Une manifestation d’art par Emmanuel Guichard, délégué général de la FEBEA P. 3
RENCONTRE
AVEC EMMANUEL BRÉON « 2025 sera un grand moment pour fêter l’Art déco ! »
propos recueillis par Anne-Sophie Hojlo P. 5
Années folles, l’âge d’or olfactif
par Yohan Cervi P. 9
L’Exposition de 1925, un nouveau départ pour la parfumerie française ?
par Tristan Hinschberger P. 13
L’avènement d’une parfumerie « artistique »
par Tristan Hinschberger P. 17
Les années 1920 en cinq parfums
par Yohan Cervi et Anne-Sophie Hojlo P. 20
RENCONTRE
AVEC FRANCIS KURKDJIAN ET CALICE BECKER
De la reconnaissance du métier de parfumeur
propos recueillis par Clément Paradis P. 22
1925 – 2025
« Pour moi, le parfum appartient aux arts décoratifs […]. Il n’a pas de fonction, mis à part être objet de désir, et offre de plaisir. »
Ainsi s’exprimait le parfumeur Jean-Claude Ellena il y a quelques années dans un numéro de la revue Nez, attestant de l’appartenance de sa discipline à une pratique artistique. Car si le parfum n’a d’autre fonction que celle de procurer du plaisir et du bien-être, il possède indéniablement une valeur esthétique, que Nez met un point d’honneur à défendre et à valoriser dans toutes ses publications depuis près de dix ans.
L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, dont on célèbre cette année le centième anniversaire, conviait pour la première fois des marques à présenter leurs parfums au grand public. Cet événement marquera le début d’une longue histoire de créativité, de savoir-faire et de rayonnement mondial, qui ne cessera de se déployer et dont le marché garde encore aujourd’hui l’empreinte.
Nez est heureux de contribuer à la commémoration de cette exposition en invitant ici différentes voix – organisation professionnelle, parfumerie, recherche – pour en révéler toutes les facettes.
Jeanne Doré, rédactrice en chef de Nez
Une manifestation d’art
En 1923, les membres du Syndicat de la parfumerie française, ancêtre de la FEBEA1, décidaient de présenter, ensemble, leurs parfums dans un pavillon indépendant lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris. Porté par le président de cette organisation, le parfumeur Robert Bienaimé, ce projet visait à démontrer la place centrale de la parfumerie parmi les industries de luxe françaises, « où se manifestent la mesure et le goût2 ».
Deux années plus tard, le pavillon sera bien présent lors de l’inauguration de cette manifestation d’envergure. La parfumerie est dès lors érigée en un art complet, trouvant un écho particulier dans l’architecture même du pavillon et le style Art déco de l’exposition. Cette présence au sein de l’événement est un marqueur incontestable de l’histoire de la parfumerie, mais il est aussi source de modernité, comme en témoignent les publications de l’époque qui nous surprennent par leur adéquation avec les enjeux de la parfumerie d’aujourd’hui : « Composer un parfum est une manifestation d’art plus encore qu’un travail scientifique ; composer un parfum c’est, avec les éléments odorants, créer
Emmanuel
une œuvre analogue au tableau du peintre avec les couleurs, à la phrase harmonieuse du compositeur avec les notes3. »
Dans le catalogue officiel du pavillon, Robert Bienaimé conclut ainsi son édito : « Cette date de 1925 […] doit être considérée aussi comme un point de départ vers les progrès qui attendent encore dans l’avenir les œuvres de cette grande industrie française. »
Aujourd’hui, le parfum est un emblème du soft power à la française : reflet de l’excellence, il démontre la force de l’industrie, son innovation et son influence à l’international. Le souhait de Robert Bienaimé semble s’être exaucé. À mon tour, je souhaite que 2025 ne soit qu’une étape dans le rayonnement de la parfumerie française. Rendez-vous en 2125 !
1. La Fédération des entreprises de la beauté est le syndicat professionnel des fabricants de produits cosmétiques.
2. Extrait de sa lettre du 29 janvier 1923 à Fernand David, commissaire de l’exposition.
3. Extrait de l’édito de Robert Bienaimé, in La Parfumerie française à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, catalogue d’exposition présenté par La Revue des marques de la parfumerie et de la savonnerie, décembre 1925.
Guichard, délégué général de la FEBEA
Page 2
Vitrine centrale du pavillon dédié à la parfumerie, surmontée de la fontaine de Lalique, en 1925.
Ci-contre Boutique Florina sur le pont Alexandre III, qui constituait la galerie des boutiques.
EMMANUEL BRÉON
« 2025 sera un
grand moment pour fêter l’Art déco ! »
Propos recueillis par Anne-Sophie Hojlo
Commissaire de l’exposition qui célèbre les 100 ans de l’événement au musée des Arts décoratifs de Paris à partir du mois d’octobre, ancien conservateur en chef à la Cité de l’architecture et du patrimoine et fondateur de l’association Art déco de France, Emmanuel Bréon retrace la genèse et l’héritage de l’Exposition de 1925. Rencontre.
