Détours, pour aller là où on n'a pas besoin d'être

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Détours, pour aller là où on n’a pas besoin d’être dossier d’exposition


Alors que les grands développements laissent parfois quelques terrains vagues dans l’attente, des zones entières, habitées mais laissées pour compte, démontrent que le laissez-faire urbain rend possible d’autres manières d’utiliser, de raconter et de vivre la ville. Ces vagues urbains permettent aux activités les plus communes de prendre place, et au merveilleux, de prendre racine. Suite à la loi d’amnistie de 1991, le centre ville de Beyrouth a rapidement été nettoyé. S’y poursuit, depuis, une grande opération de reconstruction. Même si d’autres quartiers emboîtent le pas, Bachoura, lui, un quartier adjacent au centre, demeure intact, ou plus justement, dans son état d’après-guerre. Pourtant, sous ses airs inhospitaliers, se cachent une résilience et un sens de l’imaginaire insoupçonnés. Par coïncidence, son nom local Khandaq el Ghamiq ( le fossé profond ) suggère un monde physiquement séparé de celui qui le surplombe, et dans lequel l’invention de constructions et de pratiques astucieuses est nécessaire. C’est à force de côtoyer les détails de ce réel-imaginaire qu’apparaît la mécanique bachourienne : une mécanique qui met en oeuvre une occupation de la ville profondément originale.


Dans un effort de prolonger le détail bachourien, cinq infrastructures nomades révèlent trois pratiques essentielles à Bachoura : le récit, la marche etle détournement. Alors que le récit est une trajectoire spatiale et temporelle qui génère un sens, une mémoire et une valeur au lieu, la marche se lance à la recherche d’occupations potentielles. À travers les déambulations se lient les histoires et émerge la cohérence de l’indompté et du résilient. Apparaît alors le détournement : des transformations insidieuses et des occupations étranges supposent d’autres manières de pratiquer la ville. Ces chambres-machines surgissent de situations trouvées pour devenir des architectures transportées, poussées, roulées, tirées ou balancées comme de petits terrains vagues nomades personnels. Lorsque Bachoura ne sera plus que l’extension de la nouvelle ville, les infrastructures permettront aux pratiques bachouriennes de résister et de détourner le nouveau paysage.


La vieille femme est tout sourire. Je ne comprends pas ce qu’elle semble si pressée de me dire, mais il est clair qu’elle est heureuse que je m’intéresse à sa demeure. Elle habite dans une ruelle étroite, qui vient depuis les bruits de la rue du marché, qui monte une pente légère, qui mène au milieu d’un regroupement de petites maisons. Elle habite dans un corridor. Malgré la petitesse, sa maison est invitante: une simple ouverture sur ce mur de béton autrement ininterrompu, décorée de six plantes en pot trois de chaque côté. Il y a deux cordes à linge une au-dessus de l’autre, chacune séchant la lessive du matin, des robes lourdes et foncées. Au fond du corridor est accroché, au-dessus d’une arche, l’image d’un jeune garçon qui s’efface lentement sous les rayons du soleil. Un climatiseur perd de son eau un peu plus loin. Le ciel est sans nuage, plat, bleu, sans une once d’air qui se fasse sentir. La porte de métal est grande ouverte et révèle, derrière un passage étroit une chambre éclairée par une fenêtre au fond et décorée, par ce qui me semble être des guirlandes de Noël. Elle m’invite. C’est toute l’histoire de sa vie: des photos de bébés, de mariages, des coupures de journaux, des objets variés, un lit, une table, une chaise, un four au gaz, une radio. C’est là qu’elle dort, qu’elle mange, qu’elle lit, qu’elle attend les jours qui passent. Le plafond est étonnamment haut et protège une structure de bois foncé. Je me rends à la fenêtre, qui regarde dans une petite cour de béton, et aperçois des barreaux: la brillance du soleil de midi les avait fait disparaître. Elle me regarde regarder sa pièce, elle pointe vers un bol de bonbons poussiéreux, je lui souris. Il fait presque 40 degrés dehors mais ici l’air est frais. Elle m’offre du café.

