Techni.Cités#281
mars 2015
entretien
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Par Noélie Coudurier
ien qu’atténuée par les assemblées, la proposition de loi sur les ondes électromagnétiques adoptée le 29 janvier dernier (1) accorde néanmoins une vraie place aux acteurs publics locaux, dans les négociations face aux opérateurs. En leur reconnaissant la possibilité de s’informer mais aussi en les responsabilisant sur leur territoire, cette première loi dédiée à l’impact des ondes électromagnétiques sur l’environnement et la santé pose des jalons.
En quoi ce texte signe-t-il une avancée dans la prise en compte de la pollution environnementale générée par les ondes ?
Tout l’intérêt de cette loi est contenu dans son titre « Sobriété, transparence, information et concertation », car le respect de ces composantes va permettre de réguler le développement de la téléphonie mobile et des applications sans fil. Je dirai que le premier point – modération ou sobriété – est sans doute le plus important. Il part du principe qu’il faut exposer les populations le moins possible à ces nuisances. Si je n’ai pas réussi à faire inscrire le principe de précaution appliqué aux ondes électromagnétiques, l’inscription de cet objectif de sobriété démontre que nous agissons en préventif, et que nous avons conscience d’un risque potentiel. La transparence concerne quant à elle les points « atypiques », c’est-à-dire « les lieux où le niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques dépasse substantiellement celui généralement observé à l’échelle nationale ». Enfin, la concertation interviendra à plusieurs niveaux : au niveau des opérateurs car ils devront remettre au maire ou président de l’EPCI l’état des lieux des installations qu’ils exploitent, leur notifier toute modification (fréquence, azimut, etc.), et les informer de la pose de toute nouvelle antenne au niveau de l’instance départementale mandatée en cas de litige ; et enfin au niveau des habitants pour dissiper les inquiétudes.
Communes et EPCI ont-ils, eux aussi, leur part de responsabilité dans la mise en œuvre de ce dispositif ?
Oui bien sûr. La collectivité doit pouvoir maîtriser le développement du wifi et de la technologie sans fil. Non seulement dans un but sanitaire, mais aussi pour proposer des projets de ville cohérents. Par exemple, en décidant de construire un bâtiment devant une antenne, une municipalité peut surexposer certains habitants tandis qu’elle privera de réseau ceux qui se trouvent derrière. Ingénieurs et techniciens doivent être partie prenante dans les choix faits en matière d’implantation des réseaux, et transformer les objectifs du texte de loi en véritables paramètres.
Comment les collectivités doivent-elles procéder pour réaliser leur charte de téléphonie mobile ?
Il faut d’abord rappeler que le maire/président d’EPCI doit obligatoirement être informé en amont de toute démarche
© Assemblée nationale
« Proposer des projets de ville cohérents » B Laurence Abeille députée du Val-de-Marne et rapporteur de la proposition de loi relative aux ondes électromagnétiques
d’un opérateur, mais qu’il n’est pas obligé d’agir ensuite. Certes, le contraindre n’était pas souhaitable, mais cela aurait sans doute créé une meilleure égalité entre les territoires et les populations. Toujours est-il que la collectivité qui désire s’investir sur ce plan doit d’abord définir le meilleur niveau pour intervenir : la ville, l’intercommunalité, le département ? Au-delà du périmètre, qui n’est pas la clé de la réussite, il convient avant tout de connaître parfaitement ses équipements et ses besoins. La charte ne requiert aucun formalisme particulier, l’essentiel étant que toutes les parties s’engagent dans une voie donnée. La charte peut être plus ambitieuse que la loi, mais pas moins. L’exemple de Tours illustre très bien la façon dont une collectivité s’est saisie du sujet, en organisant la concertation depuis trois ans, en tenant à jour un plan d’occupation des toits ou encore en interdisant le wifi dans les crèches.
Les moyens donnés par le texte aux communes et EPCI sont-ils suffisants pour faire le poids face aux opérateurs ?
Quelques chiffres
La moyenne nationale d’exposition aux rayonnements se situe à 1 volt/mètre (V/m unité de mesure de la force d’un champ électrique). Le seuil du point atypique pourrait se trouver au niveau de 6V/m. Ce sont les décrets d’application qui viendront le fixer de façon définitive.
Pour en savoir plus :
www.clubtechnique. fr/320857
L’Agence nationale des fréquences vient en appui des collectivités en leur remettant une carte à l’échelle communale des antennes-relais existantes. Par ailleurs, un outil comme Cartoradio (www.cartoradio.fr) leur permet d’avoir connaissance des niveaux de fréquence des ondes relevés sur leur territoire. Ces outils doivent aider les collectivités, plus que les désorienter. En définitive, je serai vigilante à ce que cette législation ne soit pas une complication supplémentaire, un frein à l’action publique. En ce sens, il faudrait par exemple envisager une aide de la part des services de l’État, ou une mutualisation des connaissances d’ingénierie entre communes et/ou EPCI.
Les sujets sur lesquels les collectivités doivent se mettre à jour sont nombreux. Comment les mobiliser sur le dossier des réseaux ?
S’investir dans la régulation du développement de la téléphonie mobile et des applications sans fil n’est pas quelque chose de compliqué. Cela ne demande pas de frais supplémentaires. Les décisions peuvent donc se prendre très vite. Ensuite, la question des réseaux peut remettre en cause les pratiques du secteur privé de la téléphonie, pas des acteurs publics ! Enfin et surtout parce qu’il faut voir cette loi comme une opportunité donnée aux communes et EPCI de se munir des outils adéquats lors de la réalisation de chantiers de ville. Les décrets d’application n’étant encore pas sortis, des précisions supplémentaires viendront encadrer tout cela et nous permettre « d’entrer dans du concret ». (1) Loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.