Friture n°4

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Éclairage Grand Projet de Ville de Toulouse tain nombre d’entre eux souhaitent partir, dans ce cas-là, le GPV est une chance. Mais ce n’est pas vrai pour tous, certains sont obligés de quitter leur appartement et ne l’ont pas demandé. Et même s’ils sont relogés sur place et dans de bonnes conditions, pour un certain nombre, c’est difficile, particulièrement pour les personnes âgées qui ont construit leur vie dans leur logement. La question du relogement est une question complexe. Mais de manière globale, on peut dire que les locataires du parc HLM dont les logements vont être détruits sont relogés avec un soin relatif. Avec une difficulté néanmoins, ils peuvent être relogés dans un appartement plus petit et plus cher puisque l’on ne reconstruit pas systématiquement des HLM bon marché. F : Autre diversité, celle de ces quartiers qui sont différents les uns des autres. M.C.J : Dans le GPV, il y a des quartiers extrêmement différents où la question de la démolition ne se pose pas dans les mêmes termes. À Bagatelle, la démolition, d’un point de vue patrimonial, peut se justifier même si il y a une violence faite aux habitants souvent très attachés à leur quartier qui est décrit comme un village. Par contre au Mirail, où les appartements sont de bonne qualité, on démolit pour le besoin du projet urbain de restructuration des espaces qui est peut-être une nécessité. La démolition est donc vécue de manière plus difficile et injustifiée aux yeux des habitants du fait de la qualité des logements. En plus, on démolit aussi des copropriétés privées. Il faut indemniser le propriétaire, reloger un locataire, parfois un propriétaire occupant. On est là à un niveau de complexité plus grand. Les ménages locataires en copropriété sont en plus grande difficulté que les locataires HLM, qui ont souvent été exclus du parc HLM. Par ailleurs, dans un logement, il y a le locataire titulaire du bail et parfois un ménage hébergé qui n’a pas de droit à faire valoir dans le relogement. On est dans un niveau de complexité extrêmement grand.

F : Pourquoi ? M.C.J. : Parce que les ménages qu’il faut reloger et qui veulent rester dans le quartier sont ceux qui se sentent le moins prêts à quitter le quartier et qui vivent le plus fortement la sortie hors du quartier comme un risque. Le hors quartier est ailleurs hostile. Par contre, ceux qui demandent à partir sont ceux qui ont le plus de ressources financières, symboliques et sociales. D’où ce processus de paupérisation dans les parcs HLM qui restent, à côté desquels on va construire du logement de plus grande qualité où viendront éventuellement des ménages un peu plus aisés mais à qui il faudra donner l’assurance, par exemple, que leurs enfants iront dans des écoles qui ne mettront pas en péril leur parcours scolaire. Au final, le risque est d’avoir statistiquement produit de la mixité, mais pas forcément d’avoir produit à l’échelle du quartier de l’échange social. Avec le risque d’arriver à des espaces de plus en plus fragmentés par îlots.

Le risque est que le parc HLM bon marché qui reste connaisse

une spirale de paupérisation.

F : Qu’est ce que l’on démolit ? Pour reconstruire quoi et où ? M.C.J. : Dans le GPV, le problème qui se pose est qu’on démolit du logement HLM bon marché et que l’on va reconstruire des logements, mais pas simplement des logements HLM bon marché avec l’idée de faire venir d’autres catégories de ménages pour jouer la mixité avec des programmes d’accession à la propriété. Mais le risque est que le parc HLM bon marché qui reste subisse une pression très forte et connaisse une spirale de paupérisation. Ce qui est déjà le cas.

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F : On détruit des HLM bon marché, mais est-ce que par ailleurs l’offre HLM bon marché est suffisante pour reloger ces ménages ? M.C.J. : La question reste totalement ouverte. Où iront demain les ménages qui trouvaient néanmoins à se loger dans ces logements HLM bon marché ? Autrement dit, où sera l’offre HLM bon marché puisque l’on ne la reconstruit pas surplace par souci de mixité ? Est ce que dans les autres quartiers de Toulouse, dans les communes de la périphérie, et en particuliers, celles de la première couronne, on disposera d’une offre HLM bon marché qui viendra remplacer celle que l’on détruit. F : Est ce qu’il fallait s’engager dans des opérations de restructuration des quartiers ? M.C.J : Pourquoi pas, mais il fallait au moins avoir anticipé les effets et il aurait fallu construire avant de démolir, s’assurer que l’on disposait bien d’une offre permettant de reloger. Ce qui n’a pas été fait. Du coup, nous sommes dans un système qui est en train de se figer. Par ailleurs, dans la reconstruction, il y a un vrai pari : est ce que les opérateurs, des promoteurs privés accepteront, compte tenu de la notoriété de ces quartiers, d’aller construire au Mirail, à Bagatelle… ?


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