Pisseuses et Christesses (Format A3, 32 p, design Manu Blondiau / Neutre, MH Gallery Edition)

Page 1

P

I

S

S CHRISTESSES U S E S


Alan Tex Isabelle Azaïs Manon Bara Pierre Dessons Silio Durt Jean-Marie La Haye Olga Mathey Pierre Molinier Mufuki Petra Paesmans Chéri Samba et Aurélie William Levaux — Dépôt légal: D/2021/13.374/1 ©2021 / MH Gallery Editions — Édition de 60 exemplaires numérotés dont 15 numéros avec œuvres originales de Manon Bara et Silio Durt




























À PROPOS DE «  PISSEUSES ET CHRISTESSES  » Cette nouvelle exposition a ouvert ses portes en toute discrétion et à l’abri des regards, le jeudi 12 novembre. Cette exposition existe avant tout pour les artistes, pour moi-même et en soi. Elle existe pour exister  ! Elle existe car je l’ai pensée, elle existe car il est bon que cette idée existe, pour les artistes, qui continuent, toujours inspirés, surtout dans l’ombre, et aussi inquiets de ce que leurs œuvres ne puissent plus voir le grand jour et avoir droit de cité. Elle existe pour l’art qui est, par définition, essentiel. Aussi, afin de la prolonger, une édition existe pour la faire vivre autrement, et en évitant autant que faire ce peut davantage de dématérialisation. Le but est d’en donner le goût à ceux qui n’auront pas eu l’occasion de venir voir, de la faire vivre encore autrement, mais sans en dénaturer ses objets. Car l’expérience esthétique ne peut être que réelle. Découvrir une œuvre, et encore davantage une exposition, ne présente à mon humble avis aucun intérêt et contribue à en faire sa perte, si l’on admet le principe de la virtualisation. In fine, l’image remplace l’objet, et l’expérience n’est qu’un ersatz. Mais revenons-en à notre sujet, un sujet que j’ai volontairement choisi réjouissant, si ce n’est jouissif, inspirant, mais surtout nourri par une réflexion ancienne à ce sujet, et des rencontres récentes et joliment à propos. Il est de l’ordre de la survie car sans voir, penser, s’émouvoir, mais aussi rire, la vie n’est pas. Il en va de notre santé, et pas uniquement psychique. Alors. L’une écarte les jambes, l’autre les bras. Souvent, et depuis fort longtemps, j’ai croisé ses deux images ensemble, dans les ateliers. Le terme de Christesse est un néologisme vraisemblablement à attribuer au couple de galeristes et collectionneurs Silvestre et Treger, qui avait organisé une exposition ainsi titrée si je ne m’abuse  ; et je me rappellerai toujours celle de Pierre Dessons. Réalisée il y a une vingtaine d’année une grande sculpture en bois polychromé, que j’avais eu la chance de croiser, installée dans son habitat du moment, à Marseille. La première est finalement plus nombreuse dans l’histoire de la représentation de l’irregardable, voire dans le temps dernier, à laquelle on a préféré retenir une image voyeuse, généralement échangée sous le manteau d’une femme surprise en train d’uriner. Mais pisser debout, étant pour une femme, évidemment une posture immédiatement vue comme un acte transgressif dans la société patriarcale qui demeure la nôtre. Mais la seconde image n’est-elle pas encore plus sulfureuse à l’heure où l’on tue pour des caricatures et que le monde continue d’être andro-centré, androdominé  ? Mais tout récemment encore, en allant regarder une série datée de 2008, trois «  Femmes saoules pissant l’été  » du bien nommé Mufuki – le créateur en congolais-, c’est par une Christesse en gloire que j’étais accueillie dans son atelier de Anderlecht…et celle-ci trône bien évidement dans la présente exposition. L’histoire des Figures pissantes telle que nous la raconte Jean-Claude Lebensztejn remonte, d’après l’histoire qu’il en retrace dans son ouvrage, au moins à 1280. Et jusqu’au 20e siècle environ, l’inscription généralement

