La Voie des Pratiques Prometteuses

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Imprimé à Tiohtà:ke (Montréal), au Canada.

ISBN:

© Université McGill et Femmes et Égalité des genres Canada, 2024. Tous droits réservés. Le présent document est protégé par le droit d’auteur·trice, mais peut être reproduit de quelque façon que ce soit, à condition qu’il soit utilisé à des fins pédagogiques par quelqu’un qui œuvre à améliorer la vie des jeunes victimes de violence à caractère sexuel et que la source soit clairement citée. Il est interdit de le reproduire pour la vente ou un usage commercial.

Pour citer le document :

Participatory Cultures Lab (2024). La voie des pratiques prometteuses pour un changement social mené par les jeunes autochtones. Université McGill, Montréal, Canada.

Remerciements

Nous tenons à remercier les jeunes, dans toute leur diversité, de la nation mi’kmaw d’Eskasoni (Unama’ki, Nouvelle-Écosse), de Rankin Inlet (Kangiqliniq, ᑲᖏᕿᓂᖅ, Nunavut), et des terres visées par le Traité no 6 (territoire métis, Saskatchewan), ainsi que les leaders communautaires, les familles et les partenaires du milieu universitaire. Tout ce réseau a rendu possible la diffusion des histoires et des œuvres de ces jeunes. En travaillant ensemble, mais aussi séparément, au sein de ces groupes et communautés, nous avons pu réfléchir aux aspects fondamentaux de la recherche communautaire dirigée par les jeunes et appuyée par les adultes.

Nous reconnaissons les nombreux territoires sur lesquels ce projet a été pensé et mené, ainsi que les terres et les eaux qui forment ce qu’on appelle maintenant le Canada. Nous reconnaissons aussi les liens intergénérationnels qui ont rendu cette entreprise possible. Les idées et les ressources présentées ici sont inspirées des générations de filles, de jeunes femmes et d’allié·e·s avant nous, et nous espérons que ce document aidera les générations à venir.

Nous devons aussi une fière chandelle à plusieurs personnes en particulier. Un merci tout spécial à Jennifer Altenberg, Sarah Flicker, Linda Liebenberg, Jennica Alhda Barcial et Marnina Gonick pour leur travail indéfectible au service des jeunes. Merci aussi au grand nombre d’étudiant·e·s, de stagiaires et d’assistant·e·s de recherche qui ont collaboré au projet More Than Words et ont participé à divers aspects de l’élaboration et de la diffusion des pratiques prometteuses présentées ici. Un merci tout particulier à Emily Booker pour son implication dans le projet et dans l’évaluation organique. Fruit d’un travail collaboratif, la présente publication rassemble les importantes contributions d’Emily Booker, de Leann Brown et de Jen Thompson. Enfin, nous exprimons toute notre gratitude à Gabrielle Giroux, d’Encore Graphics, pour son travail de graphisme réfléchi dans le cadre de ce projet et bien d’autres. More Than Words a été financé par Femmes et Égalité des genres Canada (FEGC).

ENTRONS EN CONTACT

Si vous nous emboîtez le pas en adoptant l’une des pratiques prometteuses présentées ici, donnez-en des nouvelles à l’équipe de More Than Words.

Chercheuse principale

CLAUDIA.MITCHELL@MCGILL.CA

LEANN BROWN

Responsable de la coordination du projet

LEANN.BROWN@MCGILL.CA

Table des matieres

Introduction

pratique prometteuses pour un changement social mene par les jeunes autochtones

Le guide que voici présente une voie de pratiques prometteuses à suivre pour collaborer avec les jeunes autochtones afin de remédier à d’importants problèmes dans leurs communautés, et ce, en passant par les arts. Faisant fond sur les travaux menés actuellement au Canada avec et par les filles et jeunes femmes autochtones pour contrer les violences sexuelles et sexistes (VSS), ce guide explore la complexité des espaces où l’on aide les jeunes autochtones à aborder certains enjeux de VSS et d’autres formes de violence dans leur vie et dans leur milieu.

Les espaces pour les jeunes sont essentiels partout dans le monde, notamment dans les sociétés marquées par l’héritage du colonialisme et de la violence, qui tend à engendrer des inégalités de pouvoir, par exemple selon le genre, l’âge ou l’identité (autochtone ou allochtone). Au Canada, le colonialisme de peuplement a joué un rôle central, largement attesté, dans les problèmes liés aux VSS vécus par les femmes et les filles autochtones. Ancré dans la reconnaissance des séquelles historiques et persistantes laissées par le colonialisme et la violence coloniale sur les jeunes autochtones et leurs communautés, ce guide s’appuie sur des pratiques tenant compte des traumatismes et guidées par des personnes survivantes. Certain·e·s y verront un travail de décolonisation, d’autres un processus de guérison et de développement communautaire. En continuité avec le vaste travail mené avec les jeunes du monde entier, ces pratiques prometteuses jettent les bases d’approches particulières visant à mobiliser les jeunes autochtones au travers de la culture, de la cérémonie et du partage dynamique du pouvoir. À quelles fins? Remédier aux méfaits du colonialisme et contribuer à l’épanouissement d’identités culturelles positives, à la croissance d’un sentiment d’appartenance communautaire et à la résilience.

Soulignons d’ailleurs que ces pratiques prometteuses misent sur le succès d’approches artistiques, qui se sont avérées efficaces pour stimuler la pensée critique ainsi que le pouvoir de création et d’action des jeunes, alors en posture d’imaginer, de repenser et d’impulser le changement social. Si l’on veut créer des communautés où les jeunes autochtones peuvent s’épanouir, il est essentiel de recourir à ces pratiques pour placer leur voix et leur leadership au cœur même du processus.

“Plus je parlais, plus on m'ecoutait. Et plus on m'ecoutait, plus je parlais fort, toujours plus fort... C'est ainsi que j'ai decuple la puissance de ma voix.” (TRADUCTION LIBRE)
Hannah

Battiste BREAK THE SILENCE, ESKASONI

D'ou

Viennent ces pratiques prometteuses ?

Les pratiques prometteuses présentées dans ce guide découlent de la collaboration entre des filles et des jeunes femmes autochtones, dans toute leur diversité, et des partenaires adultes du Canada, plus précisément de la nation mi’kmaw d’Eskasoni (Unama’ki, Nouvelle- Écosse), de Rankin Inlet (Kangiqliniq, ᑲᖏᕿᓂᖅ, Nunavut) et des terres visées par le Traité no 6 (Territoire Métis, Saskatchewan). Dans le sillage du projet More Than Words et, par moments, de son projet antérieur (Networks4Change), ce guide présente les principes phares de leur travail, en expliquant comment ces principes ont été concrétisés et en donnant des exemples probants des retombées connexes. Si des garçons et de jeunes hommes autochtones ont parfois été impliqués dans le projet, celui- ci est demeuré sous la direction des filles et des jeunes femmes, ce qui était un choix délibéré. D’ailleurs, les pratiques prometteuses présentées ici tiennent compte des tensions issues des dynamiques de genre à l’œuvre dans le projet.

Le présent guide s’adresse aux personnes et aux groupes qui souhaitent collaborer avec les jeunes autochtones de leur milieu pour pallier les problèmes de justice sociale comme les VSS, et ce, grâce aux arts. Nous espérons que cette voie de pratiques prometteuses à suivre aidera les jeunes et leurs allié·e·s adultes à créer, dans leurs communautés et au- delà, des espaces sûrs où les jeunes autochtones et leurs pair·e·s peuvent librement mener des projets et créer selon leurs besoins et leurs intérêts.

La séance de discussion de More Than Words a permis de définir les intentions initiales du projet quant au rôle des adultes, la place de l’évaluation dans le cadre du projet ainsi que les objectifs en matière de ressources et d’actions communautaires (Université McGill, 2019).

Pourquoi

creer une voie de pratiques prometteuses ?

Le mot « voie » (trail en anglais) est ressorti d’une séance de discussion de More Than Words en 2019, où on se demandait comment garder des traces des leçons tirées tout au long du projet pour ensuite les retransmettre. Lors des échanges, une image a trouvé écho au sein du groupe : la vision des traces laissées sur le sol par les ancêtres, qui indiquent la voie à suivre. Le présent guide vise à inciter davantage de communautés à entreprendre le même genre de projet de mobilisation des jeunes, autochtones et allochtones, pour remédier aux VSS et opérer un changement social.

Ce groupe, ce programme, ce projet, il m’en a beaucoup appris sur moi et sur les valeurs qui me sont chères.

Il m’a permis de déployer mes ailes, d’essayer de nouvelles activités, de grandir aux côtés de plein de magnifiques jeunes femmes.

Il m’a fait découvrir ma passion pour l’artisanat, la peinture, le tricot, le crochet, le perlage… et j’en passe!

J’en ressors avec une foule de souvenirs et d’amitiés en or, mais aussi la conviction que, quoi qu’il arrive, nous ferons tout pour nous entraider.

J’ai aussi compris que je peux faire confiance à nouveau et aimer. Ce groupe m’a aidée à guérir et à me sentir plus vivante qu’avant. Ma famille est au cœur de ma guérison.

1 Extrait du livre Circle Back: Stories of reflection, connection, and transformation (2021), édité par les jeunes participant·e·s du projet Networks4Change : Hannah Battiste (Eskasoni, Canada), Andraya Daniels (terres visées par le Traité no 6, Canada) et Bonwie Maome (CapOriental, Afrique du Sud).

More Than Words:

projet mene par des jeunes autochtones

pour remedier aux VSS

More Than Words était un projet quatriennal (2019-2023) visant à étudier des initiatives menées par des jeunes autochtones ayant survécu à des VSS et destinées à aborder ces violences par les arts. Il s’inscrivait dans le cadre du programme « La violence fondée sur le sexe : Pratiques prometteuses de soutien aux personnes survivantes et à leur famille », chapeauté par le ministère Femmes et Égalité des genres Canada. Le projet More Than Words faisait fond sur la recherche, les relations et les réseaux qui ont vu le jour pendant le projet Networks4Change (élaboration de politiques menée de A à Z par des filles pour lutter contre la violence sexuelle au Canada et en Afrique du Sud), dans le cadre duquel l’activisme porté par des jeunes contre les VSS aux côtés de filles et jeunes femmes autochtones du Canada était encouragé, parallèlement au plaidoyer local de filles et jeunes femmes autochtones et noires en Afrique du Sud rurale.

“J'ai vu des jeunes, tres jeunes, faire leurs premiers pas dans le developpement de leur cote artistique, l'art de communiquer avec dynamisme et l'apprentissage du leadership.” (TRADUCTION LIBRE)

LEVINIA BROWN

ADULTE ALLIÉE DE GET ART; AÎNÉE ET ANCIENNE MAIRESSE DE RANKIN INLET

More Than Words se poursuit grâce à l’implication de filles et de jeunes femmes ainsi que de leurs allié·e·s adultes dans trois endroits au Canada : dans la nation mi’kmaw d’Eskasoni (Unama’ki, Nouvelle-Écosse), à Rankin Inlet (Kangiqliniq, ᑲᖏᕿᓂᖅ, Nunavut) et sur les terres visées par le Traité no 6 (territoire métis, Saskatchewan). Pour promouvoir le travail mené par les jeunes dans ces régions et au-delà, le projet a mobilisé tout un réseau de relations entre et parmi divers groupes : les jeunes autochtones, les leaders communautaires, les aîné·e·s, les gardien·ne·s du savoir, les responsables de la coordination et de l’administration du projet, les chercheur·e·s, les universitaires ainsi que d’autres personnes et groupes avec des intérêts et des objectifs communs. Parmi les partenariats, on compte des alliances communauté-université financées par des fonds de recherche, dans le cadre desquelles les jeunes, les familles et les leaders communautaires non seulement connaissent les équipes de mise en œuvre affiliées à l’université, mais entretiennent aussi d’importants liens avec elles. Ces relations complexes contribuent à créer des espaces où le travail en communauté peut s’aligner sur les valeurs et les protocoles culturels, et où le travail mené par les jeunes peut se déployer, soutenu par les allié·e·s adultes.

“Nous

sommes des ados autochtones vivant en milieu urbain, mais venant d’une foule de nations et communautes differentes. Nous nous unissons pour contrer la violence sexiste et coloniale, en misant notamment sur la reclamation culturelle, la ceremonie, la mise en recit ainsi que l’activisme et la recherche par les arts.” (TRADUCTION LIBRE)

YOUNG INDIGENOUS

WOMEN’S UTOPIA 2

YIWU, TERRES VISÉ ES PAR LE TRAITÉ N O 6

“Il y a des choses qu’on traverse et qu’on voit qui changeront notre

vie et notre perspective. Combien de fois mes yeux se sont-ils ouverts a des realites au-dela de ce que je pouvais m’imaginer? Le meilleur cadeau que je me suis fait, c’est de m’eduquer et de cultiver la compassion et l’empathie envers les autres. L’inspiration se trouve partout…” (TRADUCTION LIBRE)

hannah battiste 3

BREAK THE SILENCE, ESKASONI

2 Extrait du texte de présentation de YIWU (Rassemblement national d’Indspire, 2020).

3 Extrait du recueil de poésie de Hannah Battiste, Out of Darkness: A Poetic Journey through Trauma, publié par iUniverse, 2022.

Au-delà des mots, le projet More Than Words fait valoir l’action et renvoie à l’importance capitale des images et des arts, qui ouvrent la porte à la réflexion et à la création de sens. Le logo a été conçu par une graphiste autochtone, Gabrielle Giroux d’Encore Graphics, une femme dénée et fière de l’être de la Première Nation de Hatchet Lake.

Dynamiques de genre dans la lutte contre les VSS :

Filles et jeunes femmes? Jeunes 2sLBGQIA+? Garcons et jeunes hommes?

“Au debut, je ne connaissais rien sur la violence sexiste, rien du tout. Mais maintenant, apres toutes les seances, je sais comment entretenir des relations saines. Je comprends comment la violence coloniale continue d’affliger les Autochtones, surtout les jeunes filles et les femmes. Maintenant, je le vois.” (TRADUCTION LIBRE)

Kalan Kakum 4 YIWU, TERRES VISÉ ES PAR LE TRAITÉ N O 6

Les groupes de travail de jeunes de More Than Words ont adopté une approche genrée qui, de prime abord, peut sembler binaire. Cela dit, nous voulions mettre en valeur les voix des filles et des jeunes femmes, dans toute leur diversité, et nous honorons la façon dont chaque personne participante s’identifie. Le projet More Than Words représente à la fois les jeunes qui s’identifient comme femmes ou sur un spectre féminin et les personnes participantes non binaires ou bispirituelles. Très souvent, les groupes de jeunes du projet ont accueilli de jeunes hommes appartenant à la communauté 2SLGBTQIA+, considérés comme dignes de confiance par les filles et les jeunes femmes.

4

“Au debut, on parlait de groupes de filles, mais on a fini par parler de groupes de jeunes, comme certaines personnes etaient non binaires et ne s’identifiaient pas comme des filles..” (TRADUCTION LIBRE)

JEUNE CHERCHEUR AUTOCHTONE COLLABORANT AVEC YIWU

Le travail des groupes de jeunes a comporté une grande part d’exploration des normes de genre et des oppositions binaires héritées du colonialisme, ainsi que des approches précoloniales par rapport au genre, aux traditions genrées et aux cérémonies. À des moments particuliers, avec l’accord des groupes de jeunes, des garçons et des jeunes hommes cisgenres ont participé à certaines activités du projet.

projet Pathways2Equity

collaboration avec des garcons et de jeunes hommes

En réponse au besoin d’accroître les efforts déployés pour lutter contre les VSS avec les garçons et les jeunes hommes cisgenres, le projet More Than Words a donné naissance à un sous-projet, Pathways2Equity (aussi financé par FEGC, 2021-2023), à l’origine d’un travail transformateur en faveur de l’égalité des genres, mené auprès de garçons et de jeunes hommes sous la direction de filles et de jeunes femmes. Les leçons tirées de Pathways2Equity ne sauraient tarder.

“Je pense que c’est vraiment important, surtout avec les hommes autochtones… Nous devons leur faire comprendre qu’ils ont de la valeur, qu’ils sont assez, qu’ils ont le droit de pleurer et d’etre humains, qu’ils peuvent etre qui ils veulent etre. Je veux que les hommes d’Eskasoni, les jeunes hommes, sachent qu’ils peuvent s’impliquer, que c’est bien. Peut-etre meme que des hommes plus ages devraient intervenir.”

(TRADUCTION LIBRE) hannah battiste

Le travail de More Than Words et de Pathways2Equity s’ancre dans un partenariat CRSH-CRDI intitulé « Networks for Change and Well-being: Girl-led ‘from the ground up’ policymaking to address sexual violence in Canada and South Africa » (Réseaux pour le changement et le bien-être : élaboration de politiques menée de A à Z par des filles pour lutter contre la violence sexuelle au Canada et en Afrique du Sud). Networks4Change a jeté les bases d’une collaboration et d’un partenariat réussi grâce au renforcement des compétences et des capacités des jeunes autochtones, dans l’optique de soutenir, par les arts, leur réponse aux VSS dans leur milieu.

2014

Des filles et jeunes femmes noires de l’Afrique du Sud rurale et des filles et jeunes femmes autochtones du Canada s’unissent pour lutter contre les VSS au travers d’un activisme artistique.

2019

Des filles autochtones au Canada recourent à des méthodes artistiques, au mentorat et à l’auntyship (« tantorat ») pour remédier aux VSS et épauler les personnes survivantes.

2021

Il s’agit d’un projet guidé par des filles, amenées à mobiliser des garçons et des jeunes hommes de Ranklin Inlet, d’Eskasoni et des terres visées par le Traité no 6 pour y faire cesser les VSS.

eskasoni: break the silence; be the change

Eskasoni se trouve sur l’île du Cap-Breton, dans le district Unama’gi du territoire mi’kmaw (Nouvelle-Écosse, Canada atlantique). Les jeunes de la communauté explorent le sujet des VSS et leurs manifestations à Eskasoni depuis 2014. Le travail de ce groupe, baptisé « Break the Silence; Be the Change », s’est traduit par une série de projets artistiques (voir ci-dessous). La revitalisation culturelle et linguistique compte parmi les grandes préoccupations des jeunes, qui reconnaissent qu’elle est intrinsèquement liée au bien-être et à l’amour de soi.

Exemples du travail du groupe break the

silence; be the change

Fresque murale intitulée « KO’QMANAQ », qui représente les résultats du projet de recherche de Spaces & Places (2016). L’œuvre illustre l’importance de la famille, de la culture et de l’apprentissage holistique dans le développement des talents des jeunes.

Jardin commémoratif en hommage aux filles et aux femmes disparues et assassinées ainsi qu’aux personnes ayant survécu aux pensionnats (2020). Interactif et éducatif, cet espace communautair destiné aux cérémonies, à la guérison et aux rassemblements.

Livre à colorier mi’kmaw pour les personnes ayant survécu aux VSS (2018), utilisé par des prestataires de services dans trois provinces du Canada atlantique. Les jeunes ont transformé en œuvres des enseignements traditionnels.

Rankin Inlet: get art

QUAND LES FILLES S’EXPRIMENT PAR L’ART

Rankin Inlet ou Kangiqliniq, ᑲᖏᕿᓂᖅ, qui signifie « baie profonde », est une communauté inuit située sur la péninsule de Kudlulik, sur la côte ouest de la baie d’Hudson, au Nunavut. C’est la deuxième communauté la plus peuplée au Nunavut, abritant une population de 3 000 âmes. Le groupe de jeunes Girls Expressing Themselves Through Art (GET Art) est né d’une prise de conscience locale de la nécessité de créer des espaces où les filles et les jeunes femmes inuit de Rankin Inlet pourraient se réunir et s’exprimer en laissant libre cours à leur créativité. Le groupe a choisi la voie des arts traditionnels et visuels – comme la couture, le collage, la création de zines, les vidéoclips et les cellphilms (courtes vidéos sur appareils mobiles) – pour aborder des sujets comme la violence sexiste, l’intimidation et l’insécurité alimentaire. Les liens culturels étant essentiels pour GET Art, des femmes leaders (souvent des aînées et des artistes) de la communauté sont invitées à participer aux activités et à enseigner des traditions inuit, comme le katajjaq (chant guttural), les kakiniit (tatouages traditionnels) et d’autres pratiques culturelles.

Exemplesdu travail de get art

Zine regroupant des collages intitulé ᐊᑭᐊᒃ Akiak. Brave, un projet de GET Art (2024). De jeunes mentores ont coanimé un atelier de collages avec des plus jeunes, dont les œuvres finales ont été compilées dans un zine, lequel a été imprimé, puis distribué aux filles et à leur

Photo du hau: Les aîné·e·s et les artistes de la communauté participent aux programmes de GET Art comme intervenant·e·s invité·e·s et animateur·trice·s d’ateliers de création. Rosie Ussak, gardienne du savoir, anime un atelier de feutrage dans le cadre d’un programme parascolaire de GET Art (2024). Photo du bas: Pendant l’atelier « Marques d’appartenance » de GET Art, les jeunes apprennent des techniques de tatouage traditionnelles inuit (kakiniit). Les filles s’exercent à faire des tatouages temporaires et lavables inspirés de symboles contemporains et traditionnels (2021).

Terres visees par le Traite

no6: young indigenous women’s utopia

C’est à Saskatoon, sur les terres visées par le Traité no 6, qui forment le territoire métis traditionnel, qu’est né le groupe de filles Young Indigenous Women’s Utopia (YIWU). Ce groupe a été créé en réponse à la violence coloniale et sexiste que les filles et jeunes femmes autochtones subissent au quotidien dans les quartiers défavorisés de Saskatoon. La prière et la cérémonie occupent une place centrale dans les rassemblements de YIWU, où les jeunes s’encouragent mutuellement et puisent de la force dans les traditions nehiwayan et michif. Ces jeunes femmes apprennent à cultiver l’amour de soi comme forme de résistance primordiale, par des activités comme la réalisation de cellphilms, l’écriture, la danse et la création de fresques murales. Le groupe YIWU a publié deux livres qu’il a autoédités, lesquels ont connu une vaste diffusion. Ses membres ont d’ailleurs énormément voyagé pour donner des présentations, prendre la parole à des congrès et rencontrer d’autres groupes de jeunes en Amérique du Nord. En 2020, YIWU a gagné le prix d’Indspire Montrer la voie : Prix en éducation autochtone.

Exemplesdu travail de yiwu

Le deuxième livre de YIWU, créé en collaboration avec le jeune chercheur anishnaabe Zachary Mandamin (2022), est intitulé Kîyânaw ocêpihk, qui signifie « nous prenons racine » en cri. Cet album rassemble les mots et les photos de deux générations de YIWU, dont les voix sont honorées. Au fil des pages, on relate les rassemblements du groupe en 2021 et 2022, rencontres qui visaient à apprendre, à pratiquer un art ou à imaginer l’utopie.

SE METTRE EN MARCHE

Adapter les pratiques prometteuses aux divers contextes

Vous devrez probablement adapter les pratiques prometteuses à votre contexte culturel et à votre communauté. Quand il s’agit de travailler avec les jeunes, il n’existe pas d’approche passe-partout. D’ailleurs, vous n’avez pas forcément à adopter toutes les pratiques présentées ici. Nous vous invitons à prendre connaissance de chacune d’elles, puis à explorer les éléments qui résonnent le plus avec vous et votre communauté ou contexte.

