars de Pontarlier. Ce fut une superbe balade d’une dizaine de jours dans les îles volcaniques de l’archipel de Lipari. Nous ne savions pas où nous allions dormir le soir. Un jour, avant d’embarquer à Milazzo pour Lipari, nous avons couché sur une plage proche de l’embarcadère. Une averse nous a fait nous réfugier sous la coque d’un navire échoué. De notre abri, nous observions les pêcheurs qui sillonnaient le golfe voisin avec des lamparos, des petites barques avec une lampe à l’avant pour attirer les poissons ». À son retour en France, Michel Campy a raconté son expérience lors d’une conférence à l’Amicale Laïque de Lons-le-Saunier (ALL), puis repris ses études. Même s’il n’a jamais retravaillé dans le domaine de la volcanologie, il est devenu professeur de géologie à l’Université de Bourgogne. Quels souvenirs garde-t-il aujourd’hui de cette aventure ? « À cette époque, les volcans étaient un spectacle merveilleux qu’il fallait voir, répond-il. Pour nous, étudiants, c’était un mythe. Et ce gars-là a joué un rôle important dans la société. Pour moi, fils de paysans de Lavigny, être dans l’équipe de Tazieff, c’était merveilleux. Je me souviens monter derrière lui, gravissant le cône. Il y avait une explosion toutes les minutes, nous regardions en l’air pour ne pas prendre une bombe sur la tête ». Mais plus encore, il garde de cette expédition le souvenir d’une expérience humaine : « Pierre Bichet était un ami formidable, qui agrégeait toute une bande de copains. Ce sont des personnes qui te donnent confiance en toi, qui te font aimer la vie », glisse-t-il, ému. Le voyage fut aussi intérieur.


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Bernard Moninot en mai 2018 à Château-Chalon. Il y a quarante ans, Pierre Bichet lui propose de l'accompagner à l'Etna.

b NUMÉRO 39

PEINTRE ET DESSINATEUR, PROFESSEUR À L’ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES BEAUXARTS DE PARIS, Bernard Moninot vit et travaille une partie de l’année à Château-Chalon, dans le Jura. Il se souvient, ici, de son expérience de porteur sur les pentes de l’Etna, en 1969. NUMÉRO 39 - Comment avez-vous été recruté pour devenir porteur dans une expédition d’Haroun Tazieff sur l’Etna ? BERNARD MONINOT - Cela s’est fait très simplement. Chaque été, Pierre Bichet, un ami de mon père [le sculpteur Robert Moninot, N.D.L.R.], venait à la maison à Château-Chalon, avec son projecteur pour nous montrer les films réalisés avec Haroun Tazieff, lors de leurs pérégrinations sur les volcans du monde. J’étais adolescent et, pour moi, Pierre Bichet, c’était l’explorateur, comme les personnages des films imaginés aujourd'hui par Spielberg. Il m’avait promis qu’à l’âge de dix-huit ans, je participerais à une expédition. Peu de temps après cet anniversaire, j’ai donc reçu une lettre, une sorte d’ordre de mission, avec une liste de matériel à acheter. La date du départ était fixée au mois de septembre 1969. À l’époque, j’étais étudiant aux Beaux-Arts, à Paris. Et, pour me préparer physiquement, je me suis entraîné tout l’été. En une journée, j'ai fait l’aller-retour en passant par rivières et forêts de Château-Chalon à Chalain. Si bien que, à mon arrivée en Sicile, j’étais en forme pour être un sherpa efficace. Comment s’est passé le voyage ? B. M. - Nous sommes partis de l’aéroport de Genève. C’était la première fois que je quittais la France. Nous avons atterri à l’aéroport de Catane et, dans l’avion que je prenais également pour la première fois, il y avait d’autres personnes recrutées par Bichet. Michel Loye, de Mouthe, Bernard Bichet, le frère de Pierre, et François Le Guern. C’était des gars

BERNARD MONINOT

« Une expérience physique et esthétique »

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très sympathiques. Il y avait aussi Katia et Maurice Krafft, deux volcanologues disparus en 1991 pendant l’éruption du volcan Unzen, au Japon. Étiez-vous attendus ? B. M. - Nous avons été accueillis à Nicolosi dans un village au pied de l’Etna par la famille de Carbonaro, le guide attitré des expéditions de Tazieff. Le personnage était un montagnard taiseux, c’est lui qui nous a guidés sur les flancs de l’Etna, avec tout le matériel à monter sur le bord du cratère.

b CENTRE TAZIEFF POUR LES SCIENCES DE LA TERRE

Quelles ont été vos premières impressions ? B. M. - Pendant le mois qu'a duré mon séjour, le temps a été radieux et, dès le premier jour, nous avons gravi les pentes du stratovolcan qui culmine à 3 350 mètres. Je ne m’attendais pas à un tel gigantisme, le diamètre du cratère fait plusieurs kilomètres, c’était énorme ! Il émergeait de ses entrailles une fumée blanche de soufre. Sur le moment, je n’ai pas compris que c’était extrêmement toxique. Depuis le rebord du volcan, on avait une vue sur le cratère « Nord-Est », un volcan

Même dans les situations les plus dangereuses, Haroun Tazieff ne perdait pas son sang-froid.

adjacent en activité perpétuelle ; toutes les dix secondes une explosion propulsait des bombes de lave à plusieurs centaines de mètres dans le ciel. Et, sur le flanc du cratère central, cent mètres en dessous, il y avait une bouche de gaz éruptif : la Bocca Nuova. C’est à sa proximité que nous avons construit un igloo en plaques de plexiglas comme camp de base pour les instruments scientifiques. Le premier jour, nous avons attendu la nuit tombée pour observer le spectacle extraordinaire de la lave en fusion qui ruisselle sur les pentes. Ü

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Il y avait le bruit aussi. B. M. - Le fracas du volcan, c’est quelque chose de terrible. Aucun feu d’artifice n’arrive à égaler la sublime beauté de ce phénomène naturel. Ensuite, chaque jour, vous remontiez sur le bord du volcan ? B. M. - On dormait dans le solide observatoire construit à 3 000 mètres d'altitude à l’époque de Mussolini. Mais, la journée, nous restions là-haut pour aider les scientifiques qui capturaient des gaz dans des flacons, classés soigneusement pour être ensuite analysés en laboratoire. Il y avait aussi un instrument placé sur une longue perche pour mesurer la vitesse des gaz à la sortie de la Bocca.

C'est-à-dire ? B. M. - Un jour où il faisait très beau, toute l’équipe était réunie autour de la Bocca Nuova. Brutalement, l’activité est devenue violente, un souffle a libéré un jet de gaz explosif d’une cinquantaine de mètres qui a produit une puissante secousse, et nous a tous fait reculer d’une dizaine de mètres. Tazieff, courageux, a décidé de s’approcher pour observer l’intérieur du puits incandescent. Au moment où il s’est penché, un second souffle violent est arrivé et a projeté en l’air le casque métallique qui le protégeait jusqu’aux épaules. Pour ne pas être brûlé sur place, Tazieff s’est mis à virevolter sur luimême comme une toupie. Tazieff filmait-il aussi ces phénomènes ? B. M. - Oui. Le cratère Nord-Est était en activité perpétuelle. De temps en temps, ses rebords s’effondraient à l’intérieur de la cheminée et les bombes partaient alors à l’oblique, pour retomber deux-trois cents mètres plus bas. Voyant cela, Tazieff disait : « donnez-moi la caméra ! ». Et, à toute vitesse, il grimpait sur le flanc du cratère pour filmer au plus près les explosions pendant presque une heure. Soudainement, les jets de lave éjectés du cratère revenaient à la verticale et Tazieff devait vite redescendre, tout en regardant en l’air pour éviter les bombes qui pleuvaient autour de lui. Dans ces situations, même les plus dangereuses, il ne perdait pas son sang-froid. Vous, avez-vous eu peur à certains moments ? B. M. - Oui, comme l’avant dernier jour. La météo avait changé et, pendant la nuit, il était tombé un mètre de neige. Au matin, le brouillard était à couper au couteau. La mission se terminait, mais nous devions impérativement remonter récupérer les instruments scientifiques. On s’est tous encordés, derrière le guide Carbonaro. On ne voyait pas la personne qui nous précédait. À l’approche de la Bocca Nuova, le

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b PIERRE BICHET

Comment était Haroun Tazieff ? B. M. - Le soir, nous nous retrouvions à la table du refuge et écoutions ses récits. Tazieff racontait ses expéditions sur les volcans dans le monde. C’était passionnant, on entrait dans une autre dimension. C’est là que j’ai pris conscience que, sur notre planète, la nature s’est développée sur une masse d’énergie démentielle. Je n’avais pas imaginé à quel point le caractère sublime du spectacle pouvait cacher l’aspect terrifiant du phénomène.

L'observatoire-refuge construit sous Mussolini qu'une coulée de basalte détruira deux ans après l'expédition de 1968.

vent a rabattu le panache de gaz soufré mélangé au brouillard acidifié. Cela brûlait les yeux et la gorge, on suffoquait et il y a eu un mouvement de panique. Nous crachions et cherchions le moyen de se protéger en mouillant des mouchoirs. C'est dans ce brouillard que le groupe s’est désorganisé et, voulant sortir de la nappe de ce gaz mortel, je me suis trop éloigné et ai perdu le contact avec mes camarades. Heureusement, j’ai réussi à retrouver instinctivement le chemin du refuge, mais seul ! Les autres ont mis plus de temps à redescendre, pensant que je m’étais perdu… Quand, plus tard, ils sont arrivés je me suis fait passer un savon par Tazieff. Il s’était inquiété et m’avait cherché, car il y avait un risque de se perdre dans les champs de lave. On savait que, en cas de catastrophe, il était plus sûr

TAZIEFF

cinq 1914 dates 1944

en

Le 11 mai, naissance à Varsovie d'Haroun Tazieff.