.‫املرأة املسنّة تبتسم يل‬ ،‫أنا ال أفهم ما عساها تبادرين به‬ .‫لكن من الواضح أنها سعيدة الهتاممي مبنزلها‬ ‫ متف ّرع من شارع سوق مزدحم‬،‫هي تسكن يف زقاق ض ّيق‬ .‫ميت ّد صعوداً عىل منحدر خفيف يؤدّي إىل مج ّمع بيوت صغرية‬ :‫بيتها رواق صغري املساحة غري أنه مضياف‬ ،‫فتحة بسيطة متت ّد عىل طول جدار من باطون‬ ّ ‫تز ّينها من‬ ّ ‫كل جانب ثالث نباتات يف آنية‬ .‫فخار ّية‬ ،‫ حبال غسيل منصوبان الواحد فوق اآلخر‬،‫يف أرجائه‬ .‫تنرش عليهام غسلة الصباح وفساتينها القامتة اللون‬ ‫صبي صغري مع ّلقة فوق قنطرة‬ ّ ‫ صورة‬،‫يف م ّؤخر الرواق‬ .ً‫تعمل أش ّعة الشمس عىل محو معاملها شيئاً فشيا‬ .‫يترسب منه املاء‬ ّ ‫ مك ّيف هواء‬،‫عىل مسافة صغرية منها‬ .‫ وال أثر لنسمة هواء‬،‫السامء صافية زرقاء‬ ّ ‫ومرش ع عىل مم ّر ضيق ينتهي بغرف ٍة‬ ‫الباب الحديدي كبري‬ ‫تضيئها نافذة وتزينها رشائط زخرفية بدت يل كزينة‬ .‫شجرة امليالد‬ .‫دعتني للدخول‬ :‫بيتها يروي سرية حياتها‬ ،‫صور أطفال‬ ،‫صور أعراس‬ ،‫قصاصات جرائد‬ ،‫أغراض متن ّوعة‬ ،‫رسير‬ ،‫طاولة‬ ،‫كريس‬ ،‫فرن عىل الغاز‬ ...‫راديو‬ ،‫ تنام‬،‫ وهناك تقرأ‬،‫هنا تأكل‬ .‫تنتظر مرور األيام‬ ‫السقف عالٍ للغاية‬ .ً‫ويحمي بنياناً خشب ّياً قامتا‬ ،‫دنوت من النافذة املط ّلة عىل فناء ض ّيق من باطون‬ ‫فرأيته مس ّيجاً بقضبان معدن ّية‬ .‫كان قد أخفاها عنّي بريق شمس الظهرية‬ ،‫أتفحص بيتها‬ ّ ‫رمقتني وأنا‬ .‫ثم م ّدت صويب علبة مل ّبس يغشوها الغبار‬ ّ ،‫ابتسمت يل‬ .‫بادلتها اإلبتسام‬ ،‫ درجة‬40 ‫ الحرارة تقارب الـ‬،‫يف الخارج‬ .‫ فالج ّو منعش‬،‫أماّ هنا‬ .‫ق ّدمت يل فنجان قهوة‬


Une chambre pour partager les choses essentielles dessin à l’encre sur papier 22pox36po


C’est évident que je ne suis pas d’ici. Peu importe les efforts que je fais, il n’y a rien que je puisse vraiment faire. Je porte de vieux souliers, des jeans, un chandail ordinaire, mais quand même, je n’ai aucune chance. Quand je me promène à Bachoura, j’ai l’impression d’avoir un bras sur la tête. “Connaissez-vous Sodeco Square? ” me demande un homme qui sort de nulle part. Il porte des lunettes de soleil, une casquette, des souliers de course blancs, propres, et un sac à dos. Des accessoires très inhabituels pour un Bachourien. Je pense qu’il doit être un touriste perdu qui a besoin d’aide. “ Oui, je sais où c’est. Vous marchez dans cette direction, jusqu’à la rue de l’Indépendance, vous tournez à gauche et le square sera droit devant vous, à 5 minutes de marche.” “Eh bien, laissez-moi vous dire, vous n’avez qu’à aller dans cette direction”, me répond-t-il pointant vers Sodeco, “et ce sera juste là.” Quelques hommes s’attroupent autour de nous, se demandant probablement à quoi peuvent bien servir tous ces doigts en l’air. “Je sais où est Sodeco Square. Je n’ai pas besoin d’y aller. Avez-vous besoin d’aller à Sodeco?” “Non, ici ce n’est pas Sodeco”, me répond-t-il. “De ce côté de la rue c’est Basta, de ce côté, Bachoura. Sodeco est par là.” Je regarde autour de moi. D’autres hommes se sont joints au groupe. Tout le monde semble chercher Sodeco. Plus loin sur la rue, le marché bourdonne. Entre les grands bâtiments, le trafic régulier sur le pont de métal. Tout semble bizarrement normal. “Oui, je sais ça, merci pour votre aide.” Une petite femme, courbée sous sa robe d’un épais coton gris fait son chemin à travers la petite foule, poussant, sacs d’épicerie en main. Elle vient jusqu’à moi et demande: “Cherchez-vous Sodeco?” L’homme à la casquette et aux souliers blancs l’interrompt: “Ici c’est Bachoura. Ne l’écoutez pas, elle est Turque.” Elle - “Sodeco est dans cette direction. Pourquoi lui dites-vous que je suis Turque? Lui – Je ne lui disais pas que vous étiez Turque, je croyais que vous parliez turc. Elle – Je ne parle pas turc, je vis à Bachoura. Lui – Je lui explique comment se rendre à Sodeco. Elle – Écoutez-moi: Sodeco est par là.” La confusion règne. Qui veut aller à Sodeco de toute façon? Moi – “ok, ok, merci. Je vais regarder un peu par ici, et ensuite j’irai dans cette direction, vers Sodeco. Merci.” Je me fraie un chemin à travers les hommes, partant sans regarder derrière. Leurs voix s’estompent et les génératrices démarrent. Il est 3 heures.