Un projet piloté par les jeunes peut prendre différentes formes, selon leurs intérêts, leurs disponibilités et leurs capacités. Dans certains cas, les jeunes choisiront les thèmes à explorer et un·e animateur·trice adulte concevra des activités en lien avec ceux-ci. Dans d’autres, ce seront les jeunes qui prépareront et animeront des ateliers, de A à Z. Toutefois, il se peut que les jeunes ne puissent pas ou ne veulent pas toujours tout diriger. La mise sur pied de projets menés par les jeunes varie selon la communauté ou le contexte, alors gardez en tête que les approches qui vous conviennent seront peut-être un peu différentes de celles adoptées ailleurs.

Quels

alliees

dans

roles les personnes adultes peuventelles jouer comme
les

projets menes par les Jeunes?

"J’ai l’impression que, parfois, les jeunes nous voyaient (nous, les adultes implique .e.s) comme leurs boss. Mais nous leur disions : 'Non, c’est vous, nos boss. Nous sommes ici pour vous, alors nous ferons ce que vous voulez que nous fassions.'” (traduction libre)

Pour bien soutenir les projets pilotés par les jeunes, il faut absolument les écouter et se mettre en retrait pour leur laisser de la latitude. Les adultes allié·e·s se doivent aussi d’être souples et capables d’adaptation dans leurs divers rôles (animateur·trice·s, leaders communautaires, chercheur·e·s), en se demandant comment mettre leurs différentes responsabilités au service des visions et du travail des jeunes. Autre rôle clé des adultes : fournir un soutien logistique, en communiquant et en négociant les normes, les attentes et les résultats du projet ou du groupe et en amplifiant la voix des jeunes (voir la pratique prometteuse no 4).

Miniatures peintes par les membres de YIWU (terres visées par le Traité no 6), dans le cadre de Networks4Change.

Zachary Mandamin

travailler avec les filles and les jeunes femmes sur les questions de vss

Les enjeux de VSS sont complexes, personnels et intimement imbriqués dans des dynamiques de pouvoir et des inégalités de genre croisées. Lorsqu’on travaille avec des jeunes sur des questions de VSS, bien souvent, on gagne à commencer avec des groupes de filles, de jeunes femmes et de jeunes 2SLGBTQIA+ pour tisser des relations et des liens de confiance, et pour créer des espaces propices à la libre expression. Le travail de groupe organisé autour des identités de genre est un bon point de départ, surtout quand on sait qu’on risque de soulever et d’aborder des questions difficiles et que les jeunes ont possiblement été victimes ou témoins de VSS. Si les filles, les jeunes femmes et les jeunes 2SLGBTQIA+ s’y sentent prêt·e·s un jour, il pourrait être judicieux d’impliquer des garçons et de jeunes hommes, dans toute leur diversité, de différentes manières dans le projet.

Qu'en
est-il des garcons et des jeunes hommes?

Si les pratiques prometteuses présentées ici sont nées du travail effectué auprès de filles, de jeunes femmes et de jeunes 2SLGBTQIA+ autochtones, elles demeurent néanmoins pertinentes pour des interventions auprès de garçons et de jeunes hommes autochtones au sujet d’enjeux sociaux qui sont importants pour eux. Dans le contexte des VSS et de l’aide aux personnes survivantes selon une approche tenant compte des traumatismes, la mobilisation des garçons et des jeunes hommes s’avère cruciale, bien qu’elle fasse souvent défaut. Au début d’un projet avec des filles, des jeunes femmes et des jeunes 2SLGBTQIA+, il est primordial de suivre les directives et les volontés du groupe. Il se peut que des groupes de jeunes réclament spécifiquement une mobilisation plus ciblée des garçons et des jeunes hommes cisgenres dans leur communauté, que ce soit à titre de participants réguliers ou de membres du public. Toutefois, d’autres groupes de jeunes préféreront peut-être ne pas impliquer de garçons et de jeunes hommes dans les débuts, surtout dans la période consacrée à tisser des liens de confiance au sein du groupe pour créer un espace où les jeunes se sentent à l’aise de parler de violence. Il importe de reconnaître que le travail en matière de VSS auprès des garçons et des jeunes hommes cisgenres exige tout un éventail d’approches et de stratégies. Souvent, ce travail se doit de soulever des questions cruciales sur les masculinités et de créer des espaces sûrs où les garçons et les jeunes hommes se sentent à l’aise de parler de leurs expériences et des attentes sociales liées au genre et à sa performance.

pouvonsnous, ensemble, creer des espaces plus surs? Comment

La création d’espaces plus sûrs est un processus important et complexe. Dans un espace plus sûr, les jeunes se sentent libres de se montrer authentiques, à l’abri de tout jugement sur leurs capacités physiques ou mentales, leur orientation sexuelle, leur identité culturelle, leur race ou ethnicité, leur identité ou leur expression de genre. De tels espaces sont essentiels pour que les personnes participantes se sentent à l’aise de trouver leur voix, de s’exprimer, d’explorer leur identité, de nouer des amitiés, de discuter de sujets délicats ou tabous et d’apprendre les unes des autres.

Il peut être tentant de dire que tel ou tel espace est « sûr », mais dans les faits, il est difficile de garantir un véritable sentiment de sécurité pour chaque personne, car de nombreux facteurs entrent en jeu. Retenons que la création d’espaces plus sûrs est un processus continu qui nécessite une intention consciente et un travail actif.

Pour arriver à créer ensemble des espaces plus sûrs, il peut être utile de parler de ce qui nous fait sentir en sécurité ou non. Cette affiche, créée dans le cadre d’une activité de photovoix avec GET Art, explorait les espaces sécuritaires et non sécuritaires dans la communauté. (Rankin Inlet, 2018)

trucs pour favoriser la creation d'espaces plus surs5

“L’artisanat, sans aucun doute, parce que j’apprends mieux par la pratique… Quand les gens parlent trop longtemps et essaient d’expliquer des trucs, j’ai tendance a me laisser distraire et a vouloir faire autre chose.

Mais grace a ce programme, je peux creer mes propres oeuvres et m’exprimer sur ce qui me parait important. Ca represente beaucoup pour moi. J’ai l’impression que c’est aussi porteur de sens pour la generation montante, et je sais que les jeunes finiront par s’exprimer par l’art aussi." (traduction libre)

Se centrer sur la communauté et collaborer avec elle.

Donner accès aux ressources appropriées.

Haily May Ussak GET ART, RANKIN INLET

Favoriser la sensibilité et l’appréciation culturelles.

Collaborer pour définir votre espace (et rectifier le tir en chemin!).

Porter attention à l’espace physique et à son accessibilité.

Discuter des limites, les reconnaître et les respecter.

Reconnaître et exprimer votre positionnalité.

Assurer un consentement éclairé et continu.

5 Adapté du document Creating safe spaces: Working with youth

Réfléchir, revoir et raffiner.

Qu'en

est-il de la durabilite?

Le financement direct des groupes de jeunes est crucial pour pérenniser les projets menés par les jeunes autochtones

La question de la durabilité a été pointée comme un problème majeur et un défi persistant dans le cadre des projets aidant les jeunes autochtones à aborder les enjeux de VSS. Si la durabilité varie d’une communauté à l’autre, selon le contexte et les objectifs de chacune, il reste que bien souvent, les organismes et les individus qui encadrent de tels projets peinent à garder ouverts les programmes et les espaces associés.

appel a l'action no 66 de la commission de verite et reconciliation

« Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir un financement pluriannuel destiné aux organisations communautaires œuvrant auprès des jeunes pour leur permettre d’offrir des programmes sur la réconciliation, et de mettre en place un réseau national de mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires. »

En réponse à l’appel à l’action no 66 de la Commission de vérité et réconciliation, des réseaux de jeunes activistes autochtones déplorent le modèle de financement des programmes pour les jeunes autochtones : au lieu de recevoir un financement à long terme ou de base, ces programmes reposent généralement sur du travail bénévole, sur du financement à court terme ou sur de maigres subventions6. Il en résulte un climat d’instabilité et une immense difficulté à pérenniser les projets pilotés par des jeunes autochtones au-delà de leur durée de vie prévue. Moyennant des programmes durables, les jeunes peuvent jouir d’un climat de sécurité, s’investir véritablement dans l’art et l’activisme au sein de leur communauté, et nouer des relations avec les adultes qui soutiennent leurs activités. Plusieurs facteurs contribuent à la viabilité des projets menés par des jeunes et axés sur la communauté, notamment l’aide financière, l’intérêt des jeunes et le soutien aux adultes impliqué·e·s. Pour en savoir plus sur le rôle que peuvent jouer les adultes allié·e·s pour favoriser la durabilité des projets pilotés par les jeunes autochtones, référez-vous à la pratique prometteuse no 4 (amplifier la voix des jeunes) et à la pratique prometteuse no 6 (établir et maintenir des partenariats et des réseaux).

6 Voir par exemple le rapport de l’Assembly of Seven Generations, A labor of love: The unpaid and exploited labour of grassroots and community-based Indigenous youth groups, written by Gabrielle Fayant, Carrington Christmas, Brittany Matthews, and Josh Lewis. https://www.a7g.ca/uploads/9/9/9/1/99918202/labouroflovereport.pdf

Principes phares

pour une diversite de reseaux au service des jeunes autochtones a la tete du changement

Fruit de nombreuses années de collaboration sur les projets menés par des jeunes, les principes phares qui sous-tendent les pratiques prometteuses découlent du besoin impérieux de valeurs communes parmi les multiples équipes et réseaux de partenaires autochtones et allochtones. Ces principes directeurs reflètent les leçons tirées du projet international (Nord-Sud) Networks4Change, les consultations préliminaires avec les leaders communautaires autochtones et les partenaires du milieu universitaire dans le cadre du projet More Than Words, ainsi que le travail et les relations qui perdurent avec des jeunes, des aîné·e·s et des conseiller·ère·s autochtones.

Principes Phares

Reconnaître le caractère unique de chaque communauté.

Prendre appui sur les perspectives autochtones locales.

tires du projet

More than Words

Tisser des liens authentiques et réciproques.

Adopter des approches guidées par les jeunes.

Assurer un partage conscient du pouvoir.

Assurer un consentement éclairé et continu.

Mettre la culture et la cérémonie au premier plan.

Privilégier des approches axées sur les forces et les personnes survivantes.

Valoriser des relations et des connaissances intergénérationnelles.

Principe 1

Reconnaitre le caractere unique de chaque communaute

Nous reconnaissons que toutes les communauté, notamment celles susceptibles de suivre le présent guide dans l’avenir, sont uniques : chacune possède une culture, des caractéristiques, une identité, des façons de faire ainsi qu’un tissu social et des systèmes complexes qui lui sont propres. Ce qui marche dans une communauté X devra être adapté pour fonctionner dans une communauté Y.

Principe 3

Tisser des liens authentiques et reciproques

Nous tâchons de bâtir des liens fondés sur le respect et la confiance avec les jeunes, les familles, les communautés, le milieu de la recherche, les universitaires, le personnel, les organismes partenaires et nos réseaux élargis. Or, il nous faut offrir des espaces, du temps et des ressources afin que les relations puissent se développer et véritablement favoriser le bien-être culturel, spirituel, physique et mental des gens avec qui nous sommes en contact.

Principe 2 Prendre appui sur les perspectives autochtones locales

Nous fondons notre travail sur des perspectives autochtones locales qui honorent les visions, les pratiques, les traditions, les cultures et les identités propres à divers groupes, en divers lieux. En valorisant la diversité des peuples et communautés autochtones, nous remettons en question l’idée d’une seule et unique « perspective autochtone ».

Principe 4

Adopter des approches

guidees par les jeunes

Nous valorisons des approches et des processus dictés par les jeunes qui amplifient leurs voix et inspirent l’action et des changements positifs, dans la communauté et au-delà. Ce sont donc les jeunes qui déterminent les sujets à aborder et les activités à réaliser, de sorte que leur projet réponde directement à leurs besoins, à leurs intérêts et à leurs préoccupations.

Principe 5

Assurer un consentement eclaire et continu

Nous nous engageons à assurer un consentement éclairé et continu pour cultiver la confiance et des liens communautaires forts. Pour ce faire, nous veillons à ce que les jeunes et leur communauté comprennent les projets (consentement éclairé) et y adhèrent tout au long du processus, pas qu’au début (consentement continu). Pour qu’il y ait consentement éclairé, on doit tenir compte des langues parlées par les jeunes et leurs tuteur·trices, et éviter l’utilisation d’un jargon universitaire le plus possible.

Principe 6

Mettre la culture et la ceremonie au premier plan

Nous ancrons nos pratiques dans la culture et la cérémonie pour faire front aux tentatives historiques d’arracher les peuples autochtones à leurs cultures et pour nous assurer que notre travail est culturellement adapté et sécuritaire. Mettre la culture et la cérémonie au premier plan, cela signifie de rendre des remèdes disponibles et de prendre du temps pour la purification par la fumée, la prière, le lien avec le territoire, l’échange avec les aîné·e·s et les gardien·ne·s du savoir, ainsi que le récit. Il est important que les jeunes puissent vivre la culture et la cérémonie de la façon qui leur convient le mieux.

Principe 7

Assurer un partage conscient du pouvoir

Nous encourageons des façons de travailler et d’interagir fondées sur la collaboration, avec l’intention de basculer vers un partage conscient du pouvoir entre les organismes communautaires, les leaders, les institutions et les jeunes. Cette approche décoloniale quant au partage du pouvoir se doit d’être dynamique pour s’adapter aux besoins des parties prenantes, y compris dans la distribution du pouvoir aux jeunes.

Principe 8

Privilegier des approches axees sur les forces et les personnes

survivantes

Nous tâchons de travailler selon des approches anti-oppressives, intergénérationnelles et axées sur le consentement qui tiennent compte des traumatismes et des séquelles de la violence coloniale, pour éviter de marginaliser ou de pathologiser davantage ces expériences. Les approches axées sur les personnes manières.

Principe 9 Valoriser des relations et des connaissances intergenerationnelles

Nous valorisons l’établissement de liens de confiance entre les jeunes et les adultes, en plaçant les jeunes au cœur de la recherche et des interventions communautaires en tant que producteur·trice·s de connaissances. Dans cet esprit, les équipes intergénérationnelles saluent le leadership des jeunes et les allié·e·s adultes. On reconnaît que les projets pilotés par les jeunes peuvent prendre de multiples formes et que les allié·e·s adultes se sentent prêt·e·s et disposé·e·s à soutenir les jeunes de toutes sortes de communauté pour favoriser la guérison collective.

Cercle d’ouverture et purification par la fumée avec l’aînée Cecile Smith et YIWU, sur les terres visées par le survivantes puisent dans les forces de la Traité no 6 (2020). Les cérémonies sont essentielles, car elles permettent aux jeunes autochtones de renouer avec leur culture.

Z A CH A R Y

Trouvez-vous que vous avez assez de temps et d’espace pour les cérémonies en dehors de YIWU?

À la maison, je pratique la purification par la fumée avec ma soeur, en famille.

Moi, je ne pratique pas la purification à l’école, mais je le fais à la maison, en famille... Lors de la commémoration de mon père, on m’a demandé, vu que Gabby n’était pas disponible, de donner un coup de main avex le foin d’odeur et tout. C’était vraiment chouette.

Je ne me sens pas super connectée à ma culture, pas du tout en fait. Je me sens comme une fille blanche LOL. Il m’est arrivé d’aller dans quelques réserves pour des occasions spéciales, comme des funérailles, des réunions de famille ou parfois des pow-wow, mais très rarement. La purification par la fumée et la danse sont les pratiques qui m’ont le plus rapprochée de ma culture, mais dans les deux cas, je ne le faisais pas par plaisir, mais par obligation. Quand j’ai commencé à danser plus jeune, je n’ai pas eu la piqûre loin de là. La danse était une corvée. Mais maintenant que j’y repense, je regrette d’avoir arrêté, parce que c’est magnifique de danser. En plus, je seraus restée en forme [rires]. Quand je retrouve le groupe d’Utopia, c’est comme un baume sur mon regret d’avoir délaissé mes traditions, et j’en suis reconnaissante. Utopia m’a aidée à renouer avec ma culture de toutes sortes de manières, comme en cueillant de la sauge. Maintenance, je vois la purification non pas comme un fardeau, mais un moyen de guérison.

Conversation sur les cérémonies dans un groupe de jeunes, entre les jeunes femmes de YIWU et le jeune collaborateur autochtone Zachary Mandamin. Extrait du livre de YIWU Kîyânaw ocêpihk (2022, traduction libre).

NI C O LET TA
ME L O D Y

Pratiques Prometteuses sont les

Que“pratiques prometteuses"?

Les pratiques prometteuses constituent des approches, des interventions et des façons de travailler qui, après avoir été essayées dans le cadre d’initiatives communautaires et de projets de recherche, se sont avérées porteuses de changement. Ces pratiques prometteuses misent sur des approches qui ont réussi à mobiliser des jeunes autochtones à long terme, à impulser une dynamique qui continue d’animer les jeunes en valorisant les expériences et identités autochtones et, enfin, à apporter un vent de renouveau dans la vie et les communautés des jeunes personnes participantes.

Les pratiques prometteuses sont toutes très différentes les unes des autres. Elles varient selon leur degré de complexité, leur déploiement dans le temps et les parties impliquées. Alors que certaines sont plutôt à court terme et ponctuelles, applicables par exemple en l’espace d’un après-midi d’atelier, d’autres s’inscrivent dans la durée et portent leurs fruits sur le long terme, comme le mentorat. Les pratiques prometteuses présentées ci-dessous sont toutes complémentaires : chacune soutient les autres. Ceci dit, chaque pratique peut aussi être adoptée séparément et adaptée à votre contexte ou communauté.

Vous trouverez un aperçu et quelques caractéristiques clés de chacune des pratiques prometteuses, ainsi que des idées et des trucs pour les instaurer ou les faire durer. Chaque pratique prometteuse est accompagnée d’un exemple de mise en œuvre tiré du projet More Than Words.

Pratique Prometteuse no 1: Travailler avec des groupes de jeunes

Pratique Prometteuse no 2: Passer à l’action ensemble par les arts

Pratique Prometteuse no 3: Favoriser le mentorat, l’auntyship (le « tantorat ») et le leadership des jeunes

Pratique Prometteuse no 4: Amplifier la voix des jeunes

Pratique Prometteuse no 5: Étudier le changement par l’évaluation organique et des approches créatives

Pratique Prometteuse no 6: Établir et maintenir des partenariats et des réseaux

TRAvailler avec des groupes de jeunes

Pourqoi

travailler avec des jeunes autochtones en groupes?

Les groupes de jeunes offrent des espaces où les jeunes autochtones peuvent se réunir entre pair·e·s pour aborder des sujets qui leur importent et déployer un activisme en lien avec des enjeux de justice sociale. Les projets pilotés par des jeunes autochtones battent leur plein quand ils amènent les jeunes à tisser des liens. D’ailleurs, en travaillant avec des jeunes en groupes (donc en favorisant les échanges entre jeunes plutôt qu’en entretien individuel ou en binôme), on peut mieux amplifier la voix des jeunes d’une manière culturellement adaptée et sécuritaire, spécifique à l’endroit et à la communauté. Tantôt pilotés par des jeunes, tantôt animés ou encadrés par des adultes allié·e·s, les groupes de jeunes favorisent le développement d’amitiés et de liens sociaux. Ces occasions de socialisation entre pair·e·s contribuent à créer un sentiment d’entraide et d’appartenance communautaire : les jeunes peuvent nouer de nouveaux liens et élargir leur cercle social dans leur vie personnelle, dans leur communauté et au sein d’autres groupes de jeunes qui militent pour la justice sociale. Pour les jeunes, se réunir entre pair·e·s peut être émancipateur et donner confiance, au point que les jeunes voudront continuer de s’impliquer et d’éventuellement assumer un rôle de mentor·e ou de leader au sein du groupe.

Le rassemblement de groupes de jeunes dans le cadre du projet More Than Words a fourni un terreau propice à l’établissement de liens entre les jeunes. Ces liens ouvrent la porte à l’apprentissage interculturel et au mentorat entre pair·e·s. Photo : Des filles et jeunes femmes de GET Art (Rankin Inlet) visitent les membres de YIWU sur les terres visées par le Traité no 6, accueillies par des danseurs traditionnels (2022).

Un atelier de collage à l’Université York avec les jeunes de YIWU (terres visées par le Traité no 6) et de Break the Silence (Eskasoni) (2023).

Elements cles de cette pratique prometteuse

liens entre les groupes de jeunes

Les groupes de jeunes contribuent à créer des liens entre des jeunes autochtones au sein d’une même communauté ou entre différentes communautés ou régions du monde. Quand ces groupes se réunissent, les jeunes ont l’occasion d’apprendre comment les autres abordent les enjeux sociaux dans leur communauté. Rassurantes, ces rencontres chassent le sentiment de solitude et donnent naissance à des réseaux sociaux solides qui peuvent renforcer la motivation, la confiance et le sentiment d’appartenance. Quand les jeunes de différentes nations et régions peuvent voyager chez les autres et se rassembler dans un même espace, les apprentissages sont riches et peuvent être rapportés à la maison.

Mentorat

Les groupes de jeunes peuvent se prêter à divers types de relations de mentorat. Par exemple, le mentorat de groupe est indiqué quand on compte davantage de jeunes mentoré·e·s que de mentor·e·s responsables de l’animation. Pour sa part, le mentorat entre pair·e·s se déroule entre des jeunes qui s’apportent une aide réciproque. Mentionnons aussi le mentorat avec des tantes et matriarches autochtones, qui contribue souvent à la création d’espaces plus sûrs pour les jeunes. Grâce à ces divers types de mentorat, les jeunes ont l’occasion de tisser des liens sociaux et d’assumer le rôle de leader dans leur groupe (voir la pratique prometteuse no 3 sur les différentes relations de mentorat).

Implication des adultes

Les adultes s’impliquent souvent dans les groupes de jeunes en s’occupant de l’animation et du mentorat. Le modèle du groupe de jeunes peut servir de pont entre les jeunes et les leaders dans leur communauté, notamment les aîné·e·s, les personnes porteuses de savoir, les tantes et d’autres figures d’exemple. Les adultes veillent à créer des occasions de rencontre entre les jeunes autochtones et les jeunes d’autres communautés ou organismes. Les adultes et les jeunes sont constamment en train de se partager le pouvoir et de communiquer sur les dynamiques à l’œuvre afin d’arriver à une collaboration équilibrée et d’assurer l’intégrité du projet piloté par les jeunes. Plutôt que de se mettre au centre de la tribune, les adultes veillent à amplifier la voix des jeunes.

activisime et changement social

Les groupes de jeunes peuvent œuvrer à la mobilisation des savoirs, au renforcement des solidarités et à la création de changements positifs dans leur communauté. Ces groupes peuvent s’insérer dans des mouvements plus larges, parfois mondiaux, qui luttent contre les injustices sociales et tâchent d’améliorer la vie des jeunes.

“Plus tard, je veux devenir activiste pour les droits des femmes et des Autochtones. J’ai adhere a YIWU en suivant les traces de ma soeur et de ma cousine, qui m’ont toujours

donne le gout d’y aller avec elles... J’adore ca la-bas parce que je sens qu’on m’accepte pour qui je suis. Je sens de l’accueil et de l’amour." (traduction libre)

nicoletta daniels

YIWU, TERRES VISÉES PAR LE TRAITÉ N O 6 7

7 Extrait du livre KÎYÂNAW ocêpihk, autoédité par YIWU, produit par Young Indigenous Women’s Utopia, Young Indigenous Women’s Utopia 2.0 et Zachary Mandamin, sous la direction de Belinda Daniels, 2022.