Dans quel contexte est organisée l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 ?
Après la Première Guerre mondiale, la France est en pleine confiance et décide de montrer
au monde ce qu’elle sait faire. Ce qu’on appellera par la suite le « style Art déco » existe déjà en réalité : c’est lui qui caractérise la reconstruction des villes du nord du pays dévastées par les combats comme Saint-Quentin, Reims, Arras ou Lille. Mais, comme souvent, la France a mis du temps à s’organiser. L’Exposition de 1925 est un aboutissement et l’occasion de montrer ses muscles !
Les arts décoratifs sont alors un commerce très florissant, tout comme la joaillerie et la parfumerie.
Quelle place occupe cette dernière lors de l’Exposition ?
C’est un événement éminemment commercial, tourné vers l’étranger, et la parfumerie participe pleinement de ce chic et de ce glamour français qui se vendent de par le monde. Dans les années 1920, ce sont les maisons de couture qui font rayonner le parfum : Paul Poiret avec Les Parfums de Rosine, Jean Patou ou encore Jeanne Lanvin, présente au pavillon
de l’élégance, où elle expose son fameux flacon boule noire au bouchon doré, créé par son décorateur fétiche Armand-Albert Rateau. La parfumerie n’a pas de pavillon unique à proprement parler, mais on lui attribue un espace au sein du Grand Palais. On y trouve de très grandes vitrines rectangulaires disposées en étoile, mais le plus marquant est le décor qui les surplombe : une sculpture de verre monumentale imaginée par René Lalique, en forme de jet d’eau, un motif décoratif très en vogue à l’époque.
Comment l’Exposition est-elle reçue ?
Elle intéresse le monde entier et marque véritablement les esprits. Les pavillons français impressionnent : celui du collectionneur décoré par Jacques-Émile Ruhlmann, celui de la manufacture de Sèvres, celui de l’ambassade qui montre au travers de la décoration complète d’une ambassade les travaux des décorateurs français, notamment ceux réalisés par des grands noms comme Albert Laprade,
Auguste Perret, Robert Mallet-Stevens… L’Exposition est visitée par des délégations venues par exemple des États-Unis, qui n’avaient pas de pavillon, pour observer ce qui se passe à Paris. Dès 1926, des objets français seront présentés dans de grands magasins américains comme Macy’s et dans le cadre d’une exposition qui fera le tour du pays.
Quel est l’héritage de cet événement en 2025 ?
On a longtemps dit du mal du style Art déco. Quand j’ai pris la direction du musée des Années Trente à Boulogne-Billancourt dans les années 1990, mes collègues parisiens me regardaient comme un vrai has been ! Puis la période est revenue au goût du jour, et aujourd’hui on la considère comme glamour et visionnaire. 2025 sera un grand moment pour fêter l’Art déco. Il ne faut pas oublier que dans chaque pays ou presque, il existe une « Art Deco Society » : l’Exposition de 1925 a imprimé sa marque jusqu’en Nouvelle-Zélande ! •
Ci-dessus Carte postale montrant l’esplanade des Invalides, Paris, 1925.
Ci-contre Affiche officielle de l’Exposition réalisée par l’illustrateur Robert Bonfils.
Ci-contre
Vitrine des Parfums de Rosine, maison créée par Paul Poiret, installée au sein du pavillon de la parfumerie.
ANNÉES FOLLES, L’ÂGE D’OR OLFACTIF
Par Yohan Cervi
Au sortir de la Première
Guerre mondiale, la société souhaite tourner la page. La période qui émerge, marquée par un renouvellement économique, culturel et artistique, sera grisante.
Durant dix années que l’Histoire qualifiera de « folles », l’activité économique est florissante, portée par le développement de l’automobile, de l’aviation, du pétrole, de l’électricité et de l’électroménager, même si les inégalités sociales demeurent immenses. Paris est alors la ville de toutes les avant-gardes.
Paris, ville des avant-gardes
Intellectuels et artistes, André Breton, Man Ray, Amedeo Modigliani et Pablo Picasso en tête, délaissent Montmartre et font de Montparnasse le nouveau quartier à la mode.
Le cubisme et le surréalisme s’imposent. Fuyant la prohibition, les Américains débarquent dans la Ville lumière, portant avec eux le jazz et le swing. Joséphine Baker triomphe au théâtre des Champs-Élysées, à une époque marquée par l’idéologie coloniale et le fantasme exotique, et symbolise une forme de libération sexuelle qui exalte Paris. Les années 1920 marquent également les prémisses d’une émancipation féminine, résultant de l’autonomie acquise durant la guerre suite au départ des hommes pour le front. Taille basse, cheveux courts, jambes dévoilées, corset envolé : la garçonne, figure de la décennie, exprime cette nouvelle indépendance.
L’Art déco succède à l’Art nouveau, le musichall remplace le café-concert et la radio devient le vecteur d’une culture de masse.
Âge d’or créatif
Naturellement, la parfumerie française est très vite influencée par cette effervescence : elle est en état de grâce. Elle connaît un
Les
sillages se font alors de plus en plus troublants, complexes et sophistiqués.
