Profil 123

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av r i l 2 013

PRIX EXCEPTIONNEL

SO CIé T é

La téléréalité so trash ! Cu lture

Chloë Sevigny renaît à la télé e vasion

Cap sur Marseille la culturelle

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c u lt u r e   -  t e n d a n c e s  -   l u x e

1. 0 0 C H F


soci é t é

On pensait s’en être débarrassé à tout jamais. Faux ! Le slow revient en force. On n’a pas finit de tourner enlacés sur des morceaux mélancoliques… texte ALEXANDRE LANZ

n guise d’intro, plantons le décor : les filtres de couleurs sont scotchés sur les spotlights qui tournent et clignotent au r ythme du Relax de Frankie Goes To Hollywood. On prépare la transition avec le morceau Reality de Richard Sanderson issu de la B.O. de La Boum et on danse, Mesdames et Messieurs ! Ne soyez pas timides, voyons. Collés, serrés, enlacés, dansons ! Ah, les slows. Qui n’a pas sa petite anecdote rigolote ou carrément honteuse en lien avec un slow. Tremblez, traumatisés du four : il reprend du service. Boudé depuis près de deux décennies, remplacé par les plaisirs en solo de l’electro et le retour de flamme du rock, il semblait définitivement appartenir au passé. Tout juste bon pour une partie de franche rigolade en famille une fois par année devant la scène anthologique du slow de Christian Clavier et Thierr y Lhermitte dans Le Père Noël Est Une Ordure. Où alors un bon moyen de tirer des larmes nostalgiques aux quadras encore émoustillées par Pierre Cosso, qui incarnait le petit copain de Sophie Marceau dans La Boum 2. Le magazine LGBT suisse 360 annonçait son retour dans ses pages en décembre. Une info relayée par la suite dans le quotidien gratuit 20 Minutes, quelques jours avant la St-Valentin. On apprenait notamment que les soirées slow organisées à la Gravière à Genève depuis le mois d’octobre 2012 rencontraient un vif succès. Au-delà des aspects gag et nostalgie, on est rapidement tenté d’imaginer que sa réhabilitation et son rapprochement physique sont les conséquences de ces dernières années de danse en solitaire, mais également des nombreuses désillusions sur les sites de rencontre. « La société actuelle encourage l’individualisme. Il suffit d’observer les gens dans la rue écouter de la musique avec leurs casques sur la tête. Il y a probablement une saturation à ce niveaulà, une envie de partager la musique, observe Brenno Boccadoro, professeur de musicolo-

- Sophie Marceau a commencé sa carrière au cinéma en dansant des slows dans La Boum de Claude Pinoteau en 1980.

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soci é t é

une distinction sociale Dans la mode, on voit une forme de bourgeoisie se revendiquant avant-gardiste. Pour se distinguer, ils vont acheter des vêtements très chers créés par la grande couture. C’est une valeur distinctive. Alors par rapport aux slows, on peut se demander si ce retour n’est pas une réaction à l’electro, qui s’est terriblement démocratisée ces dernières années ». D’accord… Ainsi, le slow ne serait peut-être pas simplement en train d’effectuer un timide come-back, mais carrément le grand écart de l’« über-ringard » à l’élite de la nuit ? Il est trop tôt pour le dire, mais cela semble toutefois invraisemblable. Et la simple idée d’une nuit entière à danser des slows donne le mal de mer.

« On ne dirait pas tout en attribuant le retour des slows au simple fait que les gens ont envie de retrouver le contact physique. Il existe certainement un phénomène de mode que l’on peut expliquer par des paramètres sociaux, explique-t-il. C’est l’idée que tout se base sur

© DR Film la Boum

gie à l’université de Genève. La danse est liée au sexe. Calvin disait même qu’elle poussait à l’adultère. Il ne faut pas oublier que le tango avait été interdit par le pape parce que les corps se touchaient ! » Sami Coll, sociologue à l’université de Genève, nuance le propos :