Ingénieur géologue, Université de Liège (Belgique)


de rester autour de la zone sommitale du cratère et ne jamais redescendre en dehors de la piste. C’est suite à cet événement que j’ai pris conscience que l’expérience « esthétique » pouvait devenir aussi tragique. Peut-être parce que les émotions étaient constamment à portée de main, non ? B. M. - Je suis reparti avec, en tête, des images que je n’oublierai jamais. Le jour du retour le temps était beau et on roulait vers l’aéroport. Des flancs blancs immaculés de l’Etna a surgit un énorme panache de cendres qui en retombant a colorié la neige en rose. Aussi, les alentours des volcans sont très contrastés, d'un côté ce sont des lieux de non-vie absolue et, de l'autre, des sols fertiles où les orangers produisent de gros fruits. J’ai associé les fruits vus sur les flancs de l’Etna à ceux peints par Paolo Uccello au XVe siècle. Le bleu du ciel, la couleur intense des oranges, le blanc devenu rose de la cendre sur la neige... cette dimension esthétique est restée absolument intacte en moi. Ce voyage vous a-t-il transformé ? B. M. - Adolescent, je ne rêvais pas d’être artiste, mais explorateur comme Bichet. Et, pendant cette équipée comme sherpa, j’ai compris que ce n’était pas ma voie. Mais c’est là aussi que j’ai réalisé ce qu’il m’avait dit avant de partir : « tu verras, c’est impossible de peindre un volcan ». Aujourd’hui encore, je constate que le moment où les bases de ma vie se sont construites coïncide avec cette expédition sur l’Etna. J'ai vécu la rencontre avec Jacqueline, la mère de ma fille Marie, et aussi celle du critique d’art Daniel Abadie, qui organisera ma première exposition personnelle. Par la suite, cette expérience a influencé votre travail ? B. M. - Indirectement. Cela m’a conduit à m’intéresser à des choses plus grandes que moi, comme l’astrophysique mais aussi à l’art. La nature, c’est aussi les tempêtes, les tornades, les tremblements de terre, et les volcans. On ne prend pas suffisamment la mesure de l’ampleur du monde, tant que l’on n’a pas été confronté à ces phénomènes qui dépassent l’entendement. Plusieurs semaines après notre départ, « la chambre » souterraine de la Bocca Nuova s’est effondrée, pour devenir un immense cratère. Et, deux ans après notre expédition sur l'Etna, une énorme coulée de basalte a enseveli l’observatoire-refuge.

1959 Sortie du film Les Rendez-vous du diable

1973 Responsable du service volcanologique de l'Institut de Physique du Globe (IPG)

1984 Secrétaire d'État chargé de la Prévention des Risques naturels

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Les enfants de la ville

disparue

Depuis cinquante ans, des vestiges très anciens ont été répertoriés sur le plateau de Chaux-des-Crotenay. Ils viennent d'être « scannés » depuis le ciel. Des associations réclament maintenant que ce « trésor » d'informations soit exploité par des archéologues. Ü

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Pierre en forme de sanglier, proche de la source Oudot

b JEAN MICHEL

b JEAN MICHEL

Une structure cylindrique enterrée, dans la pente d'une petite combe aux Abattois.


I

IMAGINEZ… IMAGINEZ… NOUS SOMMES UNE SOIXANTAINE D’ANNÉES AVANT J.-C., SUR LES PLATEAUX JURASSIENS. Une ou deux décennies avant la guerre des Gaules, quelque temps avant Vercingétorix et sa funeste défaite. Sur ce plateau jurassien bordé de falaises, couverts de forêts coulent des torrents impétueux : on les appelle aujourd’hui la Saine, la Lemme. À l’horizon, se profilent les pourtours d’une ville avec des gens, des maisons. De cette cité, nous ne savons rien, mais une petite fille nous prend la main pour nous faire découvrir son univers. Appelons-la Epona et suivons-la…

UNE CITÉ À TRAVERS LES ÂGES Elle ne dit rien, mais elle connaît chaque arpent de son pays. Que nous montre-t-elle ? Une voie en pierre sur laquelle nous cheminons, des carrioles tirées par des chevaux et les cris des charretiers. Nous nous rapprochons. L'enfant nous montre de hauts murs d’enceinte faits d’énormes blocs posés les uns sur les autres, et puis des fossés, joints de dalles plates. Nous poursuivons. Alors Epona nous indique au loin des enclos qui parsèment les champs alentour. Puis des tertres, d’autres enceintes circulaires. La vision s’arrête là. La cité se dissimule à nos yeux et tout disparaît… Imaginez encore… Nous sommes maintenant cinq ou six siècles avant J.-C.. La contrée est identique, mais cette fois, nous dominons le plateau, postés sur l’une des falaises qui bordent l’endroit. Elles sont étranges ces falaises. Tout au bord du vide, les arbres ont laissé la place à des pierres soigneusement disposées, comme pour former un chemin de ronde. C'est un jeune garçon qui, désormais, se tient à nos côtés. Appelons-le

Morginos. Il est silencieux ; d'un geste, il désigne, en bas, les champs constellés de tumuli qui ondulent. Autour des habitations, de longs murs de pierre semblent continuer très loin les enceintes, des portes ferment l’accès de l'agglomération. Derrière nous, un menhir se dresse et des structures circulaires se dessinent en périphérie des arbres. Mais quand nous voulons bouger dans ce paysage, la vision disparaît… Imaginez encore… Nous sommes douze ou treize siècles avant J.-C.. Le même endroit et toujours cette ville de bruit et d’odeurs. Un groupe d’enfants nous guide, on ne saura pas leur nom. Image fugace : de gros murs toujours, un dolmen et encore des cairns, des chemins, de vagues fossés, des pierres… Un univers fascinant qui, une fois de plus, s’évanouit quand on souhaite s'en imprégner. Revenons à ce début de troisième millénaire, plus exactement en 2018. Sur ce plateau de Chaux-des-Crotenay et de ses environs, des passionnés scrutent, depuis cinquante-cinq ans, chaque pierre, chaque buisson, pour en faire émerger une histoire enfouie sous les siècles. Depuis qu’un certain André Berthier s’est pris d’amour pour l’histoire du lieu en 1963, persuadé que quelque chose d’important gisait sous les décombres du temps (lui songeait à Alésia). Depuis qu'il a disparu, une association a poursuivi son travail. Aussi, ArchéoJuraSites a-t-elle emmagasiné des milliers de données. Jean Michel, son secrétaire général, décrit : « Ce travail a permis de développer une base de données qui référence 450 vestiges, à Chaux-des-Crotenay d'abord qui en concentre 40 %, mais aussi à Crans, Syam, Châtelneuf et même à Cerniebaud. Chaque lieu est décrit, géolocalisé et photographié depuis les années 1975. » Sur son site internet, l’association a même réalisé une galerie de photos appelée « vestiges énigmatiques ». Tout de go, Jean Michel s'empresse de préciser : « Nous ne nous prononçons pas sur la datation, mais nous avons répertorié des murs cyclopéens [c'est-à-dire fabriqués avec d'énormes blocs irréguliers de plus d'une tonne] de plus d’un kilomètre, des rebords de falaises avec de grosses pierres, des zones de tertres et de tumuli, dont certains sont monumentaux, des fossés appareillés, des enclos avec des murs d’enceinte, des voies anciennes… » Un capital gigantesque concentré sur Cornu, les Abattois, le champ des Mottes, la Perrena, le Pré Romand, la Cote 801, etc. « Nous avons sur place un système d’enceintes multiples qui laisse à penser que le site ne se limite pas à l’enceinte Ü

b ANDRÉ ALIX

Mur cyclopéen dit du Censeur

b JEAN MICHEL

Trois tertres pierreux alignés dans la combette du champ Girode

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Ce cliché pris par LiDar se situe au nord du plateau de Chaux des Crotenay. Le sol est intégralement sous couvert végétal.

centrale et peut aller jusque sur le plateau », décrit encore le responsable d'ArchéoJuraSites. Que cache donc la forêt jurassienne depuis des siècles ?

DES VESTIGES VUS DU CIEL En 2016 naissait l’Association de l’Oppidum, que préside Franck Ferrand, journaliste spécialisé en histoire, animateur d'émissions à la radio et à la télévision, auteur de nombreux ouvrages dont L'Histoire interdite, révélations sur l'histoire de France paru aux Éditions Tallandier. Elle aussi a voulu répondre à cette question. Pour compléter les connaissances déjà amassées, elle vient de « scanner » la zone. La technologie LiDAR, associée à un GPS, fournit à partir d’un survol aérien des informations permettant de réaliser un plan en trois dimensions et de voir ce qui se cache sous la surface recouverte de végétation. Cette télémétrie coûte cher. Deux mécènes — JeanCharles Arnaud, patron de Juraflore, et ArchéoJuraSites, justement — ont mis la main à la poche. François Chambon est secrétaire général de l’Oppidum : « L’étude a eu lieu de mars au printemps 2018, raconte-t-il. Les clichés couvrent 25 communes du Mont Rivel à Fort du Plasne et des premiers lacs jusqu’à Chalesmes, soit 120 km² coupés par tranches, dont la première de 15 km² autour de Chauxdes-Crotenay a fait l’objet d’une étude détaillée appelée OPUS 1. » Entendons-nous bien, LiDAR n’apporte pas de révélations extraordinaires, il ne dit rien de ce que recèle le sous-sol et 80 % des informations collectées étaient déjà connues. Mais il les confirme. Et, en quelque sorte, fait parCHAUX-DES-CROTENAY ler le site. Et que nous dit-il ? La parole est de nouveau à François Chambon : « Tout un tas d’indices nous font penser qu’on est en présence d’une enceinte urbaine, avec de grandes dif-

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férences dans les techniques architecturales. Les plus anciens vestiges pourraient remonter à la protohistoire [Néolithique et âges des métaux, N.D.L.R.]. De plus, nous avons des structures telles que des tertres, de petites parcelles qui peuvent s’apparenter à une organisation agricole protohistorique. » Qu’est-ce à dire ? Simplement que le site de Chaux-desCrotenay pourrait avoir été occupé entre -50 et -3 000 avant J.-C.. De l’avis de David Louyot, archéologue de l’équipe, cette réalité ne fait aucun doute. L’autre information qui semble émerger, c’est que le site est vaste : 158 hectares pour les seules assises de la ville (ce qui la placerait au 18e rang européen), mais surtout 918 hectares pour l’ensemble qui prend la forme d'un triangle, ce qui propulserait