âge d’or et s’exporte massivement, notamment vers le reste de l’Europe et l’Amérique du Nord. Les grandes maisons déploient des parfums oniriques, empreints d’exotisme et d’évasion, dans une société occidentale fascinée par l’Orient et l’Extrême-Orient. Les formes olfactives évoluent peu à peu : les parfumeurs maîtrisent pleinement et emploient massivement les ingrédients de synthèse découverts à partir de la seconde moitié du xixe siècle, leur permettant de rompre avec les schémas figuratifs hérités de l’Ancien Régime. Les sillages se font alors de plus en plus troublants, complexes et sophistiqués. Ils expriment des effluves abstraits pour que chacun puisse projeter sa propre image. Le « beau naturel » a fait place au « beau artistique ». L’élite économique, sociale et intellectuelle, qui constitue alors l’essentiel de la clientèle, est sensible à ces changements et garantira le succès pérenne de nombreuses créations avant-gardistes. L’époque est également marquée par la montée en puissance du phénomène des couturiers parfumeurs. Si Paul Poiret et ses Parfums de Rosine, lancés dans les années 1910, peinent à s’imposer, l’aventure de Gabrielle Chanel sera triomphante. Elle est la première à associer directement son nom à celui d’une fragrance et d’une marque de parfums. Avec le parfumeur Ernest Beaux, ils imaginent, en 1921, No 5 . Cette fragrance à l’abstraction aboutie mêle les plus beaux naturels aux aldéhydes, nouveaux composés de synthèse dont les
tonalités zestées et métalliques amplifient la dimension complexe de la fragrance. Le parfum inaugure la lignée des floraux aldéhydés et, dans le sillage de Chanel, d’autres couturiers se lancent dans l’aventure olfactive durant la décennie : Jeanne Lanvin et Worth, à partir de 1924, ou Jean Patou, en 1925, souvent avec succès. À travers des compositions comme Émeraude de Coty (1921) ou
Shalimar de Guerlain (1925), les grands parfums ambrés connaissent un élan considérable et symbolisent une dimension charnelle et sensuelle, loin de l’image chaste de la « femme fleur » du siècle précédent. Les parfums cuirés, tels Tabac blond de Caron (1919) et Cuir de Russie de Chanel (1928), expriment également à merveille cette nouvelle féminité affranchie.
De cette époque foisonnante, fondamentale dans l’histoire moderne du parfum, certaines créations avant-gardistes ont su traverser le temps et les modes pour nous parvenir, en demeurant des références, portées, aimées, admirées. Peut-être parce que ces Années folles, si audacieuses, continuent de véhiculer leur part de rêve et de nourrir un puissant imaginaire collectif. •
Ci-contre Publicité pour le parfum
Dans la nuit de Worth, parue dans le magazine Art, Goût, Beauté, en juillet 1927.
L’EXPOSITION
DE 1925
Un nouveau départ pour la parfumerie française ?
Par Tristan Hinschberger
L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 trouve son origine dans les réflexions menées dès le début du xxe siècle : à la suite du succès de l’Exposition universelle de 1900 organisée à Paris, les premières discussions autour de la création d’une édition spécialisée en France voient le jour dès 1906.
Initialement prévue pour 1915, puis reportée à l’année suivante, la rencontre est finalement annulée en raison du déclenchement de la Première Guerre mondiale
en 1914. Les concertations reprennent après l’armistice. Programmé pour 1922, l’événement ouvrira finalement ses portes le 28 avril 1925.
Genèse et ambitions de l’Exposition
La rencontre, qui dure huit mois et s’achève en octobre 1925, s’étend de l’esplanade des Invalides au Petit et au Grand Palais, couvrant une superficie de 23 hectares. Plus de quinze mille exposants de dix-huit nationalités y présentent leurs savoir-faire au sein d’une centaine de pavillons, qui attirent près de six millions de visiteurs. Comme le veut le règlement des expositions universelles, l’organisation interne est hiérarchique : à l’Exposition de 1925, on dénombre cinq groupes (architecture, mobilier, parure, arts du théâtre de la rue et des jardins, enseignement) divisés eux-mêmes en plusieurs classes plus spécialisées. La parfumerie occupe par exemple la classe 23 du groupe III de la parure, qui comprend également celle du vêtement (20),
Ci-contre Stand de la maison D’Orsay, imaginé par les architectes Louis Süe et André Mare.
1. « À propos des expositions spécialisées », site du Bureau international des expositions [en ligne].
2. Fabienne Fravalo, « L’Hôtel du collectionneur – pavillon
Ruhlmann », site L’Histoire par l’image, décembre 2009 [en ligne].
3. Règlement général – Première Exposition internationale des arts décoratifs modernes, Turin, avril-novembre 1902.
des accessoires du vêtement (21), des modes, fleurs et plumes (22) ainsi que de la bijouterie et joaillerie (24). Chaque classe possède un jury indépendant qui décerne les récompenses aux différentes maisons et industries qui la composent.
