L'assouplissement du transport par car peut-il mettre en péril le ferroviaire?

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Techni.Cités#278

décembre 2014

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actus

ce qu’ils en pensent

L’assouplissement du transport par car peut-il mettre en péril le ferroviaire ? © FNAUT

La libéralisation du transport par car est prématurée : elle doit être précédée d’une forte amélioration de la qualité de service et de la productivité du système ferroviaire. Enfin, troisième erreur du ministre, la libéralisation du transport par car va menacer la pérennité des services ferroviaires existants, déjà fragilisés par la concurrence de l’avion à bas coût, de l’autocar caboteur (Eurolines, iDBus) et du covoiturage. Or, lors des transferts sur route de services TER ou Intercités, on observe un retour d’une partie des voyageurs à la voiture, évidemment contraire aux objectifs de la loi sur la transition énergétique. La libéralisation du transport par car est prématurée : elle doit être précédée d’une forte amélioration de la qualité de service et de la productivité du système ferroviaire. Il ne s’agit pas de limiter l’offre à quelques axes à fort trafic mais de valoriser tout le réseau ferré classique. La libéralisation du transport par car doit être régulée par l’État et les régions afin d’éviter une concurrence train-car stérile ; et il faut introduire auparavant la concurrence dans le secteur ferroviaire, sous forme de délégation de service public comme en transport urbain ou départemental, afin de provoquer une amélioration des services et une baisse des coûts de production et des prix du train.

A

ujourd’hui très réglementé, le transport de passagers par autocar n’est autorisé que dans le cadre d’un trajet international, afin notamment de ne pas concurrencer les liaisons en train, financées majoritairement sur fonds publics par le contribuable. Les régions souhaitent, comme le gouverneJean ment, offrir aux Français tous les choix de Auxiette mobilité possibles, à des tarifs abordables, président de pour répondre à leur demande croissante la région Pays de la Loire, et de de déplacements, notamment à destinala commission tion des jeunes. Cela appelle à une vraie Infrastructures et transports de politique de mobilité intermodale, décidée l’ARF (association par les régions, dont le TER constituerait des régions de France) la colonne vertébrale. Justement, l’organisation des services de mobilité devrait être largement simplifiée grâce au projet de loi de clarification des compétences des collectivités territoriales qui prévoit de transférer aux régions l’organisation des services de transports routiers interurbains, relevant aujourd’hui des départements. Néanmoins, cette évolution, qui se traduira par un report modal vers la route, sera lourde de conséquences structurelles, à la fois pour le secteur ferroviaire et par rapport à la place de l’automobile dans les territoires. En effet, cela réinterroge fondamentalement le modèle économique du ferroviaire, déjà fragile à cause du manque de financements publics, d’une © Ouest Médias

M

onsieur Macron ne connaît pas le secteur des transports. Contrairement à ce qu’il affirme, le train n’est pas huit à dix fois plus cher pour le voyageur que le car mais deux fois en moyenne, et un « pauvre » peut souvent trouver des tarifs TGV, Intercités ou TER compétitifs avec ceux du car et du Jean Sivardière covoiturage s’il accepte des contraintes horaires. Cette erreur est regrettable, elle président accrédite l’idée fausse que le train est toude la FNAUT (Fédération jours cher, donc fait pour les riches, et que nationale l’autocar est le transport des « pauvres ». des associations d’usagers des Des liaisons routières sont nécessaires transports) sur les itinéraires à courte distance actuellement non desservis par le train. Mais, c’est la deuxième erreur du ministre de l’Économie, l’autocar n’est pas fait pour assurer des déplacements longue distance. Il offre un confort très inférieur à celui du train : l’espace intérieur disponible est de 0,5 mètre carré par voyageur, deux fois moins que dans le train. Sa capacité limitée ne lui permet pas d’absorber les pointes de trafic. Il est soumis aux aléas de la circulation routière en zones urbaines.

Cette évolution, qui se traduira par un report modal vers la route, sera lourde de conséquences structurelles, à la fois pour le secteur ferroviaire et par rapport à la place de l’automobile dans les territoires. dette abyssale, d’une faible productivité de SNCF et de RFF, d’une baisse de fréquentation, pour partie déjà sous l’effet du covoiturage, et d’une baisse des recettes. Les régions seront vigilantes à ce que les choix du gouvernement en faveur de la libéralisation des liaisons par autocar ne puissent se faire au détriment de l’action menée en faveur des TER depuis de longues années. En tant que futures autorités organisatrices de la mobilité au niveau du territoire régional, elles doivent décider elles-mêmes d’autoriser ou non les dessertes par autocar impactant directement les TER. Enfin, cela interroge sur la cohérence de la politique des transports de la France : celle-ci privilégie la concurrence du rail par la route, plutôt que la concurrence au sein du mode ferroviaire.


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