un peu dissimulée d’une figure pissante, généralement un petit chérubin, plus rarement une fillette, revient à prendre une liberté, voire à inscrire un geste d’insoumission dans une œuvre généralement de commande. Et le hasard fait encore une fois bien les choses, car le tableau de Chéri Samba qui est inclus dans cette exposition nous permet d’évoquer cette histoire-là avec une espièglerie pétillante, en arrière-plan du portrait de son ami JeanMarie La Haye, et à qui il a offert ce beau tableau carré. Sérieux, au premier plan, le juge à la barbe courte et noire, est sérieux, alors encore jeune artiste, alors que se déroule en diagonale au second plan un lacet d’eau bleutée au milieu d’un paysage rosi par une belle journée de soleil chaud. Dans le coin droit, une figue noire agenouillée semble capturée dans une petite corbeille une forme serpentiforme à l’allure de lumière assez énigmatique  ; et puis dans le coin gauche, cette petite pisseuse de dos, qui relie cette exposition à cette figure pissante, telle que présente dans la peinture de la Renaissance italienne, mais aussi flamande. Une figure incongrue et espiègle, une déclaration d’espièglerie, de liberté et d’insurrection tout à la fois. L’insurrection, c’est à ce chapitre qu’il faut classer tout le travail d’Aurélie William-Levaux, christesse du 21e siècle, par son œuvre écrite et dessinée résolument et heureusement contestataire de notre temps, dont deux œuvres ont également pu prendre place dans cet ensemble. Un autoportrait en pisseuse et une pisseuse plus atypique puisqu’elle semble, quoique en culotte, pisser sur son partenaire, sous elle. Revenons à la genèse de cette exposition, exposition qui a été beaucoup inspirée par l’univers d’Alan Tex, et pour Alan, dont le travail est pour moi incompris injustement. Eminent mais aussi inconnu artiste pour le grand public y compris belge, cet artiste plasticien autodidacte a été une fois de plus rangée dans de fausses catégories. Dit photographe car il utilise la photographie, et artiste des tiroirs secrets des bureaux plutôt masculins, car aime à dénuder les humains, surtout les humaines. Rien d’exact ni de suffisant pour regarder correctement cet artiste qui aime et décortique l’humanité dans ses aspects les plus étranges et parfois inacceptables. Ses compositions, sans titre, nécessitent beaucoup d’humilité et d’attention pour se rapprocher peut-être de leur vérité. Les sujets, qui collaborent et se livrent en toute conscience et plaisir, ici à des actions de miction, sont loin de l’image volée et voyeuse qu’à tant aimé la photographie un peu salasse de la fin du 20e siècle. Je ne vous cite aucun nom, mais je suis certaine que vous en aurez une image. La subversion à l’œuvre est certainement de bien vouloir et accepter ce don qui est offert par les modèles à celui qui les capture et nous les propose ensuite à voir. Beaucoup de pisseuses donc dans la carrière d’Alan et aussi beaucoup de christesses. Même souvent cette image fusionne en une sorte de créature devenue divinité. Ce même procédé est aussi présent dans ce resplendissant « Autoportrait » de Manon Bara en pisseuse où la figure vue de trois quarts de dos, agenouillée, est inscrite dans un motif de vitrail très fellinien, finalement à l’odeur de sainteté.


Le titre de l’exposition évoque immédiatement dans le contemporain «  La Maman et la Putain  ». La pureté de l’image féminine faite Dieu est illustrée avec sublime dans un triptyque d’une artiste ici accrochée pour la première fois en nos murs. Petra Paesmans. Active dans le secret de son atelier à Hoegaarden, Petra développe une œuvre très polymorphe, et use souvent de la photographie, qui est alors le premier matériau. Les images obtenues sont ensuite retravaillées numériquement. Ce triptyque évoque ici les grands temps chrétiens, crucifixion, déposition, mais le corps christique est blanc laiteux, morbide comme il se doit, mais audelà du voluptueux et le triptyque brille par sa puissance directe, sobre et silencieuse. La même pureté est à l’œuvre dans le travail de la brodeuse, autrice et performeuse Olga Mathey. Sa «  Pisseuse  », brodée en petits points hachurés et dorés, dans un paysage de montagne peuplé de petits personnages à la Bosch est une interprétation élégante, douce, et finalement classique de ce thème. Ce qui est remarquable et finalement évident puisque souvent le divin se cristallise dans une paire de fesses pour Jean-Marie La Haye ou une paire de beaux nichons, dirait Dessons, il n’y aurait pas forcément à choisir entre la Maman et la Putain. Car contrairement à l’histoire développée par Jean Eustache, les artistes ne choisissent pas nécessairement entre l’une ou l’autre, mais optent pour les deux. Et ceci est je crois si ce n’est révolutionnaire, très surement une bonne nouvelle. «  alle jezus Oh my god » ! Enfin, cette exposition convoque encore une notion intéressante à observer dans l’histoire de l’art, celle de l’incompréhensible, de l’irregardable. L’image qui m’est donnée à voir est-elle compréhensible, par moi  ? Mes semblables  ? Mes ancêtres  ? Dans le futur  ? La question de la construction de la représentation culturelle peut être évoquée ici par la série réalisée par Silio Durt «  Fini à la pisse  ». De format raisin, ces dessins vifs et quasi abstraits pour celui qui est insensible à l’informel et ou à l’esthétique du fanzine crade et déjanté posent bien cette question de la compréhension de ce que quelqu’un peut voir ou non, même de ce que quelqu’un peut tolérer de voir ou non tant le dessin ici prend des airs de scandales renouvelés.

