ELIAS DRIS le 11.02, par téléphone Photo : Tazzio Paris Son prénom, Elias, le situe d’emblée comme béni des Dieux. Il faut dire qu’il a tout pour lui, une bouille d’ange dont il sait jouer, n’hésitant pas à entrer sur le terrain de l’androgynie, une voix céleste et une culture qui l’amène à tutoyer la poésie de Walt Whitman et d’Allen Ginsberg ou la musique de Bobbie Gentry, Joni Mitchell ou du grand David Bowie. Bref, on l’aime ce petit gars-là. Son premier album, Gold in the Ashes avait posé les bases – de bien belles bases ! – d’un folk à l’américaine revu admirablement par ce Français qui se partageait entre Paris et la Californie. Il y a quelques mois, Beatnik or not to be, enfonçait le clou, mais nous entraînait sur d’autres territoires, avec sa touche électronique 80’s et ses réminiscences hip-hop. « C’est quelque chose que je voulais faire. Il y a tant de choses que j’aimerais faire par ailleurs », s’amuse-t-il de manière espiègle, avec l’impatience d’un jeune homme qui prend son destin en main. Cet album, il l’a produit lui-même. Ressentait-il le besoin de l’accompagner jusqu’au bout ? « Le besoin, je ne sais pas. J’avais beaucoup travaillé en amont et j’ai essayé bien des pistes différentes pour ces chansons, si bien qu’une fois en studio je savais exactement ce que je souhaitais faire. » Ça ne l’a pas empêché de beaucoup expérimenter, d’où ces distorsions qui 48
viennent perturber certaines chansons, un peu comme si la musique concrète venait titiller le folk, avec quelques effets saisissants. « La difficulté venait du fait qu’il fallait que ça reste mélodique. Ces distorsions viennent de mes influences hip-hop, j’étais en quête de sons violents. » Même s’il réfute toute forme de « clarté » et « d’homogénéité », la surprise vient de l’extrême cohérence d’un disque d’une grande maturité. On sent de la fermeté dans ses choix, des convictions profondes qui le conduisent à cheminer vers un idéal qui est le sien. Derrière la candeur qu’il affiche, une forme d’intransigeance – celle de l’enfant gentiment gâté – pointe son nez : « C’était vraiment le grand thème de l’album, admetil, ne pas écouter les jugements que je me fais à moimême. » L’aveu touche par la gravité qu’il suggère, cette forme d’exigence qui révèle les grands artistes comme Thom Yorke, le leader de Radiohead dont il est « grand fan ». Ce qui ne l’empêche pas de beaucoup s’amuser, lui le gamin espiègle qui rit des bonnes farces qu’il peut faire avec talent, mais qui peut aussi se montrer si respectueux de ses modèles, comme Simon & Garfunkel à qui il a consacré un album de reprises avec Morgane Imbeaud, la chanteuse de Cocoon. L’exercice n’est pas aisé, il est on ne peut plus risqué tant les chansons du célèbre duo américain nous semblent inscrites au plus profond de notre patrimoine mental. Mais Elias et Morgane s’en sortent à merveille, lui en Paul Simon au timbre vibrant, elle en Art Garfunkel touchante d’émotion avec ses accents gospel. C’est décidément un peu comme si rien ne se refusait plus à celui qu’on situe comme l’un des grands de demain. Et à qui l’on ne peut que souhaiter, d’après le premier titre de son album, un Endless Summer. — Elias Dris, Beatnik or not to be, Vicious Circle