.‫من الواضح أنني لست من هذا البلد‬ ،‫ما أبذله من جهود لإلنخراط فيه‬ .ً‫ال أراها تجدي نفعا‬ ،ً‫أنتعل حذا ًء قدميا‬ ،‫أرتدي الجينز وكنزة عاد ّية‬ .‫ ال أمل‬،‫ومع ذلك‬ .‫ أشعر بأنني دخيلة‬،‫عندما أتج ّول يف الباشورة‬ ،”Sodeco Square ‫“هل تعرفني أين تقع‬ .‫آت ال أعرف من أين‬ ٍ ‫سألني رجل‬ ّ ‫يرتدي‬ ،‫نظارات شمس ّية‬ ،‫ينتعل حذا ًء للركض ملاّعاً أبيض اللون‬ .‫ وعىل ظهره حقيبة‬،‫عىل رأسه كسكيت‬ .‫أكسسوارات غري مألوفة لدى س ّكان الباشورة‬ .‫اعتقدته سائحاً تائهاً يريد مساعدة‬ َ ،‫ أعرف أين‬،‫“نعم‬ ‫عليك أن تسري بهذا اإلتجاه‬ ً‫ ثم تنعطف يسارا‬،‫حتى شارع اإلستقالل‬ ‫ عىل بعد‬،‫فتجد بناية السوديكو أمامك‬ ”.ً‫خمسة دقائق مشيا‬ ،‫ خذي باألحرى هذا اإلتجاه‬،‫ دعيني أنا أد ّلك‬،ً‫“حسنا‬ .‫ أجابني مشرياً بإصبعه نحو السوديكو‬،”‫وسرتينها هنا بالتحديد‬ ‫تجمهر حولنا بضعة رجال‬ .‫متسائلني ملاذا كل هذه األصابع املرفوعة‬ ‫“أنا أعرف أين تقع سوديكو سكوير‬ .‫ بل باقية هنا‬،‫ولست بحاجة للذهاب إىل هناك‬ .‫ قلت له حائرة‬،”‫هل أنت تقصدها أم ال؟‬ ،‫ هنا ليس السوديكو‬،‫ أجابني‬،‫“ال‬ ،‫ هي البسطة‬،‫من هذه الناحية من الرشاع‬ ،‫الباشورة من هنا‬ ”.‫السوديكو من هناك‬ ُ .‫ فإذا برجال آخرين ينض ّمون إلينا‬،‫نظرت حوا ّيل‬ .‫وبدا الجميع يبحثون عن السوديكو‬ ،‫يف أخر الشارع‬ ‫تضج بني البنايات العالية وحركة السري‬ ّ ‫السوق‬ .‫املنتظمة عىل الجرس الحديدي‬ ّ .ً‫كل يشء يبدو طبيع ّيا‬ ،‫ اخرتقت الحشد إمرأة قصرية‬،‫فجأ ًة‬ ،‫محدودبة تحت فستانها القطني الرمادي اللون‬ .‫وتحمل بيدها أكياس بقالة‬ :‫إقرتبت منّي وسألني‬ ”‫“هل تبحثني عن السوديكو؟‬ :‫قاطعها صاحب الكسكيت والحذاء األبيض‬ ”.‫ إنها ترك ّية‬،‫ ال تصغي إليها‬.‫“هنا الباشورة‬ ‫ ملاذ تقول لها بأنني ترك ّية؟‬.‫هي – سوديكو تقع بهذا اإلتجاه‬ .‫ بل اعتقدت أنك تتك ّلمني الرتك ّية‬،‫هو – مل أقصد هذا‬ .‫ أنا إبنة الباشورة‬،‫هي – أنا ال أتك ّلم الرتك ّية‬ .‫هو – كنت أرشح للس ّيدة كيف تذهب إىل السوديكو‬ .‫ السوديكو تقع من هنا‬،ً‫هي – إسمعني جيدا‬ .‫ ساد اإللتباس‬،‫هنا‬ ‫من الذي يريد فع ًال الذهاب إىل السوديكو؟‬ .ً‫ أشكركم جميعا‬،ً‫أنا – حسنا‬ .‫ثم أذهب إىل السوديكو‬ ّ ،‫سأتج ّول قلي ًال هنا‬ .‫ ومضيت دون أن ألتفت ورايئ‬،‫شققت طريقي بني الرجال‬ .‫خفتت أصواتهم وهدرت مو ّلدات الكهرباء‬ .‫إنها الثالثة بعد الظهر‬