Alan Tex Pages 9, 12, 13, 14, 15 Isabelle Azaïs Pages 19-20 Manon Bara Pages 9 et 16 Pierre Dessons Page 10-11

Quelles images sont à cacher, impossible à voire car échappant à la compréhension à tel ou tel moment de l’histoire  ? C’est là une explication qui me semble assez solide pour expliquer que reste dans l’ombre le travail d’Alan Tex ou encore ceux de Jean-Marie La Haye ou encore de Pierre Dessons, outre que notre temps vomit la complexité pour préférer des notions binaires et des concepts simples, sinon simplistes. C’est évidemment ce qui a tenu loin des grandes allées le travail sulfureux de Pierre Molinier, avant que le marché ne s’en saisisse, dont ici est présentée une photographie d’un de ses dessins célèbres, «  Oh Marie mère de Dieu  ». Voir, regarder, sans comprendre, sans explications, sans prérequis, sans mode d’emploi, est une activité complexe qui met le regardeur face à lui, et lui seul. Image acceptable ou non  ? C’est certainement dans ce chapitre que l’on rangerait aussi les trois œuvres d’Isabelle Azaïs réalisées pour l’exposition  : une «  Douche dorée  » et deux «  Femmes fontaines  », qui ont pris place sous le rideau qui vient occulter la galerie. Evocation et clin d’œil à toutes les œuvres, parfois célèbres, aussi à cette exposition qui vit cachée à l’ombre de ses rideaux jaune pipi, et qui ont vécu dissimulées ou le sont encore, mais surtout rappelle que ce qu’une société admet, celle d’avant, mais aussi celle d’après ne l’admettra peut-être pas, ou plus. Pour ma part, je crois que les images proposées par Isabelle seraient peut-être les moins acceptées si révélées au grand jour, car représentant une femme puissante, qui éjacule véritablement. Représenter un plaisir féminin aussi sauvage et puissant est certainement une image qui ferait grincer beaucoup de dents tout comme ce Molinier représentant une femme crucifiée, et doublement pénétrée. Que ces images, petites par leur taille, mais immenses par leur écho, ces talismans, puissent nous prémunir de toute facilité et nous garder loin de la bien-pensance encore très longtemps. Bruxelles, Noël 2020

Silio Durt Pages 17-18 Jean-Marie La Haye Pages 3-4 Olga Mathey Pages 25-26 et 27 Mufuki Pages 4 et 7-8

Petra Paesmans Pages 22, 23 et 24 Chéri Samba Page 3 Aurélie William Levaux  Pages 5-6