LiDAR !? Light (ou Laser Imaging) Detection And Ranging, en français « détection et estimation de la distance par la lumière » ou « par laser » est une technique de mesure de la distance reposant sur l'analyse d'un faisceau lumineux — un laser en général — renvoyé vers son émetteur. Née dans les années 1960 avec la conquête spatiale (première utilisation avec Apollo 15), cette technologie nécessite l’intervention de spécialistes. Pour réaliser l’Opus 1, l'association jurassienne Oppidum travaille avec le laboratoire MaP-Aria, Sintegra ainsi qu’un corpus d’universitaires. À noter que LiDAR avait déjà été utilisé sur le site de Chaux-des-Crotenay, en 2009, par l'association André Berthier, sans que les résultats n’aient suscité la curiosité des autorités.


un nouveau départ

Chaux-des-Crotenay au… 3e rang européen, selon les critères du corpus OPPIDA qui recense les 172 agglomérations protohistoriques les plus importantes d’Europe. Jean Michel, lui, s’interroge : « Les murs de l’enceinte poursuivent la ligne des falaises, ce ne sont pas des murs de défense. Il ne semble pas s’agir d’un vestige agricole, mais plutôt d'une construction ostentatoire, comme un site sacré. »

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Spéculations ? Seules des fouilles pourraient le dire. Les associations précisent qu’elles n’ont pas de vocation archéologique. C’est bien pourquoi un dossier (le fameux Opus 1) a été déposé auprès des autorités compétentes pour justifier la nécessité de réaliser des sondages. Franck Ferrand est en charge de ce travail d’influence : « Jusqu’à maintenant, l’ensemble n’a pas été retenu comme un site archéologique, c’est en train de changer, se félicite l'écrivain. Les Jurassiens, les politiques du lieu et bientôt, j’espère, les autorités scientifiques [le Service archéologique régional — SRA — placé sous l'autorité du directeur régional des affaires culturelles et du préfet de région, N.D.L.R.] sont en train d’admettre le grand intérêt du site. »

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b DR

b ASSOCIATION DE L'OPPIDUM

UNE VILLE SACRÉE ?

Journaliste et historien, Franck Ferrand, président de l'association Oppidum, souhaite que le site jurassien fasse l'objet de fouilles archéologiques.

Cette amorce de prise en compte implique qu'il soit rapidement protégé. Une vraie nécessité, s'alarme M. Ferrand. En permanence, des curieux et chercheurs du dimanche viennent prélever des vestiges... qui n'existent pas. Le peu d’endroits fouillés a démontré qu’il n’y a pas sur place de mobilier archéologique, pas de morceaux de poteries, de fibules et autres monnaies qui font rêver les collectionneurs. Les prospections illicites avec des « poêles à frire » et le géocaching (sorte de chasse au trésor à base de balises GPS), sans parler de rave parties qui profitent de l'isolement de l'endroit, ne font qu’abîmer. Le pont de l’Enfer sur la Saine en est un triste témoignage où les visiteurs sont allés jusqu’à enlever le manteau de mousse qui recouvre les pierres, accélérant l’infiltration de l’eau. Mais avant de protéger, il faut fouiller. À travers Ü

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LE NERF DE LA GUERRE LiDAR en a justement soulevé un nouveau. Les recherches de l’an dernier laissent supposer que le site pourrait s’étendre sur l’ensemble du plateau, c’est-à-dire au-delà de l’enceinte dite urbaine de Chaux-des-Crotenay, en direction des Moidons et de la combe d’Ain. Des éléments intéressants ont aussi été repérés sur l’autre rive de la Saine. Si l’on ajoute une présence humaine avérée dès le néolithique dans la Combe d’Ain, un site de hauteur avec 200 fosses récemment étudié par des chercheurs suisses sur la colline de Mormont à moins de 50 km de Chaux-des-Crotenay en Suisse voisine, les grands tumuli étudiés par Bichet dans la plaine de l’Arlier au sud de Pontarlier, ainsi que des chroniques historiques attestant des voies de passage, notamment par l’armée romaine à travers cette région du Jura, on pourrait parler d'un faisceau de présomptions. Mais les recherches archéologiques coûtent cher. JeanCharles Arnaud, P.-D.G. de Juraflore, suit de près ce dossier : « Quand j’ai visité le site, j’ai été interpellé par les murs cyclopéens et, de rencontres en visites, j’ai été convaincu qu’il existe un site important sur cette portion du Haut-Jura. Il serait dommage de ne pas le mettre en valeur », dit-il, non sans préciser qu'il est situé tout près de la ferme familiale : « Ici, des gens ont sûrement été les premiers à faire des fromages à pâte dure. Si dans l’avenir, il y a matière à recherches archéologiques qui éclairent l’histoire de notre massif, alors oui, pourquoi ne pas continuer à soutenir ! »

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Potentiellement, il n’est pas le seul à pouvoir financer, Clément Pernot, enfant du secteur et surtout président du Conseil départemental du Jura, se dit heureux des conclusions LiDAR : « On a aujourd'hui la preuve, validée par un archéologue confirmé, que Chaux -des-Crotenay est un site archéologique majeur. Avec cet OPUS 1, qui sera suivi d'autres rapports comprenant de nouveaux partenaires comme les institutions, nous serons dans l'obligation de continuer le travail tel qu'il a été fait jusqu'ici. Puisqu'il s'agit d'un site majeur, nous engagerons toutes les démarches pour le préserver pleinement. Les collectivités locales et le Département du Jura seront impliqués dans la poursuite des recherches qui s'effectueront dans les mois à venir. C'est de notre responsabilité. »

b STUDIOVISION

l’Opus 1, c’est ce que demande Oppidum qui a derrière elle des archéologues professionnels prêts à déposer les demandes officielles. Franck Ferrand affiche son optimisme : « J’espère que les autorités compétentes accepteront. S’il devait y avoir un refus, et je n’y crois pas un instant, nous continuerons à communiquer à tous les échelons scientifiques, politiques et médiatiques les résultats de nos travaux, car — le LiDAR le confirme —, il existe sur Chaux-des-Crotenay et ses environs un site qui représente une découverte de première importance. » Une position que résume en d’autres termes François Chambon : « Seules des fouilles pourront confirmer ou infirmer les indices que nous avons répertoriés. »

Jean-Charles Arnaud est persuadé que les gens qui vivaient ici ont été les précurseurs du fromage à pâte dure.


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Kika Markham, François Tuffaut et Jean-Pierre Léaud, lors du tournage des Deux Anglaises et le continent.

ÉTÉ 1971

François Truffaut Le cinéaste tourne des scènes du film Les Deux Anglaises et le continent dans le Jura, sur une île au milieu d’un lac. C'est l'acteur Jean-François Stévenin qui avait effectué une partie des repérages. Récit. Ü

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b COLLECTION CHRISTOPHEL/PIERRE ZUCCA

dans le Jura


N

NOUS SOMMES LE 9 JUILLET 1971, SUR LE PONTON DE L’ÎLE DU LAC D’ILAY. Après une semaine de tournage, l’équipe pose une dernière fois autour de François Truffaut, le cinéaste, et ses deux acteurs principaux Jean-Pierre Léaud et Kika Markham. Ainsi s’achève le tournage du long-métrage Les Deux Anglaises et le continent. Comment le réalisateur de la Nouvelle Vague (expression imaginée par la journaliste Françoise Giroud) est-il arrivé dans le Jura pour tourner sa seconde adaptation d’un roman de Henri-Pierre Roché, après le mythique Jules et Jim réalisé une dizaine d’années plus tôt ? En fait tout est allé très vite. Si l'ancien critique de la revue Les Cahiers du cinéma s'est lancé dans l'aventure au début de l’année 1970, après sa rupture avec Catherine Deneuve — Les Deux Anglaises et le continent est le seul livre qu'il emporte dans la clinique où il est soigné par une cure de sommeil —, la préparation du film ne dure que deux mois, entre mars et avril 1971. Les premières scènes sont tournées dans la presqu’île du Cotentin quand François Truffaut confie à Jean-François Stévenin, alors son assistant, la mission de trouver un lieu pour des séquences censées se dérouler sur un lac Suisse. « La production m’a appelé afin que je m’occupe d’un décor qu’ils n’arrivaient pas à trouver. Le film était en plein tournage et ils songeaient aux Alpes, avec des montagnes qui se reflètent dans un lac. C'est ainsi que François Truffaut l’avait écrit », se souvient celui qui allait jouer à plusieurs reprises devant la caméra du réalisateur, dont L'Argent de poche, en 1976. Originaire de Perrigny, un village du Revermont, il se dit que le Jura pourrait peut-être faire l'affaire. Il se dirige alors vers la région des lacs. « J’ai eu de la chance, je tombe sur une vieille dame qui était propriétaire du lac d'Ilay. Avec mon blouson de cuir, elle avait de quoi avoir peur. Mais quand le brouillard s’est levé, elle m’a emmené en barque. Avec un Polaroid, j’ai fait des photos. Quand François les as reçues, il a dit : “ça me va, c’est très bien”. À partir de ce moment-là, ça a été le début d’une aventure formidable ».

LA CABANE DES AMANTS Pendant un mois, avec le décorateur Jean-Pierre KohutSvelko, Jean-François Stévenin modifie la cabane de rondins de bois situé sur l’île de celui que l'on appelle aussi Lac de la Motte ; il s'agit de lui donner un aspect plus ancien. Mais son budget est limité. Il va donc faire appel aux habitants du coin. C'est, pour lui, l'occasion de découvrir un Jura qui lui est encore étranger. « Je connaissais le Jura car, avec un ingénieur en chef nommé Jouvent [N.D.L.R. : d’où Les Jouvencelles], mon père plantait des téléskis dans le haut. Mais là, grâce à Truffaut, j’ai rencontré des vraies gens, c'est-à-dire des agriculteurs, des bûcherons, des mécaniciens... Il fallait trouver un tracteur, des accessoires, des filets de pêche... Le père Piot, propriétaire du lac de l’Abbaye, m’a dit : “Prends tout ce que tu veux, mais tu me le ramènes”. » En un mois, « l’assistant de choc » et le décorateur préparent donc le lieu du tournage. « On a complètement transformé la cabane en l’habillant avec des écorces de sapin ». Chargé également de l’intendance, Jean-François Stévenin propose

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à François Truffaut de loger à l’hôtel des Truites bleues, entre Champagnole et Saint-Laurent en Grandvaux. Entouré de forêts, avec ses craies lacustres qui rendent ses eaux azur certains jours de l’année, Ilay est peut-être le plus beau lac du Jura. Dissimulée par une importante végétation, la cabane sur l’île ne se livre pas aux regards indiscrets. Pour la découvrir, il faut parcourir en barque les mètres qui la séparent du rivage. Et c’est dans un mouvement semblable — un travelling — que François Truffaut ouvre la séquence du film qui voit évoluer Ü


b COLLECTION CHRISTOPHEL/PIERRE ZUCCA

Les deux amants, interprétés par l’actrice anglaise Kika Markham et Jean-Pierre Léaud, vont séjourner trois jours sur l'île du lac d'Ilay, située sur les territoires des communes du Frasnois et de La Chaux-du-Dombief.