Une chambre pour aller là où on n’a pas besoin d’être dessin à l’encre sur papier 22pox36po


Debout au milieu d’un terrain décrépi, rempli de déchets et de mouches variées, les façades de bâtiments semi abandonnés protègent la végétation grandissante. La topographie, relativement plate, est l’endroit parfait pour laisser pousser les mauvaises herbes et les fleurs jaunes. Au fond, le sol s’élève subitement (peut-être par-dessus ce qui a déjà été le premier étage d’un bâtiment désormais enseveli), pointant vers une ouverture glissée entre deux murs de béton, menant à un groupe de maisons à pièce unique. J’ai vu des enfants y jouer une fois. Ils faisaient semblant de cuisiner, utilisant les restes d’une laitue trop molle et un bol de plastique bleu, cassé, qu’ils avaient probablement trouvé sur la pile d’objets abandonnés et autres possessions désuètes, à quelques mètres de là. Ils avaient aussi trouvé une petite plateforme de bois sur laquelle se tenir et deux boîtes de bois sur lesquelles s’asseoir. Ils me regardaient avec curiosité, riant, se cachant les uns derrière les autres en ordre chronologique. Aujourd’hui il n’y a aucun signe de vie. Le soleil est sûrement trop chaud pour jouer et l’odeur des déchets, eh bien, sortirait gagnante à n’importe quel jeu. Mais quand même, la lumière tombe joliment sur les plantes sauvages. Les vignes, abondantes, ont envahi les portes arrières et les fenêtres de service, ne laissant paraître que l’épaisseur d’un climatiseur comme un dernier signe de vie caché sous les feuilles. Un ficus elastica gigantesque offre la clémence d’un peu d’ombre. Ceci n’est pas un terrain abandonné: c’est un jardin qui s’est inventé, à travers lequel coupe un sentier bien défini, au long duquel peuvent être observés les arrangements floraux naturels. Pendant que l’après-midi d’été s’assoit confortablement sur le jardin, les façades se montrent dans un jeu d’ombre et de lumière, de textures et de couleurs. C’est particulièrement le cas de la façade devant laquelle je suis où les fenêtres manquantes révèlent, dans leurs rectangles noirs, la profondeur des chambres cachées derrière, chacune libre de toute activité. Le son de la rue est estompé par la haute clôture de béton: un environnement acoustique parfait pour écouter le bruit des lézards qui grimpent le tronc caoutchouteux. “Bonjour Madame!” dit soudainement une tête qui apparaît dans l’un des trous noirs à l’étage supérieur. Le visage d’une petite fille se montre, surexposé, au milieu de la fenêtre absente. Elle disparaît. Une autre fille, un peu plus âgée, sort d’un autre trou, riant de plus belle. De la dernière ouverture, le volet brisé s’ouvre rapidement pour laisser la petite fille colorée me chanter: “C’est toi la plus jolie!” Deux petits oiseaux beaux, heureux, inattendus, se sont fait un nid dans les profondeurs des ombres des chambres du jardin.