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Le corps revient Quant à l’aspect de la séduction, Sami Coll ajoute qu’il serait intéressant d’obser ver si certains codes sociaux n’interdisent pas d’utiliser le slow pour draguer aujourd’hui, contrairement à ses premières heures de gloire. Après le quart d’heure américain, l’heure serait donc celle du rapprochement physique au détriment des petits plaisirs solitaires. Elisabeth Stoudeman, notre journaliste musicale, remarque le même phénomène lors des concerts auquels elle assiste et ceux qu’elle organise. « Les artistes ont de moins en moins tendance à se réfugier dans leur tour d’ivoire. Au contraire, ils recherchent le contact avec le public pour partager. En situation de crise, on ressent peut-être plus le besoin d’être les uns avec les autres », dit-elle. Un avis que partage Willy Dezelu, chef de la programmation de Couleur 3 : « Le corps revient ! On voit beaucoup de gens se mettre au tango par exemple. Musicalement, le slow n’a jamais vraiment disparu, il a toujours existé dans la variété, mais également indé sous forme de titre mélancolique, précise-t-il. On imagine difficilement danser sur un morceau un peu triste de Radiohead et dire que c’est un slow ! La pop mélancolique a toujours plu. Et la nouvelle génération est assez décomplexée par rapport à ça, elle est autant capable de s’amuser sur Gangnam Style  qu’à assumer sa sensibilité en se livrant sur les réseaux sociaux, et pourquoi pas danser des slows justement. » On l’a compris, il est grand temps de ressortir son vieux 45 tours de Scorpions, Still Loving You, et d’inviter le plus garçon de la soirée à danser avant qu’une autre ne l’envoûte.



l itt é r at u r e

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Homme de télévision, Karl Zéro s'est glissé dans la peau du « web-killer » Luka Magnotta, brossant le portrait d'une des victimes de l'ère 2.0... texte l u c a s V u i lle u m i er

près Jacques Chirac, c'est dans la tête du « dépeceur de Montréal » que le journaliste Karl Zéro a désiré s'immiscer. Ayant tracé les 127 identités de Luka Magnotta ( en réalité Eric Clinton Newman ), déclinées en autant de pages Facebook et autres forums à sa gloire, Karl Zéro a lu tous les écrits virtuels de son personnage avant d'en prendre la voix. Sur la couverture du livre, une photo du jeune homme qui illustre la toxique immédiateté d'internet, celle-ci semblant y avoir été glanée négligemment puisqu'elle est f loue, « pixellisée ».

© Arno Lam

1 Lunatic 1 Ice Pick Récoltant près de 600 « like » sur Facebook avant d'en être retirée, une immonde vidéo amateur illustre un jeune homme décapitant et dépeçant son amant chinois, et faisant ensuite l'amour avec ses morceaux. Le crime, nous le saurons ensuite, a des motivations racistes, mais il est en premier lieu destiné à rendre célèbre un jeune garçon per turbé par un passé familial douloureux, et que l'utilisation d'internet à outrance a définitivement per ver ti. Histoire d'un web-killer Ayant déjà acquis une petite notoriété virtuelle grâce à des vidéos le mettant en scène en train de tuer des chatons, Luka Magnotta court les castings de télé-réalité, se rend à des auditions dans le but de devenir acteur porno, mais est sans cesse ramené à sa condition d'escort-boy. Karl Zéro évite l'écueil de l'invraisemblance au profit d'un style oral, parfois vulgaire. Sans fioritures, donc. Au plus proche de ce qu'il a pensé être le phrasé de ce métrosexuel arrogant, prêt à tout pour obtenir la gloire sans autres atouts que sa détermination, et un physique avantageux par lequel la chirurgie esthétique est déjà passée...

Fame et dieu internet Ce qui fascine Karl Zéro, c'est à quel point Luka Magnotta est un reflet de l' « ère 2.0 ». Révélé par le web et rattrapé par ce dernier alors qu'il consulte son avis de recherche dans un cyber-café de Berlin, le jeune homme s'est construit une culture par ce seul biais. Flirtant d'ailleurs avec certaines idées d'extrême droite succinctement expliquées sur la toile, il navigue au gré des pages choc, uniquement animé par l'envie d'être vu, et si possible sous toutes les coutures. Malgré les coups de son beau-père, l'absence de son père, interné à cause de ses dépendances à l'alcool et aux drogues, Luka Magnotta va per vertir sa vision du monde en surfant sur le web. Il y savoure la chance de changer d'identité, et donc de faire à peu près la paix avec Eric Clinton, l'enfant maltraité. Mieux ou pire : il n'est plus cette personne. Son être réel disparaît derrière ses nombreux avatars, et la vie devient alors un show, une représentation de soi, ou plutôt de celui qu'on a décidé d'être. Luka Magnotta, selon Karl Zéro, a fait des offrandes au « dieu internet ». Le tremplin est alors presque immédiat. Magnotta fait l'amour ( à mort ) à sa webcam. Et c'est le monde entier qui s'en mêle...