Contrairement à l’Exposition universelle de 1900, qui se voulait être le « bilan d’un siècle », celle de 1925 se veut spécialisée, c’est-à-dire « conçue pour répondre à un défi précis de l’humanité1 ». La rencontre est à l’origine pensée comme un manifeste reposant sur deux objectifs distincts mais complémentaires. Le premier veut mettre en lumière la supériorité technique des industries d’art de chaque pays dans un contexte de grande concurrence européenne, accrue par la montée des nationalismes. S’inspirant du succès de l’Exposition des arts décoratifs de Turin de 1902, la rencontre vise à « redonner à Paris un
rôle central en matière d’arts appliqués par la promotion d’un style moderne français et des industries de luxe2 ».
Le second objectif est la promotion, à une échelle européenne et internationale, d’un nouveau style décoratif, déjà en plein essor depuis les années 1910. Ainsi, suivant l’exemple de l’Exposition spécialisée de 1902 qui n’acceptait « que les ouvrages originaux qui montreront une tendance bien marquée au renouvellement esthétique de la forme » et refusait « les imitations d’anciens styles et les productions industrielles dénuées d’inspiration artistique3 », celle de 1925 encourage une nouvelle expression décorative cherchant à concilier production esthétique et utilitaire.
Le pavillon de la parfumerie, une première pour l’industrie
La parfumerie, alors en profonde mutation depuis le milieu du xixe siècle grâce à l’amélioration des moyens de production et la découverte de nombreux composés de synthèse, est l’une des industries les mieux à même de témoigner du dynamisme et de la modernité des productions françaises. C’est pour cette raison qu’en 1923, le conseil d’administration du Syndicat de la parfumerie, par l’intermédiaire de son président et parfumeur de renom Robert Bienaimé, obtient de Fernand David, commissaire général de l’exposition, l’accord pour ériger un pavillon spécifique à la discipline. Le Syndicat de la parfumerie avait lui-même été fondé en 1890 par les membres du comité d’admission de la classe de la parfumerie à l’Exposition universelle de l’année précédente.
Bien que la parfumerie obtienne une classe spécifique dès l’Exposition universelle de 1867, lui permettant ainsi d’organiser son jury et ses récompenses de façon indépendante, elle n’expose, lors des manifestations suivantes, que de façon commune avec diverses autres industries auxquelles elle est souvent rattachée plus ou moins arbitrairement. Ainsi, lors de l’Exposition de 1878, elle expose par exemple
La parfumerie est en profonde mutation depuis
le milieu du xixe siècle.
au palais du Champ-de-Mars entre les bronzes d’art et l’orfèvrerie, rattachée au groupe du mobilier (ce qui étonne déjà les contemporains :
« Comment se fait-il que la parfumerie ait été classée dans le groupe du mobilier, alors que sa place véritable était indiquée dans le groupe du vêtement et de ses accessoires ? » se demandent les auteurs de l’ouvrage Les Merveilles de l’Exposition de 18784). En 1889, au Champ-deMars toujours, elle est présente dans l’enceinte du palais des Industries diverses, où elle partage un espace avec les industries de soierie, de draperie et du vêtement ; enfin, en 1900, elle possède une allée centrale dans le pavillon des fils, tissus et vêtements. Les produits manufacturés de parfumerie sont également invariablement exposés avec les matières premières jusqu’à l’Exposition de 1925.
Une architecture et un décor luxueux À cette date, ce pavillon indépendant est donc inédit. Conçu et édifié par les architectes Gilbert Raguenet et Camille Maillard, il regroupe, au sein du Grand Palais, trente-deux exposants sur une surface de 300 m2. Au milieu de cet édifice de forme octogonale est placée une sculpture en verre réalisée par le maître verrier René Lalique et sous laquelle sont disposées des vitrines accueillant les produits des différentes marques. Le décor du plafond, représentant les animaux et les plantes servant à la confection des fragrances, ainsi que le nom des maisons de parfumerie sont l’œuvre d’un peintre du nom d’Allioli sur lequel on ne possède aucune information. Enfin, sur les murs, tout autour de la salle, sont
créées des niches plus ou moins profondes qu’occupent d’autres maisons. Chacune de ces niches est le fruit du travail de décorateurs et d’architectes à la charge des maisons qui les investissent. Parmi celles qui exposent dans la classe 23 de la parfumerie, certaines sont centenaires ou quasi centenaires (Houbigant, Guerlain, L.T. Piver, D’Orsay…), d’autres ont à peine plus de vingt ans (Gabilla, Vigny…). Étonnamment, plusieurs parfumeurs présentent leurs créations en dehors du pavillon dédié à leur industrie. C’est le cas par exemple de Fontanis qui possède un pavillon particulier créé par l’architecte Éric Bagge dans le plus pur style Art déco, ou encore de Paul Poiret dont Les Parfums de Rosine, en plus d’occuper une vitrine dans l’étoile centrale du pavillon, sont présents dans les trois péniches Amours, Délices et Orgues amarrées à proximité du pont Alexandre III. Les raisons de ces évictions du pavillon commun sont mal connues, bien que, dans le cas de Poiret, cette décision semble être un choix artistique de sa part.