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b COLLECTION CHRISTOPHEL/PIERRE ZUCCA

Les membres de l'équipe sur le radeau construit pour réaliser le travelling qui ouvre la séquence de l'île. Jean-François Stévenin est debout, torse nu, à gauche de l'image ; François Truffaut est assis à droite avec un pantalon noir.

b COLLECTION CHRISTOPHEL/PIERRE ZUCCA

stable, « parce qu’il n’y avait pas de vagues ! » « J’ai souvenir que Jean-Pierre Léaud devait rejoindre l’Anglaise sur l’île en barque, mais il ramait mal. Je me rappelle avoir ramé, c’est le cas de le dire, sur les rushs du plan où il arrivait en barque pour essayer de faire croire qu’il ramait à peu près correctement. Mais, finalement, la séquence est passée à la poubelle », se souvient le monteur, Yann Dedet.

Le tournage a commencé en mai 1971 à Auderville, dans la Manche

Claude et Anne, les deux jeunes amants interprétés par JeanPierre Léaud et l’actrice anglaise Kika Markham. « Avec Nestor Almendros, le directeur de la photographie, nous avions installé la caméra sur des planches entre deux barques. Tout le monde était à poil dans l’eau en train de pousser les barques pour faire le travelling, c’est une expérience ! ». Soutenu par une musique de Georges Delerue, le plan est magnifique et étonnamment très

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TROIS JOURS AU PARADIS Le séjour des deux amants sur l’île dure trois jours. Les séquences suivantes montrent donc des scènes de vie quotidienne. Par exemple, Anne réalisant des sculptures à partir de blocs de calcaire, devant la cabane. La majorité des scènes sont tournées à l’intérieur de la cabane. Les deux premières nuits, la jeune femme se refuse à Claude, et elle le rejoint la troisième. « Cette halte paisible fait d’Ilay un intermède heureux à l’intérieur d’un film sombre et écorché. Les deux jeunes gens découvrent l’intimité et la nature sauvage de l’amour, loin de toute civilisation », note Michèle Tatu dans sa Balade cinématographique en Franche-Comté. Et, au matin, les deux amants quittent ce refuge temporaire, chacun de leur côté. En ce début d’été 1971, des clichés du tournage à Ilay sont réalisés par Pierre Zucca, le photographe de plateau. Grâce à la douce lumière du Jura, au vert et au bleu dominants, son travail dégage une impression de bonheur, liée aussi à la fin du Ü


Ceci est un paysage écossais.

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La cabane dans laquelle les deux amants s'offriront l'un à l'autre a été aménagée par l'acteur jurassien Jean-François Stévenin et le décorateur du film.

Les deux Anglaises et Jean-Pierre Léaud C’est au début de l’année 1970, après une rupture douloureuse avec Catherine Deneuve, que François Truffaut décide d’adapter le roman Les Deux Anglaises et le continent. « François, qui sort d’une dépression, me convoque un jour. Nous nous retrouvons dans le bistrot du coin de la rue Marbeuf et de la rue Robert-Estienne, qui lui servait de cantine, et il me dit : “dans quinze jours, il faut que tu me remettes une version comestible des Deux Anglaises, une version que l’on puisse réaliser. Il ne faut pas que cela dure plus d’une heure et demie” », raconte son scénariste, Jean Gruault. Après Jules et Jim en 1962, Les Deux Anglaises et le continent est le second roman de Henri-Pierre Roché porté à l’écran par François Truffaut. Dans ce roman autobiographique, Claude Roc, un jeune Français, et deux sœurs galloises, Anne et Muriel, forment au début du XXe siècle un triangle amoureux. Claude, surnommé « le continent » par les deux sœurs tombe d’abord amoureux de Muriel, la cadette. Plus tard, il s’éprend d'Anne, avec laquelle il voyage quelques jours en Suisse, sur une île, figurée dans le film par l’île d’Ilay.

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tournage. « C’était très agréable. Sur l’île, nous n’étions pas dérangés », confie Suzanne Schiffman, première assistante. « Le tournage n’a pas duré très longtemps, une semaine je crois, mais c’était absolument formidable. Nous mangions dans une cantine aménagée par le régisseur génial de François Truffaut, qui s’appelait Roland Thénot. Nous étions peut-être une vingtaine. Finalement, François tournait avec pas grand monde, c’étaient des petites équipes », complète Jean-François Stévenin.

UN SUCCÈS MITIGÉ Le montage des Deux Anglaises et le continent sera réalisé par Yann Dedet les semaines suivantes, sur les hauteurs de Nice, dans les studios de la Victorine où furent, notamment, réalisés Les Visiteurs du soir. François Truffaut suit de près ce travail et prépare en même temps La Nuit américaine, son prochain film. Le film Les Deux Anglaises et le continent sort sur les écrans en novembre 1971, et ne rencontre pas un grand succès public (400 000 spectateurs en France). À la fin de sa vie, François Truffaut retravaillera avec Martine Barraqué, sa monteuse. « On l’a montré dans sa version intégrale au festival de Belfort, où il a très bien marché », se souvient Jean Gruault, le scénariste. Pour plusieurs protagonistes du film, le tournage des Deux Anglaises et le continent se révélera une étape décisive de leur vie. Quelques années après, Jean-Pierre Kohut-Svelko s’est installé dans le Jura, dans un fort, à Salins-les-Bains. Devenu acteur et réalisateur, Jean-François Stévenin a tourné le PasseMontagne dans « son » Jura en 1977. « J’avais un scénario qui traînait dans ma tête. Et, quand j’ai eu envie d’en faire un film, je me suis dit : “pourquoi pas là” ? François Truffaut m’a d’ailleurs beaucoup aidé... et soutenu. Je suis revenu dans le Grandvaux


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Le tournage des Deux Anglaises va changer la vie de plusieurs protagonistes du film qui, ici, posent devant la fameuse cabane le 9 juillet 1971.

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grâce à toutes les personnes connues au moment du tournage à Ilay. Comme ça, ça fait une boucle ». Au début des années 2000, le monteur, Yann Dedet, est, lui, carrément revenu sur l’île du Lac d’Ilay où il a tourné des scènes de son long-métrage Le pays du chien qui chante. Par ailleurs, il a publié, à l’automne 2017, aux éditions POL, un bel ouvrage, dans lequel il évoque le tournage des Deux anglaises, mais surtout le récit de l’aventure du Passe-montagne, aux côtés de son complice Jean-François Stévenin. Fruitière Largillay.indd Depuis, l’île du lac d’Ilay a retrouvé sa quiétude.

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Un décor aux nombreux vestiges Entre 1988 et 2001, la cabane qui servit de décor au film est occupée, deux mois par an, l’été, par une équipe d’archéologues emmenée par Jean-Luc Mordefroid, aujourd’hui directeur du Musée de Lons-le-Saunier. Leurs fouilles se concentrent sur les vestiges du prieuré Saint-Vincent d’Ilay ; s'échelonnant du IXe au XIe siècles quatre établissements monastiques successifs ont été mis au jour. « Nous avons découvert plusieurs ponts successifs, des installations de pêche et un dépotoir immergé. Sous l’eau, les objets et les structures organiques ont été conservés, ce qui n’aurait pas été le cas à l’air libre ». Les maçonneries de quatre églises successives ont été découvertes, des sépultures identifiées à l’intérieur comme à l’extérieur du bâtiment. Il arrive que le cadre naturel favorise l’émergence spirituelle de l’homme. Se remémorer ces temps anciens ferait une belle histoire sur grand écran.

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La

Jura Coulisses

Vache qui Rit ouvre son album de famille La Maison de la Vache qui Rit fait peau neuve. Numéro 39 vous présente celles et ceux qui ont écrit le second chapitre d'un établissement résolument tourné vers l'avenir. Ü

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CATHERINE SAUVIN

« Notre histoire est née à Lons »

NUMÉRO 39 - Pourquoi avoir créé la Maison de la Vache Qui Rit il y a une dizaine d’années ? Catherine Sauvin - L’idée de départ était un hommage à mon grand-père, Léon Bel , que j’ai bien connu, et à mon père qui a été à la tête du groupe Bel pendant cinquante-cinq ans. D’une petite entreprise très innovante créée en 1921, il a bâti avec ses équipes un groupe international, avec la rigueur et la passion qui le caractérisaient. J’ai eu la chance de côtoyer les cinq P.-D.G. du groupe et tous n’ont eu de cesse de faire grandir la marque, d’innover, de moderniser, de garder l’enthousiasme qui a toujours animé les équipes. Vous êtes à l'origine de ce projet... C.S. - Je n’étais pas la seule. En 2005, Bernard Hanet, ancien directeur de la communication chez Bel à l’époque de mon père, est venu me parler de son souhait, auquel j’ai adhéré avec enthousiasme. Il a été nommé chargé de mission et il est resté un élément moteur de ce projet, jusqu’à son décès brutal en 2016. Il était un homme de plume (co-auteur du livre C’est une vache, elle rit), la mémoire historique du groupe et un homme de contact apprécié de tous. Pourquoi cet engagement ? C.S. – Mes racines sont profondément jurassiennes. Cet ancrage est double : de par ma naissance et mon mariage avec Patrick Sauvin, un enfant du pays des minoteries Sauvin. J’ai conservé la maison familiale d’Orgelet où mon grand-père Léon Bel est né, où son père affinait des comtés, et où, enfant, je passais régulièrement mes vacances d’été.