d a n s l a pe a u d e l u k a m a g nott a — Un livre de Karl Zéro, éd. Fayard

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zoom

Quand les auteurs s'intéressent aux faits divers sordides... —

Servis chauds et immédiatement, les faits divers sont des sujets en or, parfois faciles pour les écrivains. Ce sont des histoires toutes prêtes, pré mâchées par le réel et qui font souvent grand bruit de par leur cruauté, leur caractère exceptionnel et, surtout leur proximité. Quand bien même l'histoire se déroule à des kilomètres de chez soi, elle implique des humains, mais qui ont pour leur part franchi le pas de l'horreur, et ont tué mari, amant ou belle-sœur. Mais la fascination qu'ont les écrivains à marquer fiction sur leur réécriture d'une histoire lue dans la presse a aussi à voir avec ce qu'elle dit de son époque. Aussi, quand Jacques Chessex écrit Le vampire de Ropraz  ( Grasset, 2007 ), il explique la psychose que ce mangeur de cadavre déclenche en Suisse romande par la peur de l'autre, la bêtise crasse et l'ignorance qui règnent. Mazarine Pingeot, avec Le Cimetière des poupées ( Julliard, 2007 ), parle, à travers de l'affaire Courjault, du débat très en vogue autour du déni de grossesse, ici poussé à l'extrême puisqu'une fois nés, les bébés sont cachés dans un congélateur. Les affaires de séquestrations ont aussi été évoquées en littérature, notamment par Régis Jauffret qui s'est chargé de l'affaire Fritzl dans Claustria ( Le Seuil, 2012 ), alors qu'il avait déjà livré  Sévère ( Le Seuil, 2010 ), magnifique roman sur l'affaire Edouard Stern. A vos risques et périls, chers auteurs ! Philippe Besson, choisissant Christine Villemin pour héroïne dans L'enfant d'octobre ( Grasset, 2006 ), s'est vu inquiété par la justice... Mais ce n'est certainement pas ce qui arrivera à Karl Zéro. Au contraire ! Un livre, c'est la moindre des choses, pour Luka Magnotta.


d e si g n

texte et sélection patricia lunghi

© Maison Martin Margiela

epuis plusieurs années, les stylistes font des incursions dans la déco et les maisons de couture lancent des collections dédiées au mobilier. La mode et le design n’ont jamais eu des liens aussi étroits qu’actuellement. Le pionnier en la matière, c’est Ralph Lauren avec sa collection Home dans les années 80. Depuis, les propositions se sont démultipliées : Missoni Home, Kenzo Maison, Fendi Casa, Sonia Rykiel Maison ou Jean-Paul Gaultier pour Roche Bobois, pour n’en citer que quelques-unes. Sans oublier l’empire Armani Casa et tout le secteur en expansion de l’hôtellerie de luxe, suites ou villas portant la signature de stylistes célèbres. Au-delà d’intentions purement marketing, notre attention s’est portée sur cette transversalité des disciplines, avec quelques démarches plus confidentielles et pointues.

Elégance barbare et âme sacrée Installé à Paris depuis huit ans, le styliste américain Rick Owens dessine des pièces de mobilier en étroite collaboration avec sa femme. D’abord confidentielle, cette collection a pris de l’ampleur au fil du temps et a été présentée au Salon Maison & Objet. Sièges, tables et lits en bois centenaires, albâtre ou marbre blanc respirent la même âme sauvage et sacrée que ses collections de prêt-à-porter.

© Rick Owens

Maurizio Galante incarne parfaitement l’approche transdisciplinaire. Ayant obtenu son diplôme en mode à Rome après avoir étudié l’architecture, il s’installe à Paris en 1997 où il présente ses collections Haute Couture en tant que membre officiel. Après avoir fondé en 2003 le label INTERWARE avec le designer Tal Lancman, il collabore avec plusieurs maisons d’édition et crée mobilier et luminaires très couture.

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© Rick Owens

Interware


On its way Reconnu pour ses créations expérimentales et conceptuelles, surfant entre design, architecture et mode, le styliste chypriote installé à Londres Hussein Chalayan a fondé sa propre marque de mode en 1994. Directeur créatif de Puma, producteur de films, spectacles de théâtre et danse, ce brillant touche-à-tout collabore avec l’éditeur suisse de tapis basé à Langenthal. Pour Ruckstuhl, il présente une série de trois pièces en fibres entièrement naturelles inspirées de la Route de la Soie.

maison martin Margiela

© Issey Miyake

Au sortir de la Royal Academy d’Anvers, Martin Margiela fonde sa maison de prêtà-porter en 1988. Iconoclaste, avant-gardiste et expérimentale, son approche créative se décline selon les mêmes codes atypiques dans sa collection d’ameublement. Ambiance théâtrale et faux-semblants pour un minimalisme raffiné et décalé, comme l’hôtel parisien La MaisonChamps-Elysées, premier établissement à porter l’élégante signature de Maison Martin Margiela.