ّ ‫بورغطاها ركام الدمار وتالل نفايات‬ ‫أرض‬ ٍ ‫وسط‬ ،‫تحوم فوقها أرساب الذباب‬ ‫تنتصب واجهات أبنية بائسة شبه مهجورة‬ .‫تتنامى يف حامها النباتات‬ ّ ‫ مالمئة لنم ّو أعشاب ب ّرية‬،ً‫املسطحة نسب ّيا‬ ‫الطوبوغرافيا‬ .‫وأزهار معظمها صفراء‬ ،‫عند أبعد زاوية خلف ّية منها‬ ،)‫ردم ُدفن تحته الطابق األول من البناء‬ ‫هو‬ ‫ارتفاع مفاجىء لألرض (رمبا‬ ٌ ‫حيث فجوة بني حائطني من باطون‬ .‫تؤدّي إىل مجموعة مساكن من غرفة واحدة‬ ‫ صادفت ذات يوم ثالثة أوال ٍد يلعبون‬،‫هنا‬ ‫خسة مهرتئة‬ ّ ‫ مستعملني‬،‫متخي ّلني أنهم ط ّباخون‬ ‫وعلبة مكسورة من البالستيك األزرق‬ ‫أظنّهم وجدوها يف أكوام من مقتنيات بالية وأوانٍ مرتوكة‬ .‫عىل بعد بضعة أمتار‬ ‫كام وجدوا أيضاً لوحة خشب ّية للعمل‬ .‫وصندوقني من خشب للجلوس عليهام‬ ،‫حضوري يف املكان أثار فضولهم‬ .‫فراحوا يضحكون بوجل مختبئني مداور ًة الواحد خلف اآلخر‬ .‫ ال أثر لحياة هنا وال أوالد يلعبون‬،‫اليوم‬ ‫أشعة الشمس الصيف ّية الحارقة تفاقم الروائح الكريهة‬ .‫وتحول دون مج ّرد التفكري باللعب‬ .‫لكنّ نورها يضفي عىل النباتات ال ّربية بريقاً جمي ًال‬ ‫الدوايل املع ّرشة غزت األبواب والنوافذ الخلف ّية‬ ٍ‫ومل تدع ينفذ من تحت أوراقها سوى هيكل مك ّيف باق‬ .‫كآخر دليلٍ عىل حياة كانت هنا‬ ّ ‫وحدها شجرة‬ .‫املطاط الضخمة تؤنس املكان بظ ّلها الوارف‬ ،‫ إنها حديقة مبتدعة‬:‫هذه ليست أرضاً مهجورة‬ ‫ ميكننا أن نرى عىل امتداده‬،‫يخرتقها مم ّر مح ّدد‬ .‫تنسيقات أزهار طبيع ّية‬ ،‫ فيام شمس األصيل تظ ّلل الحديقة‬،‫يف الصيف‬ ّ ‫تبدو األبنية غارقة يف لعبة‬ .‫ متم ّوجة باألشكال واأللوان‬،‫الظل والضوء‬ ،‫هكذا هي الواجهة التي وقفت أمامها‬ ‫حيث الشبابيك الغائبة تكشف من وراء إطاراتها السوداء‬ .‫عمق الغرف الخالية من أ ّية حركة‬ ‫ ما يجعل سكون املكان‬،‫ضجيج الشارع يحجبه سور عالٍ من الباطون‬ ّ ‫مالمئاً لسامع حفيف الس ّقايات وهي تتس ّلق شجرة‬ .‫املطاط‬ »!‫«صباح الخري س ّيديت‬ ‫فاجأين صوت فتاة أط ّلت برأسها من ك ّو ٍة سوداء‬ ،‫يف الطابق العلوي‬ .‫ثم اختفت‬ ّ ،‫ أط ّلت من ك ّو ٍة آخرى‬،ً‫ أكرب منها س ّنا‬،‫فتاة أخرى‬ ‫ك ّوة نافذة إنفتحح مرصاعها املكسور بسهولة‬ ‫متيحاً للفتاة املو ّردة الخدين أن تطلق ضحكتها‬ :‫وتغنّي يل‬ .»‫«انت األجمل‬ ِ ،‫عصفورتان صغريتان‬ ،‫ فرحتان‬،‫جميلتان‬ ّ ‫مل أتوقعهام‬ ‫معششتني يف ظالل‬


Une chambre pour se cacher dans les ombres d’une chambre dessin à l’encre sur papier 22pox36po