Reconnaissance de l’importance des dynamiques de genre

De nombreux groupes de jeunes sont organisés autour d’une identité de genre, par exemple un groupe de filles, de jeunes femmes ou de jeunes 2SLGBTQIA+. Un espace sans garçon ni homme cisgenre peut atténuer les déséquilibres de pouvoir, qui étouffent certaines voix dans les espaces mixtes. Ainsi, les jeunes peuvent libérer leur parole et trouver leur voix. Lorsque les personnes participantes expriment leur désir de travailler avec des garçons et des hommes, les groupes définissent des ententes communes qui précisent les rôles, les attentes et les valeurs à respecter pour favoriser des relations positives pour tout le monde. Plusieurs formules de collaboration sont possibles : parfois, on verra des groupes de garçons et des groupes de filles travailler en parallèle et collaborer à l’occasion (ou plus souvent) sous forme de groupe mixte

Evolution des groupes

Les groupes évoluent dans le temps. À mesure que les jeunes grandiront, au fil de leurs apprentissages, les objectifs et les domaines d’intérêt changeront. La participation des jeunes à l’origine du projet pourra parfois s’estomper pour laisser place à de nouvelles recrues. Les groupes de jeunes se doivent d’être dynamiques et capables de suivre l’évolution des besoins et des intérêts pour pouvoir s’y adapter. Un excellent moyen de bâtir une communauté forte et dans le projet ou y reviennent après une pause. solidaire consiste à laisser la place aux personnes participantes qui embarquent dans le projet ou y reviennent après une pause.

Acces a des services de soutien

Il n’est peut-être pas réaliste pour les groupes de jeunes de répondre à la totalité des divers besoins des membres, surtout en ce qui touche la santé et le bien-être. Cela dit, par l’intermédiaire des espaces pour les groupes de jeunes, les jeunes et les adultes peuvent jouer un rôle important en facilitant l’accès aux services de santé et aux services sociaux (santé mentale, crises familiales, agressions sexuelles, dépendances, etc.), et ce, en rendant disponible l’information sur les services locaux, les lignes d’assistance téléphonique et les ressources qui existent ainsi que les moyens d’en bénéficier.

“J’aime etre dans un endroit avec des gens qui en ont besoin comme moi. On a toutes nos batailles, mais quand on se reunit avec YIWU pour creer, jouer a des jeux ou au volleyball, faire nos devoirs, on change d’air et on s’amuse, je trouve. C’est merveilleux d’avoir un espace ou je peux relaxer avec des jeunes de mon age. YIWU chasse la solitude et me donne l’occasion de tisser des amities. Comme moi, beaucoup des filles du groupe sont genees et apprennent a sortir de leur coquille. Avant de me joindre a YIWU, je n’avais pas d’espace pour m’ouvrir en toute confidentialite.

Quand j’ai participe a la danse en rond, meme si j’etais a des milliers de kilometres de la maison, je pouvais sentir la meme energie que sur les terres visees par le Traite no 6." (traduction libre)

Harmony mckay

YIWU, TERRES VISÉES PAR LE TRAITÉ N O 6, RÉFLEXION APRÈS UNE CÉRÉMONIE DE DANSE EN ROND AVEC D’AUTRES JEUNES AUTOCHTONES À OTTAWA, 2024

Conseils Pour adopter cette pratique prometteuse

former le groupe

Habituellement, un groupe de jeunes voit le jour quand de jeunes leaders ou des adultes décèlent le besoin de programmes et d’espaces pour les jeunes dans leur communauté. Les jeunes à l’origine de l’initiative pourraient avoir à identifier des adultes de confiance pour les aider, tandis qu’inversement, les adultes à l’origine de l’initiative pourraient devoir trouver de jeunes recrues.

Definir des objectifs et une raison d’etre, et nouer des liens au sein du groupe

Les personnes à l’origine du groupe gagnent à définir leur vision, notamment leurs objectifs et valeurs, en précisant à qui s’adresse le groupe et comment on peut y contribuer. Quel genre d’espace est propice à ce que les membres du groupe veulent créer ensemble? Par exemple, si l’on veut favoriser des espaces plus sûrs pour se pencher sur des questions de genre, il pourrait être judicieux de commencer par travailler avec des jeunes qui s’identifient au même genre, par exemple de rassembler des personnes bispirituelles et non binaires pour qu’elles explorent leur vécu, des filles et des jeunes femmes pour qu’elles examinent ensemble les VSS, ou encore des garçons et des jeunes hommes pour qu’ils se familiarisent avec des approches saines quant à la masculinité. Une clé : cultiver des relations de confiance dans le groupe.

Membres du groupe de jeunes GET Art en pleine création artistique à Rankin Inlet (2024). Dans ce groupe, les jeunes mentor·e·s coaniment les ateliers.

Des membres du groupe de jeunes Break the Silence: Be the Change voyagent d’Eskasoni à Montréal pour participer à un événement de More Than Words avec d’autres groupes de jeunes (2023).

“Lors

de nos cercles de partage, nous nous presentons toujours et revelons quelque chose sur nous. J’ai l’impression que le fait de se presenter chaque fois, meme si nous nous connaissons quand meme un peu, renforce la confiance en soi et aide a se presenter aux autres ou a nouer des amities. J’ai assurement vu les jeunes gagner en le gerete et en confiance." (traduction libre)

Chercher du soutien communautaire

Il peut être utile de présenter l’idée du groupe de jeunes à la communauté, question de faciliter l’obtention de soutien, le partage des connaissances et l’accès à des ressources : espace, matériel, substances médicinales, etc. La recherche de soutien pourrait impliquer d’approcher des organismes (centres communautaires, organismes culturels, écoles) ou des individus (intervenant·e·s auprès des jeunes, enseignant·e·s, leaders communautaires).

Zachary Mandamin
CHERCHEUR AUTOCHTONE COLLABORANT AVEC YIWU

Choisir des lieux accessibles

Répertoriez de potentiels lieux de rencontre ou de rassemblement pour le groupe, en cherchant dans la communauté des endroits accessibles gratuitement, sécuritaires et faciles d’accès pour les jeunes : café, centre communautaire, école, lieu de rassemblement traditionnel, etc. Pensez notamment à la fréquence du transport public et à l’accessibilité physique du lieu.

“Salut Jen! Quel honneur de faire ca, j’ai tant de gratitude. Avec le groupe de filles, on passe toujours un bon moment. On rit, on pleure, on echange, on vit des moments inoubliables. Notre derniere seance etait si belle, j’aimerais que ce soit toujours aussi

magnifique. Etre toutes ensemble, avec nos superbes invite .e .s, a passer le temps, a nous raconter nos histoires dans un tipi sur le territoire, a sentir l’air frais et la sauge, a manger. C’est le comble du bonheur. Qu’on se le dise

(traduction libre)

: il n’y a rien de mieux.”

YIWU, TERRES VISÉES PAR LE TRAITÉ N O 6 RÉFLEXIONS SUR LE RASSEMBLEMENT D’ÉTÉ DANS L’INFOLETTRE DE SEPTEMBRE 2020

Choisir les moments de rencontre

Demandez-vous quel horaire de rencontre conviendrait le mieux pour le groupe. Est-ce que des rencontres hebdomadaires ou bihebdomadaires pourraient faire l’affaire? Le groupe se rencontrera-t-il la semaine ou la fin de semaine? Prévoit-on des ateliers ponctuels ou de courtes retraites? Déterminez si les jeunes se sentent à l’aise de se rassembler le soir et peuvent revenir à la maison en toute sécurité. Commencez à planifier des activités et adaptez-vous au fur et à mesure!

Opter pour le presentiel ou le virtuel

Les rencontres en personne dans la communauté offrent de précieux espaces pour cultiver des liens et un sentiment d’appartenance. Les rencontres en ligne présentent aussi des avantages considérables, mais les inégalités d’accès à Internet peuvent constituer un frein important. Cela dit, le mode virtuel est parfois indiqué pour interagir avec des gens hors de la communauté, par exemple d’autres groupes de jeunes ou des chercheur·e·s universitaires.

Choisir les themes

Les premières rencontres du groupe peuvent servir à cerner les sujets qui intéressent les jeunes. Le groupe veut-il aborder des enjeux de VSS? Des pratiques culturelles? L’activisme et le leadership des jeunes? La violence environnementale? Toutes les idées sont les bienvenues! Le remue-méninges peut prendre la forme d’une discussion ou d’un cercle de parole, ou encore faire appel à des moyens créatifs comme la schématisation, le collage ou le dessin. Au fil de l’élaboration des thèmes, le groupe pourra envisager d’impliquer des conférencier·ère·s invité·e·s ou des gardien·ne·s du savoir pour faciliter l’exploration des sujets retenus.

Planifier des activites

Dans ses premières rencontres, le groupe peut commencer à déterminer les types d’activités qui stimuleront tout le monde. Planifiez des activités que les jeunes aimeraient faire ensemble. Par exemple, pour explorer différents thèmes, les jeunes pourraient vouloir expérimenter des pratiques artistiques comme la photographie, la peinture murale, le théâtre, la poésie, la vidéo ou une combinaison de ces activités. Il est possible de conjuguer les pratiques artistiques à l’exploration de traditions culturelles et de cérémonies, par exemple en ouvrant le dialogue avec des gardien·ne·s du savoir de la communauté et en allant dehors, en marchant sur le territoire.

Aider les jeunes a se rencontrer

Les jeunes gagnent vraiment à nouer contact avec leurs pair·e·s dans la communauté ainsi qu’avec d’autres organisations ou groupes de jeunes à l’extérieur de leur milieu. Cherchez des occasions de rencontre entre jeunes : conseils des jeunes, rassemblements de jeunes, danses en rond, festivals, cérémonies, marches, dialogues communautaires.

possibilites de rencontre entre jeunes

Publier sur les médias sociaux et suivre le compte d’autres jeunes ou groupes de jeunes pour rester à l’affût de leurs activités. Medias sociaux

Congres et evenements

Chercher des congrès ou des événements auxquels pourraient participer les jeunes.

Participer à des rassemblements nationaux avec des jeunes et leurs partenaires venant des quatre coins du pays. grands rassemblements en personne

Participer à des rassemblements virtuels où se déroulent des présentations, des discussions ou des ateliers avec une diversité de jeunes dans la communauté. Rassemblements virtuels

Organisations de jeunes

Contacter différentes organisations pour planifier des visites ou des rencontres visuelles.

Presentation du travail des jeunes

Présenter les activités d’autres groupes pilotés par des jeunes autochtones.

Assurer le suivi des activites

Pour communiquer aux autres les types d’activités tenues, les jeunes ont tout intérêt à garder des traces de ce qui est fait (on peut prendre des notes, des vidéos ou des photos, collectionner ou archiver les œuvres des jeunes, donner des nouvelles aux partenaires ou allié·e·s par courriel ou sur les médias sociaux). Ces « preuves » des activités menées sont utiles pour recruter d’autres jeunes membres et pour promouvoir le projet auprès de la communauté, des partenaires et des bailleurs de fonds. Il peut être vraiment encourageant et motivant pour le groupe de regarder le bilan de ses activités et réalisations. Ajoutons enfin que le suivi des activités est un élément clé de l’évaluation organique (voir la pratique prometteuse no 5).

CONSEIL POUR LA DURABILITE

Aucune pratique ne peut à elle seule assurer la pérennité d’un groupe de jeunes. Avec l’émergence de nouvelles préoccupations et de nouveaux groupes de jeunes, il se pourrait que d’autres problèmes s’ajoutent au tableau et que se redessine le portrait des besoins et des désirs des jeunes autochtones. Il peut être bienvenu d’essayer différentes activités et façons de collaborer. Le plus important : écouter les jeunes. Cette écoute aidera à définir les besoins du groupe.

Pleins feux sur

LES RECITS DERRIERE LES GROUPES DE JEUNES DE MORE THAN WORDS

Trois groupes de jeunes sont impliqués dans le projet More Than Words : Break the Silence: Be the Change (BTS), Girls Expressing Themselves Through Art (GET Art), et Young Indigenous Women’s Utopia (YIWU). Chaque groupe se distingue par sa forme et son fonctionnement, qui sont adaptés aux circonstances particulières de son apparition, aux intérêts et besoins propres aux jeunes de sa communauté, ainsi qu’aux possibilités et aux défis variables de cette même communauté. Chaque groupe est soutenu de diverses façons par des adultes allié·e·s et de jeunes mentor·e·s plus âgé·e·s que le reste du groupe.

Les membres de Break the Silence prennent part à une promenade spirituelle (medicine walk) à Kahnawà:ke, une communauté autochtone dans une autre province (2023). Cette marche a permis de souder le groupe et de découvrir les traditions et les pratiques de la nation des Kahnien’kehá:ka (nation mohawk). De gauche à droite : Alyssia Christmas, Jaylyn Morris, Edmund Morris et Hannah Battiste.

BREAK THE SILENCE

Le groupe Break the Silence a été formé par des jeunes (18 à 25 ans) de la Première Nation d’Eskasoni à la lumière d’un constat : les jeunes avaient besoin d’un espace communautaire qui leur serait propre. Les jeunes de la communauté se réunissent souvent dans des ateliers et des retraites d’une fin de semaine, qui bénéficient du soutien et de l’animation de Linda Liebenberg, une adulte alliée qui porte les chapeaux de chercheuse communautaire, de spécialiste de l’évaluation et de professeure auxiliaire à l’Université Dalhousie. Grâce à des partenariats communautaires, le groupe a pu se rassembler à la clinique de santé mentale d’Eskasoni, faire de l’art, et mener des recherches sur la violence sexiste et le soutien aux personnes survivantes dans la communauté. Les membres du groupe recourent au mentorat entre pair·e·s et au mentorat intergénérationnel, tout en collaborant étroitement avec des gardien·ne·s du savoir de la communauté.

“Avant, il n’y avait rien pour les jeunes dans notre communaute, pas d’etablissement pour les jeunes ou quoi que ce soit

du genre. Je voulais qu’il en soit autrement, je voulais une place pour nous. Il se passe maintenant des choses pour les jeunes chez nous, et ca, c’est parce que nous avons pris la parole. J’en ai meme des frissons en y pensant. Nos voix ont ete entendues, puis les choses ont change.” (traduction libre)

8 Extrait d’une entrevue avec Hannah Battiste à un événement de More Than Words (Université McGill, 2023) : https://youtu.be/ bBfLOCt9aWs?si=wuuup1_uKsaktWUy

Hannah Battiste

9

“Si je m’implique, c’est pour que les plus jeunes sachent que oui, ils et elles ont une voix. Rien ne les oblige a s’en tenir aux re gles fixes en place depuis des annees. Au contraire, le changement est necessaire.” (traduction libre)

BREAK THE SILENCE 9

Girls Expressing Themselves Through Art (GET Art)

Girls Expressing Themselves Through Art (GET Art) est né d’un programme communautaire organisé à Rankin Inlet en 2017, un camp de création de vidéoclips échelonné sur trois jours. Le but : offrir aux filles et aux femmes inuit de la localité une plateforme pour proposer leurs propres représentations médiatiques. Ce camp a été mis sur pied par Cassidy Glennie, une étudiante à la maîtrise de l’Université Dalhousie, avec le soutien local de Mary Fredlund, du programme de counseling en matière de violence conjugale de Rankin Inlet, sans oublier le soutien extérieur de Marnina Gonick, professeure à l’Université Mount Saint Vincent. Au fil des activités du camp, un programme intitulé « Girls Talk Back » a pris forme et s’est imposé sur une base régulière dans la communauté. Deux cousines dans l’adolescence, Julia Ussak et Haily May Ussak, sont devenues des participantes régulières du groupe et, avec le temps, ont gagné en leadership en s’occupant de la coordination et de l’animation des programmes artistiques, aux côtés d’une adulte alliée, Jennica Alhda Barcial. En 2018, le programme a été rebaptisé « Girls Expressing Themselves Through Art » (GET Art).

“ Je ne crois pas que nous ayons beaucoup de ressources a Rankin Inlet. Ce groupe peut apporter une immense aide aux jeunes, qui n’ont pas vraiment d’espace securitaire ou aller... Il signifie enormement pour moi. Ce groupe m’a aidee a traverser beaucoup d’epreuves en grandissant. J’y ai tisse des amities en or et j’y ai eu enormement de plaisir.” (traduction libre)

Edmund Morris

Les jeunes mentor·e·s de GET Art jouent un rôle important dans la planification et la coanimation des activités de création artistique avec les plus jeunes (2024). Le modèle du groupe de jeunes offre une structure et une communauté où les plus âgé·e·s peuvent mentorer ou encadrer leurs cadet·te·s. De gauche à droite : Haily May Ussak, Julia Ussak et Jemma Ulurksit.

GET Art mise sur la programmation. Les ateliers, souvent organisés après l’école et échelonnés sur une semaine, explorent un éventail de thèmes comme l’autonomisation, l’identité inuit et la pratique artistique inuit. Les programmes se déroulent dans des espaces communautaires comme le centre pour les victimes de violence conjugale, ou encore dans les salles de conférence d’hôtels locaux. Dans les six dernières années, des jeunes de 5 à 17 ans ont participé aux programmes du groupe, qui compte actuellement sur l’implication continue de trois jeunes mentor·e·s dans la planification et l’animation des activités. Les aîné·e·s et les membres de la communauté contribuent aussi aux ateliers en guidant des séances et en transmettant leurs connaissances et leurs compétences. L’adulte alliée et chercheuse Marnina Gonick, affiliée à l’Université Mount Saint Vincent, soutient GET Art par de la formation, du financement, du soutien administratif et la promotion des activités du groupe.

Les programmes parascolaires de GET Art accueillent souvent de jeunes filles du primaire. Les relations de mentorat entre les filles plus âgées et plus jeunes donnent naissance à des liens inestimables et à des moments de plaisir partagé! Cet atelier de création artistique s’est tenu en 2021.

Young Indigenous Women’s Utopia (YIWU)

Le groupe Young Indigenous Women’s Utopia (YIWU) a été mis sur pied par les tantes KariDawn Wuttunee et Jennifer Altenberg, sur les terres visées par le Traité no 6 (Saskatoon). Le duo cherchait à rassembler un groupe de filles autochtones en réponse à la violence qu’elles vivaient dans leur communauté. Les filles ont été invitées à participer à trois premiers ateliers, qui se sont déroulés trois samedis consécutifs au printemps 2017. Les inscriptions n’ont pas tardé : 12 filles ont répondu à l’appel, toutes entre 12 et 18 ans. Ces filles ont formé la « première génération » de YIWU (Gen-1). Beaucoup de ces jeunes sont toujours impliquées dans le groupe et mentorent une nouvelle génération de membres (Gen-2 ou YIWU 2.0). Au fil des années, le groupe YIWU a été épaulé par une complice du milieu universitaire, Sarah Flicker, affiliée à l’Université York.

Membres de la première génération de YIWU (2019). Bon nombre de ces jeunes femmes sont impliquées dans le groupe YIWU depuis plus de sept ans, c’est-à-dire depuis l’âge de 11 à 13 ans, et mentorent aujourd’hui la deuxième génération. En haut (de gauche à droite) : Gabby Daniels, Jessica McNab et Andie Daniels. En bas (de gauche à droite) : Kalan Cree Kakum, Ocean Sanderson et Cindy Mocassin.

“Au fil des echanges en groupe de filles, nous avons appris que l’amour de soi est notre arme contre la violence emotionnelle et physique. Je continue de revenir parce que j’aime passer du temps avec les filles et apprendre de nouvelles choses. J’ai beaucoup chemine : je n’ai plus peur de parler, d’exprimer mes emotions et de demander de l’aide. Je me sens vraiment a l’aise avec toutes les filles, c’est comme de la famille. J’aime le groupe parce qu’on m’y fait sentir a ma place… C’est un groupe formidable." (traduction libre)

“J'ai inte gre YIWU pour en savoir plus sur les FFADA2E+ et suivre les traces de ma soeur Kalan Kakum. C’etait tellement inspirant de la voir partir en voyage partout dans le monde. L’idee de toujours pouvoir apprendre et faire de nouvelles rencontres grace au groupe me faisait aussi rever. Ce que j’aime particulierement chez YIWU, c’est notre facon d’accueillir les filles et Jenn, de meme que le cercle que nous formons pour purifier l’espace avec la fumee et nous ouvrir sur ce que nous vivons au quotidien... Je trouve que c’est genial qu’il y ait des mentores autochtones… ”

Membres de la deuxième génération de YIWU (2022). Cette photo de groupe a été prise au lancement du livre KÎYÂNAW ocêpihk, à l’école secondaire Oskayak.
Kalan Kakum
Kelly Kakum

passer a l'action ensemble par les arts

Methodes visuelles participative pour le changement social

Les méthodes visuelles participatives (MVP) font appel à des outils et à des processus créatifs en vue, d’une part, de cocréer des connaissances avec la communauté et, d’autre part, de catalyser un changement social populaire. Les MVP invitent les jeunes à passer par l’art pour explorer des questions qui leur importent et agir sur celles-ci. Se prêtant au travail autant en individuel qu’en petit groupe, les MVP ouvrent la porte au partage du pouvoir et à la liberté créative. Les projets artistiques offrent aux jeunes autochtones un espace propice à l’exploration de sujets délicats, comme les VSS, qui les touchent parfois directement, mais tendent à passer sous silence parce qu’ils sont inconfortables ou difficiles à traduire en mots. Souples, les MVP peuvent être adaptées aux besoins et aux intérêts des jeunes autochtones ainsi qu’aux réalités et aux cultures locales. Il est d’ailleurs possible de diffuser les œuvres issues de ces méthodes avec des publics élargis, comme la reste de la communauté et d’autres parties prenantes.

exemples of methodes artistiques

L’art comme moyen de s’exprimer sur un sujet particulier. Les méthodes artistiques amènent souvent les jeunes à créer en réponse à une question incitative (une question brève qui suscite une réflexion sur un sujet particulier ou une expérience vécue). Ces invitations peuvent concerner des enjeux précis dans la communauté, comme les VSS ou les problèmes environnementaux. Elles peuvent aussi servir à ouvrir une discussion sur les retombées de la collaboration des groupes de jeunes et les changements constatés dans la vie des jeunes (voir la pratique prometteuse no 5 sur l’évaluation organique). La façon de répondre aux invitations sera susceptible de varier d’un individu ou d’un groupe à l’autre, mais les œuvres issues du processus auront toutes le potentiel de déclencher des discussions inspirantes.

Atelier de création de cellphilms (films tournés avec un appareil mobile). Les membres de GET Art sont en train de produire un cellphilm intitulé MIQSUQ (« couture » en inuktitut). Extrait du scénarimage : « La couture ne se réduit pas à l’acte de coudre. C’est une responsabilité qui incombe aux jeunes femmes. Cette activité compte pour nous parce qu’elle permet de subvenir aux besoins de notre famille, de garder notre langue bien vivante et d’encourager la chasse. » (2023)

exemples de pistes de creation et d'oeuvres

COLLAGE

Être auteur·trice ou conteur·euse, ça veut dire quoi?

Technique artistique simple et accessible, le collage consiste à découper des images trouvées dans des magazines et à les coller selon un agencement qui véhicule un sens nouveau. Ce collage a été réalisé par KalanCree, de YIWU (Université York, 2022).

“L’art est ma facon de m’exprimer quand je ne peux pas parler." (traduction libre)

Cellphilming

Pourquoi les groupes de jeunes sont-ils importants?

Un cellphilm est une vidéo brève filmée avec un appareil mobile comme un téléphone ou une tablette. Ce cellphilm, intitulé Tonguetied, a été réalisé par des membres de Break the Silence (Université McGill, 2023).

Je me sens brave quand...