Le styliste Issey Miyake lance en 2010 « 132 5 », projet où le vêtement se présente rabattu à plat puis se déplie et passe au volume en 3D pour être endossé, rappelant le pliage traditionnel japonais des origamis. Directement inspiré de cette idée, sa collection d’éclairages pliables “ IN-EI ” créés pour le fabricant italien Artemide, est fabriquée à partir de bouteilles en plastique recyclé et devient, avec le plissage de la matière, une véritable sculpture.

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© Chalayan

Sculpture de lumière


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—   s a n D r a

B a U k n e c H t s   —

Dorénavant, « Profil » s’étoffe d’une nouvelle rubrique. Baptisée « In Bed With… », elle permettra d’épier, de s’immerger et de capturer l’univers d’une personnalité. Pour commencer, nous sommes partis à la rencontre de Sandra Bauknecht, une des figures incontournables de la planète blog mode en Suisse. 1


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interVieW & PHotos oLiViER RohRBAch

mon grand dam, ma maman arrachait immédiatement les étiquettes des vêtements de marque qu’elle achetait, mais ma grand-mère était plus portée sur la mode. J’ai toujours aimé la mode : fashion is the love of my life ! » encore peu connue en Suisse romande, Sandra bauknecht est pourtant la blogueuse nº1 de Suisse avec « Sandra’s Closet ». véritable phénomène, son blog écrit en anglais est suivi dans près de 140 pays. Il faut dire que le terme de blogueuse est un rien réducteur pour cette énergique trentenaire originaire de Francfort. Son agenda over-booké le prouve, on se l’arrache : elle s’apprête à partir pour lyon afin de visiter les ateliers Hermès, ensuite elle a pu caser une semaine de ski avec sa fille de 11 ans en autriche, après quoi elle passera vingt-quatre heures à St-Moritz pour assister au vernissage de karl lagerfeld avant de s’envoler pour l.a., où elle suivra la cérémonie des Oscars pour Montblanc, marque avec laquelle elle a lancé son encre signature hyper collector en décembre dernier : Sandra berry. « Mon blog est comme un livre de souvenirs » « Je voyage entre en moyenne 10 fois par mois mais je n’ai toujours pas trouvé comment vaincre le jet-lag. en avion, j’adore manger ! J’aime les vols longue distance car c’est le seul endroit où personne ne vient me déranger. » rendez-vous est pris avec Sandra bauknecht dans l’élégante maison de maître zurichoise qu’elle occupe avec sa fille et son mari, l’une des 100 plus grandes fortunes de Suisse. elle nous reçoit en deux-pièces Chanel et subtils escarpins Prada, parfaitement brushée et manucurée. « Thé ou café ? » Ça sera un cappuccino au lait de soja pour elle et peut-être quelques chocolats, de chez Sprüngli bien évidemment, la célèbre confiserie zurichoise. « Mon blog est un peu comme un livre >>>


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>>> de souvenirs. Je ne me force jamais à écrire quelque chose, c’est le fun qui prime sur le travail. C’est une agréable addiction à laquelle je dédie environ huit heures par jour. Je suis une perfectionniste. » Son secret ? la passion, le souci du travail bien fait, ainsi que quelques bonnes connexions consolidées pendant ses années chez Marie-Claire version allemande : « Il y a huit ans, mon mari et moi sommes venus nous installer à Zurich. C’est là, en élevant ma fille, que m’est venue l’idée du blog. d’ailleurs c’est elle qui photographie lorsque je pose dans mes différents looks sur mon blog, quand les photos n’ont pas été prises en voyage. Mon blog se nomme Sandra’s Closet car depuis des années, je collectionne assidûment vêtements, sacs, accessoires et autres éditions limitées... Comme je garde tout, le volume de ma collection est colossal ! en ce moment, j’aménage une pièce qui sera entièrement dédiée à mon dressing mais là, je ne peux pas encore la montrer. Mon rêve absolu est d’ouvrir un jour un Musée de la Mode. » « Quand il pleut, je préfère me mouiller moi que mon sac à main » Il suffit d’observer le soin avec lequel elle manipule chaque vêtement et sa minutie à gérer son impressionnant patrimoine fashion pour réaliser que Sandra ferait une conservatrice. Mais alors, combien de it-bags totalise sa collection ? « J’ai arrêté de les compter ! Par contre, je reste très protectrice avec tout ce que je possède. Quand il pleut, je préfère me mettre moi-même sous la pluie et me mouiller afin de protéger mon sac à main pour qu’il reste bien au sec ! » Sa pièce préférée ? Sandra me tend la main et exhibe fièrement cette dernière : « Ma bague diorette. Quand mon mari me l’a offerte, il m’a dit : « ainsi, tu auras toujours un bouquet de fleurs sur toi ! » Ses indispensables ? « Mon iPhone, un appareil photo, mon porte-monnaie et bien entendu un petit beauty case. Il m’arrive parfois d’oublier mon lipstick, mais jamais ma caméra ! »

