MILK DECORATION #57_EXTRAITS

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ÉDITORIAL

No 57 — Juin / Juillet 2025

a ressemble à quoi, de partir vivre dans les lieux qui nous inspirent ? De transformer ces territoires fantasmés – souvent associés à l’été, aux vacances, à l’échappée belle – en quotidien bien réel ? Des endroits pour s’évader, jamais pour rester, et pourtant... Les personnalités de ce numéro ne se sont pas contenté de se poser la question. Elles ont franchi le seuil, troqué la fugue saisonnière contre une vie à l’année dans ces édens secrets.

À l’instar de la galeriste, curatrice et designer germano-écossaise Katharina Marie Herold qui, après avoir grandi à Hambourg, posé ses valises à Londres puis à Berlin, ouvert sa galerie sur l’île allemande de Sylt, a découvert un jour Majorque pour ne plus jamais en repartir. Ici, elle a fait sienne une maison de ville à l’aura merveilleuse, y transposant son goût, son activité, ses projets. Tout comme Rhiannon Pickles, à la tête de son agence de relations publiques, et son mari Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum à Amsterdam, qui dans leur vie à mille à l’heure ont choisi de faire d’une ferme sicilienne du XXe siècle, posée sur une terre volcanique fertile, un pied-à-terre familial, authentique et plein de charme. De la même façon, l’artiste Dan John Anderson a quitté les contrées boisées de l’Oregon avec sa famille pour le désert de Californie. « J’ai tout de suite été séduit par l’endroit. J’ai perçu qu’il nourrissait mon inspiration. À l’époque, je vivais à Portland, et je sentais qu’il fallait que je tente une nouvelle aventure », explique le créatif.

Ce numéro explore ces élans. Il raconte des histoires d’ancrage dans la beauté. Pas celle qui fige, mais celle qui révèle, et qui transforme.

Laurine Abrieu

Rédactrice en chef

TOUR DE TABLE

« Numbered », la nouvelle série de Rooms Studio

Nata Janberidze, installée à Tbilissi, et Keti Toloraia, désormais parisienne, ont présenté « Sub-currents (At Work)» lors de la dernière Milan Design Week. Cette installation immersive était l’occasion, pour les fondatrices de Rooms Studio, de présenter leurs nouvelles pièces de mobilier, luminaires et céramiques. Dans notre radar, la série de tables « Numbered » en compte cinq, de tailles et compositions di érentes. Deux d’entre elles sont extensibles, dans la plus pure tradition géorgienne qui célèbre les grands repas en famille. Fabriquées à partir de chutes de chêne et d’acier brossé, elles sont à la fois des objets utilitaires et un manifeste politique qui prône le vivre-ensemble. (H.R.)

Voyage immobile

Une collaboration d’exception, pour laquelle Rimowa et Vitra ont imaginé ensemble deux produits en édition limitée destinés à tous les intérieurs : un tabouret en aluminium monté sur roulettes (photo), qui fait office de siège d’appoint quand le couvercle est fermé et de rangement élégant tapissé d’un tissu Vitra quand il est ouvert ; et une boîte à outils en aluminium, inspirée de celle dessinée par Arik Levy pour Vitra en 2010. (N.B.)

Souffle minéral

Au printemps dernier, le designer Guillaume Delvigne présentait à la ToolsGalerie, à Paris, « un projet qui laisse place à l’imprévu ». Une collection de 10 incroyables lampes, coif ées de formes en pierre (marbre, travertin, onyx, pierre de lave…) au trait maîtrisé et dont le poids influe sur la silhouette d’un globe en verre soufflé blanc, gris ou rose, finition claire ou sablée. Du plus bel effet. (L.A.)