Dans ce pavillon, dont les formes architecturales et les décorations intérieures reflètent le goût émergent pour la pureté et la géométrie caractéristiques du style Art déco, les maisons vont exposer différentes créations qui permettront à la parfumerie contemporaine de devenir une forme d’art décoratif à part entière et de marquer un tournant pour cette industrie. •
Ci-contre Vue des trois péniches de Paul Poiret, amarrées près du pont Alexandre III.
4. Librairie illustrée, 1879.
L’avènement d’une parfumerie « artistique »
Dans un contexte de grande concurrence et de démocratisation des produits de parfumerie au tournant du xxe siècle, les parfumeurs contemporains cherchent à présenter leurs articles de manière innovante et esthétiquement attrayante.
By Tristan Hinschberger
Pour ce faire, ils s’adjoignent le concours d’artistes et de décorateurs indépendants plus ou moins réputés grâce auxquels les produits de parfumerie deviendront de véritables objets d’art décoratif.
Une architecture à l’image du goût de l’époque À cet égard, l’Exposition de 1925 permet pour la première fois de mettre en avant ces créations qui, présentées derrière des vitrines et ne pouvant être senties, acquièrent un statut nouveau en s’émancipant de leur seule vocation commerciale. Les styles décoratifs contemporains s’épanouissent sur les décors des flacons, étuis, étiquettes et autres habillages de parfums. Dans les années 1920, c’est le style qui sera par la suite nommé « Art déco » qui est le plus populaire auprès des parfumeurs. Bien que ce mouvement apparaisse avant la guerre, l’Exposition des arts décoratifs de 1925 symbolise l’apogée de ce courant esthétique voué à prendre, après la
Seconde Guerre mondiale, le nom même de cette exposition qui l’a, la première, structuré en un ensemble cohérent et révélé au grand public. Dans son décor même, le pavillon de la parfumerie est un exemple probant de l’usage récurrent de cette esthétique pour la présentation des parfums. Ainsi, la sculpture en verre de René Lalique qui trône au milieu de la pièce reprend le motif de la fontaine, emblématique de l’iconographie Art déco. L’ensemble du pavillon, épuré et dépourvu de tout encombrement, reflète l’agencement des magasins de vente contemporains. Les salons indépendants de chaque maison témoignent également de l’attrait de la parfumerie de cette époque pour ce style émergent.
Le stand de la maison L.T. Piver, par exemple, situé dans l’une des niches du pourtour du pavillon, est décoré par Louis Süe et André Mare, deux des architectes les plus représentatifs du mouvement Art déco. L’espace de présentation, surmonté d’une coupole Ci-contre Flacon de Soir de Paris de Bourjois, réalisé spécialement pour l’exportation.
dorée en forme de coquillage, reprend d’ailleurs le motif que le duo de décorateurs imagine pour habiller les produits de la gamme « Rêve d’or » de la marque. Ici, la simplicité et le minimalisme du motif de conque lié à l’utilisation de l’or, l’une des couleurs principales du style Art déco, témoignent d’un travail novateur inscrit dans l’esthétique contemporaine.
Les flacons Art déco
Ci-dessus
Flacon pour Sans
Adieu de Worth, inspiré des colonnes de la porte principale de l’Exposition. Coffret pour modèle de flacon
« Petit beurre » de Guerlain, dont le décor est inspiré de la fontaine de Lalique.
La forme des flacons de parfum elle-même est souvent représentative du goût ambiant pour la géométrie et la pureté des lignes et des couleurs. Ainsi, parmi les parfums présentés, certains se sont imposés comme des symboles du style Art déco. Trois d’entre eux semblent être des variations d’un même modèle tant ils se ressemblent. Le premier, Dandy de D’Orsay, a un flacon octogonal en cristal noir et étiquette d’or créé par le duo Süe-Mare. L’association du noir et de l’or, l’utilisation de formes géométriques simples
et l’absence de tout décor superflu sont des caractéristiques principales de ce courant. Louis Süe et André Mare vont longtemps collaborer avec la parfumerie D’Orsay pour laquelle ils aménageront notamment les salons de vente. Le second flacon est utilisé pour différents parfums de Madeleine Vionnet aux noms énigmatiques et présenté avec les créations de la couturière dans le pavillon de l’élégance. Imaginé par l’architecte Boris Lacroix, le verre noir aux arêtes saillantes, surmonté d’un bouchon en or fin, était utilisé aléatoirement pour les parfums A, B, C ou D lancés par la célèbre couturière. Dans une logique de simplicité et de minimalisme caractéristique de l’époque, nombre de parfums des années 1920 prennent un nom abstrait, dénué de toute référence au réel. On voit ainsi apparaître des parfums prenant pour nom une lettre (on retrouve, comme chez Madeleine Vionnet, des parfums A , B et C chez Lucien Lelong, cette fois complétés d’un N ) ; ou parfois même un simple numéro.
