Techni.Cités#280
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février 2015
CE QU’ILS EN PENSENT
Propos recueillis par Noélie Coudurier
Les P+R sont-ils aussi profitables que ce que l’on prétend ? © P Varnaison
moins d’intérêt pour les automobilistes. Les parcs relais sont souvent fermés la nuit : ne pourraient-ils pas évoluer vers d’autres usages ? Quelle place accorder au rabattement à vélo ? Me vient en tête l’exemple de la communauté urbaine de Strasbourg qui a ainsi ouvert certains parcs relais aux résidents du centre-ville, pour qu’ils y parquent leur véhicule et contribuent encore plus à libérer de l’espace public dans le centre, tout en ayant facilement accès à leur véhicule via le réseau de transports collectifs. (1) « Les parcs relais urbains – étude bibliographique », Emmanuel Perrin du Cete de Lyon, Certu 2010.
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L
orsque j’ai commencé à m’intéresser de plus près à l’intermodalité, je me suis aperçu que nous disposions d’assez peu d’éléments quantitatifs sur les parcs relais. J’ai donc entrepris de réaliser une étude à partir des chiffres de 2010 collectés en Suisse, d’après le microrecensement mobilité et transSÉBASTIEN port. Ces données présentaient l’avanMUNAFO tage d’être géocodées, et de représenDOCTORANT AU LABORATOIRE ter 62 000 répondants (pour retrouver DE SOCIOLOGIE URBAINE DE L’ÉCOLE l’étude, rendez-vous sur : POLYTECHNIQUE www.clubtechnique.fr/320711). DE LAUSANNE En 2010, la solution P+R représentait 1,1 % des déplacements de la population suisse, soit l’équivalent du cumul des déplacements en vélomoteur, trottinette et roller. Et par rapport à 2005, cela n’a pas augmenté significativement malgré les efforts politiques et de planification. En comparaison aux trajets effectués à pied, en voiture ou en train, la solution P+R reste donc marginale, même si elle présente tout de même l’avantage de favoriser le report modal. © Alain Herzog
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n analysant les travaux réalisés sur les parcs relais urbains (P+R) (1), nous nous sommes aperçus que ces parcs suscitaient des interrogations quant à leur intérêt, mais que nous manquions de recul et en particulier d’évaluations de projets pour pouvoir dresser un bilan plus complet. Les parcs relais ont PATRICIA VARNAISON- tout d’abord été envisagés comme un moyen d’augmenter et optimiser la clienREVOLLE tèle d’un axe lourd de transports collectifs. CHEF DU DÉPARTEMENT Mais les parcs relais peuvent coûter cher à DÉPLACEMENTS DURABLES, CEREMA la construction et à l’exploitation lorsqu’ils sont en ouvrage. On peut alors effectivement se demander quel est leur réel intérêt et à qui ils profitent. Si on se place du point de vue de la clientèle des transports collectifs, la part de la clientèle qui s’est garée sur un parc relais restera faible, même avec beaucoup de places de stationnement. Par exemple à Lyon, il y a environ 2 500 places sur cinq parcs relais autour de la ligne D du métro, ce qui est faible par rapport aux plus de 250 000 voyages par jour sur cette ligne, et encore plus par rapport aux 4 millions de déplacements quotidiens sur l’agglomération. Mais si on se place du point de vue des services de la ville, si 2 500 voitures sont garées en périphérie de Lyon dans des parcs relais, ce sont autant d’espaces en moins occupés par des voitures dans le centre de l’agglomération. Ensuite, on nous pose très souvent la question de savoir si la création d’un parc relais ne favorise pas le phénomène de périurbanisation, en incitant la population à aller se loger plus loin, car elle dispose d’un accès facile à un parc relais. En fait, il est très difficile de conclure sur une telle question, du fait que la périurbanisation relève de bien d’autres facteurs que les seuls transports, notamment du coût du foncier pour trouver un logement. Plus largement, on peut aujourd’hui se poser la question de l’avenir et de l’évolution des parcs relais existants. Compte tenu de l’élargissement des bassins de vie, certains parcs relais se situent aujourd’hui dans les zones congestionnées et ont donc
Cependant, elle
s’appuie sur des paradigmes en inadéquation avec certaines tendances en matière de mobilité, ce qui explique peut-être son faible succès. Le P+R a été imaginé pour les trajets domicile-travail. Or c’est le motif « loisirs » qui représente le plus de déplacements, avec des horaires et des lieux variables. Par ailleurs, les parcs relais ne s’envisagent qu’à travers des trajets aller-retour, avec un point fixe pour y laisser la voiture. Mais la réalité des déplacements est tout autre : les usagers ont des loisirs, des enfants à récupérer à mi-chemin, des courses à faire, un repas au restaurant, etc. Un 3e déplacement est quasi systématique. Les P+R peuvent aussi avoir des effets indésirables. Par exemple en Suisse, certains centres secondaires disposant de parcs relais ont connu des problèmes de congestion qu’ils ne connaissaient pas auparavant. En outre, beaucoup de parcs relais souffrent d’un manque de desserte en tram/train car il n’y a plus un seul centre, mais plusieurs. Cependant, le mécanisme n’est pas exponentiel. Enfin, la solution du P+R est imaginée pour la destination, mais ne revient pas sur la desserte du lieu du domicile. Or, c’est certainement là qu’il y a des choses à mettre en place ! Dans un sens, le P+R encourage l’étalement urbain plus qu’il ne le restreint, en rendant la voiture pertinente. En définitive, nous pouvons donc nous demander s’il est vraiment intéressant de tout miser sur les P+R. La vraie intermodalité est sûrement à rechercher du côté du tram/train et de la marche. Cette intermodalité croît, en Suisse et ailleurs. L’intermodalité incluant la voiture n’est, à mon sens, pas la plus intéressante.
02/02/15 17:02