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ACTU FRANCE

vendredi 22 novembre 2013 www.metronews.fr

Dekhar, des motifs toujours flous

Enquête

Un suspect muré dans le silence. Abdelhakim Dekhar, l’homme de

48 ans suspecté d’être le tireur de Paris et en garde à vue depuis mercredi soir, a invoqué son « droit au silence » faute d’avoir eu accès au dossier de l’enquête, a indiqué hier soir son avocat Me Rémi Lorrain. Difficile dès lors de lever le voile sur ses motivations. Pour l’instant, les enquêteurs s’en tiennent donc au témoignage de son hébergeur, « décisif », selon le procureur de la République, François Molins. « Cette personne a expliqué avoir rencontré Abdelhakim Dekhar il y a treize ans à Londres, alors qu’elle se trouvait là-bas pour chercher du travail », a-t-il précisé. En juillet 2013, Abdelhakim Dekhar serait venu chez son ami et lui aurait dit qu’il ne resterait qu’un

mois. «En réalité, il serait resté chez lui jusqu’au 10 novembre» a affirmé le procureur. Parti en vacances à l’étranger, l’hébergeur serait rentré en France le lundi 18 novembre au soir. Le lendemain, « il a pris connaissance des clichés photographiques et a reconnu le visage de son ami», selon le procureur.

« L’arme introuvable »

Dans la nuit de mardi à mercredi, l’hébergeur aurait trouvé Abdelhakim Dekhar dans le hall de son immeuble et lui aurait indiqué qu’il «ne souhaitait plus l’accueillir chez lui». Le suspect lui aurait alors fait part de son intention de se suicider. Quelques heures plus tard, après que l’hébergeur eut dénoncé son ami, les policiers ont retrouvé Abdelhakim Dekhar dans un état «semi-conscient» dans une voiture d’un parking souterrain de Courbe-

François Molins (droite) avec Christian Flaesch, le directeur de la police judiciaire, hier, lors d’une conférence de presse. Christophe ena/ap/sipa

voie. A ses côtés, une lettre dactylo- missives étaient « extrêmement graphiée avec ses dernières volon- confus ». « Ça tourne autour d’un tés, une paire de lunettes correspon- complot qui viserait à faire revenir dant à celles vues sur les images de le fascisme avec notamment l’acvidéosurveillance et des médica- tion des médias, celle des banques, ments. « A cette heure, la politique dans les Deux lettres banlieues et qui finit ni l’arme ni les vêteextrêmement un peu dans un ments portés pendant la confuses. contexte de guerre commission des faits n’ont été retrouvés », a précisé le puisque la lettre se termine par procureur. l’évocation d’un morceau choisi Une autre lettre non datée a éga- du Chant des Partisans.» Un contexte lement été remise par l’hébergeur de guerre qui aurait poussé Abdelaux enquêteurs. Pour François hakim à passer à l’acte. Molins, les éléments dans les deux §AUréliE SArrot

Itinéraire d’un mythomane de l’ultragauche

Portrait

C’est un fantôme surgi du passé qui revient hanter l’actualité. Abdelhakim

Dekhar, suspecté d’être le tireur parisien, est loin d’être un inconnu des archives policières et judiciaires. Agé aujourd’hui de 48 ans, il s’était fait connaître dans les années 1990, sous le pseudonyme de Toumi. Cheveux courts et lunettes à épaisse monture noire, AbdelhaAbdelhakim Dekhar, dans les années 1990. aFp kim Dekhar se donnait des airs de Malcolm X lorsqu’il fréquentait, à cette époque, les squats de l’ultra- Denis) pour s’emparer des armes gauche à Nanterre (Hauts-de-Seine). des gardiens en vue de futurs braSurveillé par la police pour ses fré- quages. L’opération se solde dans le quentations subversives, le jeune sang avec la mort de trois policiers, homme originaire de d’un chauffeur de taxi A son procès, il se et d’Audry Maupin, tanMoselle va prendre une fait passer pour un dis qu’Abdelhakim nouvelle dimension. Il espion algérien. Dekhar parvient à est alors suspecté d’être le troisième homme dans la san- prendre la fuite avant la fusillade. glante affaire Florence Rey-Audry Activement recherché, il est arrêté Maupin. peu après, sur dénonciation de FloLe 4 octobre 1994, les trois jeunes rence Rey. Lors du procès de 1998, anarchistes décident d’attaquer la Toumi surprend la cour en essayant pré-fourrière de Pantin (Seine-Saint- de se faire passer pour un espion

algérien chargé d’infiltrer les milieux autonomes. Il ne convainc personne et est condamné à quatre ans de prison pour « association de malfaiteurs». Ayant purgé sa peine en préventive, Abdelhakim Dekhar quitte le pays. On retrouve alors sa trace en Algérie ou en Angleterre.

« enigmatique et étrange »

A l’heure où le fantôme Dekhar réapparaît, le procureur de Paris a rappelé qu’à l’époque de l’affaire Rey-Maupin les experts-psychiatres avaient relevé un «discours riche et fleuri, révélateur de tendances affabulatoires », « voire mythomaniaques». Me Emmanuelle HauserPhélizon, qui fut son avocate, parle, elle, d’un homme « énigmatique, étrange». « Il était très secret, ne se révélait pas », ajoute-t-elle, confirmant une personnalité complexe et torturée. Pour preuve, les motivations d’Abdelhakim Dekhar restent, pour l’heure, totalement mystérieuses. §NiColAS MoSCoviCi

Pourquoi le tireur n’était-il Pas dans les fichiers de la Police ? Dans sa course effrénée, le «tireur de Paris» avait laissé des traces d’ADN. Problème: cet ADN n’était pas enregistré dans les fichiers de la police. Pourtant, condamné à quatre ans dans l’affaire Rey-Maupin, Abdelhakim Dekhar avait séjourné en prison de 1994 à 1998. Mais, à l’époque, son ADN n’avait pas été prélevé car il n’existait pas encore de fichier des empreintes génétiques. En France, ce n’est que depuis 1998 – quand Abdelhakim Dekhar est sorti de prison – que les empreintes ADN sont répertoriées dans le Fnaeg (fichier national des empreintes génétiques). Il comprend plus de 2 millions de profils. Limité à l’origine aux infractions sexuelles, il a été étendu aux meurtres, cambriolages, vols simples, tags ou dégradations. Le prélèvement s’applique aux condamnés mais aussi aux suspects. §CEriSE SUDry-lE Dû


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