LÉgENDEs photos 01    : Sandra Bauknecht est très fan de Jo Malone, dont elle possède les parfums par dizaines… 02  : La bague « Diorette » de Dior, sa pièce fétiche. 03  : Son best of pour l’été 2013 : sac à main & lunettes de soleil Prada, sac rouge et bottines Saint Laurent Paris, fourreau Miu Miu, escarpins Stella Mc Cartney, bijoux Dolce & Gabbana, Gucci, Montblanc et Lanvin 04  : Sandra adore la première collection d’Hedi Slimane pour Saint Laurent Paris dont elle possède déjà de nombreuses pièces : robe en soie et jaquette Saint Laurent Paris par Hedi Slimane.


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Superclasse parmi les classiques, le smoking décliné au féminin est une ode à la garçonne dantesque. Les créateurs lui vouent un culte et les aventurières du look sont accros à son allure dandy. t e x t e alexandre lanz

i je devais choisir un modèle parmi tous ceux que j’ai présentés, ce serait sans nul doute le smoking. Il a fait sa première apparition avec une blouse transparente et un pantalon d’homme. Depuis, chaque année, le smoking est présent dans mes collections. C’est en quelque sorte le label d’Yves Saint Laurent », déclarait le couturier dans les années 70. Dans les archives pharaoniques laissées par Yves Saint Laurent, il existe un avant et un après 1966, date de son tout premier smoking pour femme. Le smoking, sa signature, son hit. Ou alors sa madeleine de Proust. Cette silhouette androgyne, révolutionnaire à l’époque, offrait aux femmes une toute nouvelle palette d’attitudes et une posture résolument moderne  : les mains dans les poches, les cheveux gominés vers l’arrière, le rouge carmin aux lèvres, la femme en smoking YSL n’était pas loin de l’univers ultra-glamour du photographe Helmut Newton, lui aussi fasciné par la sensualité torride de l’androgynie. C’est d’ailleurs le photographe australien qui avait réalisé le célèbre cliché en noir et blanc d’une femme en smoking dans les rues de Paris pour Vogue France en 1975. Du vestiaire masculin au dressing féminin De toutes les pièces que les créateurs aiment faire basculer du vestiaire masculin au dressing féminin, le smoking est l’exemple le plus f lamboyant. Même s’il est cool, le jean boyfriend ne boxe pas dans la même catégorie, c’est certain. Imbattable question élégance, le smoking règne en souverain absolu de l’élégance virile. En se travestissant, il devient la tenue d’apparat sexy d’une femme

forte, autant à l’aise dans sa tête que dans son corps. Pour mieux comprendre la portée de ce grand seigneur versatile, un f lash-back s’impose : le tout premier smoking – ou plutôt « dinner jacket » comme il est désigné en Grande-Bretagne, son pays d’origine – vit le jour en 1860 sous la houlette des tailleurs de Henr y Poole & Co. Conçu pour le prince de Galles Edouard VII, il avait pour mission d’être confortable pour le dîner, comme son nom l’indique. Très habillé avec sa veste à revers de satin brillant et son pantalon à galon de soie sur les côtés, l’ensemble assorti est très habillé. C’est un vêtement mondain, réservé à une certaine élite. Il doit son appellation française à son cousin, la « smoking jacket ». Aujourd’hui, cette veste d’intérieur a pratiquement disparu, mais elle était portée à l’époque exclusivement dans les fumoirs, afin d’éviter l’odeur de tabac sur les vêtements de tous les jours. Révolutionnaire dans l’âme, il était logique que la couture s’en empare pour ser vir l’émancipation des femmes. Après Emilio Pucci dans les années 50 et André Courrèges dans les années 60, qui commettaient l’outrage d’imaginer des pantalons pour femme – un symbole jusqu’ici typiquement masculin  –  Yves Saint Laurent écrivait une nouvelle page de l’histoire de la mode avec son fameux smoking. Depuis, les créateurs n’ont eu de cesse de le réinventer, soit en hommage au couturier, soit par simple plaisir de s’approprier et signer sa propre version d’un grand classique. L’été 2013 ne déroge pas à la règle, avec des interprétations d’Alber Elbaz pour Lanvin, Raf Simons pour Dior et évidemment Hedi Slimane pour Saint Laurent Paris.

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