Terra Incognita - Jean-Yves Kervevan

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Jean-Yves

K

ervevan


Jean-Yves

KERVEVAN Jean-Yves Kervevan, souvent associé aux envoûtantes couvertures des livres de Serge Brussolo, est avant tout un peintre et un sculpteur accompli. Ses travaux personnels dévoilent un imaginaire riche et sombre, souvent poétique, envahi de formes récurrentes qui attaquent votre subconscient... Bienvenue dans l’univers d’un alchimiste pudique et discret, fasciné par le jeu des matières et des textures.

... PARCOURS ... « J’étais un gamin qui dessine et qui aime bien dessiner. Plus “observateur” qu’acteur, on va dire. Observateur et un peu effrayé - j’avais tendance à m’enfermer dans une bulle, pour voir bouger les autres en silence. L’école était très importante pour moi. J’ai toujours eu l’impression d’être comme derrière une vitre à cette époque-là. Heureusement, j’ai eu le réflexe d’aller très tôt vers un mode d’expression, en l’occurrence le dessin et la pâte à modeler. Je me suis mis à noircir du papier, ça ne m’a plus quitté. Ensuite, j’ai eu le désir d’en faire des études : obligation de convaincre les parents avec l’aide de ma frangine qui était plus vieille que moi. J’ai quitté l’enseignement classique dès que j’ai eu seize ans pour travailler dans des maisons de jeunes. J’ai travaillé la terre, fait du modelage, pris aussi des cours de tour, de poterie... Je voulais être potier.  Finalement, j’ai décidé de préparer un concours pour entrer aux Beaux-Arts à Paris - à l’époque il était possible d’entrer sans être bachelier. Bref, j’ai réintégré le cycle scolaire “officiel”. Je m’étais inscrit à l’atelier du sculpteur Jeanclos. Je dessinais, j’étudiais la morphologie, on allait en fonderie voir couler des œuvres...et puis ça a été interrompu par une expérience assez marginale, une émission de télévision qui s’appelait La Course autour du monde. On faisait des petits reportages en super-8 pendant six mois à peu près, autour du monde. Le montage des films m’a passionné, je garde de tout ça un très bon souvenir. »

L’Élu Huile sur isorel, 80x105 cm


J’

La Potence Brou de Noix, 42x56 cm

ai montré récemment cette image à un éditeur, qui m’a dit de façon ironique : “c’est gai...”. On m’avait dit un autre jour, sur un ton plus agressif : “c’est épouvantable !”. Mais il y a de l’espoir sur cette image, il y a un personnage qui s’en sort, qui se relève. Cette façon qu’ont la plupart des éditeurs de ne rien laisser passer de “suspect” dans l’image publiée me fait froid dans le dos... Qu’une illustration soit vide, voire mal foutue, ne semble gêner personne, mais si l’image porte en elle ne serait-ce que l’ombre d’une idée, c’est la crise assurée !

Jean-Yves  Kervevan - 87


Castor & Pollux Aquarelle sur papier, 52x42 cm

ENTRETIEN avec Jean-Yves Kervevan On doit te dire assez souvent que ton travail est morbide, non ? Oui, je l’ai entendu - mais on me le disait plus souvent avant, parce que mon travail était beaucoup plus sombre. Et puis, en fait, avec le temps, on explore un petit peu ses différents « compartiments » et je me suis rendu compte qu’il y avait aussi des parties de moi qui n’étaient pas forcément noires… qui étaient plutôt plus ouvertes sur une certaine douceur, une certaine tendresse. Mais tu as beaucoup de tendresse pour tes personnages en général, même les plus sombres, non ? Oui, parce que, justement, je ne les juge pas. Ce qui m’intéresse, c’est d’être là au moment où je les perçois, autant que possible, et puis de les retranscrire et aussi de leur « donner corps ». Ça, c’est un truc vraiment important pour moi. Donc je ne les juge pas, je les « considère », dans le sens de « regarder », de « voir ». Et dans la vie c’est la même chose vis-à-vis des gens en général. Même si tu ne les juges pas, quel type d’émotion ressens-tu pour eux ? Dirais-tu que tu les aimes ou que tu les détestes ? C’est curieux - avant j’avais beaucoup plus d’engagement pour eux, justement, j’étais beaucoup plus leur frangin, un petit peu quelqu’un qui est de leur côté, quoi. J’ai fait des vampires ou des créatures « peu recommandables », et je me sentais plus proches d’elles que maintenant, il me semble. Mais peut-être qu’à l’époque aussi, moi-même, je me sentais moins intégré ou en tout cas moins accepté, moins « consommable ». Sans doute qu’il y a un rapport entre les deux. Maintenant je me sens beaucoup plus dans une capacité d’échange, donc ces créatures, je m’en suis un petit peu... pas vraiment éloigné, mais je peux les pratiquer, on va dire, sans avoir trop d’émotion. Il y a une espèce de vide qui se fait en moi quand je travaille depuis un certain temps.