Mais cette Maison aurait pu voir le jour ailleurs ? C.S. -. Pour ma part, je n’ai eu aucune hésitation, la Maison de la Vache qui Rit, c’est Lons ! Notre histoire est née là, on peut bien me dire qu’à Paris, il y aurait eu beaucoup plus de visiteurs, qu’à Dole, elle aurait été plus centrale, ou qu’à Poligny, elle aurait été à sa place dans la ville de l’agroalimentaire, mais tout s’est passé ici, à Lons, dans les ateliers de l’Aubépin et pas ailleurs ! Et encore aujourd’hui, le Jura abrite les seules usines françaises (Lons et Dole) qui fabriquent toujours la Vache qui Rit. Plusieurs générations y ont travaillé et y travaillent encore ; cela représente à ce jour environ 1 000 familles jurassiennes qui continuent à faire voyager le savoirfaire fromager.

PETITE FILLE DE LÉON BEL, FILLE DE ROBERT FIEVET ET TANTE D’ANTOINE FIEVET, actuel dirigeant du groupe, Catherine Sauvin est sans conteste la plus jurassienne des descendants de la famille Bel. C’est à sa détermination que l’on doit aujourd’hui la Maison de la Vache qui Rit à Lons-le-Saunier.

Pourtant, vous ne parlez pas de musée ? C.S. - A l’image de l’entreprise, l’idée est de s’appuyer sur le passé, d’être acteur du présent et en permanence tourné vers l’avenir. Les fans de la Vache qui Rit ont plaisir à redécouvrir son histoire, son parcours, ses aventures et sa capacité à toujours rebondir tout au long de ces années. La maison « acte 1 » avait des points forts. Si nous avons refait l’architecture intérieure, nous avons gardé le bâtiment extérieur conçu par Richen et Robert en 2009, cette sorte de boîte en bois suspendue, une belle réalisation contemporaine qui évoque également les forêts du Jura. Nous avons osé mettre la Vache qui Rit debout et la Ü

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b NUMÉRO 39

« Si on n'avait pas fait la Maison de la Vache qui Rit, beaucoup de gens ignoreraient ce lien historique avec le Jura », affirme Catherine Sauvin.

faire vivre et danser. Cette « vache debout » (conçue par l’entreprise Toys pour un jeu présenté à la Maison de la Vache qui Rit) a été reprise avec succès dans la publicité « la Fabrique » en 2010. Toys a également réalisé pour nous un film tourné en usine sur la fabrication, nous l'avons prêté à la Cité des Sciences à l’occasion d’une exposition temporaire sur l’alimentation, « Bon appétit ». Les visiteurs pourront toujours le visionner puisqu’il reste présent dans la nouvelle version. Nous sommes aujourd'hui tournés vers l'avenir, et à l'image de l'entreprise, en constante recherche d'innovation. Dans cette lignée la maison « acte 2 » a été repensée par l’architecte Julien Chopin d’Encore Heureux, Rémi Carteron de l’atelier Zou, Laurent Bourdereau, le directeur de la Maison de la Vache qui Rit et toute son équipe. Nous avons, je crois, réussi une vraie « mutation » qui traduit le dynamisme de Bel. Mais ce sont les visiteurs qui en décideront. Comment envisagez-vous la place de la Maison de la Vache qui Rit par rapport aux autres équipements de même nature du Jura ? C.S. – Il n’y a pas de concurrence entre nous, mais une démarche très complémentaire pour renforcer l’aspect touristique de notre région. Vous avez souhaité une Maison de la Vache qui Rit en mouvement permanent. Pourquoi ? C.S. – Oui, comme toute l’équipe en charge de ce projet, nous souhaitons que la maison soit un lieu de vie, de créativité, avec l’intervention de grands chefs cuisiniers, des expositions temporaires, des résidences d’artistes et des

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évènements en collaboration avec le Lab’Bel, le fonds de dotation du groupe Bel dirigé par Silvia Guerra et Laurent Fiévet. L’entreprise doit s’adapter en permanence, anticiper, communiquer, apporter de la nouveauté. La maison souhaite également transmettre et relayer les engagements forts et concrets du groupe au niveau de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) axée sur quatre piliers : l’agriculture durable, l’empreinte environnementale, la nutrition attentive et le bien-être de tous. Nous pensons par exemple que des décisions prises par le groupe comme la signature d’une charte d’engagements avec le WWF pour une production laitière plus responsable, d’un accord avec les producteurs Bel Ouest (APBO), qui engage le groupe sur un prix moyen d’achat du lait, nécessitent une information auprès de nos visiteurs et doivent avoir pour objectif de sensibiliser les enfants et le milieu scolaire, avec la mise en place d’ateliers spécifiques au sein de ce lieu de vie. Pour la Maison de la Vache qui Rit, c'est toute une équipe qui a été mobilisée. Êtes-vous satisfaite de son travail ? C.S. – Oui. Je souhaite d'ailleurs remercier et féliciter tous ceux qui ont quotidiennement construit ce projet : Florence Cabaud et Jean-Paul Caraz qui étaient déjà à nos côtés en 2009, Morgane Moulin, Julie Dos Santos, Anne-Cécile Nicollet et Laurent Bourdereau, notre directeur infatigable et talentueux chef d’orchestre, au siège de Suresnes, Fabienne Lacôte, notre précieuse assistante, et Jean-Mary Poupat dans le groupe depuis quarante ans, véritable « entraîneur » de cette équipe qui allie diplomatie et exigence. C’est pour la Maison de la Vache qui Rit un véritable atout. Ü


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Les artisans de la Maison de la Vache Qui Rit

DÈS LE DÉPART, ANTOINE FIEVET, P.-D.G. DU GROUPE BEL, L’A DIT : il ne voulait pas d'un musée ostentatoire sur le site où avait débuté l’aventure de la Vache Qui Rit, mais plutôt un lieu où les enfants puissent s’asseoir par terre et lire, bouger, toucher… Un endroit où tout ce qu’on pourrait dire en entrant, c’est waouh ! Cette ligne directrice a guidé tout le travail de réécriture scénographique de la Maison de la Vache Qui Rit version 2 (MVQR pour les initiés). Elle a débuté il y a trois ans pour s'achever à l'ouverture au public au début du mois de juin.

UNE DÉAMBULATION SYMPHONIQUE

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Laurent Bourdereau, directeur de l'établissement implanté à Lons-le-Saunier, à côté du Puits-Salé, a été à la manœuvre d'un chantier qui s'est révélé hors du commun. Il n'était pas seul à tenir la barre. Bien sûr, Catherine Sauvin, petite-fille de Léon Bel [lire notre entretien], et Bernard Hanet, le référent historique, ont nourri la réflexion : « La première Maison de la Vache Qui Rit a ouvert en 2009. Depuis, le groupe a évolué, et ce que l'on voit dans les musées aussi. Le

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Laurent Bourdereau, directeur de la Maison de la Vache Qui Rit, devant l'établissement lédonien.

Un mur entier est recouvert de têtes de vaches, rappelant combien la Vache qui Rit inspire les créateurs.

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but avec la nouvelle MVQR est de se diriger vers un musée de marque transgénérationnel qui croise les disciplines, intégrant le multimédia, la vidéo... et impliquant le public par des choses à toucher ou à faire. C’est un lieu laboratoire, incubateur même, avec une notion de bouillonnement. On voudrait être dans le partage, susciter l’étonnement ! » L’essentiel est dit. Nous passons donc d’un musée vitrine à un musée de marque, de l’explication d’une réussite industrielle à une approche plus culturelle. Et si le lieu Ü


b SOCIÉTÉ STRAAT

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Le chef d'orchestre Julien Choppin, architecte chargé de la conception, a joué les chefs d'orchestre. Son cabinet Encore Heureux est spécialisé dans les bâtiments culturels : « Le message en direction du public est triple : d’abord bien raconter l’histoire du groupe. Pour le faire, nous avons utilisé les deux caves historiques. Ensuite, montrer comment l’art peut faire passer des messages. Deux milles portions ont été suspendues dans le hall d’entrée ou un mur-trophée composé de têtes de vaches a été construit. Enfin, dire ce qu’est le groupe Bel aujourd’hui. Une maquette reprend le processus de fabrication, auquel viennent s'ajouter des images diffusées sur un écran géant courbe de 6 mètres de long. Nous sommes dans un dosage entre les différents ingrédients et on utilise l’art pour faire passer tout ça ! » Il faudrait ajouter l’espace d’exposition temporaire, l’atelier cuisine, la cafétéria et le jardin.

Le maquettiste La société Straat, elle, a réalisé la maquette de 3,5 m de long. Benjamin Vermot est fier du résultat : « Le visiteur suit le fil de la production qu’on a simplifié. Il a fallu au total quatre mois de travail pour six personnes. L’ensemble est entièrement fait à la main en alu, acier et inox. Le détail a été poussé jusqu’à mettre de mini-portions dans des boîtes à la pince à épiler… » Les deux milles portions qui ondulent au plafond, c’est encore eux : « Nous avons travaillé avec un métallier pour réaliser une grille sur laquelle sont suspendues les portions (1,5 fois la taille réelle) faites en résine polyuréthane chromée, il a fallu travailler en 3D pour arriver à représenter une vague. Ce sont des œuvres d’art employant des matières qui traverseront le temps. Au final, notre métier c’est d’appliquer les arts à l’industrie ! »

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ne change pas — même bâtiment de 2 200 m², même jardin —, la Maison de la Vache Qui Rit, par une succession de paris conceptuels et techniques, se situe à mille lieues de ce que fut sa grande sœur. Comment a pu se faire cette mue ? En intégrant d’emblée le risque d’obsolescence. À peine initié, le projet devait déjà répondre à une question majeure : comment envisager une suite ? Les équipes planchent déjà sur ce qu’elles proposeront… demain !