La méthode photovoix consiste à prendre des photos et, parfois, à rédiger un texte d’accompagnement sur un sujet défini. Il s’agit souvent d’un catalyseur de riches discussions entre les participant·e·s. Cette photo a été prise par une personne membre de GET Art (Rankin Inlet, 2024).

Photovoice

Elements cles de cette pratique prometteuse

Creativite et prise de pouvoir de jeunes

Les MVP se centrent sur la voix des jeunes et leur façon de se représenter les enjeux qui leur importent. En créant des œuvres sur leurs expériences ou des questions d’intérêt dans leur vie, les jeunes produisent ou coproduisent dans un même temps des connaissances ancrées dans leur vécu, et ce, tout en affirmant leur pouvoir d’action et leur contrôle de leur vie.

Role de l’animation

Les adultes qui animent un groupe ou organisent des ateliers doivent s’occuper de la logistique et veiller à ce que les activités artistiques répondent aux besoins et aux intérêts des jeunes. Il leur faut adopter une approche réfléchie et intentionnelle qui tienne compte des aspects éthiques, notamment du consentement.

Dialogue sur la justice sociale : repliquer par l’art

L’art et les MVP permettent aux jeunes d’aborder des sujets ou des enjeux difficiles et de répliquer. Alors que la prise de parole sert davantage à mettre en lumière une question, la réplique sert plutôt à perturber et à démanteler les structures et les systèmes qui font office de normes. Les connaissances et les perspectives des jeunes sont considérées comme essentielles à cette déconstruction.

“L’art nous permet de nous exprimer creativement et esthetiquement. Beaucoup de ces approches artistiques donnent aux jeunes les moyens d’interpreter et d’analyser leurs propres oeuvres.” (traduction libre)

Considerations ethiques et consentement

Le recours à des MVP soulève plusieurs considérations éthiques sur la propriété, la confidentialité et l’anonymat, surtout lorsqu’il s’agit de photos ou de vidéos prises ou tournées par les jeunes et que les œuvres seront exposées lors d’événements publics ou diffusées largement. L’aspect éthique s’avère d’autant plus important quand les œuvres traitent de sujets délicats ou difficiles comme les VSS. Les MVP misent sur les conversations autour des considérations éthiques, liées notamment aux thèmes délicats et au risque de vivre ou revivre un traumatisme, ainsi que les questions sur la propriété des œuvres, l’anonymat, les publics et le consentement quant à la diffusion. Le consentement éclairé implique de vérifier que les personnes participantes comprennent pleinement les tenants et aboutissants du projet, tandis que le consentement continu implique de consulter celles- ci tout au long du projet pour obtenir leur aval à chaque étape.

Elargissement du dialogue a divers publics

Les œuvres produites par les jeunes peuvent servir d’outil de ralliement de la population (familles, adultes, agent·e·s du changement) au cœur de leurs conversations, et donc, de moteur d’action et de changement. Lorsqu’exposées dans des assemblées publiques ou des événements communautaires, elles peuvent élargir le dialogue et mobiliser les parties prenantes.

Des jeunes de Rankin Inlet se penchent sur des affiches qui présentent leur travail antérieur dans leur communauté. (2024)

“Ca fait du bien. Quand les parents viennent chercher leur enfant a la fin de la journee, c’est une occasion de voir ses oeuvres. Qui sait ce qui se passe a la maison et a quel point l’enfant recoit de l’attention? Grace a ce programme, les enfants peuvent montrer a leurs parents leurs creations, qui servent de perches tendues pour leur permettre de s’interesser davantage a leur jeune. Ces creations peuvent nourrir leur fierte et leur confiance en un avenir prometteur, dans les arts ou non.

J’espere que le projet motivera d’autres jeunes a faire de leur mieux dans leur pratique de predilection, que ce soit du collage ou une autre forme d’art… Peu importe leurs interets, j’espere que les jeunes persevereront et croiront a leur reussite.” (traduction libre)

Forme de recherche communautaire

Les MVP constituent une méthodologie de recherche communautaire servant à mieux comprendre un sujet à la lumière des perspectives des jeunes. Par leur processus créatif et leurs discussions sur les enjeux représentés dans leurs œuvres, les jeunes aident à définir des questions importantes à leurs yeux, puis à en laisser des traces, devenant ainsi des cochercheur·e·s. Cette coproduction des connaissances et cette lecture du monde avec les lunettes des jeunes influent sur la nature et la représentation des questions soulevées en recherche, modifiant dans un même temps la hiérarchie des pouvoirs typique de la recherche traditionnelle menée par les adultes.

Voici une peinture murale intitulée Creator! Save the Matriarch, produite par YIWU dans le centreville de Saskatoon (terres visées par le Traité no 6). L’œuvre dénonce la violence contre les femmes et les filles. Les mots No more stolen sisters, qui signifient « Plus jamais de sœurs enlevées », honorent la mémoire des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, en riposte à la violence coloniale et sexiste qui sévit sur les terres visées par le Traité no 6.

Conseils Pour adopter cette pratique prometteuse

Choisir un theme

Youth can determine what topics or issues they want to address through arts-based methods. Youth might decide this topic together or this might be a facilitated activity to brainstorm and then select or vote or decide on a topic.

Exemples de themes

Dénonciation d’un problème local ou mondial

Culture et tradition : entre célébration et apprentissage

Violences sexuelles et sexistes (VSS)

Mentorat et leadership

choisir une mvp

Il existe un vaste éventail de MVP. Certaines sont très simples et accessibles (dessin, peinture), alors que d’autres sont plus complexes et nécessitent un accès à de l’équipement comme des appareils mobiles (cellulaires, tablettes), des ordinateurs ou des imprimantes.

Cette trousse à outils, préparée dans le cadre du projet More Than Words, comprend des instructions et des exemples de toute une panoplie de MVP.

Choisir ou inviter un e animateur trice

Quelle personne serait la mieux placée pour animer des activités liées aux MVP? Peut-être une personne adulte de confiance déjà chargée de l’animation dans le groupe? Les MVP se veulent accessibles, mais l’animation qui les entoure peut s’avérer complexe. Parfois, on gagnera à inviter quelqu’un qui a déjà animé des activités faisant appel aux MVP ou à d’autres méthodes artistiques, surtout lorsque le groupe commence à mieux connaître ces approches.

Parler d’ethique et de consentement

Veillez à discuter d’éthique et de consentement d’entrée de jeu et à dresser collectivement un plan sur l’approche éthique adoptée dans le cadre du projet par rapport aux œuvres.

example questions for discussing ethics and consent with youth groups

Est-ce que les jeunes souhaitent que les œuvres révèlent leurs visages et leurs voix?

Quelles stratégies de création pourraient permettre divers degrés d’anonymat?

À qui les œuvres seront-elles montrées? Où seront-elles exposées? Pour combien de temps?

Où les œuvres seront-elles entreposées? Qui y aura accès?

Penser aux etapes du processus creatif

Les MVP impliquent généralement une série d’étapes, par exemple décider d’une question incitative, faire un remue-méninges sur le thème pour générer des idées, créer, montrer les œuvres au groupe, écrire sur les œuvres ainsi qu’organiser des expositions ou des publications pour diffuser les créations à plus grande échelle. Ces étapes sont susceptibles d’être modifiées ou réalisées dans un autre ordre, selon le contexte et la visée de l’activité. Les jeunes peuvent décider de créer en individuel ou en petit groupe.

Realiser les activites

Selon la communauté, l’expérience des animateur·trice·s et la méthode choisie, les activités liées aux MVP sont sujettes à varier légèrement. Parfois, une activité durera une seule séance; d’autres fois, elle s’échelonnera sur plusieurs. Par exemple, on pourrait vouloir créer des cellphilms pendant une journée, puis les diffuser et en discuter une autre journée. On pourrait aussi vouloir faire du collage et discuter des œuvres créées dans un même atelier de deux heures. La clé : la flexibilité! En laissant aux personnes participantes la liberté d’adapter les activités à leurs besoins, on favorise une expérience plus enrichissante pour tout le monde.

Le remue-méninges en petits groupes contribue à générer des discussions et des idées sur la question incitative posée (tiré de l’atelier de cellphilms tenu à l’Université McGill, 2023).

Le scénarimage est une étape du processus de création de cellphilms où les groupes dessinent leurs idées de film, scène par scène (tiré de l’atelier de cellphilms à l’Université McGill, 2023).

Une exposition qui présente les œuvres des groupes de jeunes de More Than Words à des publics hors tde leur communauté (Université McGill, 2023).

Exposer les oeuvres

Si l’idée intéresse le groupe, il pourrait être indiqué d’organiser un événement pour présenter les œuvres des jeunes aux membres de la communauté. Dans tous les cas, pensez à mettre sur pied une exposition de leurs créations, même si c’est seulement pour les jeunes du groupe. Il peut être très puissant pour les jeunes de voir le fruit de leur travail à côté de celui de leurs pair·e·s; ce peut être un catalyseur de nouvelles idées et de riches discussions (voir aussi la pratique prometteuse no 4 sur l’amplification de la voix des jeunes).

Le festival international annuel du cellphilm de l’Université McGill offre aux groupes de jeunes une vitrine mondiale pour montrer leurs créations. En 2019, le thème du festival était « Imaginer le changement ». Les membres de YIWU ont gagné un prix pour leur cellphilm sur la violence sexiste.

ZINES

Les zines constituent une forme de « contreculture » médiatique. Créés par et pour les groupes dont la voix n’est généralement pas écoutée ou représentée par les médias traditionnels, les zines ont été et continuent d’être un outil d’expression puissant, de renforcement communautaire et de préservation pour les populations sousreprésentées.

Plusieurs groupes de More Than Words ont créé des zines pour présenter leurs œuvres. La description des zines précédente est tirée de IMPRESS 2023 Collage Zine, produit par les stagiaires autochtones à l’Université McGill.

CONSEIL POUR LA DURABILITE : archiver

Pour pérenniser et amplifier les projets, il est crucial de garder des traces des œuvres des jeunes et de les conserver, par exemple en numérisant les dessins ou les collages, en prenant des photos des créations tridimensionnelles (sculptures, créations de couture) ou en créant une chaîne YouTube pour les cellphilms. L’idéal, c’est de s’y prendre dans le feu de l’action ou juste après les activités. Ainsi, on s’assure d’avoir des archives complètes. Il est aussi bon de garder des traces du processus (photos de l’atelier ou des jeunes en pleine action). Un autre bon moyen d’archiver les œuvres : créer des livres ou des zines. Le format des archives importe peu, l’essentiel, c’est que les jeunes puissent revisiter toute la collection de leurs œuvres. Mentionnons enfin que les archives peuvent éclairer l’étude du changement (voir la pratique prometteuse no 5 sur l’évaluation organique).

Pleins feux sur la revitalisation de la culture

inuit avec GET ART, RANKIN

INLET

La formule du programme un programme artistique parascolaire

Girls Expressing Themselves Through Art (GET Art) organise des séries d’ateliers parascolaires, chacune centrée sur un thème différent et une discipline artistique particulière. Chaque itération du programme accueille environ de 8 à 12 filles et jeunes femmes entre 5 et 18 ans. En mars 2024, GET Art a tenu un programme parascolaire de cinq jours, qui a donné aux jeunes l’occasion d’employer une gamme de MVP (collage, fabrication de zines, couture, photovoix, cellphilms, etc.) pour explorer la culture et les traditions inuit par le prisme de divers thèmes, en relation avec différentes personnes aînées. Les jeunes voulaient expérimenter un éventail de MV, puis pouvoir rapporter leurs œuvres à la maison pour les montrer à leur famille et garder des traces des thèmes explorés, des discussions tenues et du temps passé avec le groupe.

lundi

Mardi

Mercredi

jeudi

horaire du programme GET Art du 4 au 8 mars 2024

THEME

Emancipation + identite inuit

Emancipation + identite inuit

marques

d'appartenance + securite

recit inuit + propriete intellectuelle des jeunes

mvp conferences

Collage + creation de zines -

couture de pieces murales en feutre

Photovoix

ROSIE USSAK

Delphine Shouldice

Cellphilms Levinia Brown

synthese + reflections Helen Iguptak vendredi

expression de nos voix

Implication de jeunes mentores

Trois jeunes mentores – Haily May Ussak, Julia Ussak et Jemma Ulurksit – ont animé les séances, de concert avec une adulte alliée, Jennica Alhda Barcial, et une animatrice en visite, Emily Booker, chercheuse étudiante de l’Université McGill. Les mentores ont présenté le thème au groupe, aidé les jeunes à élaborer leurs idées et guidé l’aspect technique de la création artistique. De plus, elles ont aidé à recueillir les formulaires de consentement auprès des parents ou tuteur·trice·s des plus jeunes et ont obtenu du matériel et des rafraîchissements pour le programme. Les jeunes mentores et les adultes ont travaillé ensemble afin que les conférencières et les aînées invitées aient accès à un transport et reçoivent une juste rétribution pour leurs contributions.

Creation d’un zine de collages

Après une activité de collage le premier jour, Emily a aidé les membres du groupe à assembler leurs créations dans un zine. Un zine (issu du mot « magazine ») est une publication rudimentaire et peu coûteuse, généralement autoéditée et photocopiable à petit coût à des fins de distribution à petite échelle. Le zine de GET Art s’intitule ᐊᑭᐊᒃ (Akiak), un mot inuktitut qui signifie « brave ». Riche de sens pour les jeunes du groupe, cette collaboration autour d’une œuvre collective s’est avérée un excellent moyen de faire voir la lumière du jour à leurs créations en dehors du programme.

Ce collage de Teryn, intitulé « The North », est accompagné de la légende suivante : « Je me sens en confiance quand je suis dans le Nord, quand je peux passer du temps dehors. J’ai choisi ces photos parce qu’elles me font sentir bien et unique <3 C’est rare d’avoir la chance de pouvoir chasser avec son père ou aller pêcher sur la glace. »

Les membres de GET Art découpent dans des magazines des images qui leur évoquent le sentiment de bravoure, puis les agencent sur du papier. Certains collages comportent des mots et des images; d’autres sont entièrement faits d’images.

Une aînée de la communauté, Levinia Brown, présente des pièces murales en feutre qu’elle a confectionnées. Les filles ont ensuite expérimenté cette pratique en fabriquant les leurs pour les ramener à la maison. Elles ont exploré divers symboles, dont l’igloo (habitation traditionnelle en neige, symbole de la maison), l’inuksuk (empilement de pierres, symbole de l’être humain) et l’ulu (couteau traditionnel pour femmes).

Appel a des ainees et a des artistes pour donner des conferences

Dans le cadre de la semaine d’activités, les filles ont été visitées par des conférencières invitées de leur communauté, qui ont pu voir leurs œuvres et faire part des leçons tirées de leurs propres créations et expériences. Après un exposé sur l’histoire des pièces murales en feutre, Rosie Ussak a guidé les filles dans la couture de leurs propres pièces. Alors que Delphine Shouldice a parlé du sens des kakiniit (tatouages traditionnels) dans la culture inuit et du processus de réappropriation de cette tradition, l’aînée Levinia Nuqaalaq Brown, ancienne députée et vice-première ministre du Nunavut, a montré ses pièces murales et a raconté ce que c’était que d’avoir grandi dans la région. Le dernier jour du programme, Helen Iguptak, aînée et artiste en textile renommée, a montré au groupe certaines des oupées qu’elle avait confectionnées et a livré un témoignage sur son passage dans un pensionnat.

Fabrication de pieces murales en feutre

Pratique traditionnelle inuit, les pièces murales en feutre sont souvent associées à l’émancipation économique des femmes. Elles consistent en une série de formes et de motifs de différentes couleurs qu’on a découpés et cousus ensemble à la main pour raconter une histoire. Considérées comme un élément clé du patrimoine culturel et historique inuit, les pièces murales traditionnelles illustrent souvent des scènes de chasse et de pêche. Il est courant de les exposer à la maison ou de les offrir en cadeau à la visite.

Capture d’écran du cellphilm « Les espaces pour filles sont importants » (2024). Dans cette œuvre, Viola, Whisper, Naomi et Jeralyn livrent un message unanime : « GET Art nous permet de tisser de nouvelles amitiés et de collaborer. »

Creation de cellphilms

À la fin de la semaine, les filles ont travaillé avec des tablettes à la production de cellphilms (une à deux minutes) sur la signification du groupe GET Art dans leur vie. Le groupe a décidé que le montage n’était pas nécessaire : les jeunes pouvaient planifier, tourner et projeter leurs films dans une seule et même journée, que ce soit en tournant un seul plan-séquence ou en tournant plusieurs scènes séparées grâce à la fonction « pause ». En réponse à la question « Pourquoi les espaces pour filles sont-ils importants? », les filles ont été amenées à parler de leur implication dans GET Art et à expliquer l’importance de ce groupe pour elles.

Revitalisation culturelle par les arts

Les activités artistiques thématiques, mariées aux récits de la communauté, ont suscité dans le groupe une conversation animée sur les traditions et la revitalisation culturelles. Les œuvres produites en constituent le prolongement, de sorte que les échanges peuvent continuer dans les familles des jeunes ayant participé et, plus largement, parmi les membres de la communauté qui découvriront leurs créations : zines, cellphilms, etc.

Capture d’écran du cellphilm Teamwork makes the dream work (2024). Dans ce cellphilm, Katie affirme : « Nous aimons GET Art parce que c’est un lieu de bravoure. »

favoriser le mentorat,

l'auntyship

(le “tantorat”) et le leadership des jeune

Les relations de mentorat sont essentielles aux efforts déployés pour aider les jeunes autochtones à opérer des changements positifs dans leur communauté. Elles peuvent favoriser l’enseignement et pousser les jeunes à explorer leurs passions ainsi qu’à s’impliquer pour des causes qui leur sont chères. Le mentorat autochtone compte notamment deux piliers : la culture et le sentiment d’appartenance communautaire. Il n’est pas rare que les jeunes mentoré·e·s deviennent mentor·e·s plus tard. Le mentorat peut profiter autant aux mentoré·e·s qu’aux mentor·e·s, entre autres en favorisant le sentiment d’un pouvoir d’agir, la confiance et le leadership des jeunes. Le mentorat jette un pont entre les jeunes et des figures d’exemple, qui permet des apprentissages culturellement adaptés tout en renforçant les réseaux sociaux et les liens communautaires. Grâce à ces relations, les jeunes reçoivent un coup de pouce pour déployer leur activisme et changer les choses dans leur milieu. Sorte de ciment social entre les mentoré·e·s et les mentor·e·s, le mentorat peut agir comme facteur de protection en fortifiant les liens intergénérationnels et le rapport à la culture.

À gauche : En juillet 2020, YIWU s’est réuni dans le tipi familial de la tante Helen SemaganisWorme, sur les terres visées par le Traité no 6. Grâce à ce type de mentorat, les filles et les jeunes du groupe ont l’occasion de passer du temps ensemble et avec les aîné·e·s de leur communauté, autour de l’apprentissage de leçons traditionnelles cries.

À droite : Voici des photos d’un atelier de mentorat sur les marques de reconnaissance, tenu à Rankin Inlet (2020). Deux jeunes ayant participé à la fondation de GET ART et aux balbutiements du groupe assurent maintenant le mentorat entre pair·e·s et sont responsables des inscriptions et de l’animation des activités.

Mentorat divers types de

Le mentorat peut prendre diverses formes et se dérouler autant en individuel qu’en groupe (plusieurs personnes sont mentorées par un seul et même individu) :

MENTORAT

ENTRE PAIR E S

Le mentorat entre pair·e·s mise sur l’établissement de liens d’égalité entre des jeunes dont l’écart d’âge est faible. Grâce à ce type de mentorat, les jeunes ont l’occasion d’exercer leur leadership et de jouer un rôle rassembleur auprès de plus jeunes. En effet, ce mentorat fait naître des liens sociaux solides ainsi qu’un sentiment de communauté et d’appartenance entre les jeunes.

Dans le cadre des activités de GET Art à Rankin Inlet, comme cet atelier de collage, des filles mentorent leurs cadettes (2024). Dans cette petite collectivité, ces relations de mentorat sont importantes pour susciter un sentiment d’appartenance et des liens durables.

MENTORAT CULTUREL ET COMMUNAUTAIRE

Le mentorat culturel et communautaire se déroule dans la communauté et outille les individus pour qu’ils en deviennent des membres actifs. Adapté aux réalités culturelles, ce type de mentorat vise à rapprocher les personnes de leur culture pour favoriser des identités culturelles positives et, par le fait même, un sentiment d’appartenance et de pouvoir d’action.

RETRAITES ET ATELIERS DE MENTORAT

Les retraites et ateliers de mentorat rassemblent les mentoré·e·s et mentor·e·s pendant de courtes périodes pour tisser des liens et mettre en commun compétences et connaissances. Moins chronophage, ce style de mentorat tient compte de l’horaire rempli des jeunes, dont les priorités diffèrent de celles des gens du milieu de la recherche ou de l’organisation communautaire. Les retraites de mentorat peuvent être utiles pour nouer de nouvelles relations entre pair·e·s ou entre jeunes et adultes.

LE MENTORAT PAR LES TANTES OU LE “TANTORAT”

Le mentorat par les tantes ou le « tantorat » constitue une relation de mentorat proprement autochtone. Il revitalise les liens intergénérationnels entre les filles et les femmes autochtones en rapprochant les jeunes et des figures d’exemple, des aînées et des tantes dans leur communauté. Comme le mentorat culturel, le « tantorat » peut aider les jeunes autochtones à renouer avec leur culture en nourrissant un sentiment d’identité et de fierté culturelles. Ce type de mentorat auprès des filles et des femmes autochtones peut être régénérateur et guérisseur, tant pour les mentorées que pour les mentores.

À Eskasoni, la chercheuse

Linda Liebenberg (à gauche) a joué un important rôle de tante en épaulant les membres du groupe Be the Change, dont l’une des membres fondatrices, Hannah Battiste (à droite).

Les membres de YIWU ont monté une présentation sur la « science des petites mamans », qui parle de l’importance du « tantorat » et des enseignements des tantes pour leur groupe et leur communauté.

Elements cles de cette pratique prometteuse 13

Mentorat autochtone

Le mentorat autochtone mise sur la culture et la tradition en faisant intervenir des facteurs sociaux et environnementaux. Le tissage de liens culturels par le mentorat contribue à solidifier l’identité et la fierté culturelles. Ancré dans l’idée que tout individu peut être à la fois enseignant et apprenant, le mentorat autochtone s’écarte des modèles de mentorat typiquement eurocentriques. De plus, il préconise généralement l’activité et valorise une diversité de façons d’être et de modes de connaissances.

Qui peut etre ou devenir mentor e?

Le mentorat implique souvent d’identifier des individus qui feraient de bons mentors. Cela dit, les critères du profil parfait sont susceptibles de varier grandement d’un contexte à l’autre. Dans le cas de grands projets, peut-être que des mentor·e·s sont déjà impliqué·e·s; peut-être aussi qu’il serait avisé de faire appel à d’autres membres de la communauté. Dans tous les cas, une certaine formation permettrait d’amener les mentor·e·s à se rapprocher de leur idéal.

Mentorat axe sur les forces

Le mentorat axé sur les forces s’inscrit dans une perspective de justice sociale qui part de la reconnaissance et du renforcement des ressources des jeunes. Il s’oppose à une approche du mentorat axée sur les lacunes, qui peut s’avérer nuisible aux jeunes parce qu’elle met en relief ce qui est considéré comme un défaut ou une faiblesse. Tenant compte de l’importance de contextualiser les problèmes sociaux et les facteurs structurels en jeu dans la vie des jeunes, le mentorat axé sur les forces valorise le pouvoir d’agir des jeunes et les réseaux de soutien social en place.