C’est une forme de sérénité ? Non, je ne crois pas. Parfois ça peut être très négatif. Ça peut presque montrer qu’il y a un désert, un vide inhabité. Donc c’est problématique, aussi. Pour faire un parallèle avec le travail d’un chirurgien, je pense qu’il ne peut pas opérer de la même manière s’il connaît la personne qu’il opère; il y a un risque qu’il soit moins efficace. Et moi je ressens un petit peu ça. J’ai l’impression que c’est aussi une prudence de ma part d’avoir moins d’émotion pour aborder des créatures dont je ne sais pas toujours ce qu’elles vont me vouloir. Tu sembles beaucoup aimer les effets de halo ? On sent aussi une forte « envie de lumière » sur tes toiles. Sur toutes tes premières couvertures de livres, notamment, on trouve des antennes qui pointent vers le ciel avec des points de lumière. Oui, ça évoque les particules, les petits morceaux de lumière qu’on peut voir par exemple en été sur les réverbères, le soir, quand des papillons viennent tourner autour. Ils sont éclairés par la lumière, ils brûlent, donc c’est à la fois très beau et pas très drôle, ce qui leur arrive. Ils sont attirés par la lumière et en même temps ils la diffractent, ils l’agrandissent du fait qu’ils la reçoivent et la diffusent en étant périphériques. J’aime beaucoup ces particules qui transportent un peu de lumière et qui en laissent une trace derrière elles. Je trouve ça émouvant, et en même temps mystérieux. Il y a un peintre, Mario Prassinos, qui travaillé là-dessus, mais dans une logique plutôt inverse, avec des grains noirs. Et il a fait un travail extraordinaire, notamment une série de tableaux à la fin de sa vie, qui s'appelle, je crois, Les Peintures du Supplice : une série d’arbres avec les branches écartelées, une évocation du chemin de croix du Christ. Effectivement, quand je regarde ces images, je ne sais pas dire si ça a été fait avec de la lumière ou avec de l’obscurité. Le fait est que les deux s’épousent complètement, et qu’elles se chevauchent perpétuellement. Donc on ne sait plus ce qui est dessus, ce qui est dessous, tout est cohérent et entier. Je retrouve souvent cette sensation, notam-

Saint Felix Aquarelle sur papier, 36x43 cm

ment avec certaines gravures de Rembrandt, de Piranèse... Je suis souvent attiré par des images construites par des moyens techniques en apparence très simples.

... TECHNIQUE : le brou de noix ...

Il y a une évidence des images, même quand elles sont d’une grande complexité. Pourquoi utiliser aussi fréquemment le brou de noix pour tes peintures personnelles ? Si j’ai choisi le brou de noix, c’est avant tout parce que je peux le retirer en permanence. C’est ce qui me touche aussi avec l’aquarelle, pouvoir travailler une image en ayant sans cesse la possibilité de la corriger, d’effacer, de remettre... Ce procédé s’appelle le repentir, je crois. On peut également voir dans ce com-