LA JEUNESSE DES START-UP

L’esprit de famille Quand Léon Bel — Jurassien pur jus — eut l’idée de créer ses petites portions triangulaires de fromage cuit, il eut un fameux coup de génie. L’invention technologique était remarquable, révolutionnaire pour son époque (les années vingt) et évidemment d’une simplicité biblique. Seulement, pour que la petite entreprise de Lonsle-Saunier, plantée dans ses vieux locaux à côté du Puits Salé, devienne moins d’un siècle plus tard un groupe agroalimentaire parmi les plus puissants du monde, il ne faut pas qu'une invention. Léon Bel était un fromager, c’était aussi un artiste à sa manière qui a su transformer une vache rouge rigolarde affublée de boucles d’oreilles en une marque universelle. L’aventure aurait pu ne pas durer. Or, c’est l’inverse qui se passa. La vache jurassienne a essaimé aux quatre coins du monde et, au fil des ans, cet emblème est devenu objet d’inspiration pour les plus grands artistes qui n’ont cessé de tordre la vache rouge dans tous les sens de leur imagination. Dessin, musique, peinture, danse, écriture… La Vache Qui Rit n’est pas un produit industriel, c’est la Vache Qui Rit ! À l’autre bout de la filière, des enfants, des femmes et des hommes qui, dans chaque continent et de génération en génération, ont trouvé dans la petite portion un aliment de survie. Cette universalité est reprise aujourd’hui dans cette nouvelle Maison de la Vache Qui Rit, hommage rendu par la génération actuelle à un monument de la consommation… et de la communication.

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L'artiste Aux technologies avant-gardistes, l’art vient apporter une touche d’imaginaire et de beauté. Sophie Della Rosa se définit comme une tricoteuse. Cette plasticienne a réalisé, en 2017, l’exposition de tricot et crochet Pris dans le filet à la MVQR. Cette fois, elle pose son empreinte sur l’espace d’exposition temporaire consacrée au Sénégal : « Une équipe a tourné un film sur la Vache Qui Rit dans le monde et elle a été touchée par le Sénégal et Saint-Louis. J’y suis allée un mois pour retrouver les techniques et le savoirfaire des gens de là-bas en relation avec la Vache Qui Rit. J’ai rencontré des peintres, des sculpteurs, des teinturiers et j’ai réalisé un mur avec douze pélicans, un baobab en wack et repris des textiles traditionnels. L’idée, c’est que l’Afrique et les artistes sénégalais immergent le visiteur. »

b DR

Mener à bien un projet de ce type, à mi-chemin entre un musée de société et un musée d’art nécessite de réunir une kyrielle d’intervenants. En fait, une dizaine d’entreprises a été choisie sur appels d’offres. Encore fallait-il que puissent travailler ensemble architectes, designers, éclairagistes, graphistes, maquettistes, réalisateurs, scénographes, artistes, illustrateurs, créateurs digital… Auxquels viennent s’ajouter des électriciens, des Ü

Le futuriste « Transgénérationnel », a dit le directeur. Pour capter l’attention des petits, l’agence Merci Michel, encore une jeune pousse d’une douzaine de personnes primée au niveau international, a imaginé une application iPad qui guide les enfants dans l’histoire de la Vache Qui Rit. Un petit bijou de technologie et de design conçu comme une chasse au trésor. Justine Peyrot, productrice et chef de projet, a souhaité transformer chaque visiteur en voyageur de l’espace : « L’univers graphique a été complètement imaginé et dessiné par l’agence, l’enfant se balade dans les caves avec sa tablette et va d’un îlot à l’autre en répondant à des questions. La réalisation a demandé cinq mois de travail ! »


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Le guide

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Le studio De Valence (autre start-up engagée) a été chargé du graphisme, de la signalétique et de la scénographie. Ilest allé jusqu’à rechercher des détails dans le passé de l’entreprise pour réécrire une typographie nouvelle respectueuse de son patrimoine visuel. Alexandre Dimos et Ghislain Triboulet avouent y avoir pris du plaisir : « Nous avons pensé des formes de lettres un peu méconnues pour en faire une version contemporaine. C’est un peu notre méthode d’aller chercher des détails dans le passé. Ce qui compte, c’est que ce soit agréable à lire. » Leur patte se retrouve sur les affiches, sur les teeshirts, les sacs, le site internet... C’est à eux que l’on doit le mur entièrement composé de boîtes.

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la pose a mobilisé trois autres employés. S’il est assez classique dans les formes, le projet nous offre la possibilité d'intervenir dans un lieu emblématique de la ville de Lons. » Emblématique, c’est une notion que partage Patrick Elvezi, président d’ECLA, la communauté de communes du bassin lédonien, cofinanceur de l’équipement :  « Cette maison est un point d’attractivité évident par son concept et le fait qu’un groupe international s’intéresse à sa ville est un acte concret. Je souhaite JURASSIC' TOUCH que cette implication locale aille au-delà Et le Jura dans tout ça ? Si tout de la Maison de la Vache Qui Rit. ECLA l’aspect conceptuel vient de la capitale, peut travailler avec le groupe Bel. » la mise en forme technique émane bel Il a sans doute raison, la Maison et bien du département franc-comtois. de la Vache Qui Rit apporte une vériC’était le vœu du groupe Bel qui a offert table plus-value à l’offre touristique et l’occasion à des entreprises du cru de culturelle locale par son approche et montrer leur savoir-faire. Rémi Carteron, sa conception, à tel point que d’autres architecte lédonien à l’Atelier Zou, a ainsi L'application I Pad réalisée par directeurs de musée s’intéressent de assuré le suivi d’un chantier que d’autres l'agence Merci Michel guide les enfants. près à ce qui se passe à Lons-le-Saunier. ont imaginé : « C’est une situation rare Mais Laurent Bourdereau, directeur de qui oblige à tout avoir en tête pour intervenir l'établissement, ne veut pas brûler les étapes : rapidement dans un chantier complexe où se croisent beau« Nous avons posé une brique sur ce que peut être un musée coup d’entreprises. Ce projet, c’était aussi une référence en de marque. La prise en compte sociétale a été déterminante. matière de commande culturelle. » Nous nous sommes interrogés sur la relation parents-enfants. La menuiserie, du parquet en chêne massif des deux Nous avons imaginé la manière dont les uns et les autres poucaves, aux différents meubles, en passant par la banque d’acvaient se situer dans cette maison. J’espère que cette façon de cueil… est signée par l’entreprise Paget : « La fabrication s’est voir les choses permettra de vivre d’autres aventures. Pourquoi faite dans nos ateliers avec une demi-douzaine de personnes et pas une Maison de la Vache Qui Rit itinérante ? » b DR

menuisiers, des jardiniers... À ce niveau d'exigence, chacun a une forte personnalité et aussi une idée très personnelle de ce que doit être son travail. Cette Maison est un hymne à l’esprit d’initiative de start-up toutes basées à Paris. Cette jeunesse pense et crée dans un esprit pluridisciplinaire. Le résultat est bluffant, à la fois dans l’aménagement des espaces et dans l'emploi des technologies.

2 000 portions reconstituées entraînent le visiteur dans une ondulation aux couleurs fétiches de la marque.

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DAVID VUILLERMOZ/MUSÉES DE LONS-LE-SAUNIER b

Agenda

200 ans de musée Où : Lons-le-Saunier Quand : Jusqu'au 11 novembre

Au moment de sa création, en 1817, et jusqu’à son installation officielle à l’Hôtel de Ville de Lons-le-Saunier en 1851, le musée de Lons — initialement musée départemental — avait des allures de cabinet de curiosités : minéraux, fossiles, animaux empaillés, vestiges archéologiques, œuvres d’art dont certaines majeures, inventions agricoles et autres objets venus de partout avaient été rassemblés par la Société d’émulation. Ce bric-à-brac constitue le fonds historique du musée qui, deux siècles plus tard, continue de se bâtir jour après jour. Étonnant. Pwww.facebook.com/museelons

Petite brique devenue grande

b MUSÉE

DU JOUET

Où : Moirans-en-Montagne Quand : Jusqu'au 3 mars 2019

C’est l’histoire de Légo, ces briques magiques dont le brevet a été déposé en 1958 et qui, depuis soixante ans, régalent toujours autant petits et grands. Le musée du Jouet de Moirans, en partenariat avec LUG’EST, association franccomtoise regroupant des passionnés de LEGO, restitue en fait un siècle d’invention autour de ces petits objets en plastique. C’est en 1916, à Billund, dans le sud du Danemark, qu’une petite tournerie s’est lancée dans l’aventure. L’exposition explique pourquoi et comment les briques sont devenues leader mondial du jouet, en créant de véritables univers. Elle propose un espace de jeu ouvert à tous. Pwww.musee-du-jouet.com

La clarté de la terre vue par Pointelin

Pwww.sortiradole.fr

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b MUSÉE

Auguste Pointelin est le peintre des paysages jurassiens par excellence, en particulier la ligne ciselée des plateaux, combes et vallons qu’il peignait de manière de plus en plus épurée au fil des ans, faisant de lui un précurseur de la peinture moderne abstraite. Une cinquantaine d’œuvres appartenant au musée des BeauxArts de Dole offrent une vision globale de son travail, alors que les musées d’Arbois et de Pontarlier présentent des expositions plus thématiques.

DES BEAUX-ARTS DE DOLE, CL. FRANÇOISE LE CORRE RAVIN DU JURA, VERS 1920 - USÉE DES BEAUX-ARTS DE DIJON, CL. FRANÇOIS JAY

Où : Dole Quand : jusqu'au 11 novembre


SEROUSSI bLAURENT

Du beau monde aux Nuits bressanes Où : Louhans Quand : 13 et 14 juillet

Du nouveau cette année aux Nuits Bressanes de Louhans (71) avec deux vedettes par soirée. Vendredi 13 juillet, Amir précédera Calogero au stade de Bram et, samedi 14 juillet, Nolwen Leroy — première chanteuse à être invitée — ouvrira le bal avant Julien Clerc. Il y aura aussi des premières parties réservées aux jeunes talents de la région : vendredi 13, le groupe burgien Contre TempS sera suivi par Elsa Gilles, artiste choisie par Calogero pour une partie de sa tournée. Le samedi, le groupe Fil Rouge, issu du Festival des Lycéens 71, annoncera Maëlle, jeune chanteuse de Tournus, vainqueur de The Voice. Pwwwww.bresse-bourguignonne.com www.fnac.com www.ticketmaster.fr

Les 10 ans du Musée de l'Abbaye Où : Saint-Claude Quand : été et automne Le 25 octobre le musée de l’Abbaye fêtera ses dix ans avec une double exposition « Guy Bardone et René Genis en privé » composée d’œuvres issues de collections privées et « Lumière sur les vestiges de l’abbaye » dédiée aux vestiges du sous-sol archéologique. Les festivités commenceront pourtant bien plus tôt avec une succession de spectacles, de rencontres et d’événements. En points d’orgue, jusqu’au 16 septembre, une exposition de portraits, natures mortes et paysages méditerranéens ainsi qu’une exposition du photographe Gérard Benoît à la Guillaume, accompagné de ses célèbres bidons de lait installés dans toute la ville.