ICONIQUE

Gubi réédite le F300 de Pierre Paulin

L’éditeur danois Gubi réinvente le fauteuil F300 de Pierre Paulin dans une version contemporaine, tout en conservant sa silhouette galbée, typique des années 1960. Cette pièce iconique est désormais réalisée en polymère technique issu de déchets plastiques industriels et doit son confort à son rembourrage paré de cuir lisse ou de tissu Dedar. Un must-have ! (H.R.)

© Ilaria
Orsini Clément Savel ; DR

JEU

D'ÉQUILIBRE

Intitulée « Time Stretched », la nouvelle collection de Christophe Delcourt célèbre les 30 ans de sa maison d’édition. Un ensemble dont le vocabulaire se construit autour de l’imbrication subtile de ses éléments.

TEXTE : SOPHIE BOUCHET

C’est à Milan, entre les murs de la Fondazione Mudima, que le designer Christophe Delcourt a déployé son univers poétique à l’occasion du dernier Salone del Mobile. Chaque année, il investit ce lieu avec une installation domestique inspirante, sans cesse renouvelée. Depuis le début de sa carrière, il s’efforce de concevoir un mobilier de haute facture, empreint de discrétion. Une panoplie qui se nourrit à la fois de la main du designer et du geste de l’artisan, dans une rencontre poétique. Si sa création s’est peu à peu affranchie de certaines contraintes, Christophe Delcourt demeure fidèle à l’idée d’un mobilier à la fois confortable et ancré dans son époque.

En 2025, le designer célèbre les 30 ans de sa maison d’édition éponyme avec une collection baptisée « Time Stretched ». Pour dessiner cet ensemble, le créatif a puisé son inspiration dans des mouvements artistiques tels que l’art optique ou l’Arte Povera. Les pièces qui en résultent forment un ensemble cohérent, articulé autour de jeux de matières et d’assemblages subtils, où

chaque élément s’imbrique dans une recherche d’équilibre. Véritables micro-architectures, ces créations expriment sa volonté constante de faire émerger la fonction à travers la forme.

Cette démarche s’incarne notamment dans l’une de ses pièces favorites, la commode haute Ost, dont le relief soigneusement travaillé dissimule des fonctions presque invisibles. Son dessin se décline également en version chevet et commode basse.

À travers cet ensemble, Christophe Delcourt rend hommage à des figures majeures, comme les plasticiens Richard Serra et Donald Judd. Ces derniers ont chacun façonné un vocabulaire plastique fort, dans un esprit résolument minimaliste. Un lexique lisible et personnel, que le designer parisien crée à sa façon à travers cette collection composée notamment autour du bois, l’une de ses matières de prédilection.

CONCOURS

Muuto annonce les lauréats de son premier prix de design

Après bientôt deux décennies à réinventer le design scandinave à travers un mobilier à l’esthétique simple et fonctionnelle, la marque Muuto pousse encore plus loin son ambition avec la création d’un grand concours international de design. Annoncé en juin dernier à l’occasion des 3daysofdesign, cet événement témoigne de la curiosité du label danois, qui avait alors invité des jeunes designers du monde entier à soumettre des propositions d’accessoires. Ce sont finalement trois projets qui ont été récompensés, ex æquo. On retrouve ainsi un séparateur d’espace en textiles semi-transparents signé Nikola Gaytandjiev, qui revisite l’idée du paravent traditionnel ; un tapis carré bicolore rendant hommage aux traditions textiles népalaises, imaginé par Sia Hurtigkarl ; ainsi que des vases de Francesc Gasch, inspirés du mouvement des vagues, et conçus pour moduler librement la hauteur et la disposition des fleurs. Ces projets, à la fois poétiques et maîtrisés, ont été célébrés lors de leur exposition au siège de Muuto, à Copenhague, à l’occasion de l’édition 2025 des 3daysofdesign. (S.M.)

