ARTCHI Voir la vie avec un œil d’architecte Chez les Kleiber, on se prénomme Charles et l’on est architecte depuis trois générations. «Outre leur prénom, j’ai hérité de leur passion pour l’art de bâtir !», précise Charles Kleiber, 75 ans, dont deux frères, un petit-fils et un neveu ont également embrassé cette profession. Sa prestigieuse carrière a exigé de lui quelques infidélités à son domaine de prédilection. D’abord il a été architecte et architecteconseil dans le domaine de la santé ainsi que l’architecte de l’Hôpital du Pays-d’Enhaut. Ensuite, il est devenu chef du Service de la santé publique du canton de Vaud. Puis directeur général du CHUV. Enfin, Secrétaire d’Etat. «Mais, je n’ai jamais cessé de penser en architecte car c’est une façon de voir le monde». Sous sa chevelure argentée, le regard de Charles Kleiber s’allume : «Après tout, y a-t-il plus beau métier? Il touche à la géographie, à l’urbanisme, à l’économie, à l’espace, à la mise en scène de la ville, à l’esthétique, à l’éthique, à la poésie, au social, à la mémoire et à la vie quotidienne du citoyen !» Pour cet «utopiste-réaliste», construire dépasse – et de loin – les questions de flux, de densités et de formules mathématiques : «L’architecture raconte l’histoire d’une ville à ses habitants. Elle leur dit, dans la pierre, leurs espoirs. Elle doit leur donner envie de donner le meilleur d’eux-mêmes.» Charles Kleiber se passionne pour les fonctions premières de l’architecture. «Que signifie habiter ? C’est peut-être établir une relation sensuelle avec un espace pour mieux affronter le passage du temps. C’est peut-être aussi approfondir le lien avec sa ville et avec ses voisins.»
Un beau volume et d’immanquables structures de charpente: caractéristiques principales du loft des Kleiber.
Vivre ici pour habiter le monde On peut terminer sa carrière à la Confédération comme Secrétaire d’Etat à l’éducation et à la recherche, tout en conservant son âme d’architecte. En témoigne Charles Kleiber qui, à peine abandonnées ses activités à Berne, a participé à faire d’une ancienne imprimerie lausannoise un loft somptueux ouvert sur le monde.
L’entrée de l’ancienne imprimerie, en pierre sombre, ne laisse pas soupçonner que, sous les combles, se cache un lumineux loft.
Construire sa maison, c’est dire : «Je suis vivant !» A l’heure de la retraite, Charles et son épouse ont décidé de se poser en plein centre-ville lausannois. «Notre maison de l’avenue des Belles-Roches était devenue trop grande après le départ des enfants. Nous avions vieilli… elle pas et elle nous a regardé partir.» Rompant avec 23 années «d’habitudes, de bruits, de musique, de craquements, d’odeurs, de mystères et de présence familière», les Kleiber ont pris le risque de la nouveauté : vivre dans un loft, ouvert à la fois sur les toits de Lausanne (à 360°) et sur leurs vis-à-vis, comme dans une casbah méditerranéenne où l’on s’interpelle d’une maison à l’autre, ce que les Kleiber ne manquent pas de faire ! «Ma femme et moi partagions une conception très claire de notre future habitation. Elle devait être située en pleine ville, au cœur de la vie, être accessible en transports publics, disposer de quoi accueillir nos petits-enfants, être spacieuse et… nous laisser prouver que nous étions encore capable d’écrire une nouvelle page.» L’espace : luxe suprême Une ancienne imprimerie lausannoise ayant fermé boutique laissait un vide à combler. L’atelier d’architectes Richter Dahl Rocha avait fixé le cadre : terrasse sur le toit, vaste mezzanine, dalle en béton brossé sans seuil assurant une continuité visuelle, chauffage au sol, emplacements de la cuisine et de la salle de bain.
Même si choisir, c’est renoncer, le propriétaire ne regrette aucune des options architecturales prises il y a 6 ans.