Xénogreffes : l'humanité à corps perdu ?

Page 1

Vivre avec le cƓur d’un porc gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©. C’est dĂ©sormais chose envisageable depuis qu’une Ă©quipe amĂ©ricaine de l’École de mĂ©decine du Maryland a rĂ©ussi une opĂ©ration de xĂ©nogreffe chez un patient, dĂ©but janvier 2022, et dĂ©cĂ©dĂ© deux mois plus tard. QualifiĂ©e de prouesse technologique, cette transplantation inter-espĂšce suscite bien des espoirs, dans un contexte de pĂ©nurie d’organes mais Ă©galement une foule d’interrogations, Ă©thiques notamment, au regard des limites qu’elle abolit. Est-ce si simple de vivre avec l’organe d’un animal ? Quelles frontiĂšres - biologiques, Ă©thiques, juridiques, Ă©conomiques ou philosophiques sont remises en cause et faut il fixer des limites Ă  l’expansion du corps humain ? C’est tout l’enjeu de cette nouvelle rencontre du cycle BorderLine.

Rencontre-débat organisée par la Mission Agrobiosciences-INRAE et le Quai des Savoirs Jeudi 15 décembre 2022, de 18h15 à 20h15 Muséum de Toulouse

18h15/19H30 – XĂ©nogreffes : quelles barriĂšres franchissons-nous ? Table ronde avec Olivier BASTIEN, ancien directeur des prĂ©lĂšvements et des greffes d'organes et de tissus Ă  l’Agence de la biomĂ©decine ; JeanMichel BESNIER, philosophe Ă  Sorbonne UniversitĂ© ; et Thierry GESSON, PrĂ©sident de Midi Cardio Greffes Occitanie, PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration France Greffes CƓur et/ou Poumons. DĂ©bat avec le public.

19H30/20H00 – XĂ©nogreffes : quelles limites redonner aux corps ? RĂ©action du grand tĂ©moin Fabien MILANOVIC, sociologue, responsable du PĂŽle Biotechnologies en SociĂ©tĂ© Ă  Sup’Biotech. DĂ©bat avec le public. RĂ©agissez : #BorderLineTalk [PORTRAITS]

Olivier BASTIEN. Connucomme l’undes porteparoles de l’Agence de la biomĂ©decine en matiĂšre de dons d’organes, c’est en tant que mĂ©decin anesthĂ©siste et rĂ©animateur qu’Olivier Bastien dĂ©bute sa carriĂšre. Chef de service des hospices civils de Lyon de 1990 Ă  2014, il officie notamment au sein de l’HĂŽpital Louis Pradel, dĂ©diĂ© Ă  la pneumologie et la cardiologie. TrĂšs vite, il complĂšte son cursus universitaire avec un DEA de greffe et crĂ©e, en tant que chef de pĂŽle, une unitĂ© de greffe transdisciplinaire. AnesthĂ©sie, rĂ©animation, prĂ©lĂšvement d’organes : des domaines que ce praticien hospitalier enseigne Ă©galement Ă  l’UniversitĂ© Claude Bernard Lyon 1 de 2002 Ă  2014. À partir de cette date, il quitte ses fonctions hospitaliĂšres pour intĂ©grer l’Agence de la biomĂ©decine.

[PROGRAMME]

Créée par la loi de bioĂ©thique en 2004, cette agence publique d’État est l’autoritĂ© de rĂ©fĂ©rence sur les aspects mĂ©dicaux, Ă©thiques, scientifiques relatifs aux greffes, Ă  la procrĂ©ation, l’embryologie et la gĂ©nĂ©tique humaines. Il y prend la direction des greffes nationales et des tissus, pilotant plusieurs gros chantiers comme l’élaboration du plan greffe 2017-2021, la rĂ©vision de la loi de bioĂ©thique en 2018 ou plus rĂ©cemment, la gestion de la crise du Covid. Il y relance Ă©galement, en 2018, une activitĂ© de recherche en xĂ©nogreffe. RetraitĂ© de ses fonctions Ă  l’Agence de la biomĂ©decine depuis peu, Olivier Bastien est membre associĂ© de l’AcadĂ©mie Nationale de Chirurgie. Il est Ă©galement l’auteur, avec RenĂ© Robert et Patrick M. HonorĂ© d’un ouvrage mĂ©dical « Les circulations extracorporelles en rĂ©animation » Ă©ditĂ© chez Masson en 2006.