« J’utilise fréquemment du brou de noix pour mes images. Le brou qu’on peut trouver actuellement n’est pas assez concentré, je le réduis donc dans une casserole, à feu doux, pour obtenir une sorte de goudron brun gélatineux. C’est une matière très dense mais aussi très fragile. Le support choisi doit être assez absorbant, pour éviter de voir la matière se craqueler peu à peu, dans les mois qui suivent la réalisation de l’image ! J’ai utilisé cette connaissance par la suite, pour obtenir des craquelures maîtrisées, mais je recherche maintenant des supports qui donnent à l’image un temps de vie très long. »

portement une incompétence à trouver rapidement la forme définitive du tableau ! On peut y lire une recherche aussi... Les deux sont liées - je suis souvent dérangé par ceux qu’on appelle les « virtuoses ». Évidemment, parce que je ne suis pas moi-même un virtuose. C’est ce que je ne comprends pas qui éveille le plus souvent ma curiosité. Ma perception particulière de l’ombre et de la lumière m’amène peu à peu à certains personnages, certaines présences dans l’image. Ce qui prime dans ce travail-là, c’est d’approcher quelque chose, d’attendre qu’elle se rapproche puis d’avancer encore... Je ne sais rien ou presque avant de commencer. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’à ce moment là je suis à ma place, chaque moment est intense, vivant, et décide du moment qui suivra. Ce qui pourrait être une erreur dans le cadre de l’illustration, une maladresse, se change certainement en qualité dans le cadre de mon travail personnel. Séverine Pineaux dit exactement la même chose du travail de Vincent Froissard. Oui, je pense qu’il y a pas mal de personnes qui se sentent régénérées du fait de pouvoir improviser au moment de la réalisation de l’image. Est-ce que tu peux nous parler un peu de tes recherches au niveau de la matière ? Ton atelier est un véritable laboratoire... La préoccupation, c’est toujours la durée, la résistance aux intempéries, le fait qu’une matière puisse être montrée dans un lieu public pendant un certain temps... Le fait de fabriquer un objet, une sculpture qui puisse tenir un minimum de temps me rassure. J’ai très envie que les sculptures traversent le temps, et au passage, autant que possible, qu’elles m’emmènent avec elles. Donc je fais des recherches sur la terre par exemple,

Jean-Yves  Kervevan - 89

Tube Huile sur isorel, 51x65 cm


sur des colles, sur des charges, comment mêler tout ça, comment faire en sorte que ça tienne. Je n’ai pas encore trouvé ce que je cherche. Peut-être que je ne trouverai pas. Je n’ai pas tellement travaillé, finalement... J’ai passé beaucoup de temps à imaginer en mélangeant des produits. C’est sans doute aussi un prétexte, une manière détournée de repousser le moment où je dois m’engager concrètement dans la réalisation de l’image ou le modelage.

... Univers de Travail ... « Je travaille surtout la nuit, de manière assez concentrée. Ma princesse se repose, mon chat passe parfois me voir, Macha parle dans le poste de radio. On peut penser dans sa tête, se parler à soi-même, parler à une personne absente qui n’en a rien à faire... On peut aussi plonger dans la nuit de l’atelier, cette nuit si protectrice que j’aime. Elle me protège des fous furieux éveillés, et moi je protège ceux que j’aime et qui dorment, tout à côté. »

Où en es-tu de ton travail sur les terres et les colles? Je mélange pas mal de choses... Je m’emmêle aussi les pinceaux, parfois ! Disons que je bricole des terres, des charges minérales par exemple, avec des colles qui ne sont pas franchement faites pour ça. Parfois, ça donne des résultats intéressants. Je pense à la fibre également, la fibre imbibée de colle. Je recherche des solutions mécaniques, en fait. Et aussi des solutions qui me correspondent : je ne suis pas sculpteur, je me sens plus proche du modelage. J’ai une meilleure relation avec des matières qui peuvent être malaxées, écrasées,