POP-UP

La galerie Tabouret en résidence à Paris

Du 18 au 29 juin 2025 , la galerie Tabouret créée par Isis-Colombe Combréas – cofondatrice de MilK Decoration – prend ses quartiers à Paris. Au sein d’une adresse prestigieuse, le numéro 117 de la rue du Bac (7e), désormais investi par le flagship de Zara Home, les visiteurs peuvent découvrir une sélection pointue de petit mobilier, de luminaires et d’art de la table dans l’esprit collectible design et modern cra t de Tabouret. On craque pour les verres sculptés de Lucie Claudia Podrabska, le tabouret de Kalo Rakoto et les bougeoirs en bois de Romie Objetti. Et pour une version XXL de ce pop-up, rendez-vous à Mahón, sur l’île de Minorque, jusqu’à la fin de l’été. (H.R.)

COLLECTIBLE DESIGN

La lampe Panel de Kawabi

À la tête de la galerie new-yorkaise Colony depuis 2014 , Jean Lin s’est donné pour mission de défricher la scène du design américain et d’offrir à ses jeunes talents, par le biais d’une coopérative, une vitrine très prisée des esthètes, dans le quartier de Tribeca. Portée par un questionnement profond sur le sens des choses et des formes, elle a choisi d’honorer cette réflexion avec l’exposition « The Independents », présentée lors de la récente New York Design Week. Vingt-quatre designers et artisans y exposaient des créations en résonance avec leurs démarches personnelles. Parmi eux, Irisa Na et Aaron Kawabi ont dévoilé leur nouveau luminaire Panel, un tryptique composé de panneaux de noyer aux pieds logés dans du béton et de papier japonais kozo tendu sur un fil de rotin. Une manière délicate de mettre en lumière le geste artisanal qui préside à chacune des lampes fabriquées dans leur atelier de Brooklyn, entre intimité, matière et sensibilité. (M.F.)

COLLAB

La Casa Valle et BD Barcelona présentent la chaise Batlló d’Antoni Gaudí

Le Studio Giancarlo Valle a, à maintes occasions, démontré sa passion pour l’artisanat et l’héritage des designers du passé à travers des intérieurs où époques et courants artistiques se mêlent avec justesse. Cette sensibilité se retrouve également dans la galerie ouverte par le fondateur du studio et sa partenaire Jane Keltner de Valle, au cœur de Tribeca, à New York. Un lieu où pièces rares et créations contemporaines célèbrent la beauté du geste. À l’occasion de la New York Design Week, en mai dernier, la Casa Valle a dévoilé la réédition de la chaise Batlló d’Antoni Gaudí par BD Barcelona, dans une démarche fidèle à celle du maître du modernisme catalan, lors de la conception de celle-ci pour la demeure éponyme au début du siècle dernier. L’assise aux volutes élégantes et au fini ébène se distingue par son allure sculpturale qui la hisse au premier rang des chaises les plus irrésistibles du moment. Une édition limitée à 50 exemplaires numérotés. (M.F.)

ZACHARY FRANKEL,

EYE LEVEL

Repéré l’an dernier lors de la Melbourne Design Week, le designer Zachary Frankel vient d’ouvrir Hotel House, son nouveau showroom-studio installé dans l’historique Northcote Arms Hotel. Un lieu hybride et évolutif, entre savoir-faire artisanal et regard moderne, à l’instar de ses objets sculpturaux empreints d’émotion.

TEXTE  : LOUISE CONESA

De la joaillerie au design, il n’y a qu’un pas, et Zachary Frankel n’a pas hésité à le franchir avec une sensibilité particulière. « Il y a quelque chose d’incroyablement beau dans le fait qu’un objet simple puisse être fonctionnel et témoigner, dans son usage, de son histoire, génération après génération », confie le designer australien. En se tournant vers le mobilier, Frankel s’affranchit des contraintes formelles de la joaillerie pour laisser place à l’intuition et à l’expérimentation.