Si le No 5 de Chanel reste le plus célèbre d’entre eux, on note aussi la présence du Numéro cinq chez Molyneux, Double Cinq chez Alice Choquet et même Cinq, Triple Cinq chez Henri Bendel. Ici, l’abstraction du nom correspond à la sobriété, voire à l’austérité du design du flacon, inspiré d’une table à jeu du décorateur et sculpteur Jean Dunand pour l’appartement de Madeleine Vionnet. Enfin, le célèbre flacon boule imaginé par Armand-Albert Rateau pour Jeanne Lanvin est un autre très bel exemple de parfumerie artistique dans les années 1920. Le rapport de l’Exposition1 en fait une description particulièrement poétique : « [Lanvin] présentait des flacons qui, en noir, évoquaient la fragilité des bulles de savon, et que rehaussait une parure de figurines dorées et mates. Les mêmes récipients étaient traités aussi en couverte d’or avec figurines noires. »
La parfumerie orientaliste L’esthétique Art déco n’est cependant pas l’unique source d’inspiration des parfumeurs d’alors. L’orientalisme, avec sa vision idéalisée et stéréotypée du Proche et du MoyenOrient, imprègne les créations décoratives dès la fin du xixe siècle. De nombreux parfums empreints de cette influence figurent ainsi au sein du pavillon de 1925. C’est le cas notamment de Bleu de Chine d’Isabey, sorti en 1925 et siégeant dans un coffret ajouré de chaque côté. Un petit panneau coulissant permettait de révéler le parfum, placé au centre du coffret, au-dessus d’un socle à gradins. La présentation, fruit du travail du sculpteur Julien Viard, était censée montrer un sanctuaire au milieu duquel était placé le parfum en guise de relique. La face avant du coffret contient un dessin de divinité qu’on ne saurait précisément attribuer au panthéon hindou ou bouddhiste, illustrant ainsi la perception souvent approximative de ces cultures extraeuropéennes par les artistes de l’époque. Ce flacon sera présenté à l’Exposition de 1925, parmi une multitude d’autres inspirés
par les cultures asiatiques, africaines ou sud-américaines. L’une des marques les plus populaires de l’époque a d’ailleurs pour nom Ramsès et ne produit que des parfums contenus dans des flacons d’inspiration égyptienne !
La portée de l’Exposition
Cette exposition va également influencer la création de différents flacons de parfum plus ou moins célèbres. Les fontaines de Lalique, celle du pavillon de la parfumerie, mais aussi celle qu’il installe sur l’esplanade des Invalides, vont inspirer plusieurs étuis et étiquettes, à l’instar des modèles « Petit Beurre » chez Guerlain. Ce type de flaconnage, appelé de la sorte en référence à la forme crénelée du célèbre biscuit, apparaît vers 1916. Il est complété, après l’Exposition de 1925, par une étiquette et un étui inspirés d’une part par la fontaine du pavillon de la parfumerie et d’autre part par une grille en fer forgé du même pavillon, réalisée par le ferronnier Edgar Brandt. Un autre parfum dont la présentation est inspirée par la rencontre de 1925 est Sans Adieu de Worth. Réalisé en 1929 par Lalique, le flacon vert émeraude au design élancé et au bouchon pomme de pin reprendrait la forme des colonnes de la porte d’honneur de l’Exposition.
Le succès de l’Exposition de 1925 n’est plus à discuter. Pour l’industrie de la parfumerie, elle reste un moment d’apogée permettant de faire la synthèse des avancées stylistiques qui voient le jour au début du xxe siècle, et va profondément influencer les productions à venir. Ainsi, comme l’affirme l’historienne Eugénie Briot, « la parfumerie parisienne de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle se singularise par la richesse de ses créations en matière de flaconnage. Plus que toute autre industrie de cette époque, la parfumerie élève l’emballage de ses produits, et tout particulièrement son flaconnage, au rang des beaux-arts. L’Exposition des arts décoratifs de 1925 en marque la consécration2. » •
1. Lucien Graux, Exposition des arts décoratifs et industriels modernes, Rapport sur la parfumerie, classe 23, 1925.
2. Valérie Castera (dir.), De la Belle Époque aux Années folles, la parfumerie au tournant du XXe siècle, catalogue d’exposition [Musée international de la parfumerie, Grasse], Éditions Gilletta, 2016.
LES ANNÉES 1920
EN CINQ
PARFUMS
Qu’ils soient encore disponibles ou non, ces cinq parfums ont su capter l’air du temps et l’esprit d’une époque à la créativité foisonnante.
Par Yohan Cervi et Anne-Sophie Hojlo
RÊVE D’OR
Marque L.T. Piver
Parfumeur Louis Armingeat
Sortie 1889 (reformulation en 1925)
Fondée en 1774 sous le nom À la reine des fleurs, la maison rachetée par Louis-Toussaint Piver en 1813 est l’une des plus renommées des années 1920, grâce à ses grands succès comme Trèfle incarnat et surtout Rêve d’or, lancés à la fin du XIXe siècle. Ce dernier est inspiré par une variété particulière de roses aux pétales couleur caramel et crème. Son bouquet floral riche et opulent se teinte d’épices chaleureuses afin d’évoquer l’exotisme d’un Orient fantasmé. Créé sous la forme d’une cologne pour femme, Rêve d’or est reformulé plusieurs fois, notamment en 1925, et gagne alors une ouverture plus vive et pétillante grâce à l’emploi d’aldéhydes, en vogue à l’époque. A.-S.H.