La perspective est presque parfaite: le terrain vacant se trouve juste au bout de la rue qui descend une pente légère, cadré par un bâtiment de deux étages avec des chambres aussi bleues que le ciel au-dessus (il est facile de voir la similarité des couleurs puisqu’il n’y a plus de toit) et un autre, nouveau celui-là, tout aussi vide. On arrive à deviner, au bout du terrain vague, une forte dépression où se trouve sans doute une deuxième partie à dimensions égales, ouvrant la vue sur d’autres structures abandonnées, et une façade, élégante, avec ses rayures noires et blanches. Une fente reste ouverte, Tout juste pour entrevoir la nouvelle mosquée du centre-ville. Sur le trottoir, un homme est assis dans sa chaise de plastique, fumant le narguilé, buvant du café. À côté de lui, une fourgonnette blanche couverte d’une bâche bleue a fermé boutique pour la journée. Derrière lui, sa fourgonnette est stationnée avec sa propre bâche, tendue entre l’épave et quelques montants de bois. C’est difficile de vraiment savoir ce qui tient quoi, mais tout semble rester en place. Dans la fourgonnette, il y a tout ce dont on a besoin pour faire le café, écouter la radio manger de vieilles barres de chocolat (probablement fondues plusieurs fois), et un fauteuil qui a sûrement vu de meilleurs jours. Le bâtiment en face est plus haut que ses voisins et projette une ombre dont l’extrémité s’étire jusque de l’autre côté de la chaise sur laquelle il est assis. “Bonjour, tu veux du café?” me demande-t-il à travers sa fumée. Passé la fourgonnette-café, la topographie tombe subitement, tel que prévu. En bas, au fond, une autre fourgonnette blanche est au travail. Celle-ci est remplie de pièces mécaniques. Quatre voitures sont placées autour, capots ouverts, et tous semblent très occupés. “Tu veux du café?” Retournant vers la fourgonnette-café, depuis l’autre côté, une table est mise avec quelques chaises de plastique autour d’une lampe et d’un tapis sur le sol. La pièce arrière, j’imagine. Personne n’a encore bougé. “Tu veux du café?” me demande-t-il la tête paresseusement tournée dans ma direction. Dans la profondeur de l’ombre longue, un autre homme est assis sur sa chaise de plastique, fumant, lentement, une cigarette. “Tu veux du café?” “Merci, mais je ne bois pas de café.” Inhale un peu de narguilhé. Regarde vers la rue. Boit une gorgée. … “Tu veux du café?”

:‫املنظر شبه كامل‬ ‫أرض شاغرة تقع بالتحديد عند نهاية الشارع‬ ،‫املمت ّد عىل منحدر خفيف‬ ،‫ واحد من طابقني‬،‫محاطة مببنيني‬ ‫غرف ُه مطل ّية بأزرق بلون السامء فوقها‬ ،)ً‫(من السهل رؤية متاثل اللونني كون السقف مل يعد موجودا‬ .‫واآلخر مبنى جديد لكن فارغ كاألول‬ ،‫نستطيع أن نالحظ‬ ً‫ إنخفاضاً قو ّيا‬،‫يف طرف األرض البور‬ ،‫يقسم األرض قسمني متساويي املساحة‬ ،‫كاشفاً عن أبنية أخرى مهجورة‬ ‫وعن واجهة أنيقة‬ ،‫بأخاديدها البيضاء والسوداء‬ ‫ترتك فسح ًة واسعة مبا يكفي لرنى من بعيد‬ .‫الجامع الجديد وسط املدينة‬ ،‫عىل الرصيف‬ ٌ ،‫كريس بالستييك‬ ّ ‫رجل جالس عىل‬ ّ .‫يدخن األركيلة ويحتيس القهوة‬ ،‫إل جانبه‬ ،‫شاحنة مقفلة بيضاء‬ ّ ،‫مغطاة بغطاء أزرق سميك‬ .‫أقفلت د ّكانها لهذا اليوم‬ ،‫خلفه‬ ‫تتو ّقف شاحنته بغطائها املنصوب خيم ًة‬ .‫بينها وبضعة أعمدة خشب ّية قريبة‬ ،‫من الصعب أن نعرف أيهام يسند اآلخر‬ ّ ‫لكن‬ .‫كل يشء ثابت عىل ما يبدو‬ ،‫داخل الشاحنة‬ ّ ‫لدى الرجل‬ ،‫كل ما يلزم لصنع القهوة‬ ‫ لتناول ألواح شوكوال قدمية‬،‫لسامع الراديو‬ ،)‫(ربا ذابت ع ّدة م ّرات‬ ّ ‫كام لديه أريكة‬ . ّ‫ عىل ما أظن‬،”‫“أكل الدهر عليها ورشب‬ ،‫ أعىل من األبنية املجاورة‬،‫املبنى املقابل‬ ٍّ ‫يلقي‬ .‫بظل ميت ّد حتى الكريس الذي يجلس عليه‬ ،”‫ أتريدين فنجان قهوة؟‬،ً‫“مرحبا‬ .‫سألني من خالل الدخان املتصاعد حوله‬ ،‫عىل مسافة من الشاحنة املقهى‬ ٌ .‫انخفاض مفاجىء لألرض‬ ،‫بالنظر إىل أسفله‬ ،‫نرى شاحنة أخرى بيضاء مليئة بأدوات ميكانيك ّية‬ ،‫وحولها ع ّدة س ّيارات مح ّركاتها مكشوفة‬ .‫حيث يبدوالجميع منهمكني بالعمل‬ ”‫“أتريدين فنجان قهوة؟‬ ،‫بالعودة إىل الشاحنة املقهي‬ ‫وجدت خلفها طاولة وبضعة كرايس بالستيك ّية‬ ‫سجادة مفروشة عىل األرض‬ ّ ‫فوق‬ .‫وحول ملبة متد ّلية‬ .‫أعتقد أنها غرفته الخلف ّية الحف ّية‬ .‫ال حركة فيها حتى اآلن‬ ”‫“أتريدين فنجان قهوة؟‬ .‫سألني ملتفتاً إ ّيل‬ ّ ‫عند حدود‬ ،‫الظل الطويل‬ ‫رجل آخر جالس عىل كريس بالستييك‬ .‫ميج سيجارته ببطء شديد‬ ّ ”‫“أتريدين فنجان قهوة؟‬ ”‫ أنا ال أرشب القهوة‬،ً‫ شكرا‬،‫“ال‬ ّ ‫يتنشق أركيلته‬ ‫يتط ّلع إىل الشارع‬ ‫يحتيس جرعة‬ ... ”‫“أتريدين فنجان قهوة؟‬