“Etre une tante, c’est influencer les plus jeunes pour les amener a etre de bonnes personnes, les epauler et leur donner envie de se realiser pleinement. Cela implique d’incarner un modele positif et d’offrir aux autres un espace securitaire. Le fait de savoir qu’une autre personne me tient en estime m’aide a rester sur la bonne voie et me motive a m’ameliorer continuellement au fil du temps." (traduction libre)

Y IWU, TERRES VISÉES PAR LE TRAITÉ N O 6, EXTRAIT D’UNE PRÉSENTATION SUR LES ENSEIGNEMENTS DES TANTES

Mentorat formel et informel

Le mentorat formel est plutôt structuré, orienté vers les objectifs et échelonné sur une période définie. Il s’inscrit parfois dans un programme coordonné par une partie tierce, par exemple à l’école. En contrepartie, le mentorat informel (ou organique) tend à naître spontanément entre les personnes, qui en viennent à tisser un lien de manière naturelle.

“Ca fait un peu peur. D’une certaine facon, on les amene a penser differemment et on leur apprend de nouvelles choses. J’espere qu’on les dirige ainsi vers un meilleur avenir." (traduction libre)

À Eskasoni, des jeunes dans la vingtaine collaborent à un groupe de mentorat mixte et diffusent leurs connaissances par la publication de livres, la création de matériel de soutien et la participation à des congrès de jeunes. Dans cette photo, les membres Edmund Morris (à gauche) et Jaylyn Morris (à droite) présentent les œuvres du groupe dans le cadre d’un nouveau livre intitulé Mi’kmaw Affirmation Book to support youth mental health and wellbeing (sous le mentorat de Hannah, membre fondatrice du groupe), un projet mené de concert avec une équipe de recherche de Montréal (Université McGill, 2024).

Eventail des milieux de mentorat

Le mentorat en milieu scolaire peut s’intégrer aux structures et aux programmes des écoles pour favoriser l’implication des jeunes et l’appartenance à la communauté scolaire. Le mentorat en milieu universitaire, quant à lui, tient compte de l’importance des relations entre pair·e·s autochtones, surtout quand les étudiant·e·s autochtones sont loin de leur communauté et se sentent coupé·e·s de leur culture. Enfin, le mentorat sur le territoire aide les mentor·e·s et les mentoré·e·s à renouer avec la terre et leur identité culturelle.

Mentorat et leadership des jeunes autochtones

Le mentorat favorise le leadership des jeunes autochtones, lequel tend à être relationnel et à valoriser la confiance, l’humilité et la santé14. Les jeunes de divers horizons culturels gagnent à avoir des modèles dans leur vie, ou des personnes-ressources vers qui se tourner dans les dédales de l’adolescence et du début de l’âge adulte. Le mentorat propose aux jeunes des modèles et des cadres qui les orienteront vers le rôle de leader ou de pair·e mentor·e en temps opportun, si les jeunes se sentent prêt·e·s à porter le chapeau.

14 Monchalin, R., Flicker, S., Wilson, C., Prentice, T., Oliver, V., Jackson, R., ... Native Youth Sexual Health Network. (2016). « 'When you follow your heart, you provide that path for others’: Indigenous models of youth leadership in HIV prevention ». International Journal of Indigenous Health, 11(1), 135-158.

Reflexion sur le mentorat

Le mentorat autochtone, le « tantorat » et le leadership des jeunes sont autant de thèmes que les groupes peuvent aborder et explorer par les arts, afin d’immortaliser, de célébrer et d’amplifier les retombées de ces relations marquantes.

Question incitative : Quel sens le mentorat autochtone revêt-il pour toi?

Ce collage, publié dans le IMPRESS 2023 Collage Zine, est l’œuvre de la mentore autochtone Emilee Bews, qui a encadré les stages d’été des étudiant·e·s autochtones avec le Participatory Cultures Lab, à l’Université McGill (2023).

“Les initiatives comme IMPRESS sont tellement importantes pour permettre aux etudiant.e .s autochtones de cocreer une communaute. Comme mentore, je m’efforce d’offrir le soutien que j’aurais aime moi-meme recevoir au debut de mon parcours universitaire et professionnel. Le mentorat, surtout pour les etudiant.e .s autochtones, est essentiel pour s’orienter dans le milieu universitaire, aux cotes de personnes qui souhaitent notre reussite." (traduction libre)

Conseils Pour adopter cette pratique prometteuse

“Je suis une tante et j’adore mes nieces et mes petites soeurs.

Je les aime de tout mon coeur et je veux qu’elles grandissent avec le sentiment d’etre importantes. Je veux qu’elles sentent qu’elles ont une voix, que leur parole peut etre entendue et qu’un grand avenir les attend. Je souhaite la meme chose pour notre generation.” (traduction libre)

Hannah Battiste

BREAK THE SILENCE, ESKASONI 15

CHOIX DU TYPE DE MENTORAT

Lorsque vous voulez choisir un style de mentorat, pensez aux questions ci-dessous. N’oubliez pas : les styles de mentorat peuvent être combinés et adaptés aux besoins et aux intérêts des personnes participantes et des communautés.

Une forme de mentorat organique se développe-t-elle déjà dans la communauté?

Existe-t-il dans la communauté des gens qui jouent naturellement un rôle de mentor?

Quel style de mentorat serait le plus adapté sur le plan culturel?

Quelles sont les disponibilités des modèles adultes dans la communauté?

Quelles sont les disponibilités des jeunes qui souhaitent se faire mentorer?

Le mentorat entre pair·e·s intéresse-t-il les jeunes d’âge plus avancé?

Côté mentorat, existe-t-il des lacunes? Qui n’est pas représenté·e parmi les mentor·e·s?

15 Entrevue avec Hannah Battiste lors d’un événement de More Than Words (Université McGill, 2023) : https://youtu.be/ bBfLOCt9aWs?si=wuuup1_uKsaktWUy

Recrutement de mentor e s

Identifiez des personnes dans la communauté (adultes ou jeunes d’âge avancé) qui pourraient devenir mentor·e·s ou tantes. Cherchez des figures de modèle ou des personnes pour qui le mentorat est une seconde nature. Une forme de mentorat organique s’observe-t-elle dans le groupe de jeunes ou la communauté? Invitez les recrues potentielles à se renseigner sur les programmes pour les jeunes et le rôle de mentor·e.

Soutien aux mentor e s

Il pourrait être pertinent d’offrir du soutien aux mentor·e·s, comme de la formation, des plans d’activités ou du soutien logistique. En général, les programmes de mentorat formel proposent une formation, qui explique parfois les rôles et responsabilités des mentor·e·s, des stratégies pour nouer des relations de mentorat solides ainsi que les limites de ces relations. Les mentor·e·s consacrent beaucoup de temps et d’énergie à leur rôle, alors aidezles en saluant leur travail et en leur rendant la pareille. Prenez soin des tantes!

Organisation des activites de mentorat

Demandez-vous à quelles activités de mentorat les jeunes veulent participer et comment on peut utiliser celles-ci pour aborder des sujets ou des problèmes de leur choix.

Quel sera le rôle des mentor·e·s?

Quel sera le rôle des mentoré·e·s?

Quels sont les objectifs des activités et du mentorat de part et d’autre?

Les adultes responsables de l’animation pourraient s’occuper de la logistique, par exemple en planifiant les activités selon les disponibilités de chaque personne, en rassemblant le matériel nécessaire et en assurant l’accès à un espace sécuritaire.

Suivi : evaluation et adaptation du mentorat

Effectuez un suivi périodique auprès des mentor·e·s et des mentoré·e·s pour évaluer si le mentorat se déroule bien et si les besoins sont satisfaits, de part et d’autre. Il se peut que l’évolution des besoins vous amène à adapter le style de mentorat : si de nouveaux besoins émergent, vous devrez peut-être opter pour un type plus approprié. Par ailleurs, en vieillissant, les jeunes sont susceptibles de nouer de nouvelles relations de mentorat entre pair·e·s.

CONSEIL POUR LA DURABILITE : permettre aux roles d’evoluer au fil du temps

Au fil du temps, les membres des groupes de jeunes évoluent aux côtés de leurs pair·e·s, tout comme leurs rôles se transforment. Les jeunes qui participent aux groupes dans leurs premiers stades en viennent parfois à mentorer ou à « tantorer » les nouvelles générations de membres. En assumant de nouveaux rôles en vieillissant, les jeunes peuvent continuer de contribuer à leur groupe tout en renforçant leur leadership.

La flexibilité des rôles et des responsabilités laisse de la latitude, permettant ainsi aux parents et aux tuteur·trice·s des jeunes de s’impliquer plus activement. Les projets des jeunes ont inspiré les parents et les tuteur·trice·s, surtout les personnes jouant un rôle maternel. Ces personnes deviennent parfois des tantes actives au sein des groupes : elles participent à l’organisation des activités, aident les leaders du groupe dans l’animation et accompagnent les jeunes dans leurs déplacements à des événements hors de la communauté. La création d’un espace intentionnel, propice à l’évolution des rôles et des responsabilités des jeunes et des familles, peut favoriser la viabilité des groupes de jeunes.

Pleins feux sur

le “tantorat" au sein de yiwu

(terres visees par le traite no 6)

Pour comprendre l’approche bien particulière de Young Indigenous Women’s Utopia’s (YIWU) en matière de « tantorat » et de mentorat des jeunes, on gagne à examiner l’approche intergénérationnelle du groupe en matière de publications.

Generation 1

YIWU a vu le jour en 2017, d’abord sous la forme d’un groupe de recherche associé au projet Networks4Change. Le groupe, formé à l’origine de 12 membres de 11 à 13 ans, était encadré par les tantes Jennifer Altenberg et Kari Dawn Wuttunee, ainsi qu’une partenaire universitaire, Sarah Flicker, affiliée à l’Université York. Les membres de YIWU ont créé ensemble, appris les traditions nêhiyaw (cries) et michif et utilisé sâkihisowin (amour de soi) comme un bouclier primordial contre la violence qu’elles vivaient. Les jeunes à l’origine du groupe s’identifient comme la « génération 1 » de YIWU et reconnaissent l’importance d’incarner des modèles dans leur communauté.

Les membres de la génération 1 ont collaboré à la production de leur premier livre autoédité, intitulé « Young Indigenous Women’s Utopia » (2019), qui livre des témoignages de survivantes et des enseignements inspirants et émancipateurs. Le mentorat des femmes dans la communauté fait partie intégrante de l’approche de YIWU, un pilier que la génération 1 avait hâte de solidifier au sein du groupe.

“L’un des enseignements que nous voulons transmettre comme femmes autochtones, c’est que le mentorat est essentiel a la reussite des filles et des femmes.”

“Nous savions qu’en invitant des femmes de notre communaute a raconter leurs histoires et leurs experiences de survivantes, les filles seraient encouragees et pourraient tisser des relations durables.”

extraits de Love

Letters par sohki

Iskwew16

Generation 2

Après la publication de leur livre, les membres de YIWU ont intentionnellement recruté leurs sœurs et cousines plus jeunes pour participer aux activités. Ces nouvelles recrues ont formé la « génération 2 », tandis que leurs aînées de la génération 1 sont devenues des tantes ou nikâwîsak en cri (« mes petites mères » en français).

Très marquant pour les filles, le fait de devenir tantes a profondément changé leur façon de se voir et de percevoir leur rôle dans la communauté.

16 Extrait du livre Young Indigenous Women’s Utopia, autoédité par YIWU, 2019.

17 Extrait du livre KÎYÂNAW ocêpihk, autoédité par YIWU, produit par Young Indigenous Women’s Utopia, Young Indigenous Women’s Utopia 2.0 et Zachary Mandamin, sous la direction de Belinda Daniels, 2022.

“Pour

moi, c’est une experience incroyable d’avoir fait partie de la generation 1 et d’avoir ete mentore. Cette experience me fait aussi prendre conscience de tout le chemin parcouru. Je suis passee d’une petite fille de 12 ans, trop genee pour demander de l’aide, a une mentore aupres des jeunes autochtones, capable de parler devant toute une classe d’etudiant .e .s universitaires. ”

Kalan Kakum17

Dans les années qui ont suivi, les générations 1 et 2 ont collaboré étroitement à l’organisation d’activités artistiques, d’initiatives communautaires et d’expositions, de même qu’à la présentation de leurs créations lors d’événements et de congrès. Inspirée par le mentorat des tantes, la génération 2 a gardé des traces des œuvres, des expériences et des apprentissages des jeunes en les rassemblant dans une deuxième publication, intitulée Kîyânaw Ocêpihk, qui signifie « nous prenons racine » en cri (un projet mené de concert avec Zachary Mandamin, jeune chercheur autochtone). Cet album photos a offert aux membres de YIWU une tribune pour faire part de leurs histoires et de leurs expériences, comme mentores de la génération 1 ou mentorées de la génération 2. La planification d’activités pour le livre a permis aux jeunes de se réunir et d’examiner attentivement leurs relations et leur alignement avec les visions du monde cries et michif, ainsi que les enseignements sur les liens de parenté.

“Je trouve que c’est genial de pouvoir compter sur des mentores autochtones pour nous guider.”
“Je

trouve que c’est super de se faire mentorer par une generation plus vieille, parce qu’elle possede un plus gros bagage d’experiences et de connaissances. J’envie les competences de leadership de nos mentores; j’espere les acquerir un jour." (traduction libre)

18 Extrait du livre KÎYÂNAW ocêpihk, autoédité par YIWU, produit par Young Indigenous Women’s Utopia, Young Indigenous Women’s Utopia 2.0 et Zachary Mandamin, sous la direction de Belinda Daniels, 2022.

amplifier

la voix des jeunes

Amplifier la voix des jeunes autochtones, c’est promouvoir ce qui se fait ou se passe dans les groupes de jeunes auprès de nouveaux publics et dans de nouveaux espaces, où ces jeunes peuvent faire valoir leurs messages, leurs œuvres et leurs appels à l’action, et où il existe un potentiel de rayonnement. Respectueuse du consentement continu et éclairé des jeunes, la pratique d’amplification des voix suit le principe « rien sur nous sans nous » : elle vise à ce que la parole des jeunes soit entendue par des gens qui leur sont habituellement inaccessibles, par exemple des personnes en posture de prendre des décisions qui les touchent directement. Amplifier la voix des jeunes, c’est trouver les avenues, les ressources et le soutien nécessaires pour accroître la portée et les retombées du travail des jeunes dans leur communauté.

L’élargissement de la portée des projets menés par des jeunes autochtones peut aider à renforcer la confiance et le leadership parmi les jeunes ainsi qu’à développer des relations entre les adultes et les jeunes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la communauté. Les groupes de jeunes décrivent souvent comme des expériences charnières les publications, les événements et les activités de plaidoyer où ils ont collaboré avec des adultes pour explorer un éventail de médias, de méthodes et de réseaux où amplifier leurs voix et changer les choses. Cette pratique prometteuse est particulièrement importante en ce qui concerne les productions artistiques.

Avec le consentement des filles et des jeunes femmes de YIWU, l’adulte alliée Jenn Altenberg s’est employée à amplifier les activités du groupe au moyen d’un article publié par la Canadian Broadcasting Corporation (2019). Voici un exemple de comment les adultes peuvent utiliser leurs réseaux pour élargir la portée des projets menés par des jeunes autochtones.

Promotion du travail de GET Art avec des parents et des membres de la communauté, à l’occasion d’un événement tenu par le groupe dans le gymnase d’une école, à Rankin Inlet (2020).

Elements cles de cette pratique prometteuse

mise a contribution des adultes

Les adultes qui appuient les projets pilotés par les jeunes autochtones peuvent se servir de leur position et de leurs réseaux, à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté, pour faire avancer les initiatives menées. Les adultes ont souvent accès à une expertise technique, à des ressources et à des réseaux qui peuvent aider à amplifier la voix des jeunes, par exemple en trouvant des moyens ou des lieux pour exposer les œuvres des jeunes ou en obtenant du financement.

“Quand j’etais plus jeune, on ne m’ecoutait jamais, alors
projet m’a fait

du

bien…

participer a ce

Pour moi, c’etait un privile ge d’offrir aux jeunes un espace pour parler des questions qui leur tenaient a coeur, parce que je n’ai jamais eu cette chance. C’etait vraiment merveilleux de pouvoir les aider et amplifier leurs voix" (traduction libre)

“Lorsque je m’affaire dans mon bureau a soutenir Jenn et Kari –pour qu’elles puissent vous soutenir a leur tour – je le fais toujours de tout mon coeur. Je suis si fiere de vos realisations et ravie de votre succes. C’est un honneur d’etre affiliee a un groupe de jeunes femmes aussi formidable. Je cheris ma jupe a rubans, vos mille et un enseignements et le temps que nous passons ensemble. J’ai hate de vous voir briller lors du lancement de votre livre ce printemps.

Merci de m’avoir permis d’embarquer dans votre aventure – et surtout de montrer la voie a suivre.

Chaleureusement, Sarah Flicker (ou la professeure de l’Universite York qui vous encourage dans les coulisses).

P.S. N’hesitez pas a venir me visiter a Toronto! N’importe quand. Ce serait une joie de vous accueillir a York.” (traduction libre)

Consentement

continu

et eclaire, marque de reconnaissance du savoir, de la voix et de la capacite d’action des jeunes

Amplifier la voix des jeunes, c’est entre autres reconnaître que les jeunes sont les spécialistes de leur propre vie et de leur vécu. C’est aussi remettre en question les hiérarchies fondées sur l’âge. Il est donc primordial de demander aux jeunes leur avis sur la manière d’amplifier leurs voix, auprès de qui, et de les impliquer directement dans le processus quand c’est possible.

Promotion des projets des jeunes dans diverses communautes

Certains canaux de communication comme les infolettres et les blogues peuvent être d’une précieuse aide pour assurer le maintien des liens et la diffusion de l’information parmi les groupes de jeunes ou les communautés, de sorte que tout le monde puisse rester au courant et savoir ce qui se passe un peu partout. Mentionnons aussi les réseaux sociaux, qui peuvent servir de caisses de résonance pour les jeunes et leur permettre de donner des nouvelles de leur communauté et d’interagir avec d’autres.

Definition

de possibilites d’elargissement de la portee des projets a de nouveaux publics

L’amplification de la voix des jeunes peut prendre une myriade de formes : réserver des moments pour que les jeunes puissent présenter leurs projets lors d’événements communautaires ou à plus grande échelle (congrès, rencontres avec certains groupes de parties prenantes), trouver des lieux (à l’intérieur ou à l’extérieur de la communauté) pour exposer les œuvres des jeunes, offrir aux jeunes l’occasion d’écrire et de publier leurs créations et leurs idées, leur permettre de voyager, etc.

Appui a divers types de productions et de publications sous la direction des jeunes

En individuel ou en groupe, les jeunes pourront créer divers types de productions, y compris des publications papier ou numériques, formelles ou informelles : infolettres, livres, zines, cellphilms, œuvres d’art, forums en ligne (billets sur un site Web, publications sur les médias sociaux), etc.

Hannah Battiste, membre de Break the Silence (Eskasoni), a publié un recueil de poésie intitulé Out of Darkness: A Poetic Journey through Trauma. More Than Words l’a aidée à promouvoir son livre de diverses façons : organisation d’un lancement, publicités dans ses infolettres, invitation de Hannah à des lectures de poèmes, étalage d’exemplaires du livre à l’occasion d’autres événements jeunesse et artistiques.

Archivage des histoires derriere les projets menes par les jeunes

Les œuvres et les publications des jeunes racontent souvent leurs expériences ou leurs perspectives en lien avec certains enjeux dans leur communauté ou avec leur implication dans leur projet. Parfois, ces productions relatent l’histoire commune du groupe et rassemblent des points de repère ou des souvenirs partagés retraçant la continuité du projet au fil du temps, en soulignant ce qui a été marquant et la manière dont le projet a enrichi la vie des jeunes.

Après le lancement du premier livre de YIWU, Gabby Daniels, membre du groupe, a écrit sur ses réseaux sociaux pour remercier la communauté qui encourage YIWU et contribue à relayer la voix des jeunes :

« Eh bien, me voilà une autrice publiée. Ce soir, c’était le lancement de notre premier livre, intitulé Young Indigenous Women’s Utopia. Je suis si fière de tout le chemin que nous avons parcouru, comme groupe et comme meilleures amies. Dans les trois dernières années, je me suis tellement rapprochée des filles, au point de les considérer comme mes sœurs. Merci Kari et Jen pour tout ce que vous avez fait pour nous, merci aussi à toute ma famille Facebook, qui aime toujours mes publications et m’encourage inconditionnellement. Merci également aux membres de ma famille Daniels et Miller : je vous aime de tout mon cœur. La soirée a été remplie de rires, de larmes et de joie. J’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve. Je vous aime. Hiy hiy. » (traduction libre)

Promotion du travail de plaidoyer des jeunes

Il se peut que les groupes de jeunes veuillent faire progresser des revendications en faveur du changement dans leur communauté ou du soutien à leur endroit. Les adultes peuvent alors faire rayonner leurs revendications en soutenant leurs publications et leurs événements.

Selon le manifeste Youthfesto de More Than Words, les jeunes constituent la clé du changement dans le monde. Cette vision s’ancre dans la reconnaissance de la nécessité d’établir des partenariats entre les adultes et les jeunes pour bâtir l’avenir dont tout le monde rêve. Pour y arriver, il ne faut pas simplement impliquer les jeunes dans le processus, il faut les mettre au cœur même du chantier requis pour créer des espaces communautaires garants de leur survie, mais surtout propices à leur épanouissement!

Extrait du manifeste Youthfesto de More Than Words

Voici nos appels aux parties prenantes :

Faites confiance à la jeunesse et investissez en elle! Inspirez les jeunes

Reconnaissez les droits des Autochtones à l’autodétermination

Mettez les voix des jeunes marginalisées au cœur des décisions stratégiques et opérationnelles

Apportez les changements nécessaires dans nos communautés (ex. : soutien local dans les hameaux, soutien aux épiceries)

Octroyez-nous plus de financement, mais avec moins de conditions

Levez les barrières et innovez

Approchez la communauté : laissez-nous avoir voix au chapitre!

Éduquez-vous sur les réalités, les cultures et les langues autochtones

Financez les programmes et payez les gens qui travaillent d’arrache-pied

Pensez davantage à la santé mentale

Autorisez des mesures du succès et du progrès non traditionnelles

Investissez dans des programmes et des espaces dirigés par les jeunes

Sortez de l’ignorance, les temps ont changé : écoutez et agissez

Le Remai Modern Museum de Saskatoon (Traité no 6) a fait la promotion du premier livre de YIWU. L’établissement l’a mis sur les rayons de sa librairie-boutique et a offert au groupe un lieu de rencontre.

Conseils Pour adopter cette pratique prometteuse

Demandez-vous ce que veulent promouvoir les jeunes

Examinez les sujets explorés par les jeunes dans leurs projets et demandez au groupe de quels enjeux les membres aimeraient discuter avec les autres. Gardez en tête qu’il se peut que les jeunes veuillent promouvoir leur travail en dehors du groupe quant à un sujet X, mais pas forcément quant à un sujet Y. L’écoute est la clé.