Du métal au bois, des luminaires à la sculpture, son obsession pour l’innovation l’emmène sur tous les terrains créatifs. L’an dernier, son exposition « Fabric » poussait cette exploration, tissant un dialogue poétique entre textures et volumes du tissu. Car, au-delà de sa matérialité, le tissu possède une valeur sentimentale universelle. Une couverture d’enfance pour l’un, un objet chéri ou un héritage familial pour l’autre. C’est d’ailleurs un motif architectural qui a ravivé cette fascination. « Je vivais dans une maison conçue par un de mes mentors, qui avait sculpté sur

la porte d’entrée un motif gothique linenfold, une taille de bois imitant les plis du tissu. J’en étais constamment inspiré », raconte-t-il. Auprès de son mentor, Frankel apprend la technique, puis l’intègre à son propre langage contemporain. « Ce motif peut parfois sembler rigide ou formel. Je voulais lui donner de la fluidité, créer l’illusion d’un tissu ondulant », ajoute-t-il. La Melbourne Design Week de 2024 a donc été l’occasion de dévoiler cette nouvelle collection poétique, présentée à la galerie Ma House Supply Store dans une scénographie théâtrale imaginée avec son fondateur, Ben Mooney.

Chaque création, entre sculpture et mobilier, brouille la frontière entre art et fonctionnalité. Le cabinet Fancy Old or New Drinks en est sans doute le point d’orgue. Il illustre le regard moderne porté sur le motif qui l’a inspiré. Sculpté à la main, il montre l’importance cruciale de l’artisanat dans sa démarche. « Cette exposition m’a permis de m’immerger pleinement dans la sculpture, sans contrainte de temps, et de m’ouvrir à de nouvelles formes d’éclairage », ajoute-t-il. Ses abat-jour en chanvre, véritables sculptures lumineuses, traduisent cette approche sensible du tissu et de la lumière.

Aujourd’hui, le designer poursuit cette exploration avec l’ouverture de Hotel House, son nouveau showroom-studio installé dans l’historique Northcote Arms Hotel, à Melbourne. Il a imaginé cet espace comme un lieu hybride et évolutif. Une vitrine intime de son univers artisanal, où l’on découvre un joli échantillon de ses créations, dont une nouvelle suspension composée d’un cadre en bois recouvert de tissus plissés, prolongeant la collection « Fabric ». Plus qu’un showroom, Hotel House est un espace collaboratif qui reflète sa vision du design : artisanal, ouvert et exploratoire.

Le pli, motif central de la collection « Fabric », est exploré par le designer aussi bien dans le bois sculpté du cabinet que dans le textile de la suspension.

©
Peter
Ryle

USM,

LE COOL FACTOR

Créatifs et designers s’emparent de l’iconique système USM Haller pour donner vie à du mobilier inédit. Entre réinterprétation et hommage, ils proposent une nouvelle façon d’expérimenter la polyvalence et l’intemporalité de ce mobilier culte. Décryptage d’un phénomène en plein essor.

TEXTE : MARIE FARMAN

« USM est une icône industrielle que nous admirons depuis longtemps. Pour cette collection baptisée “Tessellate”, nous avons utilisé le système USM Haller comme point de départ, nous permettant d’explorer les motifs, les couleurs et les matériaux emblématiques de notre studio », explique le fondateur de Buchanan Studio, à Londres. De cette collaboration est née une capsule de mobilier et d’objets revisités, à la fois graphiques et incarnés. Comme Buchanan Studio, de nombreux designers se plaisent à réinventer l’indémodable système USM Haller, qui célèbre cette année ses 60 ans, avec des propositions inédites et inventives, mettant à l’honneur sa précision et son intemporalité.

USM entretient une relation étroite avec les univers de la création, de la culture et de la mode. « Nous encourageons cette créativité, car elle offre un regard neuf sur notre mobilier, et nous nous enrichissons des visions portées par les artistes et des designers contemporains », souligne Laurent Crochet, directeur général France d’USM. Il poursuit : « La marque est engagée dans une démarche de “ playful design ”, une invitation à jouer avec les possi -

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