Techni.Cités#284
juin-juillet 2015
entretien
16
Par Noélie Coudurier
« Rétablir une consultation citoyenne équilibrée et exempte de crispation » Quelques jours seulement après avoir remis son rapport sur la démocratie participative, Alain Richard revient sur la mission qui lui était confiée pour renforcer l’efficacité du débat lors de décisions publiques et projets d’aménagement.
Jusqu’alors, les réflexions menées pour créer de bonnes conditions de dialogue tout au long d’un projet n’avaient trouvé aucune traduction concrète, du fait de la complexité à clarifier les positions de chacun, dissiper les oppositions et s’accorder sur un projet répondant à l’intérêt général. La mission qui m’a été confiée consistait à réfléchir à l’organisation d’un débat public amont, en proposant un schéma proportionné qui donnerait la parole aux citoyens et n’alourdirait pas les procédures des porteurs de projets. Ainsi, pour les grands projets déjà soumis au débat public et les plans et programmes soumis par le code de l’environnement à une évaluation environnementale, nous recommandons d’élargir la concertation en amont. Le responsable de la démarche participative est, en cas de plan ou programme, l’autorité en charge de son adoption, et, en cas de grand projet, une émanation de la commission nationale du débat public. Le PLU et le Scot en revanche continueraient de relever du régime de concertation qui leur est propre. S’agissant des projets régionaux ou locaux de moindre ampleur, la commission a proposé qu’une participation amont soit mise en œuvre, sur la base du volontariat. Elle peut être actionnée, sous certaines conditions, par le porteur de projet lui-même et, s’il ne le fait pas, par le préfet ou une représentation de citoyens saisissant le préfet. Enfin, la validation de cette « initiative représentative » reviendrait soit au préfet, soit à la Commission nationale du débat public. Dans les deux cas de figure, nous avons tenu à ce qu’un garant extérieur s’assure du bon déroulement du débat en triant les demandes d’informations, en faisant respecter les délais (quatre mois maximum pour ne pas mettre en péril le projet).
Comment expliquez-vous l’engouement récent des personnes publiques pour la participation citoyenne, et des citoyens pour leur association aux avant-projets ? Des symptômes laissaient entendre que la population espérait être davantage associée aux décisions et écoutée. Mais s’agissait-il de symptômes profonds ou d’un effet d’accumulation momentané ? Je n’ai pas les outils pour répondre sur la dimension sociale. Je pense simplement qu’il s’agit d’une
DR
Quelles sont les principales avancées contenues dans le rapport que vous venez de remettre au Gouvernement ?
Alain Richard Sénateur et président de la commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental au sein du Conseil national de la transition écologique (CNTE)
Pour prendre connaissance du rapport « Démocratie environnementale : débattre et décider », rendez-vous sur : www. developpementdurable.gouv. fr/IMG/pdf/ Democratie_environnementale_debattre_ et_decider_-_ Rapport_Alain_ Richard.pdf
évolution lente et graduelle de la société, poussée par l’accès grandissant à l’information. Faut-il en conclure que beaucoup de citoyens se dirigent vers une forme de décroissance, en s’opposant systématiquement aux projets structurants ? Je ne le crois pas. En outre, la réalité oblige à rester nuancé sur la participation citoyenne. Tous les appels à participation ne déplacent pas systématiquement les foules. En définitive, le dialogue amont doit être équilibré : une partie des craintes exprimées pourra être apaisée à cette occasion, avec une évolution des projets à la clé. Dans d’autres cas, les positions resteront opposées.
En préambule de la COP21, s’est tenu, le 6 juin, le débat citoyen planétaire (lire également p. 50). À cette occasion, des milliers de citoyens ont fait porter leur voix et imaginé des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. Doit-on désormais organiser des événements de ce type pour obtenir l’assentiment populaire ?
La France endosse une grande responsabilité dans ce projet, et il est normal qu’elle cherche à faire évoluer les positions des gouvernements. Dans ce sens, il est justifié que quatorze régions et une métropole aient associé les citoyens dans cette immense réflexion. Sur la méthode employée, je crois surtout à la diffusion d’une information vérifiée et à la rationalité du débat pluraliste. La démocratie suppose que la décision soit débattue mais qu’il y ait une décision. Donc il faut « doser » entre un appel à la participation du public en lui donnant accès aux données pertinentes, et une conclusion du débat par l’autorité légitime.
Quelle méthode préconiseriez-vous aux maîtres d’ouvrage publics en charge de la réalisation de projets ?
Une équipe municipale et son « appareil technique » ont intérêt à se fixer un cadre précis. Lorsque l’objectif d’un projet est défini, il est conseillé au maître d’ouvrage d’en informer le public, sous forme de réunions publiques, ou encore d’un forum numérique, de présenter l’identification des besoins, les limites de faisabilité, en exposant le schéma général imaginé, les alternatives possibles, etc. En dernier lieu, la collectivité expliquera pourquoi elle a retenu cette solution.
Proposez-vous des moyens d’évaluer l’efficacité du dialogue environnemental tel que vous l’envisagez ?
L’heure est au déploiement d’un dialogue citoyen efficace, équilibré. L’appréciation interviendra ensuite, mais c’est encore prématuré. Le gouvernement et le CNTE sont en possession du rapport et vont prochainement juger du contenu. Le CNTE a délibéré sur son avis collectif le 16 juin et le gouvernement arrêtera sa position dans les semaines suivantes. C’est lui qui appréciera ensuite comment la traduire.