Demandez-vous ou amplifier la voix des jeunes

À la lumière des sujets sur lesquels les jeunes veulent s’exprimer, demandez-vous qui (particuliers, groupes, réseaux) dans la communauté ou à l’extérieur aimerait peut-être leur offrir une tribune. Par exemple, si le groupe s’est penché sur les changements climatiques, demandez-vous si vous connaissez quelqu’un qui travaille ou enseigne dans le domaine de l’environnement. Si oui, serait-il possible d’inviter des jeunes à venir parler dans sa classe ou d’exposer leurs œuvres dans un espace public pertinent (ex. : hall d’entrée ou aire commune d’un bureau)? Quels contacts pourraient ouvrir de nouvelles portes aux jeunes et ainsi amplifier leur voix?

idees de lieux pour faire valoir la voix et les oeuvres des jeunes

Galeries d’art

Centres communautaires

Territoire

Ecoles

Parcs

Campus universitaires

Evenements en ligne (webinaires)

Bureaux ou halls d’entree d’organismes de financement

Discutez avec les jeunes des avantages et des

risques

de presenter le fruit de leur travail

Comment est-ce que les jeunes se sentiraient à l’idée de présenter le fruit de leur travail dans les lieux susmentionnés? Demandez-leur. Discutez aussi des avantages et des risques – notamment des retombées positives et négatives possibles – que comporte l’acte de faire part de leurs expériences et perspectives à des adultes, à des pair·e·s, à la communauté élargie et à des publics plus vastes. Cherchez à savoir comment les jeunes aimeraient que la promotion se déroule (ex. : avec une tante ou une aînée).

Interrogez-vous sur l’aspect langagier et la traduction

Quelles sont les considérations linguistiques à prendre en compte pour rejoindre divers publics? Si vous voulez relayer la voix des jeunes à un éventail de destinataires, il est crucial de favoriser la disponibilité du matériel en langues autochtones ainsi que la traduction des projets menés par les jeunes.

Obtenez le consentement des jeunes

La façon de partager le fruit du travail du groupe variera selon la méthode choisie par les jeunes pour amplifier leurs voix. Est-ce que les jeunes préfèrent prendre la parole à un événement comme une exposition ou un lancement de livre, ou bien se faire citer dans une publication en ligne (site Web, blogue, article de presse)?

Interrogez-vous : papier ou numerique?

Chaque option comporte ses avantages! Les publications papier, comme les livres et les zines, permettent aux jeunes de montrer leur travail aux autres. Elles s’offrent d’ailleurs bien en cadeau aux responsables de l’animation, aux leaders communautaires ainsi qu’aux jeunes de la localité ou de l’extérieur. Quant aux publications numériques, elles sont généralement moins coûteuses à produire et plus faciles à diffuser à grande échelle, étant donné qu’elles n’ont pas à être distribuées physiquement.

Organisez des expositions et des evenements

Les événements qui rassemblent – en ligne ou en personne – une pluralité de publics et de parties prenantes pour présenter et promouvoir les projets menés par des jeunes autochtones nécessitent beaucoup de coordination et de ressources, entre autres une capacité d’orientation parmi les structures communautaires et autres. L’aide des adultes allié·e·s est la bienvenue dans l’aspect logistique de l’amplification de la voix des jeunes.

Amplifier la voix des jeunes par la traduction, le cas du manifeste Girlfesto en mi’kmaq : Le manifeste Girlfesto, issu d’un événement culminant du projet Networks4Change, a été traduit et rendu accessible dans plus d’une dizaine de langues (afrikaans, anglais, anglais [police pour dyslexie], français, inuktitut, isiZulu, kanien’héha, mi’kmaq, russe, suédois, xhosa).

Photo du haut : l’art d’amplifier la voix des jeunes par l’organisation de lancements de livres. Les membres de la génération 2 de YIWU célèbrent la publication de leur livre à l’école secondaire Oskayak, en 2022. L’organisation d’un tel événement exige beaucoup de ressources, de gestion logistique et de coordination, alors l’aide des adultes allié·e·s est la bienvenue pour décharger les jeunes et promouvoir leur travail et leurs œuvres.

Photo du bas : collaborations dans le cadre d’activités de plaidoyer des jeunes. Grâce au soutien du projet More Than Words, les membres de YIWU (Traité no 6) ont pu se rendre à l’Instance permanente sur les questions autochtones de l’ONU, à New York, avec l’organisme de jeunes qu’est l’Assemblée des sept générations, pour présenter le rapport A Labour of Love. Pour en savoir plus sur le document et le lancement, allez lire cet article dans le National Observer.

CONSEIL POUR LA DURABILITE : assurer un soutien financier pour perenniser les projets menes par les jeunes autochtones

Les projets menés par les jeunes autochtones doivent recevoir du financement, une clé indispensable au bon déroulement des travaux de recherche et des activités communautaires. Les coûts à considérer comprennent la location d’espaces, le matériel, la nourriture, les rétributions et les cadeaux. Les adultes allié·e·s (leaders communautaires, membres de l’équipe de recherche ou du personnel administratif à l’université) peuvent d’ailleurs aider les groupes de jeunes à s’orienter dans les mécanismes de financement et à en comprendre les critères.

Au Canada, le rapport de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) compte 94 appels à l’action destinés à pallier les conséquences actuelles des pensionnats au pays et à promouvoir la réconciliation. L’appel à l’action no 66 souligne non seulement la nécessité de financer des organismes communautaires au service des jeunes autochtones, mais aussi l’importance du soutien aux jeunes autochtones dans le processus de réconciliation.

Le rapport A labour of love: The Unpaid and Exploited Labour of Grassroots and Community-Based Indigenous Youth Groups a été écrit par et pour des jeunes autochtones. Le document insiste sur la nécessité d’un financement stable pour les groupes de jeunes autochtones. Les adultes allié·e·s peuvent d’ailleurs aider ceux-ci à obtenir du financement à long terme.

Pleins feux sur

LE ROLE DES ADULTES ALLIE E S AUPRES De

BREAK THE SILENCE (ESKASONI)

Break the Silence, le groupe de jeunes d’Eskasoni du projet More Than Words, compte à son actif un vaste éventail de collaborations avec des adultes allié·e·s autochtones et allochtones, qui ont permis de faire rayonner le projet. Parmi ces partenaires adultes, citons les aîné·e·s de la communauté, les membres du personnel de la clinique de santé mentale d’Eskasoni (un organisme micmac à but non lucratif offrant des services de santé et d’intervention d’urgence dans la localité depuis 1991), ainsi que la chercheuse universitaire et communautaire Linda Liebenberg.

Espace communautaire pour la sante mentale des jeunes

Les responsables de l’animation du groupe ont collaboré avec ACCESS Open Minds (un projet national visant à améliorer les soins de santé mentale pour les jeunes) en vue d’aménager un lieu spécial pour la santé mentale des jeunes dans la communauté. Adoptant un modèle de soins intégré, soit le modèle du bien-être et de la santé mentale communautaire, le centre offre une gestion de cas et divers services adaptés aux jeunes (intervenant·e·s en travail social, médecins de famille, psychiatres, personnel paraprofessionnel, ligne d’écoute 24 heures sur 24, 7 jours sur 7).

Espace pour les jeunes à Eskasoni, un projet en collaboration avec ACCESS Open Minds. Les adultes allié·e·s ont joué un rôle clé dans la mise sur pied d’un espace spécial pour la santé mentale des jeunes à Eskasoni. Le nouvel établissement a ouvert ses portes en 2017.

Livre a colorier

Par exemple, en 2018, le groupe de jeunes s’est réuni avec des adultes allié·e·s pour créer le livre à colorier Healing with the Seven Sacred Teachings: A Mi’kmaq colouring book for Survivors of sexual and gender-based violence20. Le projet comportait des séances dirigées et animées par des adultes allié·e·s. Karen Bernard (de la clinique de santé mentale d’Eskasoni) et une personne membre du Conseil consultatif sur la condition féminine de la NouvelleÉcosse ont expliqué les sept enseignements sacrés, dont découlent les principes moraux et les valeurs de respect envers tous les êtres vivants au cœur des cultures autochtones. Ayant chacun été transmis par un animal différent, ces enseignements – amour, respect, courage, honnêteté, sagesse, humilité et vérité – ont été traduits en mi’kmaw par Michael R. Denny, travailleur de soutien à la clinique de santé mentale d’Eskasoni. Les jeunes ont ensuite transformé les enseignements en œuvres, que les graphistes Kaylyn Bernard et Kassidy Bernard (Indigenize Creative Services) ont ensuite converties en illustrations au trait pour le livre à colorier.

Jeannine Faye Denny et Farrah Stevens, de la clinique de santé mentale d’Eskasoni, ont rédigé des pistes d’écriture introspective, par exemple « Je me témoigne de l’amour en… » et « Je sens qu’on me respecte quand… ». Linda Liebenberg a assuré la coordination entre toutes les parties, en veillant entre autres à la rémunération du travail des personnes impliquées avec des subventions de recherche, de même qu’à l’impression des exemplaires et à leur distribution à un réseau d’organismes. Le livre à colorier a été adopté par des

Les adultes allié·e·s ont joué un rôle important dans le rayonnement des œuvres originales des jeunes de Break the Silence, et ce, de diverses façons : transmission du savoir traditionnel, traduction, conception du livre, coordination générale. Les illustrations du livre montrent des animaux et des symboles associés aux sept enseignements sacrés : un loup (Karli Stevens), une tortue (Brendalee Johnson), un aigle (Terry Toney), une tortue (Abigail Marshall), une coiffe (Bella Paul), un aigle et une tortue (Candice Sylliboy), un bison et un castor (Hannah Battiste) et le Sasquatch (Nichelle Googoo).

20 Battiste, H., Bernard, B., Bernard, A., Bernard, R., Christmas, K., Denny, D., Denny, N., Googoo, N., Johnson, A., Johnson, N., Morrison, C., Nicholas, K., Stevens, K., Nicholas, R., Stevens, F.; avec Liebenberg, L., Reich, J., Denny, J. F. et Bernard, K. (2018). Healing with the 7 sacred teachings: A Mi’kmaq colouring book for Survivors of sexual and gender-based violence, and their supporters. http://changethesilence.org/

Jardin commemoratif

Faisant fond sur les recherches menées par les jeunes au fil des ans, Break the Silence a mis sur pied à Eskasoni un jardin commémoratif ambitieux, à la fois interactif et pédagogique, en mémoire des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées (FFADA). Faisant équipe à nouveau avec la clinique de santé mentale d’Eskasoni et Linda Liebenberg, le groupe a réussi à obtenir du soutien local pour créer un espace communautaire, à savoir auprès du conseil de bande, d’ACCESS Open minds, du DJ Denny Trucking et de l’aîné Clark Paul. Le groupe a aussi reçu du financement du Fonds de commémoration des FFADA (ministère Femmes et Égalité des genres Canada). Si le jardin est le fruit des efforts déployés pour amplifier la voix des jeunes, c’est aussi un espace consacré à la cérémonie et à la guérison, destiné à faire résonner la voix des FFADA, des enfants arraché·e·s aux leurs pour être placé·e·s en pensionnat, ainsi que des personnes survivantes et des familles. Le jardin donne lieu à des feux sacrés, au rassemblement de la communauté dans un esprit commémoratif et cérémonial, de même qu’à des enseignements et des rites guidés par les aîné·e·s.

Les adultes allié·e·s ont joué un rôle critique dans la mise en valeur du travail de Break the Silence. En effet, leur aide a été précieuse en ce qui touche la planification et le soutien logistique pour la création du jardin (accès à un terrain communautaire, aménagement paysager, accès à du matériel, consultation sur la signalisation dans la communauté, aspects cérémonials touchant par exemple la hutte de sudation et le foin d’odeur).

ETUDIER LE CHANGEMENT

PAR L’EVALUATION ORGANIQUE

Evaluation organique : un processus de suivi continu, ancre dans l’action

L’étude du changement, ou encore l’évaluation et le suivi, constitue une démarche réflexive visant à noter l’effet des projets menés par les jeunes autochtones sur leur vie et dans leur communauté. On pense souvent que l’évaluation est un aspect chronophage de la recherche ou d’un projet communautaire, qui se réalise à l’externe et en fin de parcours. Toutefois, il y a lieu de repenser l’évaluation pour la voir comme un processus utile et fructueux, et ce, autant durant un projet mené par les jeunes qu’à son achèvement.

L’évaluation organique vise à évaluer un projet dans le feu de l’action pour permettre aux jeunes ou aux adultes allié·e·s de recueillir sur le terrain des rétroactions quant au changement observé et des pistes d’amélioration des interventions. Se voulant résolument centrée sur la communauté et adaptée à celle-ci, l’évaluation organique vise à mettre au premier plan les histoires, les œuvres et les conversations des jeunes. Tout mérite d’être noté, tant les commentaires des personnes participant aux événements que les réactions sur les médias sociaux aux activités du projet : toute intervention spontanée dans la communauté réside au cœur de l’évaluation organique. Fruit d’une volonté d’alléger le fardeau souvent associé aux méthodes d’évaluation traditionnelles, ce processus d’évaluation continue vise à exploiter au mieux les données et informations existantes, qu’on présente à l’équipe de recherche et aux gestionnaires de projet sous forme de graphiques simples et accessibles pour permettre l’étude du changement et le respect des exigences d’évaluation.

L’évaluation organique se prête autant à des approches plus formelles ou structurées, comme des infolettres et des événements planifiés, qu’à des approches plus informelles et courantes, comme le suivi des communications. Notons que l’évaluation organique peut intégrer des approches créatives telles les méthodes visuelles participatives pour garder des traces du changement et étudier celui-ci.

Dans le cadre du projet More Than Words, l’évaluation organique impliquait d’organiser des ateliers et des retraites avec les jeunes et les adultes allié·e·s pour explorer les données collectivement.

L’évaluation organique a aussi nécessité d’obtenir la permission de garder des traces des interactions entre les jeunes et les membres du projet sur les médias sociaux quant audit projet.

Comment

l’ e valuation peut-elle soutenir les projets menes par les jeunes?

L’évaluation et le suivi sont indispensables pour tenir un éventail de personnes au courant des effets potentiels ou observés d’un projet : équipes de mise en œuvre, leaders communautaires, mentor·e·s, jeunes. L’évaluation sert aussi à suivre les résultats et les retombées positives des projets menés par les jeunes autochtones, et à les communiquer aux parties prenantes et aux potentiels bailleurs de fonds. Surtout, l’évaluation peut offrir aux groupes de jeunes un outil pratique pour garder des traces de leurs activités et y donner un sens. L’évaluation organique permet d’archiver ce que font les jeunes non seulement pour y revenir et en tirer des leçons, mais aussi pour communiquer des preuves à des publics élargis.

“Apres avoir ecrit un livre ou produit un film, les jeunes doivent examiner leur oeuvre pour analyser leurs propres mots. C'est la prochaine etape... pouvoir articuler les structures repsonsables du deploiement des choses. Ces structures les depassent... Il s'agit peutetre de regarder les forces societales a l'oeuvre, puis d'elargir leur lecture a leur propre personne. Et incarner le changement necessaire." (traduction libre)

CRIE, PREMIÈRE NATION DE SWEETGRASS 21 ; CHERCHEUSE, UNIVERSITÉ DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA

Examiner les donnees avec les jeunes

Dans le cadre de l’évaluation organique, il est crucial que les jeunes autochtones se réunissent pour réfléchir à leur travail et à ses retombées tangibles. Ce processus de réflexion est d’autant plus puissant lorsqu’il s’ancre dans la même créativité qui a impulsé le travail, amenant les jeunes à produire et à organiser des expositions mettant en valeur leurs œuvres et les réponses qu’elles génèrent.

“Je me rappelle avoir leur a ge et eprouver beaucoup de sentiments similaires. Sentir que je n’ai pas ma place, me trouver moche ou faible. Et je dois dire que je trouve tres inspirant d’entendre leurs prises de conscience a cet effet a leur a ge. Je veux simplement cultiver cette lucidite." (traduction libre)

“Je suis aux anges. Je trouve que c’est fabuleux ce que les filles ont fait… Elles sont courageuses de sortir et de brandir ces pancartes, sans craindre qui que ce soit et sans avoir peur de la critique. Elles sont tres braves [...] Je pense qu’on peut apprendre beaucoup de nos propres enfants. Mes enfants a moi m’ont enseigne la force." (traduction libre)

Reponses des

Entrevues filmées aux fins d’évaluation organique pour capter les réactions de la communauté. Durant leur premier lancement de livre en 2019, les membres de YIWU ont filmé des entrevues avec leurs parents, leurs pair·e·s et les membres de la communauté pour immortaliser les expériences et les réactions à leur publication. Ces entrevues, menées par et pour les jeunes, ont capté la réception immédiate. Les entretiens ont été compilés dans une vidéo de 14 minutes, intitulée Sohkeyimowin (avoir de la force), qui a été projetée à l’écran plus tard dans l’année, à l’occasion d’une activité d’évaluation organique à l’Université McGill (2019).

Elements cles de cette pratique prometteuse

Authenticite de la vision des jeunes

Les voix et les expériences des jeunes logent au cœur de l’évaluation organique, qui vise à créer un contexte propice à la participation authentique des jeunes au processus évaluatif. En effet, l’évaluation organique vise à lever les freins à la participation et à encourager un dialogue continu avec et par les jeunes sur l’effet de leur travail dans leur vie et dans celle de leur entourage. Parfois, elle s’élargit pour étendre la conversation aux familles ou aux communautés des jeunes. Quand on se centre ainsi sur la voix des jeunes, on ouvre la porte à des retombées nouvelles et inattendues, à reconnaître et à amplifier.

“Raconter leurs histoires, c’est un premier pas. Les analyser et les interpreter a leur facon, c’en est un autre. [Les jeunes] ont besoin qu’on leur donne les outils pour analyser leurs histoires… et y donner un sens… On veut que les jeunes tirent leurs propres observations… jettent un regard retrospectif sur leurs histoires et se demandent : “Qu’est-ce qui a change? Comment ai-je change?”" (traduction libre)

Allegement de la tache pour les jeunes et la communaute

L’évaluation organique maximise l’utilisation de données faciles d’accès pour évaluer les interventions sans surcharger les jeunes, les communautés et les adultes responsables de l’animation ou de l’organisation. Alors que les jeunes et leurs communautés participent à l’évaluation organique par l’archivage de leur travail, le gros du processus d’évaluation –recueillir et exploiter au mieux les données transmises par les jeunes et les communautés – peut être confié à des personnes situées hors de la communauté, mais associées aux projets (comme des partenaires universitaires). Grâce à cette approche, les jeunes et leurs allié·e·s adultes peuvent se concentrer sur le projet dans la communauté et, selon leur disponibilité et leur intérêt, s’impliquer dans une plus ou moins grande mesure dans les activités d’évaluation.

CRIE, PREMIÈRE NATION DE SWEETGRASS 22 ; CHERCHEUSE, UNIVERSITÉ DES PREMIÈRES NATIONS DU CANADA 22 Extrait d’une entrevue lors d’une séance

Angelina Weenie

Integration de connaissances et de methodes autochtones

L’évaluation organique se veut pertinente à la fois sur les plans culturel et contextuel. Elle peut se déployer au fil des saisons, des cérémonies ou d’autres dates importantes, qui permettent de prendre le pouls du groupe et de réfléchir ensemble au travail accompli. Ainsi, on arrime la démarche d’évaluation aux façons d’être et de savoir autochtones.

Combinaison de methodes evaluatives

L’évaluation organique combine plusieurs méthodes différentes pour produire des évaluations bien équilibrées et probantes. Les méthodes créatives ou artistiques – cellphilm, photovoix, dessin – tendent à générer des données plus qualitatives, tandis que les méthodes traditionnelles – sondage, entrevue, observation – se traduisent généralement par des données plus quantitatives.

Consentement continu et eclaire

Comme c’est le cas pour de nombreuses pratiques prometteuses, le recours à des méthodes artistiques implique un dialogue continu avec les jeunes quant à leurs œuvres : comment seront-elles utilisées, où et pourquoi? Il faut obtenir le consentement des jeunes à l’effet que leurs créations servent à l’étude du changement.

Creation d’un fonds d’archives ou d’une banque de donnees probantes accessibles aux jeunes

Pour rendre l’évaluation plus accessible, il est souhaitable de centraliser un vaste éventail de données (histoires, œuvres, conversations) produites par les jeunes, leurs pair·e·s, les familles et les communautés. On peut organiser et conserver les informations et les données de façon à en faciliter l’utilisation par les jeunes.

L’étude du changement et le suivi des retombées peuvent prendre la forme d’une réflexion ou d’un instantané d’un moment en ligne, comme cette capture d’écran de l’événement virtuel « Une conversation sur le mentorat avec des filles et des jeunes femmes » (2020).

Implication des jeunes dans le compte rendu du changement

L’évaluation organique permet aux jeunes autochtones de participer directement à la reddition de comptes auprès des parties prenantes clés, comme les organismes de financement ou les leaders communautaires. Alors que la reddition de comptes passe souvent par les documents écrits (rapports, mémoires), les méthodes créatives d’évaluation du changement, elles, visent à amener les jeunes à témoigner du changement (par des œuvres ou des histoires) et à parler des retombées à leur façon.

Remise en question des normes dominantes en evaluation

En plaçant toujours les voix et les œuvres des jeunes au cœur de l’étude et du compte rendu du changement, l’évaluation organique contribue à décentrer les perspectives des adultes et à bousculer les normes dominantes en matière de reddition de comptes. En expliquant clairement aux parties prenantes clés, comme les bailleurs de fonds, pourquoi l’évaluation organique est utilisée, on contribue aux efforts de décolonisation de l’évaluation.

En 2024, les membres de Young Indigenous Women’s Utopia et l’équipe de mise en œuvre de More

Than Words de l’Université McGill se sont rendues dans la capitale nationale (Ottawa-Gatineau), au bureau du bailleur de fonds de More Than Words, soit Femmes et Égalité des genres Canada. Une exposition d’affiches créées dans le cadre de l’approche d’évaluation organique, intitulée Agir ensemble, se déroulait dans la salle du conseil d’administration. Les jeunes leaders et leurs allié·e·s adultes avaient l’occasion de faire part de leurs expériences et apprentissages pendant le projet. C’était riche de sens pour chaque personne impliquée que les jeunes viennent au bureau du bailleurs de fonds pour rencontrer les responsables du projet et l’équipe des politiques, surtout pour rendre compte du changement avec la même créativité qui avait guidé leur initiative. Le processus était organique, authentique et symbolique.

Conseils Pour adopter cette pratique prometteuse

apercu du processus d'evaluation organique

1 recueillir les donnees

2 Creer les questions d'evaluation

3 etudier le changement

4 Faire valider a l’interne et l’externe

Jennica, animatrice adulte de GET Art, diffuse le travail du groupe dans divers médias communautaires à Rankin Inlet. Ces traces, laissées en ligne et sur papier, guident l’évaluation organique quant aux retombées et à la portée des activités de GET Art.

Qu’est-ce qui compte comme une “donnee"?

Aucune donnée n’est négligeable. Certaines appartiennent à des types de données plus traditionnels, d’autres font partie du quotidien (messages sur des plateformes comme WhatsApp ou Facebook; notes sur la participation, les réactions et des événements dans la communauté). Les données peuvent aussi inclure des œuvres comme des collages, des cellphilms et des photos qui expriment des idées ou des perspectives sur les effets du projet.

Exemples de sources de “donnees”

pour l'evaluation organique

sondages

notes et reactions aux rencontres et aux activites

photos d'ateliers

nouvelles sous forme de bulletin

textos

cellphilms des jeunes

commentaires et messages sur les medias sociaux entrevues

photos des jeunes

courriels

ecrits des jeunes

billets de blogues

notes vocales

collages des jeunes

dessings des jeunes

Creer des questions pour etudier le changement

Ces questions, qui aideront à évaluer les résultats du projet, devraient refléter les retombées espérées ou attendues. Essayez de traduire en questions les résultats prévus à court, à moyen et à long terme. Les questions peuvent d’ailleurs être organisées par catégorie.