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KER-XAVIER ROUSSEL, PAYSAGE D’ÉTÉ, PETIT PALAIS, GENÈVE

Pwww.museedelabbaye.fr

Avec l’aimable collaboration de LUG’EST. Cette exposition n’est ni organisée, ni sponsorisée par l’entreprise LEGO

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Agenda

Reggae à gogo à No Logo Où : Fraisans Quand : 10, 11 et 12 août

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Belle programmation pour la cinquième édition du No Logo Festival qui débutera le vendredi 10 août pour trois jours de fête. Sur la grande scène : Julian Marley (notre photo), Marcus Gade, Horace Andy, Samory, Groundation, City Kay, Mellow Mood… Et nouveautés cette année, une nouvelle scène, la « Dub Factory », qui donne carte blanche à Dub Master Clash et ses invités. Sous le chapiteau, un autre espace sera destiné à tous ceux qui estiment avoir du talent. Belle ambiance en perspective ! Pwwww.nologofestival.fr

Désalpe : vive les vaches ! Où : Saint-Cergue (CH) Quand : 29 septembre

NRT

Une belle tradition que la Désalpe puisqu’elle montre l’attachement des éleveurs pour leurs troupeaux. Chaque année, à l’automne, les bêtes quittent les alpages des monts Jura pour redescendre vers la plaine. C'est l’occasion de faire la fête lors de ce passage hors du commun. À Saint-Cergue, habitants et visiteurs se font depuis des années un devoir d’accueillir les bêtes parées avec soin. Un marché local propose aussi la production des artisans locaux… au son des cloches et du cor des Alpes. b

Pwww.lacote-tourisme.ch

Le chat se perche Où : Dole Quand : 21 et 23 septembre

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Imaginez Dole qui se transforme en un grand village gourmand où chacun déambule à ciel ouvert au gré de ses humeurs et de ses envies à la rencontre d’une quinzaine de villages thématiques répartis dans les différents quartiers. Des pass proposent plusieurs manières de se plonger dans cet univers où se côtoient gastronomie, artisanat, concerts, expositions, banquets. Le week-end du Chat Perché est aussi l’occasion de découvrir les saveurs d’un invité d’honneur, cette année le Japon et la ville de Chalon sur Saône comme hôte régionale avec sa Paulée de la côte chalonnaise…

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Pww.weekend-gourmand-dole.fr


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Nak Bou Beg

Où : Lons-le-Saunier Quand : 16 juin au 24 septembre Dans son nouvel univers, la Maison de la Vache qui Rit présente une exposition temporaire entièrement tournée vers l’Afrique. De l'autre côté de la Méditerranée, la petite portion signifie partage, mais aussi survie et développement. La boîte est un symbole, une amulette. Nak Bou Beg est une rencontre entre des artistes sénégalais et des artistes occidentaux, tous issus d’horizons différents. Ceux-ci portent un regard croisé sur un continent qui fourmille de vie et d’originalité, de l’île de Gorée à la plage de Saint-Louis, du quartier Colobane de Dakar aux rives du parc national du Djouj. Une exposition qui fait aimer l’Afrique [lire notre dossier pages 110 à 118]. Pwww.lamaisondelavachequirit.com

Idéklic

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VENTURINI

Où : Moirans-en-Montagne Quand : du 10 au 13 juillet

Et de 29 pour Ideklic ! Le festival pour enfants (et accessoirement parents) ne prend pas de rides. Cette année, 23 compagnies pour trois jours de spectacle un peu partout dans la ville. Ce n’est pas tout, les enfants de tous les âges sont invités — comme c’est la tradition désormais — à participer à des ateliers en tous genres (danse, musique, arts de la rue, contes, théâtre, marionnettes, magie…) Pwwww.ideklic.fr

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C’est pour commémorer la guerre 1914-1918 que le Musée de la lunette présente jusqu’au 30 novembre une exposition consacrée aux habitants du canton de Morez durant les quatre années de conflit. La vie des familles restées à l’arrière et l’organisation de la vie sociale, économique et politique à Morez sont évoqués à travers des écrits, photographies, documents militaires. Les soldats partis combattre livrent également leur quotidien. L’évocation des difficultés de reconstruction, la question du souvenir et de l’hommage complètent cette présentation. Entrée gratuite. Pwww.lunette-musée.fr

CASQUE ADRIAN, COLL. PARTICULIÈRE - STUDIO ART ET IMAGES

Où : Morez Quand : Jusqu'au 30 novembre

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Agenda

Lunettes et guerre

Baume célèbre Maria Callas Où : Baume-les-Messieurs Quand : 15 et 16 septembre

Le village fleuron du Jura devient peu à peu un lieu-phare de la musique baroque. Non seulement Baume accueille des musiciens dans le cadre du Festival du Haut-Jura en juin, mais en septembre un week-end entier est organisé en hommage à Maria Callas. Exposition de photos, de programmes et d’affiches sur deux jours, conférence le samedi soir par Jean-Jacques Hanine-Roussel, biographe de la chanteuse lyrique et concert le dimanche après-midi avec huit chanteurs sur des airs de Mozart, Verdi, Rossini, Glück, Tchaikowski, SaintSaens, Bizet ou encore Offenbach. Pwww.baumeslesmessieurs.fr

Bouche-à-oreille Où : Petite Montagne Quand : du 7 au 29 juillet

BERNARD BENANT

Le BAO pour les initiés, c'est des découvertes gastronomiques, des soirées œnologiques pour la bouche, mais aussi des concerts, des spectacles pour l’oreille. Le tout en déambulation dans les villages et les églises de la Petite Montagne. Cette année, à l’affiche : le Quatuor Debussy, le chœur des hommes de Sartène, l’Ensemble Sprezzatura, une balade contée et des spectacles sous chapiteau sans oublier un voyage culinaire proposé par Emmanuel Perraudin.

Où : Prémanon Quand : jusqu'au 18 novembre L’Espace des Mondes Polaires, à Prémanon, est un lieu entièrement dédié aux mondes polaires arctiques et antarctiques. Dans le droit fil des expéditions de Paul-Émile Victor, il rassemble une multitude d’informations sur la vie dans ces milieux extrêmes et propose notamment un jardin polaire, une patinoire évoquant la banquise, un restaurant, un auditorium et un bistrot polaire. Une exposition temporaire de photographies signées Jean-Pierre Collin intitulée « Entrez dans la meute » offre également une immersion dans l’univers des chiens de traîneaux du Haut-Jura et de leurs mushers. Superbe ! Pwww.espacedesmondespolaires.org

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JEAN-PIERRE COLLLIN

Chiens de traîneaux

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Pwww.festival-jura.com


Salon Made in Jura Où : Dole Quand : 18 au 21 octobre

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU JURA

Deux ans après la dernière édition, le salon Made in Jura est de retour, toujours à Dolexpo Parc du Jura. Professionnels du monde de l’entreprise, animateurs de grandes et petites filières, milieu associatif, représentants des territoires… tous sont invités à participer à ce grand rassemblement populaire qui met en valeur et en réseau le savoir-faire jurassien et ses filières pour une véritable reconnaissance dans tous les domaines. La marque s’engage également au niveau de la grande région Bourgogne - Franche-Comté, c’est pourquoi elle a pris cette année le slogan « Made in Jura, c’est massif ! »

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Pwww.madeinjura.com

Festival de la Paille Où : Métabief Quand : 27 et 28 juillet Cette année, sur la grande scène et sur la scène Mont d’Or vont se succéder pas mal de sons différents : pop, rock, reggae, folk rock, électro, pop folk, hip-hop, electro gypsy.... Et quelques grosses têtes d’affiche. Au programme, vendredi 27 : Asaf Avidan ; Tiken Jah Fakoli ; Ofenbach. Samedi 28 : Imany ; Mat Bastar ; Romeo Elvis ; Gypsy Sound System Orkestra... Concerts off également en ville et gratuits, avec carte blanche à Soda Magazine ; les Frisé(e)s. Animations au camping samedi 28 avec the Big Caddyman et au chapitre des nouveautés, une appli « Festival de la Paille » sur GooglePlay et AppleStore.

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Conception : Les amis de Château-Chalon

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LINKO

© 2018 -

Pwww.festivalpaille.frr


Agenda

Rock'n Horses Où : Courlans Quand : du 1er au 4 août

b LAURA

LAGO

Rock n'Horses, c'est l’alliance d’un jumping 3 étoiles en journée et de concerts rock le soir avec des groupes « tributes » spécialisés dans les reprises de titres du groupe du même nom. Côté jumping : 350 personnes, 280 chevaux venus de 14 pays différents, 21 épreuves organisées par le club de la Jument Verte. Côté spectacles : mercredi 1er août, Compas (flamenco manouche) ; jeudi 2, Spoon God en première partie de French Floyd (tribute des Pink Floyd) ; vendredi 3, Breakfast in Paris (tribute de Supertramp) suivi en after d’Aslove [lire son portrait pages 44 à 49] ; samedi 4, grande soirée avec Electric Hat en première partie puis Catherine Ringer, la chanteuse des Rita Mitsouko, et French Fuse en after. Avis aux amateurs ! P www.rockandhorses.courlans.com

Tournoi médiéval

b KASSOR

CORE STUDIOS

Où : Les Rousses Quand : 25 et 26 août

Le nom exact est tournoi de behourd et il consiste à opposer des combattants en armures et en armes médiévales par équipes de cinq. Tous les coups sont permis, jusqu’à ce qu’un adversaire soit mis hors combat (mis au sol, KO, abandon). Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le spectacle est assuré ! Le tournoi aura lieu au Fort des Rousses et l’épreuve comptera pour le classement international. 150 combattants sont attendus parmi les plus renommés comme les Hommes du Nord ou Aquila Séquania, première équipe de behourd franc-comtoise. Une épreuve féminine est également au programme, avec les championnes de France 2018, ainsi qu’un marché artisanal de produits régionaux.