Jean-Michel BESNIER. Philosophe et docteur en sciences politiques, Jean Michel Besnier est professeur Ă©mĂ©rite de la Sorbonne UniversitĂ©, oĂč il a créé et dirigĂ© le master « Conseil Ă©ditorial et gestion des connaissances numĂ©risĂ©es » ainsi que l’équipe de recherche« RationalitĂ©s contemporaines ». SpĂ©cialisĂ© en philosophie de la technique, philosophie morale et politique, il intĂšgre en 1989 le Centre de recherche en Ă©pistĂ©mologie appliquĂ©e (Ecole Polytechnique/CNRS) jusqu’à sa fermeture en 2011. ParallĂšlement Ă  ses activitĂ©s de recherche, il s’investit Ă  l’aube des annĂ©es 2000 dans le comitĂ© d’éthique du CNRS (Comets) et le ComitĂ© d’éthique et de prĂ©caution pour les applications de la recherche agronomique de l’INRA (Comepra). Une expĂ©rience dont il tĂ©moignera notamment dans l’ouvrage « Ethique et recherche : un dialogue Ă  construire » (Ed. Quae 2011) de la collection Science en questions. Il collabore Ă©galement avec diffĂ©rents mĂ©dias Ă©crits (Revue Esprit, l’Express, Sciences et Avenir Hors SĂ©rie, Revue HermĂšs) et radiophoniques sur France Culture. Ancien membre du M.U.R.S, le Mouvement Universel de la ResponsabilitĂ© Scientifique, il siĂšge au Conseil scientifique de l’Institut des Hautes Études pour la Science et la Technologie (IHEST). Parmi ses nombreux ouvrages citons notamment, « Peut on encore croire au progrĂšs ? » (avec Dominique Bourg, PUF 2000), « Demain les posthumains » (Pluriel 2012) et « Les robots font ils l’amour ? Le transhumanisme en 12 questions » (Dunod, 2016). © Karinne Patte.

Thierry GESSON est PrĂ©sident de Midi Cardio GreffesOccitanie,uneassociationcrééeen1992pardes greffĂ©s cardiaques du CHU de Toulouse, qui accompagne les malades et leur famille et milite en faveur du don d’organes. Lui mĂȘme greffĂ© cardiaque depuis 2005, il est Ă©galement membre de l’association de cardiologie de Midi-PyrĂ©nĂ©es, prĂ©sident adjoint de l’ADOT 31 (Association pour le Don d’Organes et de Tissus humains) et vient d’ĂȘtre Ă©lu PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration France Greffes CƓur et/ou Poumons. Des activitĂ©s qui le conduisent tout naturellement Ă  porter la parole des greffĂ©s et patients en attente de greffes auprĂšs du grand public et des institutions gouvernementales.

Fabien MILANOVIC n’a eu de cesse de naviguer entre Paris et Toulouse. AprĂšs un master de sociologie passĂ© Ă  la fac du Mirail, aujourd’hui UniversitĂ© Toulouse Jean JaurĂšs, c’est Ă  l’UniversitĂ© Paris CitĂ©, qu’il passe et soutient en 2003 une thĂšse dans le domaine de la sociologie des sciences et des techniques, tout en assurant des cours
 Ă  Toulouse ! Rien d’étonnant donc Ă  ce qu’il dĂ©bute sa carriĂšre dans la ville rose en intĂ©grant en 2004 l’Inserm, plus prĂ©cisĂ©ment l’unitĂ© « ÉpidĂ©miologie et Analyse en SantĂ© publique », oĂč il mĂšne plusieurs recherches sur la collecte d’échantillons biologiques humains. Il bĂ©nĂ©ficie Ă©galement de 2006 Ă  2008 d’un financement de l’Agence de la biomĂ©decine pour mener une enquĂȘte sur les donneurs de cellules souches hĂ©matopoĂŻĂ©tiques (cellules prĂ©sentes dans la moelle osseuse qui sont Ă  l’origine de toutes les cellules sanguines). AprĂšs un passage au sein de la Fondation pour la recherche sur la biodiversitĂ©, oĂč il se penche cette fois sur les ressources vĂ©gĂ©tales et animales, il quitte l’Occitanie pour l’Île de France et rejoint en 2014 Sup’Biotech, l’école des ingĂ©nieur.e.s en biotechnologies. Enseignant-chercheur, il endosse la responsabilitĂ© du PĂŽle des Biotechnologies en SociĂ©tĂ©, puis celle du dĂ©partement des sciences humaines, Ă©conomiques et sociales. Il s’intĂ©resse notamment aux biotechnologies et Ă  la maniĂšre dont celles ci « gĂ©nĂšrent des