Exemples de questions pour etudier le changement

Faire de l’art et le montrer

Quels sujets ont été abordés par les jeunes dans leurs œuvres?

Quels thèmes majeurs ressortent des œuvres?

Comment s’y prennent les jeunes pour faire part de leurs œuvres et de leurs expériences?

Quelles ont été les réactions des familles et de la communauté face aux œuvres?

Mentorat et leadership

Quelles formes prennent le mentorat et le leadership?

Comment est-ce que les pair·e·s, la famille et la communauté réagissent au choix des jeunes d’assumer des rôles de leadership? Comment se sentent les jeunes à l’idée de mentorer?

Quels changements chez les jeunes ont été constatés par les familles et la communauté?

Bien choisir la periode d’etude du changement

L’évaluation s’échelonne parfois sur des années, mais une telle durée ne cadre pas toujours avec les réalités des projets menés par les jeunes. Pour prendre note des retombées observées, une évaluation prévue selon les saisons ou les phases des activités pourrait être plus propice à la réflexion, et donc plus pertinente.

L’évaluation organique peut inclure la consignation et le rapport des activités selon un échéancier saisonnier par exemple, afin de refléter les variations du travail des jeunes. Voici un exemple tiré du deuxième livre de YIWU.

Au fur et à mesure que vous collecterez de nouvelles données pendant votre projet, explorezles et trouvez des moyens de relier les histoires aux questions d’étude du changement. Durant le processus d’approfondissement des informations recueillies et transmises par les jeunes, veillez à une communication ouverte avec les responsables de l’animation et les jeunes du groupe.

Rassembler et examiner les donnees existantes

Rassemblez tout ce à quoi vous avez accès : œuvres, conversations, courriels, notes de réunion, rapports d’événements, déclarations personnelles, entrevues, publications sur les médias sociaux. Il pourrait être utile de fournir ou de concevoir un gabarit ou un graphique, mais gardez à l’esprit que certaines personnes trouvent cet outil limitant ou chronophage.

Ouvrez donc la porte à la collecte et à la réception de données sous toutes les formes possibles. Lors de votre examen des données existantes, classez-les afin de répondre aux questions d’étude du changement. La recatégorisation d’évaluations antérieures permet de faire ressortir de nouvelles perspectives et des éclairages inédits sur le travail réalisé, apportant ainsi des réponses à de nouvelles questions sur l’évaluation du projet dans son ensemble.

Faire appel a un nouveau regard

Une fois les réponses apportées aux questions d’étude du changement, envisagez d’inviter quelqu’un – une autre paire d’yeux – qui examinera l’évaluation, en vous assurant au préalable que les personnes animatrices et participantes ont consenti à la communication desdites réponses. Il pourrait s’agir d’une personne membre de la communauté, d’une personne dotée d’un vécu pertinent ou encore d’une personne qui fait carrière en évaluation dans des domaines semblables ou auprès de communautés similaires. Cet individu pourrait vous offrir une rétroaction éclairante et vous aider à cerner et à combler d’éventuelles lacunes d’information – des renseignements qui pourraient paraître évidents pour les personnes ayant réalisé l’évaluation, mais pas forcément pour un public externe.

Reflechir aux futures strategies d’evaluation

Tandis que vous rassemblez et examinez tout le contenu auquel vous avez accès, réfléchissez aux stratégies qui pourraient être employées à l’avenir pour que les méthodes de collecte et d’analyse des données d’évaluation continuent de servir les projets menés par les jeunes.

Création d’une archive numérique pour le projet : Le rassemblement du contenu nécessaire aux infolettres (informations, œuvres, nouvelles) a amené l’équipe a à créer un espace numérique facile d’accès, qui regroupe toutes les infolettres passées. Cet espace est devenu une sorte d’outil d’organisation et d’archive où l’on peut aussi retrouver d’autres ressources élaborées dans le cadre du projet.

CONSEIL POUR LA DURABILITE : ne tardez pas! Commencez a garder des traces des

le debut du projet

Créez des procédures faciles pour permettre aux groupes de jeunes et aux personnes alliées adultes (responsables ou non de l’animation) de communiquer leur travail et leurs histoires à une personne-ressource désignée. Celle-ci pourrait consulter les groupes de manière régulière et informelle (par exemple par texto ou par WhatsApp) pour leur demander comment se déroule leur projet. Afin d’alléger la tâche d’évaluation, on gagne à s’y attaquer au fur et à mesure : à petits coups, mais souvent.

Pleins feux sur

L'EVALUATION ORGANIQUE SOUS

FORMe D'EXPOSITION INTERACTIVE A MONTREAL

Une exposition d’art sur l’activisme des jeunes de More Than Words

L’exposition d’art Taking Action Together: An exhibition of youth advocacy from More Than Words (Agir ensemble : une exposition sur l’activisme des jeunes de More Than Words) a été montée dans le cadre de la démarche d’évaluation organique de More Than Words. Cette exposition propice à la réflexion a d’abord été lancée lors de l’événement Dialogues-4-Change, tenu en novembre 2023 à l’Université McGill, à Tiohtiá:ke (Montréal). On y trouve une série d’affiches qui présentent des photos, des citations et les grands thèmes des œuvres, des activités et de l’activisme des groupes de jeunes des différents lieux participants : Eskasoni, Rankin Inlet, terres visées par le Traité no 6, etc. Des jeunes, des personnes porteuses de savoir dans la communauté et des chercheur·e·s universitaires ont participé à l’événement.

Le programme de l’événement prévoyait du temps pour l’examen des données visuelles, pour la présentation par les jeunes de leur travail et de leurs réflexions, ainsi que pour du travail en petits groupes.

Une approche visuelle en matiere d’evaluation

L’équipe de l’Université McGill qui était responsable de l’administration du projet More Than Words s’est chargée de recueillir les données visuelles et d’organiser l’exposition, notamment d’imprimer et de disposer les affiches. Selon les principes de l’évaluation organique, il est central que l’équipe responsable de l’administration ou de l’équipe de mise en œuvre du projet s’occupe de collecter les données visuelles, les œuvres, les renseignements et les artefacts auprès des groupes de jeunes, puis les compile soigneusement aux fins d’évaluation. La conversion des données d’un projet en exposition favorise l’accessibilité et permet aux personnes participantes de se réapproprier pleinement leurs données et de les valider, de même que de voir comment leur travail entre en dialogue avec celui des autres groupes de jeunes. Pensée pour être interactive, cette exposition invitait explicitement le public à aller plus loin que l’évaluation et la réaction pour réfléchir à ce qui pourrait être fait à l’avenir pour mieux soutenir les projets menés par les jeunes.

Texte tiré de l’exposition d’art qui invite le public à réfléchir aux données visuelles.

La voix des jeunes, au cœur de l’évaluation organique : Durant l’exposition Agir ensemble, les jeunes ayant participé à More Than Words (Rankin Inlet, Eskasoni, terres visées par le Traité no 6) ont parlé de leurs expériences et partagé des pratiques traditionnelles. L’exposition invitait le public à explorer les données visuelles du projet et à y réagir dans le cadre de cercles de discussion et d’activités artistiques.

Comme il s’agit d’une exposition itinérante, qui se déplace dans les universités, les bureaux des bailleurs de fonds et les communautés, les personnes participantes ont l’occasion de se redécouvrir et de voir leur travail différemment. À chaque nouvelle exposition, quel que soit le lieu ou le public visé, les jeunes peuvent analyser leur travail et celui de leurs collègues, ajouter de nouvelles données visuelles et actualiser les affiches. L’évaluation organique est toujours en cours.

“Je viens juste de me rendre compte que j’ai accompli plein de merveilles, que j’ai fait partie de choses incroyables et que je pourrais continuer dans la meme voie." (traduction libre)
Hannah Battiste

etablir et maintenir des partenariats et des reseaux

Cette pratique prometteuse constitue à la fois un principe fondamental et une pratique transversale pour soutenir les jeunes autochtones dans leur communauté et au-delà. C’est pourquoi elle sort un peu du lot : elle ouvre la voie aux autres pratiques prometteuses tout en étant essentielle à leur continuité. Si l’idée de travailler avec des partenaires et des réseaux peut paraître évidente ou sembler aller de soi, il vaut tout de même la peine de souligner l’importance cruciale de cette pratique et de la collaboration.

les reseaux et les partenariats sontils si cruciaux pour

Pourquoi les projets des jeunes autochtones?

Pour soutenir les projets pilotés par les jeunes autochtones, il est primordial d’établir et de maintenir des liens et des partenariats fructueux avec un éventail d’individus et d’organismes. En plus de fournir soutien et ressources aux groupes de jeunes, les partenariats et les réseaux leur offrent des occasions de tisser de nouveaux liens avec leurs pair·e·s, des personnes alliées autochtones et allochtones, des organismes et des institutions. Cette pratique prometteuse s’ancre dans l’importance de créer de nouveaux espaces de participation où les jeunes autochtones peuvent s’impliquer à leur guise, bâtir des relations et des réseaux hors de leur communauté et profiter d’interactions instructives et inspirantes avec des cercles plus larges réunissant d’autres jeunes activistes et allié·e·s autour de questions similaires. Ces réseaux sont essentiels au partage des connaissances, aux possibilités de rencontre entre les groupes de jeunes et à la mise en relation de jeunes avec des adultes allié·e·s, à l’intérieur comme à l’extérieur de leur communauté.

“J’aime apprendre, decouvrir differentes perspectives. Dans ma communaute, beaucoup de personnes oeuvrent dans le domaine de la sante mentale, mais elles ne sortent pas du territoire. Elles ne font pas de benevolat et n’embarquent pas dans ce genre de projets non plus. Pour ma part, je souhaite offrir des services dans le futur. Alors je me dis : “D’accord, voici comment les choses se passent a Saskatoon, au Nunavut…” Je veux decouvrir toutes les perspectives pour avoir une vision d’ensemble, car je pense qu’un changement est necessaire et j’aimerais pouvoir y contribuer." (traduction libre)

edmund morris23

BREAK THE SILENCE, ESKASONI

Types de partenariats et de reseaux favorables aux projets menes par les jeunes autochtones

Partenariats communautaires

Les groupes de jeunes peuvent bénéficier d’un soutien opérationnel continu sur le terrain grâce aux partenariats entre eux et les adultes allié·e·s et les organismes dans leur communauté. Voici des exemples de partenaires communautaires : groupes de gouvernance locale (conseils de bande), cliniques de santé et de services sociaux, écoles, aîné·e·s ou groupes d’aîné·e·s, espaces artistiques (studios, galeries, conseils). Grâce à ces partenariats, il pourrait être plus facile pour les groupes de jeunes d’avoir accès à des lieux pour leurs rencontres ou leur activisme artistique (peintures murales, performances, projections), de recruter des jeunes ou des mentor·e·s, de transmettre des connaissances et des pratiques traditionnelles, de préparer ou d’annoncer la programmation, d’obtenir du financement ou des ressources (équipement technologique, matériel d’art), ou encore d’exposer ou de diffuser les œuvres et les projets des jeunes.

Partenaire communautaire de YIWU, Chokecherry Studios soutient le travail du groupe en fournissant aux jeunes des ressources et des espaces pour leurs activités. Le BBQ local de YIWU sur le site de Chokecherry Studios (terres visées par le Traité no 6) avait été coordonné avec la visite des membres de GET Art de Rankin Inlet (2022).

Grâce aux partenariats communauté-université, les groupes de jeunes autochtones font équipe avec le milieu de la recherche universitaire ou communautaire, qui vient servir leurs projets. Ces partenariats doivent s’ancrer dans la reconnaissance des séquelles infligées aux peuples autochtones par le monde universitaire et le milieu de la recherche, en mettant en lumière les grandes questions de l’heure sur le rôle des chercheur·e·s dans les projets communautaires. Il est essentiel de connaître et de reconnaître cette histoire pour éviter la reproduction des mêmes dynamiques. Plus important encore, il faut que les chercheur·e·s qui collaborent avec des leaders communautaires puissent veiller à ce que le travail soit bien fait, en accord avec les valeurs et les cultures propres aux communautés. Cette compréhension commune peut ouvrir la porte à divers types de partenariats communautéuniversité susceptibles de venir bousculer les normes en recherche en apportant une nouvelle perspective, soit que les jeunes autochtones possèdent un savoir et une expertise. Ces partenariats ont aussi le potentiel de pallier la sous-représentation des jeunes autochtones dans les universités et d’amener ces mêmes établissements à travailler avec les jeunes autochtones au démantèlement de leurs structures coloniales.

Dans le cadre d’un partenariat communauté-université, YIWU a tenu des ateliers de couture de jupes à rubans rouges miniatures à deux occasions à l’Université York (2022). Les visées : aider à reconnaître des exemples de violence coloniale et fondée sur le genre, expliquer comment cette violence se répercute sur la vie des peuples autochtones et montrer comment y résister.

Reseaux de groupes de jeunes

Les partenariats et les réseaux peuvent favoriser le tissage de liens parmi une pluralité de jeunes autochtones de divers horizons. Les réseaux de groupes de jeunes jettent des ponts entre différentes communautés et réalités : les jeunes ont ainsi l’occasion de faire connaissance et de nouer des liens avec des pair·e·s d’ailleurs. Par exemple, des groupes de jeunes de communautés différentes pourraient se réunir pour mettre en commun leur travail et créer un réseau élargi de jeunes se penchant sur des enjeux similaires. Dans le cadre de partenariats communauté-université, des groupes de jeunes de certaines communautés pourraient aussi nouer contact avec des étudiant·e·s autochtones à l’université par diverses voies : maison des peuples autochtones, groupes étudiants autochtones, programmes de stages pour les Autochtones, etc. Favorables à la solidarité entre les groupes de jeunes, ces réseaux peuvent aussi constituer des terreaux fertiles à l’entraide et au mentorat par les pair·e·s.

Une retraite de More Than Words à l’Université McGill a réuni des membres des groupes de jeunes d’Eskasoni, de Rankin Inlet et des terres visées par le Traité no 6, ainsi que des allié·e·s adultes de leur communauté et des chercheur·e·s universitaires (2023).

Hannah, d’Eskasoni, et Andraya (Andie), des terres visées par le Traité no 6, ont fait connaissance lors des rassemblements de groupes de jeunes organisés par le projet More Than Words, puis ont collaboré à l’édition du livre Circle Back, issu de leurs expériences de travail avec des jeunes.

“Je veux creer des generations, comme les filles d’Utopia. Elles comptent une premiere et une deuxieme generation. Je veux ca, j’adore ca. J’aime ce qu’elles font et le fait que leur travail se deploie dans toutes nos communautes. C’est genial. On a enormement de soutien et c’est merveilleux, mais j’en aimerais plus encore. On le merite." (traduction libre)”

24 Extrait d’une entrevue avec Hannah Battiste à un événement de More Than Words (Université McGill, 2024) : https://youtu.be/bBfLOCt9aWs?si=wuuup1_ uKsaktWUy

hannah battiste24
BREAK THE SILENCE, ESKASONI

Elements cles de cette pratique prometteuse

Creation de liens entre les milieux pour mettre a profit diverses forces et experiences

S’il peut être bénéfique de s’associer à des organismes et à des individus qui font un travail similaire, il peut aussi être bon de s’allier à des partenaires qui œuvrent dans des milieux différents. La mobilisation de partenaires de tous horizons et d’expertises diverses peut venir enrichir les contributions, les perspectives, le mentorat, les compétences et les échanges au service des projets menés par les jeunes. Par exemple, les leaders communautaires peuvent se consacrer au mentorat et à l’animation des activités artistiques auprès des jeunes autochtones de leur localité, les équipes de mise en œuvre universitaires, à l’évaluation et à la rédaction de rapports pour les bailleurs de fonds, et enfin, les organismes voués aux arts (ex. : galeries), à la mise à profit d’une expertise et de ressources pour l’organisation et la tenue d’expositions. L’établissement de relations et de partenariats parmi les communautés et les secteurs peut aider à consolider un réseau d’individus et de groupes qui partagent non seulement des passions, mais aussi la mission de soutenir des projets pilotés par des jeunes autochtones.

Possibilites pour les jeunes de s’impliquer hors de leur communaute

Les partenariats offrent aux jeunes autochtones des conditions propices, des ressources et des possibilités multiples : rencontrer de nouvelles personnes, visiter de nouveaux endroits (lieux, organismes, institutions) et s’y faire entendre, déployer leur activisme avec des pair·e·s et des personnes alliées hors de leur communauté. Il ne faut pas sous-estimer le potentiel de ces occasions, qui stimulent le pouvoir d’action des jeunes et catalysent l’inspiration et de nouvelles idées. Grâce aux partenariats, différents types d’espaces et d’établissements dirigés par les adultes deviennent moins mystérieux et plus accessibles pour les jeunes autochtones.

Occasions d’amplifier la voix des jeunes

En établissant des partenariats avec divers individus et organismes, il est possible de trouver et même d’élaborer différentes stratégies pour promouvoir les projets des jeunes en dehors de leur communauté, auprès de publics nouveaux et variés, stratégies qui n’auraient peutêtre pas été envisageables sans la relation de confiance au cœur du partenariat.

Possibilites de renforcer la confiance et les liens sociaux

Les partenariats au service des projets menés par des jeunes autochtones peuvent fortifier la confiance et les liens sociaux chez les jeunes. Tout comme les alliances de groupes de jeunes, dont on ne saurait assez souligner l’importance, ces réseaux favorisent des relations horizontales entre les jeunes, qui peuvent s’instruire mutuellement et s’entraider à l’échelle de communautés et de territoires distincts. Ajoutons que les partenariats avec des adultes allié·e·s peuvent resserrer les liens intergénérationnels en favorisant de solides relations de confiance entre les jeunes et les adultes, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur communauté.

Formes de soutien collectif

La création d’un partenariat augmente le nombre de personnes impliquées ou prêtes à intervenir lorsque nécessaire. Ainsi, les jeunes autochtones peuvent compter sur un plus grand bassin de ressources et de personnes stimulées et outillées pour les soutenir dans leur travail. Les partenariats multiplient les personnes alliées et contribuent à prévenir l’épuisement.

Meilleures possibilites d’acces a diverses sources de financement

Un financement stable est essentiel à la pérennité des projets menés par les jeunes autochtones. Le milieu de la recherche universitaire et les ONG, entre autres partenaires, peuvent aider à obtenir des fonds pour des recherches et des programmes grâce à divers appels de propositions, de même que mettre à profit leurs compétences techniques et leur expérience dans la rédaction de demandes de subventions.

Conseils Pour

des partenariats durables et solides

Miser sur la reciprocite

Un bon partenariat devrait profiter à toutes les parties. Trouvez des moyens de soutenir vos partenaires et de vous intéresser à leur travail, par exemple en participant à leurs événements et en faisant la promotion de leurs activités au sein du réseau de groupes de jeunes. Si vous êtes là pour vos partenaires, attendez-vous à un retour d’ascenseur.

Partir des liens qui existent deja

Demandez-vous qui entretient déjà un lien avec le groupe de jeunes et si des partenariats formels ou informels sont déjà en place. Est-ce que des contacts directs ou indirects soutiennent déjà les membres et plaident en faveur de leur travail? Qui épaule déjà les jeunes ou semble vouloir s’impliquer? Est-ce que des individus ou des groupes poursuivent des objectifs similaires ou adoptent des approches artistiques semblables? Existe-t-il des individus ou des groupes avec des compétences différentes ou complémentaires qui pourraient faire avancer le projet? Schématisez ces relations pour faire ressortir les possibilités de collaboration latentes.

envisager divers types de partenaires et de partenariats

Selon les objectifs, les intérêts et les besoins du groupe de jeunes, demandez-vous comment différents types de partenaires pourraient l’aider à progresser, à grandir ou à perdurer. Certains groupes de jeunes privilégieront les partenariats qui visent à répondre à un besoin immédiat, comme l’accès à un espace de rencontre ou à du matériel. L’établissement de relations avec des écoles locales ou des organismes communautaires serait peut-être la meilleure avenue pour faciliter le fonctionnement quotidien du groupe. En revanche, d’autres groupes pourraient vouloir nouer des partenariats pour élargir la portée de leurs activités, notamment avec le milieu universitaire. Le type de partenaire est susceptible d’influencer la forme du partenariat, qui pourrait être plus formel (relation encadrée par des ententes écrites et des conditions définies) ou plus informel (relation fondée sur la confiance, les avantages mutuels et un intérêt commun à se rassembler et à partager des connaissances à l’occasion). Peu importe le degré de formalité du partenariat, une discussion ouverte sur les attentes est toujours la bienvenue.

familles,

Assemblee des sept generations

Chokecherry Studios

Pour schématiser les possibilités de partenariat, on peut partir des relations et des organismes déjà en place dans la communauté et en dehors. Les partenariats évolueront au fil du temps, comme c’est le cas pour ces partenariats établis par YIWU.

Universite McGill Profs Aine e s de la localite
Universite York
Young Indigenous Women’s Utopia
tantes

Batir des relations avec les partenaires et les maintenir

Nouer des partenariats solides et de bonnes relations exige temps et effort, mais pour y arriver, toujours faut-il commencer quelque part! Au départ, les groupes de jeunes devront peut-être faire le premier pas pour approcher de possibles partenaires et leur expliquer les visées de leur travail et leur motivation à faire équipe. Pour faciliter ces conversations préliminaires, les jeunes gagnent à brosser un portrait cohérent de leur groupe, en explicitant sa mission et ses grands objectifs. Rappelons que les relations les plus fortes sont fondées sur la confiance, qui se développe au fil du temps. Essayez donc de communiquer régulièrement avec les membres de votre réseau et de tenir vos contacts au courant du travail des jeunes par des courriels ou des infolettres. Pensez aussi à inviter les partenaires à des activités et événements leur permettant d’interagir avec les jeunes et de s’impliquer dans leur travail.

Mobiliser les adultes allie e s dans les partenariats

Comme c’est le cas pour toutes ces pratiques prometteuses, les adultes peuvent jouer un rôle important dans la gestion des aspects logistiques et financiers des partenariats, et ce, de façon à soutenir les groupes de jeunes autochtones, à leur donner de l’espace et à ne pas les surcharger. Par exemple, les adultes allié·e·s peuvent s’occuper de la logistique du transport et collaborer avec leurs établissements respectifs pour veiller à une rémunération juste et opportune du travail des jeunes dans le cadre des partenariats.

Trouver et creer des occasions pour les groupes de jeunes autochtones dans le milieu universitaire; accepter l’inconfort et les tensions pour reflechir et apprendre a travailler differemment

Les chercheur·e·s et les partenaires universitaires ont tout intérêt à réfléchir aux moyens par lesquels les groupes de jeunes autochtones pourraient vouloir contribuer à l’autochtonisation du travail et des espaces universitaires, par exemple par le coenseignement, des demandes de subventions ou l’organisation d’activités sur le campus pour présenter les projets menés par des jeunes autochtones. Parfois, les protocoles découlent de règlements qui doivent passer par des processus formels pour être modifiés. Parfois, les pratiques institutionnelles sont simplement considérées comme allant de soi ou préférées, et sont maintenues parce que les choses ont toujours été ainsi. Les chercheur·e·s peuvent interroger l’existence de certains protocoles, trouver des solutions, demander de faire exception à la règle et aider les universités à se doter de nouvelles formalités ou procédures.

