LES TRESORS DE L'OXUS

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Nous convenons le trajet pour 200 somoni pour trois ; le policier en uniforme, qui s’appelle Kolia décide de venir avec nous sans que nous sachions au départ pourquoi. Les sacs embarqués dans la Marschrutka, où nous sommes heureusement que sept, nous partons. Il y a entre autre parmi nous, à côté du chauffeur, un jeune adolescent préposé à l’alimentation en eau du radiateur : il doit mettre de l’eau dans un tuyau relié au radiateur. C’est là une des caractéristiques que possèdent nombre des véhicules chargés d’affronter les pistes montagneuses de ce pays. La remontée de la vallée de la Shakhdara en aval du chef lieu du district, Khostqala, est déjà pour nous un soulagement. Jamais nous n’avons été si proche du but. Les montagnes prennent de la hauteur et nous sentons que le début de l’ascension est proche. Arrivés à Khostqala, à environ la moitié du parcours le chauffeur décide d’une pause. Il est relativement tôt, à peine 10 heures et notre petit groupe se retrouve dans une des nombreuses « tchay khana », littéralement maison de thé, ou nous prenons notre repas. On nous sert d’abord un bouillon aux oignons, le pain « nan » est du jour et il est délicieux. Il y a du « Kéfir », sorte de yaourt liquide assez acide et le thé, qui n’est servi qu’à la fin. Pendant ce repas reposant, nous faisons connaissance avec les uns et les autres, dans un sabir de russe et de persan. Alors que nous prenions ainsi du bon temps, nous ne nous doutions pas que notre sort allait se jouer peu après. Ignorant tout repos, la machine bureaucratique nous rattrapait. En partant pour rejoindre notre moyen de locomotion, nous croisons deux jeunes hommes que nous saluons et qui se révèlent être des policiers. Ils nous conduisent aussitôt au poste local, vieux bâtiment datant probablement de l’ère soviétique. Là le contrôle de nos passeports et visas, sous l’autorité de celui qui doit être le commissaire de police local, commence aussitôt. Sur les permis GBAO de Nicolas et le mien n’est pas clairement inscrit le nom du district où nous sommes, Khostqala. Ils considèrent donc que nous sommes en infraction et que nous devons rentrer à Khorog. Ils inscrivent nos noms dans leur registre, un cahier d’écolier. Pendant un court instant, je suis convaincu que c’en est fini de notre expédition. Une discussion s’engage entre les policiers et Kolia, le policier toujours en uniforme qui nous accompagne depuis Khorog. Nous n’arrivons pas à suivre ce qu’ils disent et nous ne sommes pas du tout rassurés. Finalement, ils nous laissent repartir vers notre voiture, mais nous ne savons rien de notre avenir proche ou lointain. Va t-on continuer en remontant la vallée ou devrons nous redescendre ? C’est Kolia qui a la réponse à nos interrogations. Nous pourrons continuer mais il va devoir intervenir pour nous éviter une grosse amende si nous sommes contrôlés une nouvelle fois. Il veut pour cela 50 somoni par personne. En clair, nous devons payer un Bakchich. Le premier. La somme ne m’apparaît pas comme élevée et je suis tout heureux lorsque nous repartons de m’en tirer finalement pour si peu. En tout cas pas de doute, c’est l’Orient… Nous continuons donc à suivre la Shakhdara, qui coule en contrebas de la route, une piste caillouteuse comme en trouve tant dans les Alpes. Quelques pauses nécessaires pour remplir le radiateur du véhicule d’eau ou pour prendre une collation chez l’habitant nous permettent d’apprécier le paysage qui nous attend plus loin. Nous nous arrêtons à un hameau où Kolia part et revient après avoir abandonné son uniforme. Il amène ses parents qu’il nous présente. Ainsi s’explique le fait qu’il soit venu avec nous. Il est originaire de la vallée mais n’est jamais allé, c’est lui qui le prétend, au village que nous devons rejoindre. C’est peut être vrai car l’existence que les gens mènent ici est semblable à celle des habitants des Alpes françaises au début du siècle dernier et comme eux, ils regardent leur salut vers le bas, en direction des villes, de la civilisation et pas vers les montagnes qui les dominent.


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