superposées... Donc je ne vais pas vers des résines, des matières trop dangereuses pour les mains, parce que j’ai besoin du contact physique, à mains nues. Je n’ai pas encore trouvé une matière qui soit à la fois définitive et simple à utiliser. Affaire à suivre, donc !... Comment en es-tu venu à réaliser des sculptures pour préparer tes illustrations de couvertures ? Spontanément, avant même de dessiner, j’ai toujours travaillé en volume. ça garde un côté « immédiat » pour moi. J’ai gardé la pâte à modeler pour enfants comme matériau de base pour mes personnages. C’est une matière qu’on ne peut pas conserver très longtemps, mais dont la densité et la souplesse un peu lourde me plaisent. Elle est aussi bon marché, ce qui me permet d’en utiliser pour des volumes plus importants. Est-ce que c’est plus rapide pour visualiser ce que tu as dans la tête ? En voyant tes illustrations de couvertures, on a l’impression que ça joue beaucoup sur ton rendu des textures ? Pour moi, c’est à la fois physique et visuel. J’avais un professeur de modelage qui s’exprimait lui aussi par images, et je me souviens qu’il nous a dit un jour : « souvenez-vous, les petits gars, que vous avez des yeux au bout des doigts ». L’image est curieuse. C’est vrai que « des yeux aux bouts des doigts », c’est étrange. On est tellement habitués à isoler les sens et à les cultiver séparément. Mais je crois qu’on peut admettre cette image comme quelque chose de tout à fait naturel. ça te séduit, ce mélange des sens ? Le fait de goûter les choses ? En règle générale, je suis plus concerné par le travail de modelage que par le travail d’illustration qui va en découler. Je crois que c’est aussi plus intuitif, cette façon de procéder. Toucher la terre, faire tourner le modèle sur la sellette, le faire évoluer dans la lumière, c’est un plaisir, ça donne envie de progresser... Or, dans l’illustration telle que je l’ai pratiquée, il y a une liberté restreinte dans la création. L’illustration se prémédite sans cesse. On a des sortes de procédés, d’étapes dans la manière de mettre une image sur le papier, qu’on doit toujours respecter, et ça devient sclérosant. Je me retrouve avec le sentiment de faire toujours la même image, d’être saturé et de ne plus avoir de surprises, donc de désir. Peut-être que je suis allé vers la terre pour retrouver des émotions vraies. Dans cette perspective, modeler c’est être dans une sensation réelle.


Jean-Yves  Kervevan - 91

Brazil Brou de noix, 46x60 cm


Est-ce que ça revient à être « présent », à se

et puis aussi l’endroit où on s’isole, à l’intérieur

pas de clore le sujet à travers telle ou telle inter-

sentir tout simplement vivant ?

de soi, une espèce de royaume où on sait qu’on

prétation. Il peut y avoir plus de profondeur dans

Disons que c’est à la fois être dans une vision

va être bien, en paix, mais aussi attentif à tout

un travail, ou plus de légèreté. Mais c’est tou-

intérieure et être là. C’est très curieux, comme

ce qui peut se passer.

jours un cheminement personnel, finalement, et j’ai du mal à penser que la partie technique de

un jeu enfantin, une mise en scène intime. On est avec soi-même et des fantômes.

Et la technique, où intervient-elle ?

ce qui arrive dans mon atelier puisse aider

Il y a peu de temps, dans le hall de l’aéroport

La technique, c’est comme une machine invisi-

quelqu’un d’autre. Je crois que chacun doit

d’Orly, j’ai vu un petit gamin qui jouait avec un

ble. Elle est indispensable mais je crois aussi

trouver ses propres marques, ses propres désirs,

avion miniature. C’était frappant de voir à quel

qu’elle doit être suffisamment intégrée pour

ses motivations pour aller de l’avant, ou pour

point son jeu, à ce moment là, était plus réel que

qu’on n’y pense plus en travaillant. Elle doit être

rester sur place si bon lui semble. En ce qui me

le monde extérieur pour lui. C’est l’image que je

comme une aide naturelle, présente mais assez

concerne, j’évolue à tâtons, assez lentement, je

prendrais pour évoquer mon travail de prépara-

souple. La difficulté réside dans le fait d’accep-

ne suis sûr de rien et à vrai dire, c’est un de mes

tion de l’image par le modelage. Tu parlais de

ter, à un moment donné, de se « tromper », de

plaisirs de penser qu’il reste de la place pour un

présence tout à l’heure, et il y a une autre sensa-

faire un geste maladroit pour voir ce qu’on va

peu d’inconnu, de mystère peut-être...

tion étrange que j’éprouve parfois en tra-

obtenir. Dans la perspective d’un apprentissage,

Quand on se retourne et qu’on met son travail en

vaillant. J’ai déménagé plusieurs fois. C’est

même si on n’a pas beaucoup de mémoire, c’est

perspective, on peut déceler quelques progres-

fugitif et j’en prends conscience quand je suis

une façon d’agir qui permet d’avancer un peu,

sions au milieu de beaucoup de répétitions. Faire

seul, la nuit, dans mon atelier. Je dessine, ou je

de découvrir ce qu’on ne connaissait pas encore.