Isabelle AZAÏS Né en 1965 à Toulouse, Isabelle vit et travaille depuis 2000 à Bruxelles. Artiste polyforme, peintre et ennoblisseuse de déchets comme elle s’est baptisée pertinemment, elle tisse une ligne zigzagante entre les arts appliqués et une technique picturale bien personnelle et également virtuose. Manon BARA Née en 1985 à Angers, en France, elle vit et travaille à Bruxelles depuis sa sortie de La Cambre. Avant tout peintre, mais aussi biographe de sa propre œuvre avec beaucoup de lucidité et d’amour, Manon convertit avec puissance et conviction, le monde à sa seule religion, la peinture pour le plus grand bonheur de sa foule d’admirateurs fidèles. Pierre DESSONS Né en 1936, Pierre Dessons vit et travaille à Joinville-Le-Pont. Peintre, dessinateur et sculpteur, il construit de riches espaces scéniques habités par des visions fantasmatiques et récurrentes dont ses fans attendent la prochaine avec impatience. Silio DURT Né en 1985 à Bruxelles où il vit et travaille, Silio Durt est le vrai faux-jumeau de Manon Bara avec qui il partage cette énergie ébouriffante. Silio fait ici sa première apparition à la galerie. Bienvenue à lui  ! Jean-Marie La Haye Né en 1939 à Hoeilaart en Belgique, juge de son état jusqu’en 2006, il tombe doublement et successivement amoureux du Congo par l’entremise d’une camarade, puis de son expatriation. La femme noire, et avant tout son postérieur, sera désormais le cœur névralgique d’une œuvre singulière et autodidacte, qui débute en 1974. Olga MATHEY Brodeuse, performeuse, commissaire et autrice, Olga distille à travers tous les media qu’elle emploie, une œuvre féministe doucement vitriolée. Pierre MOLINIER Né en 1900 et mort en 1976, Pierre Molinier, peintre en bâtiment le jour, peintre tout court, puis écrivain, mais aussi artiste usant de la photographie pour tisser une œuvre centrée sur l’érotisme. Figure de l’avant-garde repérée par les Surréalistes, il initiera les balbutiements du body art et s’illustrera par ses fascinants photomontages interrogeant la question du genre et du moi érotisé.

MUFUKI Né à Bruxelles en 1973, d’origine belgocongolaise, Mufuki a inscrit tout son parcours dans une trajectoire artistique. Après des humanités en arts plastiques, un passage de deux années aux Beaux-Arts de Bruxelles, Mufuki a ensuite orienté ses pas vers le jeu d’acteur avant de retourner à sa première passion  : la peinture à qui il s’adonne depuis complètement. Petra PAESMANS Petra Paesmans est une rencontre récente qui demande à être explorée. Son atelier recèle d’un travail authentique et profond fait de dessins, huiles, collages et de photographies retravaillées où la transfiguration me semble le maître mot. Chéri SAMBA Né en 1956 en République démocratique du Congo, Chéri Samba vit et travaille entre Kinshasa et Paris. Artiste important de sa génération, et connu par chez nous du côté de Matongé pour une belle fresque, il se lie d’amitié début 80 à JM La Haye, qui est cet homme blanc dans cette murale. Alan TEX Hybride surréaliste entre Witkin et Molinier, Alan Tex travaille à l’ombre de son atelier schaerbeekois depuis près de trente-cinq ans. Il construit des scenarii qu’il met en scène, en bonne entente avec les modèles qui se prêtent consciemment à son jeu. L’univers qu’il nous propose, jamais titré et toujours très complexe à analyser, est un pan de notre humanité peu explorée et qui pourrait visuellement définir le sublime puisque ses compositions sont aussi irregardables que saisissantes de beauté. Aurélie WILLIAM LEVAUX Aurélie William Levaux est une auteure, illustratrice et plasticienne belge née en 1981 à Oupeye. Son œuvre, caractérisée par une certaine pugnacité, interroge le fait d’existence, autant qu’elle souligne avec un humour singulier les aberrations de notre époque. Entretenant volontiers quelques maladresses et un «  esprit de paysanne  » tout en empruntant à la violence contemporaine, cette libelliste compulsive en quête de Justice pulvérise les réjouissances passives et se fait l’avocate du plus pauvre, du faible… de la Femme en tout contexte. Aurélie William Levaux ne s’attarde jamais dans une pratique. Bien qu’immatriculée depuis le début des années 2000 au registre des auteurs de bandes dessinées, elle publie romans et nouvelles, expose à travers le monde, performe et chante ses envies, ses doutes et son caca.


MATHILDE HATZENBERGER GALLERY présente

PISSEUSES ET CHRISTESSES 12 NOVEMBRE > 19 DÉCEMBRE 2020 Une exposition construite à partir du travail d’Alan Tex, et aussi avec Isabelle Azaïs, Manon Bara, Pierre Dessons, Silio Durt, Jean-Marie La Haye, Olga Mathey, Pierre Molinier, Mufuki, Petra Paesmans, Chéri Samba et Aurélie William Levaux  !

Uniquement sur RDV

Mathilde Hatzenberger contact@mathildehatzenberger.eu + 32 (0)478 84 89 81 — Rue Washington, 145 1050 Brussels, Belgium — www.mathildehatzenberger.eu


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.