entités susceptibles de redéfinir les modes de composition entre humains et non humains, entre entités vivantes et non vivantes ».

Il est l’auteur de nombreux articles sur ces sujets tels que « Collectionner le vivant : rĂ©gulation, marchĂ©, valeur » (Revue d’économie industrielle, 2007) ou tout rĂ©cemment, d’un chapitre d’ouvrage « Ce que les biobanques font au vivant. Et rĂ©ciproquement. Le cas des tumorothĂšques en France » (Conserver le vivant, Ed. MatĂ©riologiques, 2022).

[DÉFINITIONS]

Pratique courante, l’ALLOGREFFE concerne les cas oĂč donneur et receveur de greffon appartiennent Ă  la mĂȘme espĂšce biologique.

Dans le cas d’une XÉNOGREFFE, donneur et receveur de greffon appartiennent Ă  une espĂšce biologique diffĂ©rente. Encore au stade expĂ©rimental, il pourrait s’agir d’une greffe de cƓur, de rein ou de cornĂ©e. L’espĂšce animale la plus probable : le porc.

La TRANSGÉNÈSE consiste en l’intĂ©gration provisoire ou permanente d’un ou de plusieurs gĂšnes Ă©trangers au patrimoine gĂ©nĂ©tique d’un ĂȘtre vivant, sans passer par la reproduction sexuĂ©e. DĂ©sormais, plusieurs techniques permettant de modifier des sĂ©quences d’ADN existent. Parmi elles, on parle frĂ©quemment de CRISPR-CAS91 . Également dĂ©signĂ© par le terme « ciseaux molĂ©culaires », ce systĂšme permet de couper trĂšs prĂ©cisĂ©ment des sĂ©quences d’ADN, facilitant ainsi l’inactivation d’un gĂšne ou l’insertion d’une sĂ©quence. Dans le cas des xĂ©nogreffes, ces techniques sont mobilisĂ©es pour accroĂźtre l’acceptabilitĂ© biologique des organes ou tissus animaux chez les ĂȘtres humains.

Un ORGANOÏDE est un assemblage de cellules d’un organe donnĂ© rĂ©alisĂ© in vitro, qui vise Ă  imiter le plus possible un organe in vivo. QualifiĂ©s parfois de 1 Pour en savoir plus Ă  ce sujet, lire l’enquĂȘte de S. Berthier pour la revue Sesame, « [CRISPR-Cas9] Surtout, ne pas couper court au dĂ©bat » : https://revue sesame inrae.fr/crispr cas9 surtout ne pas couper court au debat/

« miniorganes », ces assemblages sont notamment utilisĂ©s en recherche pour Ă©tudier l’organisation des tissus et/ou des organes et leur fonctionnement. Parmi les voies possibles de dĂ©veloppement, signalons la possibilitĂ© de crĂ©er des tissus ou organes in vitro, Ă  des fins d’allogreffe ou de reconstruction tissulaire.

[REPÈRES]

XVᔉ siĂšcle | De premiĂšres transfusions de sang animal Ă  l’homme auraient Ă©tĂ© effectuĂ©es, ainsi que la greffe d’un morceau d’os crĂąnien de chien sur un homme.

1906 | Le mĂ©decin lyonnais Mathieu Jaboulay tente, en vain, de greffer un rein de porc et un autre de chĂšvre chez deux femmes. Entre 1963 et 1964 | Le chirurgien amĂ©ricain Keith Reemtsma effectue douze greffes de reins de chimpanzĂ©, avec un succĂšs comparable Ă  celui des allogreffes Ă  l’époque. Une jeune femme survit 9 mois. En France, le professeur Jules Traeger rĂ©alise le mĂȘme type de xĂ©nogreffes pour pallier la difficultĂ© d’obtention de greffons humains Ă  cette Ă©poque. Les tentatives de xĂ©nogreffes entre les primates et les

hommes sont stoppées dans les années 80, les premiers étant jugés trop proches des seconds.

