NOVO 51

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Motoco, vu de l’intérieur Par Anne-Sophie Tschiegg Photos : Anne-Sophie Tschiegg et Pierre Fraenkel

Motoco a changé de statut, une amie peintre nous fait visiter les lieux. En décembre dernier, je cherchais un lieu où exposer dans la ville que j’avais quittée 34 ans plus tôt. Tous mes limiers m’envoyaient immanquablement vers Martine Zussy. « Elle connaît tout le monde ! » J’ai rencontré Martine-Zussy-que-tout-le-mondeconnaît, je n’ai plus cherché de lieu où exposer, je venais de découvrir Motoco et ma vie a basculé. J’ai rédigé mon dossier de candidature le cœur battant, je ne me suis même pas demandé comment j’allais faire et où j’allais vivre : j’étais ferrée. Dans mes propres pas, mon adolescence m’a pété à la gueule, j’ai retrouvé la même ardeur, les doigts dans la prise et la châtaigne électrique, le cœur qui bat, l’âge des possibles et le petit pogo dans les jambes. La ville qu’on appelait la Manchester française pour ses cent cheminées, ses miséreux insolents et plus tard ses rockeux fond-de-cave : Mulhouse ! Motoco (MOre TO COme) c’est 8500 m2 de brique chaude et mate, une ruche avec des gens qui y bossent et parfois piquent, sept actionnaires sérieux-mais-pas-que, une directrice ubiquiste, beaucoup d’amour, des torgnoles, de la force brute et surtout une Tetra chiée d’énergies et de talents rassemblés. 94

Des chiffres qu’on dit vite et pas tous : bâtiment 75 de la friche DMC, 135 artistes de toutes générations et disciplines (premier au Guinness book des lieux français), plus de 10 nationalités, un studio d’enregistrement, un pôle image, bientôt un studio de sérigraphie, un atelier de menuiserie, un autre de céramique, j’en passe (beaucoup) il faudrait un numéro spécial. Cette nef, c’est la réponse à tout ce que j’attendais : le besoin premier de qui cherche à la fois un abri sans être enfermé et l’indépendance sans être isolé. En sauvage pathologique, j’ai mis un mois à pouvoir sortir de ma vaste case sise au deuxième étage et six mois plus tard je n’ai pas encore vraiment osé m’aventurer au premier où se trouvent la plupart des ateliers. Il faut dire que la Muse conspire derrière chaque pilier, la révélation poétique vous saute à la gorge mieux que sur Claudel à Notre-Dame, ça intimide. Le dimanche de Pâques vers midi, j’ai trouvé devant ma porte un boxeur plein gants, torse nu sous un manteau de fourrure, matraquant sa Ursonate sur un punching ball bombé or. Aux beaux jours, il n’est pas rare de croiser un sculpteur géorgien qui surgit


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