"Il faut poursuivre la mobilisation des territoires"

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ACTUS

Techni.Cités#287

23

novembre 2015

ENTRETIEN

Par Noélie Coudurier

« Il faut poursuivre la mobilisation des territoires » I Ce qu’il est ressorti du Sommet mondial Climat et Territoires à Lyon en juillet – prélude territorial à la conférence de l’ONU sur le climat prévue en décembre à Paris – vous paraît-il encourageant ? Ce sommet, que je coprésidais avec Bernard Soulage, vice-président de la région Rhône-Alpes, était éminemment politique. Les acteurs non étatiques (associations, collectivités locales, entreprises, syndicats, etc.) ont délivré un message commun, et témoigné d’engagements de réduction d’émissions. Sur le premier point, les acteurs ont présenté un texte, en portant la parole collective des représentants de la société civile reconnus par l’ONU. Les trois messages principaux ont été clairs : « on ne réussira pas à atteindre les objectifs sans une approche territoriale », « on ne peut pas parler climat sans parler développement » et « les territoires vont avoir besoin de nouveaux financements pour atteindre les objectifs ». Sur le deuxième volet, les engagements pris à titre individuel et formellement par des collectivités du monde entier représentent 1,5 gigatonne de réduction des émissions de GES, pour des territoires qui représentent 11 % de la population mondiale. Si on étend ces efforts aux autres collectivités, les objectifs mondiaux pour stabiliser le climat sont atteints. C’est considérable ! Il faut donc poursuivre la mobilisation des territoires.

Les collectivités vous semblent-elles avoir voix au chapitre dans les négociations entourant la COP21 ? Ce qui est certain, c’est que les collectivités ont acquis une reconnaissance plus grande aujourd’hui qu’il y a dix ans. Pour preuve, avec le plan d’action Lima-Paris, nous avons évolué vers la création d’un quatrième pilier dit « Agenda des solutions », qui inclut l’approche territoriale. Nous ne restons donc pas cantonnés à des engagements de principe de la part des gouvernements, essentiels mais insuffisants. Cependant, sur le texte de la négociation en lui-même, qui présentera dans quelques jours l’agrégation des scénarios de lutte contre le réchauffement climatique des 195 États membres de la CNUCC (1), il y a encore beaucoup d’incertitudes. Nous nous battons à ce stade pour que les avancées qui sont dans le texte soient maintenues et pour que les collectivités gagnent en visibilité dans les actions opérationnelles. Les États, seuls, n’iront pas loin.

De quelle manière l’action territoriale peut-elle être au cœur de la réponse au défi climatique ?

DR crédit

nutile de retenir son souffle. À quelques jours de l’ouverture de la COP21, de nombreuses tractations ont déjà eu lieu en coulisses. Et les collectivités n’ont eu de cesse, depuis plusieurs mois, de chercher à se faire entendre. Mais sont-elles réellement prêtes à endosser le costume auquel on les destine ? Sont-elles seulement associées aux négociations ? Ronan Dantec, porte-parole de l’organisation mondiale Cités et gouvernements locaux unis, s’exprime sur la place que doivent occuper les collectivités aux côtés des gouvernements et acteurs de la société civile, et les efforts qu’elles doivent déployer pour espérer stabiliser le réchauffement climatique.

RONAN DANTEC SÉNATEUR DE LOIRE-ATLANTIQUE ET PORTE-PAROLE CLIMAT DE L’ORGANISATION MONDIALE CITÉS ET GOUVERNEMENTS LOCAUX UNIS (CGLU)

Les émissions de GES dans les pays développés proviennent, pour 50 %, des actes de la vie quotidienne. Se déplacer, se loger, se chauffer sont autant d’actions qui impactent le changement climatique, et sur lesquelles les collectivités ont assurément une carte à jouer. Il nous faut donc des villes plus denses, proposant des mobilités douces, mobilisant l’argent public et privé pour la réhabilitation de logements, développant des choix énergétiques astucieux, etc. Elles doivent aussi se demander en permanence : « est-ce que l’argent va au bon endroit et est-il facilement mobilisable ? ». L’enjeu est aujourd’hui autant financier que technique.

Quel serait, d’après vous, le meilleur échelon de gouvernance pour organiser la lutte contre le réchauffement climatique ? Pour moi, cela se passe à cinq niveaux. D’abord celui de l’intercommunalité, pour sa représentativité des bassins de vie. Puis la région, pour planifier les synergies économiques (formation, recherche, financement, etc.). Ensuite, l’État et l’Europe, pour les cadres juridiques et financiers qu’ils produisent. Et enfin le niveau mondial car il est nécessaire de montrer qu’une voie collective existe, que chacun assume sa part de l’effort. Il n’y a pas un niveau plus important que les autres. La question climatique ne se réglera que grâce à l’interaction des cinq échelons.

Dans le baromètre que nous venons de réaliser (cf. p. 22), il apparaît dans les réponses des cadres techniques une divergence entre les domaines dans lesquels se sont portées jusqu’à présent les actions de leur collectivité (bâtiments, transports, nature et biodiversité), et les priorités à venir (urbanisation, énergies renouvelables, bâtiments). Ceci vous semble-t-il surprenant ? Je ne pense pas qu’il faille opposer les choses. L’approche urbanistique est primordiale, de même que la maîtrise de la consommation énergétique. Les Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) qui deviennent obligatoires pour l’ensemble des intercommunalités, permettent une approche coordonnée de l’ensemble des politiques publiques. L’approche systémique est centrale. La loi de transition énergétique votée durant l’été est une boîte à outils formidable pour mettre tout ceci en application, et il faut à présent apprendre à s’en servir. Plus vite les collectivités s’en saisiront, plus vite nous verrons quels outils doivent être améliorés.

Les collectivités ne sont-elles pas de simples exécutantes au service des États ? Je ne le pense pas. Les agents doivent dialoguer ensemble, à partir d’une bonne compréhension du fonctionnement du territoire. C’est en décloisonnant, en adoptant une approche transversale, que les résultats seront les plus notables. (1) Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Spécial é i COP21 •TEC287.indb 23

03/11/15 10:34


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