b PIERRE-VICTORIEN

COMPAGNON

Château-Chalon en Révolution Où : Château-Chalon Quand : 5, 6, 7, 11, 12, 13, 19, 20 et 21 juillet Le village, berceau du vin jaune, renoue avec la tradition des sons et lumières lancée en 1972. Cet été, il sera question de l’arrivée de la Révolution française sur les terres des abbesses jusqu’alors toutes puissantes. De 1765 à 1805, de Louis XV à Napoléon, on verra comment une communauté villageoise ancestrale se saisit de son propre destin, comment elle réagit aux péripéties de l'histoire nationale... Cette période trouble est mise en scène par Dominique Comby sur des textes de René Lacroix. 130 bénévoles participent à ce grand spectacle… convivial. Pwww.spectacle-chateauchalon.fr

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Scènes du Jura Où : Lons-le-Saunier/Dole Quand : 13 octobre 2018/2 février 2019 Dans sa saison 2018/2019, deux spectacles très différents sont proposés par les Scènes du Jura. Le premier est un classique de la chanson avec la venue dans le département d'Anne Sylvestre qui fête ses soixante ans de carrière. Accompagnée de trois musiciennes, elle reprend beaucoup de chansons engagées qui ont fait son succès. Récital samedi 13 octobre au théâtre de Lons. Le second est une pièce qui vient de valoir à JeanPierre Darroussin une récompense aux Molières. Elle s’intitule « Art ». Elle a été écrite par Yasmina Reza, jouée pour la première fois en 1994 et revue pour une nouvelle version 2018. Une digression entre amis autour d’une œuvre contemporaine qui met sur la sellette l’amitié, tout en offrant une réflexion sur le rôle de l’art dans notre société. À découvrir samedi 2 février à la Commanderie, à Dole.

AMIR

Pwww.scenesdujura.com

13 JUILLET

14 JUILLET

LOUHANS - STADE DE BRAM nouVeauté

www.scenesdujura.com

Billetterie aBonnements en ligne !

lancements de saison Jeu 6 sept > 20H dole > LA FABRIQUE Ven 7 sept > 20H lons > LE THÉÂTRE

03 84 86 03 03

b ASVEND

ANDERSEN

EnTRÉE LIBRE sUR RÉsERvATIon

18 19 LES SCÈNES DU JURA SONT SUBVENTIONNÉES PAR : LE MINISTÈRE DE LA CULTURE / DRAC DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, GRAND DOLE COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION, ESPACE COMMUNAUTAIRE LONS AGGLOMÉRATION, LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU JURA, LE CONSEIL RÉGIONAL DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, LA VILLE DE DOLE, LA VILLE DE LONS-LE-SAUNIER, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES CHAMPAGNOLE NOZEROY JURA, LA VILLE DE MOREZ - COMMUNE NOUVELLE DES HAUTS DE BIENNE, LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PORTE DU JURA. AVEC LE SOUTIEN DE L’ONDA ET DU CLUB DES PARTENAIRES. SIRET N° 413 401 373 000 19 / APE : 9001 Z - LICENCES N° 1–1032792/1–1032794/2–1032795/3–1032796. Visuel © Jeanne Roualet

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Où : Cernon Quand : 25 et 26 août

WERNER

C’est en 1968 que le barrage de Vouglans a été mis en eau, après une quinzaine d’années d’études et de chantier. Ce cinquantenaire donnera lieu, en août, à une fête de deux jours organisée par les quatre communautés de communes riveraines des berges du lac de Vouglans : Petite Montagne, Région d’Orgelet, Jura Sud et Pays des Lacs. Au programme, un parcours sécurisé et tout en douceur d’environ 8 km à découvrir en famille, à pied, à vélo… et jalonné de nombreuses animations et ateliers pour petits et grands. Accès au couronnement du barrage de Vouglans encadré par des agents EDF. Marché artisanal et spectacle vivant gratuit retraçant l’histoire de la vallée de l’Ain en soirée.

b DOMINIQUE

Agenda

50 ans du barrage de Vouglans

Pwww.50ans-vouglans.com

Le haricosaure du Land Art Park Où : Ney Quand : du 16 juillet au 15 septembre L’artiste Pierre Duc et son équipe de bénévoles invitent les visiteurs à venir se perdre dans un labyrinthe de 3 500 mètres planté de haricots géants. Ce land art pour le moins original prend la forme d’un dinosaure. Normal, puisqu’à quelques kilomètres se trouve, à Loulle, l’une des plus belles pistes de dinosaures d’Europe. À voir aussi depuis le belvédère du Bénédegand.

Championnats de France VTT

b RETRO-PIXEL

/ ROMARIC LESTIEVENT

Où : Lons-le-Saunier Quand : 19 au 22 juillet

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Le VTT club de Conliège est à la manœuvre pour 4 jours de compétition sur le plateau de Montciel à Lons. Les meilleurs vététistes français en Cross Country Eliminator (XCE), en Cross Country format Olympique (XCO), Cross Country Relais (XCR) et trial depuis les cadets (14/15 ans) jusqu’au master des plus de 30 ans. Pour les fans, franchissements, passages rocheux, montées sèches, saut, racines et singles étroites… Les concurrents s’affrontent pour la fameuse tunique tricolore, tenue du et de la champion(ne) de France ! Pwww.vttconliege.com


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Jura Pierric Bailly

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Icônes locales

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Ils étaient tous les trois autour de moi, à me scruter, me renifler. « C’est donc ça, un homme ? a fait le bovidé. — C’est minuscule, a fait le dinosaure. — Ça pue l’alcool…, a fait le dragon en se frottant les narines. — S’il vous plaît, ne me mangez pas, je ne vous veux aucun mal… » Ils ont tous les trois éclaté de rire. « Brave petit machin… On n’est pas comme ça. Tu sais, on ne mange que du fromage. Tu aimes ça, le fromage ? Viens t’installer avec nous… » Voilà comment je me suis retrouvé à me goinfrer de comté fondu en compagnie de la Vouivre, de la Vache qui Rit et de Monsieur Plati, dinosaure de son état. Quand je leur ai demandé comment ils se procuraient leur pitance, ils m’ont expliqué avoir creusé un tunnel dans la roche pour accéder aux caves de la fromagerie Poulet de

b AMANDINE BAILLY

Je me sentais plutôt en forme en sortant de chez mon ami viticulteur de Château-Chalon. On y était allés mollo, ce soir-là. On avait descendu cinq bouteilles, pas plus. Et puis on n’était pas tout seuls, je vous rassure, il y avait aussi ses enfants. Des jumeaux, dont c’était l’anniversaire, ils venaient d’avoir neuf ans. Cinq bouteilles à quatre, c’est raisonnable. Mon ami viticulteur m’en a confié trois autres pour ma grand-mère, des bouteilles de marc, mamie le mélange à son tilleul. J’ai rejoint la voiture en courant car c’était la tempête dehors. Des trombes d’eau, de violentes bourrasques, un vrai déluge. J’ai conduit à l’aveuglette un petit moment et j’ai fini par me paumer. Mais le pire de tout : panne d’essence. D’après le GPS, je me trouvais au pied des grottes de Baume. Je précise qu’il faisait nuit. On était en plein hiver. Il devait faire dans les moins douze. Comme si ça ne suffisait pas, la soufflerie déconnait. Je me voyais déjà mourir frigorifié dans ma bagnole. Il ne me restait qu’à déboucher une bouteille. Cinquante degrés, ça réchauffe le thorax. Je m’en suis jeté une dizaine de gorgées, un pur délice. Quand soudain, un choc énorme associé à un bruit de tôle froissée m’a arraché un cri d’effroi. Qu’est-ce c’est que ce truc ! J’ai rabattu ma capuche puis ouvert la portière : sur le capot, une grosse porte en bois. La porte de la grotte, arrachée par le vent. Prenant ça comme une aubaine, je me suis lancé à l’assaut de la falaise, gravissant les escaliers en métal qui mènent à l’entrée de la cavité et commençant à m’enfoncer dans le dédale de galeries. J’avoue que je ne faisais pas le fier. Surtout que je me suis mis à distinguer de la lumière le long d’une paroi, puis à entendre de drôles de bruits. Des bruits qui ressemblaient à des voix, des voix graves et rocailleuses. Quant à ces lueurs dont je me rapprochais, elles avaient l’air de provenir d’un feu. J’ai continué à avancer lentement, très lentement, sans réaliser que j’étais maintenant à quatre pattes dans l’eau marneuse. Et j’ai fini par les voir, tous les trois, assis en tailleur autour d’un brasier, qui faisaient griller d’énormes morceaux de fromage aux bouts de pics gros comme des manches de pioche. S’ils m’attrapaient, j’étais bon pour le barbecue. J’ai pas réfléchi longtemps, hop, demi-tour. Un pas, deux pas, trois pas, puis un couinement. Je venais de marcher sur une chauve-souris ou quelque chose comme ça. J’ai entendu du mouvement dans la grande salle et j’ai commencé à courir comme un dératé, mais c’est alors qu’une énorme main m’a saisi l’épaule pour me soulever du sol et venir me déposer autour du feu.

Grange-sur-Baume. « Leur morbier aussi est délicieux », m’a fait la vache en me tendant une meule entière. Au bout d’une heure, Plati a rajouté deux bûches au feu, et mes trois nouveaux amis se sont enveloppé chacun dans une grande couverture. En s’allongeant sur le sol, la Vouivre m’a invité à venir me glisser à ses côtés. J’ai cru être réveillé par les ronflements de la Vache qui rit, mais c’était le klaxon d’un tracteur que j’empêchais d’avancer. Où étaient-ils passés ? Quelle heure était-il ? Où étais-je ? La tempête s’était calmée. Le jour s’était levé. J’étais dans ma voiture, pardi. Avec un mal de crâne abominable, et une bouteille de marc à mes côtés. Vide, la bouteille.


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RÉ OU VER TURE 25 rue Richebourg 39000 Lons-le-Saunier

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samedi 2 juin 2018 tél. +33 (0)3 84 43 54 10 contact@lamaisondelavachequirit.com


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