une image plus forte, c’est la conséquence d’un

modèle, et tout d’un coup j’ai l’impression

Mais au bout du compte, j’avoue que c’est un

nombre incroyable de ratages, et quand une

d’être dans tel ou tel autre atelier que j’occu-

peu gênant pour moi de parler de tout ça et de

image de ce type arrive c’est un moment d’émo-

pais il y a des années, comme si le décor dispa-

mettre à plat le comment et le pourquoi. Parce

tion très intense. à ce moment là, je ne sais pas

raissait. C’est très troublant.

que tout ce qui se passe, dans le cadre d’une

très bien ce qui s’est produit et pourquoi la chose

peinture ou d’une sculpture, c’est un voyage

s’est réellement produite. D’ailleurs, si je le

C’est le geste que tu as répété dans plusieurs

particulier assez difficile à analyser. Pour moi, la

savais à l’avance, je perdrais certainement en

lieux différents qui te raccorde à ça ?

plupart du temps, l’intérêt de ce que je fais se

partie le désir de modeler et de créer des

Je ne sais pas. Sûrement une position corporelle,

passe de commentaires. Parce que le but n’est

images.

... Naissance d’une créature ... « Je réalisais un petit cosmonaute en modelage. C’était un bambin d’environ 35 centimètres de haut, avec un gros ventre et un cordon ombilical, qui devait être le tuyau respiratoire lui permettant de sortir de la capsule. Il avait les deux bras tendus, avec les mains entrouvertes. Par prudence, j’avais placé un doigt sous la main du petit cosmonaute, parce que je devais modeler une partie toute proche, difficile à réaliser. Malgré l’armature, la terre reste très fragile, en effet. à un moment donné, je me suis arrêté de travailler et j’ai souri, parce que j’ai eu le sentiment très net que la main du petit personnage me serrait le doigt. J’ai vraiment cru, pendant une fraction de seconde, qu’il était devenu vivant ! C’est un peu ça le dialogue qu’il peut y avoir avec une de ses créatures. C’est aussi une sorte de monologue, parfois. On se ment à soi-même pour le meilleur, on se garde une chance d’entrer dans l’illusion. Malgré tout, on sait que ce n’est pas vrai... Mais en même temps on n’est sûr de rien, c’est une espèce de va et vient perpétuel, de mauvaise foi pour la bonne cause. D’une certaine manière, il y a de ça aussi dans les images que je fais en aquarelle ou au brou de noix. Commencer une image sans savoir ce qu’elle va être, c’est tout l’intérêt ! C’est une espèce d’exaltation à un moment donné. Tu le sens. Ça vient, et c’est à toi de favoriser l’arrivée de ce moment. Et des fois tu te plantes. Mais lorsque tu arrives à être présent à ce qui se passe, c’est un bonheur total ! »


Jean-Yves  Kervevan - 93

Losange Café sur toile, 32x42 cm


La Pondeuse

histo i r e

d' u n e

i m age

« La pondeuse, c’est tout simplement une reine mère. ça pourrait être une reine termite énorme, avec une plaie sur le devant du ventre, là où d’ordinaire se trouve l’ouverture du manteau. C’est de là que sortent sans arrêt des bébés qui tombent par terre, pendant qu’elle avance lourdement. Dans son ombre, à gauche, on distingue la silhouette discrète du géniteur, un tout petit bonhomme avec un chapeau melon. Je trouvais ça plutôt rigolo, comme image. Ça m’évoque la figure de la matrone, ou des rencontres qu’on peut faire lorsqu’on va se promener au jardin du Luxembourg le dimanche. »

Ecce Homo

hi s toi re

d 'u ne

im age

« Ce croquis-là s’inscrit dans une série liée au thème de la crucifixion. J’ai fait pas mal d’images, plutôt tendues, autour de ce genre de situations. Et puis, il y a cette présence terrifiante que j’ai vue sans arrêt pendant des années, sous la forme de sculptures dans nos campagnes aux carrefours. C’était un corps humain écartelé, celui d’un type barbu que je ne connaissais pas, comme un morceau de viande cloué sur deux bouts de bois en croix. Le pire, c’est que dans la souffrance de ce corps, il y avait de la beauté. Est-ce que c’était un moyen de dénoncer la souffrance ou une façon de valoriser la peine ? »


Jean-Yves  Kervevan - 95

Ecce Homo Café sur toile, 46x59 cm


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