DANS LA NUIT
Marque Worth
Parfumeur Maurice Blanchet
Sortie 1924
Si le nom de Worth semble quelque peu oublié aujourd’hui, la grande maison de couture fondée par Charles Frederick Worth, en 1858, jouit encore d’une grande notoriété durant les Années folles. L’année 1924 marque la création de la Société des Parfums Worth et, dans la foulée, de sa première fragrance, Dans la nuit. Contenue dans son beau flacon sphérique bleu nuit imaginé par Lalique, celle-ci s’inscrit parfaitement dans son époque et semble marcher sur les pas du No 5 de Chanel. Dans ce grand bouquet bercé par les aldéhydes, la rose, la violette, le jasmin et le narcisse s’épanouissent sur fond poudré, ambré et boisé chaleureux. Y.C.
SHALIMAR
Marque Guerlain
Parfumeur Jacques Guerlain
Sortie 1925
Cent ans après son lancement lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs, Shalimar demeure l’une des fragrances les plus importantes de la parfumerie et de son histoire contemporaine. Nommé d’après les jardins de Shalimar construits à Lahore, au Pakistan, au XVIIe siècle, ce grand parfum ne cesse de séduire par sa beauté et l’ampleur de ses nuances. Après une envolée de bergamote se déploie une forme ambrée des plus intenses, portée par les baumes, les résines et surtout l’éthylvanilline, merveilleux composant de synthèse à l’odeur vanillée très puissante. Quelques touches de rose et de jasmin aèrent son cœur, avant que l’ensemble ne se poudre à l’infini. Aujourd’hui encore, Shalimar brille par sa modernité et demeure un grand succès, porté par ses notes réconfortantes et son sillage à la sensualité unique. Y.C.
ARPÈGE
Marque Lanvin
Parfumeurs André Fraysse, Paul Vacher
Sortie 1927
Après quelques fragrances lancées à partir de 1923, Jeanne Lanvin souhaite dédier sa nouvelle création à sa fille Marie-Blanche, musicienne accomplie, pour son trentième anniversaire. Ce sera un grand floral aldéhydé, composé par les parfumeurs Paul Vacher et André Fraysse, dont le nom reflète le caractère harmonieux. Au sein de cette nouvelle famille olfactive, il se démarque notamment par un aspect fourrure affirmé. Le célèbre flacon, de pur style Art déco, est une boule noire ornée d’une gravure d’or qui représente la mère étreignant sa fille. Lancé en 1927, Arpège sera l’un des parfums les plus vendus en France jusque dans les années 1980. Y.C.
SOIR DE PARIS
Marque Bourjois
Parfumeur Ernest Beaux
Sortie 1928
Ce parfum doit en grande partie son immense succès international à son nom et à son flacon bleu nuit, symbolisant les mystères nocturnes d’une Ville lumière qui cristallise alors les désirs et les fantasmes du monde entier. Bourjois est à cette époque une entreprise de cosmétiques prospère et renommée, dirigée par Paul et Pierre Wertheimer. Composé par Ernest Beaux (le père du No 5 de Chanel), Soir de Paris va bercer des générations de femmes de ses effluves délicats. Là encore, les aldéhydes donnent le « la » à un bouquet floral voluptueux qui s’épanouit sur un lit moelleux d’ambre, d’héliotrope et de muscs. Y.C.
DE LA RECONNAISSANCE DU MÉTIER DE PARFUMEUR
Présentée dans un pavillon majestueux, la parfumerie française était à l’honneur au sein de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. Retour sur cet événement qui a transformé la profession avec Calice Becker et Francis Kurkdjian, parfumeurs et coprésidents de la Société internationale des parfumeurs-créateurs (SIPC). Témoignages.
Propos recueillis par Clément Paradis
Quelle place tient l’histoire de vos aïeuls dans votre travail aujourd’hui ?
Est-ce une chose à laquelle vous pensez quand vous créez un parfum ? francis kurkdjian Depuis les années 1980, les maisons de luxe se sentent particulièrement concernées par les questions d’héritage, de patrimoine, d’archive. La multiplication des reformulations, la fusion des maisons de composition et la disparition de certaines matières premières nous ont fait prendre conscience de la fragilité de nos parfums et de nos formules, donc de la nécessité de conserver et de transmettre notre histoire. Le travail du parfumeur Jean Kerléo à l’Osmothèque1 a été crucial dans cette évolution et cette prise de conscience. calice becker L’importance croissante de la réglementation a aussi joué dans ce sens ; elle a conduit de nombreux parfumeurs à reformuler des produits très anciens et donc à devoir observer la parfumerie des époques qui nous ont précédés. Cela dit, on apprend
toujours avec les vivants. De mon côté, j’ai eu le privilège de travailler avec Françoise Caron et Dominique Ropion, qui m’ont beaucoup transmis. À leurs côtés, j’ai fait miennes de nombreuses postures et gestes créatifs. Nous sommes donc tributaires de mosaïques d’influences.