Une chambre pour se garder des distractions dessin à l’encre sur papier 22pox36po


Il y a un vieux bâtiment de pierre au coin des rues 53 et 54 du secteur 25 qui va, semble-t-il, être bientôt démoli. La particularité de ce bâtiment, mis à part le long porche niché derrière les nombreuses arches, était sa fontaine publique. Une aménité rare à Bachoura. Alors les voisins l’ont arraché avant que le bulldozer ne vienne et l’ont installé de l’autre côté de la rue, comme l’extension de ce qui est maintenant devenu une petite place publique. Une autre aménité rare à Bachoura. Sur les pavés de la place publique sont assises quatre chaises de plastique et une table où de jeunes garçons jouent aux cartes. Quelques lumières ont été accrochées sous la couverture de bambou et maintenant que l’été bat son plein, les bananiers en pot ferment presque complètement les côtés et l’arrière de la place. Sur le terrain adjacent, un espace de stationnement pour l’ambulance. Un groupe d’hommes flâne au coin du bâtiment, assis sur des boîtes de bois, dans les crevasses de la pierre, ou sur le seuil de la porte, faisant face à un petit marché improvisé, installé pour la journée. La marchandise y est organisée avec attention sur de grandes boîtes de carton aplaties, étendues sur le sol. Ce n’est pas tout à fait clair si le marché est dans la rue, ou ce qui peut sembler être un stationnement, ou peut-être encore un chantier de construction abandonné. “Vous savez pourquoi il n’y a pas de trottoir ici?” demande un des hommes qui m’apparaît être un Bachourien (mais l’histoire le dira, il vit en Suisse et n’est ici que pour les vacances d’été). Je regarde autour. Ah! Voilà pourquoi le marché n’est pas dans la rue, ni dans un stationnement, ni dans un chantier de construction abandonné, et encore moins sur le trottoir. “Hariri voulait se construire une villa dans le Golfe, alors il est venu ici et a arraché nos trottoirs pour utiliser nos pierres. Se sont de très belles pierres. Regardez ici,” me dit-il, se levant pour me laisser voir la pierre sur laquelle il est assis. “N’est-ce pas une belle pierre? 200 ans. C’est l’âge de cette pierre. J’ai crié après ses hommes quand ils sont venus, nous avons tous crié. Mais cette pierre est la seule que nous avons pu sauver.” … Ces histoires que les gens racontent. Oui, en effet, c’est une très belle roche, vieille, usée. Si cette pierre pouvait parler, elle aurait sûrement ses propres histoires à raconter.