1965 | Jean Paul Binet et Alain Carpentier implantent les premiĂšres bioprothĂšses valvulaires, obtenues Ă  partir de tissu porcin traitĂ© pour limiter le risque de rejet. Une pratique courante et rĂ©pandue aujourd’hui.

7 Janvier 2022 | Des mĂ©decins de l’universitĂ© du Maryland greffent un cƓur de porc sur un homme non admissible Ă  l’allogreffe ou Ă  une pompe cardiaque artificielle. Le cƓur fonctionnera normalement et le corps ne rejettera pas la greffe jusqu’au dĂ©cĂšs du patient, deux mois plus tard, en raison d’un virus porcin.

[À PROPOS DE BORDERLINE ]

Explorer les champs de tension qui s’exercent aujourd’hui autour de l’idĂ©e des limites, qu’elles soientfrontiĂšregĂ©ographique,bornedessavoirs, seuil Ă©thique ou finitude des ressources. C’est ce que propose BorderLine, un cycle de rencontresdĂ©bats au titre volontairement provocateur, coproduit par la Mission Agrobiosciences INRAE et le Quai des Savoirs. Des dĂ©bats accessibles gratuitement Ă  tous les publics, laissant une large part aux Ă©changes et aux regards croisĂ©s, pour instruire collectivement les pointsdefrictionsetlesvoiespossibles,sanspartisprisniĂ©vitements.Ildonne lieu, Ă  l’issue de chaque rencontre, Ă  la rĂ©alisation d’un podcast disponible, via ce QR Code ou sur toutes les plateformes d’écoute : https://podcast.ausha.co/borderline

DĂ©jĂ  disponibles Ă  l’écoute :

Le chercheur-militant, un nouveau citoyen ? | En partie au nom de l’urgence climatique, la figure du « chercheur militant » ressurgit fortement. Que dit ce phĂ©nomĂšne de la place et du rĂŽle des sciences ?

Humains et animaux sauvages : Ă©viter les lieux communs ? | Biendesanimauxsauvages seheurtentauxactivitĂ©shumaines,del’agriculture aux loisirs, gĂ©nĂ©rant crispations et conflits. Entre prĂ©sence humaine et faune sauvage, quel juste milieu possible ? Un podcast en deux Ă©pisodes.

GĂ©nĂ©rations futures : pourquoi s’en remettre Ă  demain ? | Comment esquisser un futur souhaitable sans peser trop fortement sur les seules gĂ©nĂ©rations prĂ©sentes, ni remettre Ă  demain l’ampleur des changements Ă  initier aujourd’hui ? Passionnant dĂ©bat entre une activiste, une juriste et une sociologue.

La Mission Agrobiosciences-INRAE

Centre national de mĂ©diation et d’instruction des controverses, la Mission Agrobiosciences INRAE est chargĂ©e de repĂ©rer les signaux faibles et d’analyser les tensions qui traversent la sociĂ©tĂ© dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation, de l’environnement, des sciences et des techniques du vivant. Son outil privilĂ©giĂ© : la mise en dĂ©bat pluriacteurs.

https://www.agrobiosciences.org/ 24 Chemin de Borde Rouge, 31320 Auzeville-Tolosane Téléphone : +33 (0)5 61 28 54 70 Mail : mission-agrobiosciences@inrae.fr

Le Quai des Savoirs

Centre culturel de la mĂ©tropole toulousaine consacrĂ© aux sciences, aux innovations, et Ă  la crĂ©ation, le Quai des Savoirs invite Ă  reprendre la main sur nos futurs par l’exploration des enjeux des recherches contemporaines et des diffĂ©rents rĂ©cits prospectifs en cours.

https://www.quaidessavoirs.fr/ 39 Allées Jules Guesde, 31000 Toulouse #BorderLineTalk

Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
Xénogreffes : l'humanité à corps perdu ? by Mission Agrobiosciences-INRAE - Issuu