Quel regard portez-vous sur la présentation de la parfumerie française à l’Exposition des arts décoratifs de 1925 ?
f.k. J’ai découvert le catalogue présentant le pavillon de la parfumerie française à l’Exposition internationale des arts décoratifs il y a une quinzaine d’années, et c’est un document qui me fascine. Je regrette que les grandes maisons et les acteurs majeurs du secteur ne se soient pas rassemblés pour célébrer le centenaire de l’événement. Je suis passionné d’histoire depuis toujours, et plus encore depuis que je suis rentré en France dans les années 2000 après avoir travaillé aux États-Unis.
1. Conservatoire des parfums situé à Versailles.
Ci-contre
Calice Becker
Francis Kurkdjian
« Nous militons pour que la parfumerie soit reconnue comme une œuvre de l’esprit, et donc comme un véritable acte de création. »
Calice Becker
C’est le moment où j’ai rencontré l’historienne Élisabeth de Feydeau et où j’ai commencé à enseigner à l’Isipca, l’école de parfumerie de Versailles. J’ai essayé de transmettre ce goût aux étudiantes et aux étudiants.
c.b. De mon côté, j’ai mis du temps à construire mon regard sur ce passé. Comme je suis arrivée dans l’industrie du parfum par la société Roure, maison créée en 1820 et qui fusionna plus tard avec Givaudan, j’ai depuis longtemps vécu dans le creuset de la parfumerie. Nos archives occupent une pièce extraordinaire, bourrée de formules qui datent de ces années-là, et même d’avant 1925. Mais c’est à travers le regard des autres que je me suis intéressée à cette matière historique différemment, quand Givaudan a entrepris de la faire découvrir au grand public.
Quel héritage retient-on de ce moment de la parfumerie ?
En quoi son influence a-t-elle été décisive pour la suite ?
f.k. Malheureusement, je pense que notre présent, par certains aspects, fonctionne à l’inverse de ce que l’on a observé au cours de l’Exposition de 1925. Par exemple, Shalimar, qui avait été dévoilé durant cette exposition, se présentait comme un parangon de la modernité, mettant en avant l’utilisation d’une molécule de synthèse artificielle, l’éthylvanilline.
À l’époque, cette création de la chimie était vue comme une innovation désirable, moderne. Aujourd’hui, on vit au contraire dans un climat de défi face à la science. Quand on parle de nouvelles molécules et de parfumerie de synthèse, les marques et les clients se méfient, l’avant-garde est suspecte, on préfère croire que les produits naturels sont des panacées aussi bien narratives qu’inoffensives, or il n’y a rien de plus faux. La vérité est entre les deux !
c.b. L’Exposition de 1925 a marqué un tournant important pour les parfumeurs. Cela leur a donné l’occasion de se réunir et d’affirmer leur savoir-faire, alors même que leur métier n’était pas encore pleinement reconnu. Malgré le développement du Syndicat de la parfumerie française, la profession a longtemps peiné à s’organiser. C’est dans ce contexte qu’est née, il y a quatorze ans, la SIPC, avec pour mission de défendre et promouvoir le métier de parfumeur.
Aujourd’hui, nous accompagnons particulièrement les parfumeurs qui ne travaillent pas au sein de grandes structures. Nous les aidons à vérifier leurs formules et à respecter les codes de bonne conduite de la profession. Notre charte reflète notre engagement à nous positionner en tant que parfumeurs-créateurs. Par ailleurs, nous souhaitons faire reconnaître officiellement notre métier par les instances gouvernementales, en commençant par la France. Mais avant tout, nous militons pour que la parfumerie soit reconnue comme une œuvre de l’esprit, et donc comme un véritable acte de création. •
Rédaction
Yohan Cervi
Critique et spécialiste de l’histoire de la parfumerie, il a écrit Une histoire de parfums aux éditions Nez (2022).
Tristan Hinschberger
Ce chercheur en histoire de l’art explore les liens entre les arts décoratifs et la parfumerie au début du XXe siècle à travers sa thèse, financée par le Fonds de Dotation Per Fumum.
Anne-Sophie Hojlo
Devenue journaliste pour L’Obs après des études d’histoire, elle écrit pour la revue et les différentes publications de Nez depuis 2018.
Clément Paradis
Chercheur postdoctoral à l’université de Gênes, photographe et contributeur pour Nez, il travaille sur les liens qui unissent la sphère politique et celle de l’art.
Dans le respect des droits patrimoniaux et du droit moral des auteurs inconnus de documents photographiques reproduits dans cet ouvrage, l’éditeur indique qu’il a réservé des droits et qu’il mentionnera le nom des auteurs qui se feront connaître et justifieront de leur qualité pour toute nouvelle édition de l’ouvrage.
« 2025 sera un grand moment pour fêter l’art déco ! »
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