،25 ‫ من قطاع‬54‫ و‬53 ‫عند تقاطع شارعي‬ .‫بناء حجريّ قديم قد تق ّرر هدمه قريباً عىل ما يبدو‬ ‫ عدا صيوانه املستطيل‬،‫ما مي ّيز هذا املبنى‬ ٍّ ‫القابع خلف‬ ‫ هو السبيل‬،‫صف من القناطر‬ .‫الشعبي الذي كان ينعش السكان‬ .‫معلم حفاوة نادرة يف الباشورة‬ ‫ سارع الس ّكان إىل انتزاعه‬،‫وفا ًء له‬ ،‫قبل أن تعمل الج ّرافة عىل هدمه‬ ،‫وأعادوا تركيبه يف الجهة املقابلة من الشارع‬ .‫قريباً من ما أصبح اليوم ساح ًة عا ّمة صغرية‬ .‫معلم حفاوة آخر يف الباشورة‬ ‫ طاولة محاطة بأربعة مقاعد‬،‫عىل بالط تلك الساحة‬ ،‫يجلس حولها ش ّبان يلعبون الورق‬ .‫تحت سقف من خيزران عُ ّلقت فيه بعض األضواء‬ ‫ شجريات املوز املزروعة يف فخار ّيات‬،‫يف ع ّز الصيف‬ .‫تس ّد تقريباً خلف ّية الساحة وجانبيها‬ .‫ موقف لس ّيارة اإلسعاف‬،‫يف بقعة األرض املتاخمة‬ ‫ جالسني‬،‫مجموعة رجال يلهون عند زاوية املبنى‬ ‫عىل صناديق خشب ّية أو عىل صدوع حجارته‬ .‫أو عتبة بابه‬ .‫ سوق مرتجلة تقام خالل النهار‬،‫يف الجهة املقابلة‬ َّ ‫البضائع‬ ‫ كبرية‬،‫علب من كرتون‬ ٍ ‫تنظم بعناية عىل‬ ّ .‫ ُتفرش عىل األرض‬،‫ومسطحة‬ ً‫ ليس واضحا‬.‫من الصعب تحديد موقع هذه السوق‬ ‫ما إذا كان شارعاً أم موقف س ّيارات أو رمبا‬ .‫ورشة بناء مهجورة‬ ‫ سألني رجل بدا‬،»‫«هل تعلمني ملاذ ال يوجد رصيف هنا؟‬ ‫يل من س ّكان الباشورة (علمت الحقاً أنه يعيش يف سويرسا‬ .)‫ويقيض هنا عطلته الصيف ّية‬ ُ .‫نظرت حوا ّيل‬ !‫آه‬ ‫من أجل ذلك إذاً السوق ليست يف الشارع وال يف موقف‬ .‫وال يف ورشة بناء مهجورة وطبعاً ليست عىل الرصيف‬ ‫ فجاء إىل هنا‬،‫«أراد الحريري أن يبني في ّال يف الخليج‬ ‫ أنظري‬.‫ليقتلع أرصفتنا ويستعمل حجارتها الجميلة‬ ‫ قال يل وهو يقف ليدعني أرى الحجر الذي كان‬،‫هنا‬ ‫ أليس حجراً رائعاً؟‬،‫يجلس عليه‬ .‫ سنة‬200 ‫هذا الحجر عمره‬ ً‫محتجا‬ ‫ رصخت بوجههم‬،‫يوم أىت رجاله‬ ّ ‫ لكننا مل نستطع‬.‫الحي‬ ّ ‫ورصخ معي رجال‬ ».‫أن ننقذ سوى هذا الحجر‬ .... .‫هذه حكايات يرويها الناس‬ .‫ متآكل‬،‫ قديم‬،‫ هذا الحجر جميل‬،‫أجل‬ ،‫ولو استطاع النطق‬ .‫ااخاصة‬ ‫لروى لنا عىل األرجح حكاياته‬ ّ


Une chambre pour transporter la pierre dessin à l’encre sur papier 22pox36po



Jardin collage papier photographique 96po x 54po



documents impressions photographiques, 3po x 3po


arriver à Beyrouth dessin à l’encre sur papier 22pox36po


visiter Beyrouth dessin à l’encre sur papier 22pox36po


s’installer à Beyrouth dessin à l’encre sur papier 22pox36po


attendre à Beyrouth dessin à l’encre sur papier 22pox36po


construire Beyrouth dessin à l’encre sur papier 22pox36po


Journal Le Devoir, 19 ao没t 2013



Machine à chambres Bois, métal, fils de soie 96po x 15po x 48po Exposition à la Maison de l’architecture du Québec, août-octobre 2013



Exposition à la salle Jean-Marie-Roy de l’École d’architecture de l’Université Laval, mars 2014


EXPOSITIONS Maison de l’architecture du Québec 23 août - 27 octobre 2013 salle Jean-Marie-Roy, École d’architecture de l’Université Laval mars 2014


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