CONSEIL POUR LA DURABILITE : ralentir, laisser les partenariats evoluer au fil

du temps

Cultiver de bonnes relations prend du temps, souvent plusieurs années. Laissez donc le temps et l’espace nécessaires à l’établissement de relations avec la communauté et à la formation de partenariats. À mesure que les groupes de jeunes évolueront, il se peut que changent aussi la composition, la dynamique et la visée des partenariats. Réévaluez constamment vos partenariats et demandez-vous si les missions, les valeurs et les objectifs de votre groupe et de vos partenaires concordent toujours. Pensez à modifier les ententes formelles et informelles en vigueur pour les adapter à la réalité changeante du groupe.

Pleins feux sur

les bulletins d'information, points de contact avec les partenairs

Dans le cadre du projet More Than Words et de son projet antérieur, Networks4Change, les bulletins d’information ont joué un rôle central dans la formation et le maintien de partenariats et de réseaux au service des projets menés par les jeunes. Rédigés dans un langage accessible et adaptés aux jeunes, les bulletins d’information se veulent brefs et comptent généralement de 10 à 20 pages de texte et d’images (souvent plus vers la fin des projets), qui présentent les œuvres et la voix des jeunes, les histoires de différents groupes de jeunes et communautés, ainsi que des événements et réussites au sein des groupes ou du projet (expositions, publications, nouvelles subventions). Dans ce cas-ci, certains bulletins d’information portaient sur le projet dans son ensemble et rassemblaient des histoires de différents groupes de jeunes, tandis que d’autres bulletins, spécialement rattachés à un lieu, avaient été préparés par un groupe en particulier.

Dans le cadre du projet More Than Words, les bulletins d’information étaient diffusés à l’interne, soit auprès des jeunes et des adultes allié·e·s de la communauté, ainsi que des chercheur·e·s de diverses universités participantes (McGill, York, Dalhousie, Mount Saint Vincent), de même qu’à l’externe, auprès de parties prenantes et de publics élargis (bailleurs de fonds, gestionnaire de liste du Participatory Cultures Lab). Préparés en grande partie par l’équipe de mise en œuvre de l’Université McGill, environ deux bulletins d’information ont été produits chaque année, en phase avec les cycles et la progression des activités du projet.

Les

bulletins d’information amplifient la votix des jeunes dans le partenariat

La plupart des bulletins présentaient les œuvres des jeunes et leurs écrits sur le sens du projet dans leur vie.

Les

bulletins d’information rapprochent les partenaires

La création de bulletins d’information numériques avec des arrière-plans sobres est préférable pour l’impression, que ce soit pour les distribuer dans des communautés sans accès Internet ou pour les déposer dans des salles d’attente et des halls d’accueil.

Les bulletins d’information rallient un soutien collectif des projets menes par les jeunes autochtones

Dans le cadre du projet More Than Words, les bulletins d’information ont tenu au courant les parties directement impliquées et contribué à la formation d’un réseau pluriel : universitaires, bailleurs de fonds, organismes communautaires, groupes de jeunes. Le bulletin de septembre 2021 présentait des lignes du temps pour les différents groupes afin de montrer comment chacun s’était adapté, dans sa communauté aux restrictions liées à la COVID-19.

Les

bulletins

d’information ont joue un role cle dans l’evaluation organique

Durant le projet More Than Words, les bulletins d’information se sont avérés de précieux mécanismes de reddition de comptes. En prenant régulièrement des nouvelles des groupes de jeunes et de leurs adultes allié·e·s, le personnel du projet a pu se tenir au courant des chantiers. De plus, cette stratégie a permis la responsabilisation des parties prenantes quant aux objectifs visés.

demanteler les structures universitaires coloniales

Le travail soutenu des filles et des femmes autochtones dans le cadre du projet

More Than Words a suscité moult réflexions critiques sur le devoir du milieu de la recherche et des établissements universitaires d’encourager une telle approche participative et d’en tirer des leçons. De toute évidence, il reste beaucoup de chemin à faire pour démanteler les structures universitaires coloniales. Comme nos équipes de recherche comptent principalement des personnes allochtones affiliées de différentes façons aux universités McGill, York, Dalhousie et Mount Saint Vincent, nous avons particulièrement réfléchi à l’histoire du racisme colonial dans les établissements universitaires et aux possibilités de transformer ces espaces grâce au travail des jeunes autochtones.

“Qu’est-ce que ca signifie d’inviter des filles autochtones dans les espaces coloniaux et historiquement hostiles que sont les milieux universitaire et urbain?

Comment pouvons-nous creer un climat d’apprentissage mutuel qui soit accueillant et encourageant?

Comment la presence, l’enseignement et les systemes de connaissance des jeunes autochtones peuvent-ils ouvrir de nouvelles portes pour a la fois decoloniser et autochtoniser les salles de classe et les campus?

Comment pouvons-nous toutes et tous apprendre de ces types de rencontres?" (traduction libre)

indigenous-girls-visiting-york-university/

Les partenariats communauté-université, guidés par les jeunes autochtones dont ils servent les projets, peuvent être source de multiples tensions et dynamiques de pouvoir. Durant le projet More Than Words, nous avons appris qu’il est crucial de défaire les cloisons institutionnelles qui séparent souvent la recherche, l’enseignement et la direction dans les universités. Les membres du corps professoral cumulent souvent plusieurs responsabilités –recherche, enseignement, direction – et, pour cette raison, occupent une place privilégiée pour conjuguer les démarches de déconstruction et plaider en faveur du changement.

“La decolonisation est une entreprise colossale qui peut paraitre abstraite. Le mot “demanteler” exprime bien ce dont il s’agit : defaire les choses, un morceau a la fois. Notre organisme peut trouver des moyens plus respectueux (et immediats) de payer les ain e .e .s qui participent aux activites. Nous pouvons veiller a utiliser judicieusement une subvention de recherche en prevoyant un budget pour retribuer les jeunes autochtones pour leur temps. Nous pouvons honorer le concept de propriete par des moyens concrets, comme nous assurer de demander aux jeunes d’un groupe leur consentement pour chaque projection d’un de leurs cellphilms, en precisant le public. C’est leur droit de savoir aupres de qui sera diffusee l’oeuvre. Peut-etre que les choses ont change de leur cote et que les jeunes ne sont plus a l’aise avec l’idee que leur video circule." (traduction libre)

comment la jeunesse autochtone

veut-elle interagir avec le milieu universitaire?

comment le milieu universitaire

peut-il apprendre des jeunes autochtones?

Au début du projet More Than Words, bon nombre d’entre nous qui travaillions dans le milieu universitaire, que ce soit en recherche ou dans l’administration, hésitaient à organiser des événements ou des rassemblements sur les campus. Sachant le caractère colonisé et colonial de ces lieux, nous nous demandions si les filles et les jeunes femmes impliquées seraient ouvertes à l’idée ou à l’aise de visiter les campus. Nous savions qu’il leur était déjà arrivé de ne pas se sentir bienvenues en milieu universitaire.

Mais ou sont les filles et les personnes autochtones au congres IGSA@ND?

“C’etait tout un choc de constater l’absence de filles et de personnes autochtones au congres. Il n’y avait que nous. Les membres de notre groupe ont vecu ce manque de representation de differentes facons. Jessica et Cindy [des filles autochtones] ont dit s’etre senties trop visibles et, par moments, submergees. Les membres adultes ont ressenti le besoin de prote ger les filles, mele a un sentiment de culpabilite de les avoir amenees dans un espace inconfortable. Pour Kari et Jenn s’ajoutait le sentiment d’etre seules comme femmes autochtones dans un espace colonial. Sarah et Catherine, deux universitaires blanches, ont ete beaucoup mieux incluses, mais ont eprouve de la colere et de l’impuissance, incapables de prote ger leurs colle gues contre des experiences blessantes.” (traduction libre) yiwu

EXTRAIT D’UN ARTICLE PUBLIÉ PAR YIWU DANS GIRLHOOD STUDIES (2021)

Toutefois, notre collaboration dans le cadre du partenariat semble aussi avoir été un vecteur de transformation. Au fil des années et des multiples types d’activités organisées par l’équipe de More Than Words sur ou via les campus universitaires, un immense potentiel s’est révélé, ouvrant la voie à un travail plus poussé et à un démantèlement plus profond des structures coloniales universitaires. D’une part, les filles et les femmes autochtones avec qui nous collaborions nous ont dit avoir énormément appris de leurs voyages hors de leur communauté et de leur contact avec des pratiques universitaires. D’autre part, nous avons vu comment ces rencontres ont amené les universités à s’intéresser aux projets menés par les jeunes autochtones de façon à non seulement faire rayonner leur travail, mais aussi à amorcer une mutation des pratiques et des normes universitaires.

“Je pense que cette experience a change ma facon de penser mon ro le de chercheur. Parfois, quand on fait de la recherche, on veut prouver notre intelligence et notre competence. Mais, dans mon cas, ce qui m’interessait, c’etait plutot de tisser des relations, de former des alliances. Je me suis rendu compte que je me sens plus a ma place dans un ro le de soutien. Ce qui m’anime, c’est d’aider les gens a trouver leurs talents et a les partager avec le monde." (traduction libre)

JEUNE CHERCHEUR AUTOCHTONE COLLABORANT AVEC YIWU

consulter les communautes autochtones et etablir des protocoles adaptes culturellement

Parmi les grandes considérations de More Than Words, mentionnons une juste rémunération du temps. Nous voulions nous assurer que notre travail avec les communautés autochtones ne s’inscrive pas dans une relation d’exploitation et que les contributions des Autochtones soient dignement reconnues. Pour œuvrer au démantèlement des structures coloniales, il a fallu sensibiliser les universités partenaires – notamment l’Université McGill, principal établissement affiliée au projet – à la nécessité de modifier leurs structures et protocoles de rémunération et de remboursement, par exemple afin de rétribuer les aîné·e·s et les membres de la communauté pour leur temps et de couvrir les frais d’obtention de documents officiels (passeports, certificats de naissance, cartes d’identité), nécessaires pour que les jeunes autochtones puissent participer aux projets.

Zachary Mandamin

“Pour moi, demanteler les structures universitaires, ca implique de remettre en question les procedures institutionnelles inadaptees aux projets menes par les jeunes autochtones. Nous devons trouver des solutions de rechange pour contourner les politiques institutionnelles ou les processus administratifs et financiers courants qui n’ont pas ete penses pour les peuples autochtones, et ce, tout en pronant le changement." (traduction libre)

leann brown

RESPONSABLE DE LA COORDINATION DU PROJET MORE THAN WORDS, UNIVERSITÉ MCGILL

La conception de matériel en langues autochtones contribue aussi au démantèlement des structures coloniales. Traduction du texte ci-dessus (de l’inuktitut vers le français) : « Le but ultime de ce partenariat consiste à étudier et à promouvoir l’utilisation d’approches innovantes en matière de production de connaissances, d’élaboration de politiques et de communication, et ce, afin de remédier aux violences sexuelles contre les filles et les jeunes femmes. »

Repenser l’ethique en recherche

Au Canada, la recherche impliquant les personnes autochtones est gouvernée par les principes éthiques de Principes autochtones de recherche : contribution à la collaboration en santé publique (PCAP), pour « propriété, contrôle, accès et possession des données », qui fixent des normes pour encadrer la collecte, le partage, la protection et l’utilisation des données et des savoirs autochtones26. Grâce aux méthodes visuelles participatives employées par les filles et les jeunes femmes dans le cadre du projet More Than Words, il a été possible non seulement de réfléchir à ces principes, mais aussi de les dépasser, de façon à repenser l’éthique dans le milieu de la recherche universitaire, surtout en ce qui touche la propriété et le consentement.

26 Voir par exemple l’article « Ownership, Control, Access, and Possession (OCAP) or Self-Determination applied to research: A critical analysis of contemporary First Nations research and some options for First Nations communities », écrit par Brian Stewart Schnarch, 2024.

“Une case cochee sur un formulaire de consentement ne donne pas le droit eternel de diffuser les mots, les visages et le travail des filles. Les filles contro lent ce qui advient de leurs creations. Elles peuvent donc s’attendre a ce qu’on leur demande leur permission et peuvent exercer leur droit de refuser en toute securite. Cette conception du consentement comme devant etre libre, prealable, eclaire, continu et relationnel est primordiale dans de nombreuses cultures autochtones et necessaire pour renverser les cultures de violence. La necessite du consentement vient aussi bousculer la vision des filles autochtones comme des etres vulnerables qu’il faut constamment prote ger. Demander leur consentement, c’est les considerer comme des iskwew (“femmes” en cri) fortes, belles et brillantes. C’est un geste decolonial." (traduction libre)

YIWU27

JEUNE PERSONNE AUTOCHTONE CHERCHEUSE COLLABORANT AVEC YIWU

Amenager sur les campus des espaces creatifs pour les jeunes autochtones

Les partenariats communauté-université peuvent mettre en valeur les connaissances et les histoires autochtones sur les campus, et ce, par divers moyens : le coenseignement, l’animation d’ateliers de création artistique, la coorganisation de visites guidées critiques et alternatives sur les campus. Dans le cadre de leur projet, les jeunes autochtones ont eu accès aux espaces et aux infrastructures universitaires pour y tenir leurs événements (lancements de livres, expositions d’art, performances ou activités de résistance), accès parfois difficile à obtenir autrement. Cette approche soutient les connaissances et le travail des jeunes autochtones. Dans un même temps, elle contribue à faire évoluer la reconnaissance des savoirs autochtones par les universités.

27 Extrait d’un chapitre écrit par Young Indigenous Women’s Utopia et al. (2021), intitulé « Cellphilming and consent: Young Indigenous women researching gender-based violence », publié dans Ethical Practice in Participatory Visual Research with Girls: Transnational Approaches (sous la direction de Relebohile Moletsane et al.), par Berghahn Books.

Des jeunes et des adultes allié·e·s font une escale devant le rocher Hochelaga, sur le terrain de l’Université McGill, à l’occasion d’une première visite guidée critique des campus dans le cadre de la retraite printanière de More Than Words (2023).

Sur les campus : visites guid critiques ou alternatives

Les étudiant·e·s autochtones des universités York et McGill qui participaient au projet More Than Words ont tenu ou coorganisé des visites guidées critiques des campus, qui passaient par des sites et des monuments porteurs d’importantes leçons sur le rôle des universités dans la perpétuation de la violence coloniale au fil de l’histoire. Ces visites se voulaient participatives, critiques et optimistes, des points de départ pour en arriver à une compréhension plus juste et complète du passé des universités, interroger des évidences et contribuer à la décolonisation des campus.

Les étudiant·e·s autochtones de l’Université McGill ont organisé et animé une visite guidée critique du campus, qui soulevait des questions sur le sens des monuments commémoratifs des établissements précoloniaux.

pallier la sous-representation des autochtones, dont les jeunes aux congres universitaires

Dans le cadre des partenariats communauté-université, les groupes de jeunes autochtones peuvent être amenés à faire des coprésentations lors de congrès qui seraient autrement inaccessibles à la communauté, ce qui permet au travail des jeunes de rejoindre un public élargi. Bien évidemment, ce travail peut s’accompagner de tensions, notamment des formes d’inconfort et d’isolement. Mais les congrès, par l’intermédiaire des partenariats communauté-université, permettent de rejoindre davantage de parties prenantes et de réseauter avec d’autres jeunes autochtones et d’autres personnes alliées, dans un contexte différent.

Les filles et les jeunes femmes de YIWU et leurs adultes allié·e·s ont présenté leur travail au congrès de l’International Girls Studies Association (South Bend, Indiana, 2019).

Les filles et les jeunes femmes d’Eskasoni, de Rankin Inlet et des terres visées par le Traité no 6 ont présenté leur travail en ligne au congrès scientifique international de l’International American Educational Research Association, tenu à San Diego, aux États-Unis (participation virtuelle, 2022).

Permettre aux jeunes autochtones de signer des

publications universitaires

Les partenariats peuvent offrir aux jeunes autochtones des occasions de cosigner des publications universitaires, comme des chapitres d’ouvrages ou des articles dans des revues à comité de lecture. Les groupes de jeunes peuvent également bénéficier du soutien d’assistant·e·s de recherche universitaires pour exposer, publier ou diffuser leur travail, par exemple pour les aider à trouver des options d’impression, à utiliser des logiciels de graphisme ou à effectuer la révision linguistique.

“Faire

de la recherche et etre a l’universite suppose assurement certains privile ges, peu importe d’ou on vient. Je dirais que, dans le milieu de la recherche, les gens pensent souvent que tout tourne autour de leurs interets et de leur personne… Pour moi, l’important, c’etait les jeunes et ce qui comptait a leurs yeux." (traduction libre)

renforcer la participation des jeunes autochtones aux processus de financement

Par le truchement des partenariats, nous pouvons aussi changer qui a accès à l’infrastructure de recherche en donnant aux groupes de jeunes autochtones la possibilité de participer aux demandes de subventions, de communiquer directement avec les bailleurs de fonds et de collaborer officiellement à un projet de recherche.

Commission de verite et reconciliation

Appel a l’action no 65

« Nous demandons au gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, et en collaboration avec les peuples autochtones, les établissements d’enseignement postsecondaire, les éducateurs de même que le Centre national pour la vérité et réconciliation et ses institutions partenaires, d’établir un programme national de recherche bénéficiant d’un financement pluriannuel pour mieux faire comprendre les facteurs associés à la réconciliation. »

Des jeunes d’Eskasoni ont collabore a des demandes de subventions de recherche aupres d’organismes federaux

Cinq jeunes de Break the Silence; Be the Change à Eskasoni ont participé comme chercheur·e·s à l’élaboration et à l’envoi de demandes de subventions de recherche aux organismes subventionnaires fédéraux que sont les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), demandes qui se sont avérées fructueuses. La démarche comportait des séances de discussion pour préparer le dossier et aider les jeunes à rédiger un CV de calibre universitaire mettant en valeur leurs publications, leur expérience de recherche et leur leadership.

L'importance des gestes quotidiens pour defaire le racisme colonial dans les universites

Au travers des partenariats communautaires et universitaires tissés au fil de longues années et de multiples projets de recherche, nous avons découvert comment de petits gestes quotidiens mais très concrets contribuaient aux efforts de décolonisation des pratiques et des espaces universitaires. Dans l’entreprise collective de la décolonisation, le quotidien ouvre une porte à la transformation des normes universitaires et de la manière dont les projets menés par les jeunes autochtones peuvent influencer le changement social. Le projet More Than Words a offert un espace collectif pour trouver des moyens de faire rayonner les projets des jeunes autochtones au-delà de leur communauté, dans une volonté de provoquer, de répliquer et de faire évoluer des structures et des normes sociales plus larges.

retour a more than words

le dernier mot aux jeunes

Du groupe GET Art (Rankin Inlet) : Pourquoi nous aimons GET Art

Voici notre vidéo sur GET Art!

Qu’est-ce que le programme GET Art? C’est un regroupement de filles de Rankin Inlet qui s’expriment par les arts.

Je crois que c’est un programme important, parce qu’il nous amène à nous réunir et à travailler ensemble, car nous sommes puissantes.

C’est un espace sécuritaire et confortable, ce qui est essentiel pour nous, les filles. Nous nous adonnons à diverses formes d’art : fabrication de pièces murales, peinture, création de vidéos.

Nous aimons aussi GET Art pour les collations servies, qui sont santé et savoureuses. Voilà!

Script du cellphilm, Pourquoi nous aimons GET Art

(TRADUCTION LIBRE) TERYN, TERESINA, APRIL, AND JEMMA, RANKIN INLET, 2024

Du groupe YIWU (terres visees par le Traite no 6) : Lettres d’amour a nos enfants et a nos communautes du futur

Aux enfants

N’ayez jamais peur de qui vous êtes : apprenez à vous aimer et ne changez pas pour quiconque. Suivez vos rêves, car tout est possible quand on s’en donne vraiment les moyens. Soyez toujours aimables et déployez une belle énergie positive dans le monde. Ne vous pensez jamais au-dessus des autres : nous ne faisons qu’un.

Avec amour, Maman

À mes enfants

Sachez que je vous aime. Vous pouvez tout me dire, sans crainte. C’est normal de faire des erreurs. Mes conseils : ne jamais abandonner, cultiver la force, ne pas changer pour qui que ce soit. Soyez vous-mêmes. Ne laissez personne vous démoraliser. Je serai toujours là pour vous.

Cindy Mocassin

YIWU, TERRES VISÉES PAR LE TRAITÉ N O 6, 2022 28

28 Extrait du livre KÎYÂNAW ocêpihk, autoédité par YIWU, produit par Young Indigenous Women’s Utopia, Young Indigenous Women’s Utopia 2.0 et Zachary Mandamin, sous la direction de Belinda Daniels, 2022.

D’une jeune de Break the Silence (Eskasoni) : Apres

Quand on écrit, nos mots revêtent mille et une significations, plus qu’il en existe dans le dictionnaire. N’aie pas peur de sortir de ta coquille. La peur nous empêche de croquer la vie à pleines dents. À mon avis, si nos rêves ne nous effraient pas, alors ce ne sont pas des rêves.

Tu dois être prêt·e à travailler dur et laisser ta plume suivre ton cœur. Permets-toi d’écrire mal. Ouvre-toi à la critique. Et, surtout, respire. Tu suranalyses tout ce que tu fais? Ce n’est pas grave. C’était mon cas. Mais c’est devenu accablant. Vois-tu, c’était mon plus grand rêve dans la vie, être publiée. Sauf qu’un jour, quelqu’un que j’admirais beaucoup m’a dit que je n’arriverais jamais à percer comme écrivaine. Ses paroles m’ont blessée, parce qu’au lieu de me permettre d’être critiquée, je permettais à cette personne de briser mes rêves.

Personne ne peut t’enlever tes rêves, à moins que tu le lui permettes. J’ai écrit longtemps, pendant des années, avant que quelqu’un me remarque enfin et que ma vie change pour toujours. Sans ce coup de pouce, je n’aurais pas su ce qui sommeillait en moi.

Je veux donner envie aux gens de raconter leurs histoires, de peindre leurs blessures, de hurler leurs émotions, parce que je sais combien le mal-être peut devenir profond. La page m’a permis de m’exprimer en toute liberté. L’écriture de poèmes m’a sauvée. J’ai peint le tableau de mes tragédies et de mes maux pour me rendre là où j’en suis aujourd’hui. Rien n’arrive pour rien.

Sois patient·e.

Sois fort·e.

Sois spontané·e.

Sois brave.

Et sois toi-même! (traduction libre)

REsSOURCES

Pour explorer les artefacts du projet More Than Words (publications et œuvres des jeunes, balados, trousses à outils, rapports), rendez-vous à ces adresses : https://www.mcgill.ca/morethanwords/ et https:// mcgill.ca/x/wpP.

Pour des publications universitaires, consultez la liste du projet More Than Words : https://mcgill.ca/x/wpW

GRAPHISME :

Le guide que voici présente une voie de pratiques prometteuses à suivre pour collaborer avec les jeunes autochtones afin de remédier à d’importants problèmes dans leurs communautés, et ce, en passant par les arts. Faisant fond sur les travaux menés actuellement au Canada avec et par les filles et jeunes femmes autochtones pour contrer les violences sexuelles et sexistes (VSS), ce guide explore la complexité des espaces où on aide les jeunes autochtones à aborder certains enjeux de VSS et d’autres formes de violence dans leur vie et dans leur milieu.

Soulignons d’ailleurs que ces pratiques prometteuses misent sur le succès d’approches artistiques, qui se sont avérées efficaces pour stimuler la pensée critique ainsi que le pouvoir de création et d’action des jeunes, alors en posture d’imaginer, de repenser et d’impulser le changement social. Si l’on veut créer des communautés où les jeunes autochtones peuvent s’épanouir, il est essentiel de recourir à ces pratiques pour placer leur voix et leur leadership au cœur même du processus.

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