PERSPECTIVES Par Noélie Coudurier
L’ESSENTIEL • La note d’analyse émet trois propositions : une concertation entre tous les acteurs concernés et l’émergence de pistes d’actions ; l’attribution de compétences adéquates aux AOT pour coordonner les actions ; l’incitation au développement de pratiques innovantes. • Le dernier kilomètre est proportionnellement le plus onéreux, sur le prix final d’une marchandise (environ un tiers du prix). • La Loti ne permet pas aux transporteurs urbains de voyageurs d’être également des opérateurs de transport de marchandises, sauf à créer une filiale dédiée.
14
Le dernier kilomètre : encore du chemin à parcourir
S’
intéressant à la façon d’acheminer au mieux les flux de marchandises qui entrent, sortent et circulent dans la ville, la logistique urbaine essaie désormais de peser dans le débat en proposant des solutions nouvelles afin de rendre compétitive la filière dans son ensemble et de réduire les impacts associés. Souff rant d’un désintérêt chronique, de lacunes en matière de planification et de réglementation mais également de contraintes foncières, la logistique urbaine tire aujourd’hui profit de plusieurs facteurs de déstabilisation (hausse des prix de l’énergie, émissions polluantes en augmentation, objectifs du Grenelle) et oblige les différents acteurs à appréhender le problème de congestion urbaine. 20 % du prix de transport global étant imputé à la logistique urbaine, et entre 9 et 15 % des déplacements en ville relevant du transport de marchandises, il semble donc urgent de s’emparer localement du sujet, si l’on se réfère à la note publiée par le Centre d’analyse stratégique (CAS) (1).
2000 (2), que la thématique consacrée au transport de marchandises en ville est introduite dans les plans de déplacements urbains. Une aubaine, certes, mais en réalité le sujet est peu traité par les PDU, et souvent de façon partielle. Quant à l’organisation globale des transports sur le territoire, elle est le fait des autorités organisatrices de transports, mises en place en 1982 par la loi Loti. Toutefois, Dominique Auverlot, du CAS, nuance leur importance : « Des progrès énormes ont été faits en matière de transport de voyageurs comme le recul de la voiture individuelle ou la promotion des modes doux. Mais les AOT devraient également décliner leurs compétences sur le transport de marchandises et se sentir investies de cela en créant par exemple un droit de préemption urbain pour dégager du terrain nécessaire aux espaces logistiques communs ». Un sentiment également partagé par Bertrand Theys, chargé de mission au Predit, qui espère, tout comme le Gart, une adaptation de la législation pour permettre aux AOT d’avoir la main sur tout une palette de services en matière de transport de marchandises. En attendant, son discours est ferme : « Nous n’allons pas pouvoir nous contenter de bricolages cette foisci » affirme-t-il.
S’aider d’hier pour mieux agir demain « Nous avons été réticents à nous intéresser au transport de marchandises et au dernier kilomètre, confie Dominique Auverlot, chef du département développement durable au Centre d’analyse stratégique. Le thème était sur la table depuis 40 ans mais il restait encore beaucoup de choses à faire : généraliser les expérimentations locales fructueuses, concevoir un véritable cadre réglementaire, exploiter la révolution numérique pour innover ». Un sentiment partagé par Danièle Patier, chercheur associé au Laboratoire d’économie des transports. Pour elle, la question du transport de marchandises n’est pas une « affaire d’État » mais plutôt un sujet dont doivent se saisir les collectivités, regroupées et aidées d’autres décideurs. Jusqu’à la fin des années 1990, seules quelques « mesurettes » viennent poser les jalons du transport urbain de marchandises. C’est véritablement par des lois, en 1996 puis en
Le Grand Lyon, Lyon Parc Auto et les Transports Deret ont inauguré le premier Espace logistique urbain en plein centre-ville de Lyon. Il servira en « cross docking » c’est-à-dire pour transfert immédiat de marchandises, sans stockage. Des véhicules électriques prennent ensuite le relais.
Transports Deret
Victime de piétinements ces quarante dernières années, la question de la logistique urbaine refait timidement surface, certains décideurs – comme les collectivités territoriales, transporteurs, chambres de commerce, gestionnaires d’infrastructures, fédérations d’entreprises – se saisissant courageusement du sujet.
T ECH N I . CITÉ S n ° 2 3 0 • 2 3 m a i 2 0 1 2
Perspectives.indd 14
15/05/12 14:39