Regards croisés
Water of Life de Barthélémy Toguo, aquarelle sur papier.
Transit(s) Sculptures, peintures, installations, aquarelles ou photographies, Barthélémy Toguo utilise différents médiums pour traduire son regard sur nos sociétés contemporaines. Une société où l’Homme va, vit et devient. Et si le terme d’artiste contemporain était simplement lié au fait de porter un regard sur nos sociétés contemporaines ? Pour Barthélémy Toguo, artiste d’origine camerounaise, cette définition simple prévaut sur l’analyse esthétique. Simple, c’est le mot. L’art de Barthélémy Toguo se veut accessible à tous tant que l’on veut bien lire entre les lignes et y voir ce que cache le monde qui nous entoure. Passé les couleurs vives et chaleureuses présentes dans ses peintures, sculptures, photographies ou aquarelles, on cerne les représentations de nos personnalités changeantes, les inégalités sociales ou les vices des migrations. Barthélémy Toguo né au Cameroun, a transité par Grenoble, Düsseldorf et Paris. Inévitablement il nous parle de voyage en rassemblant des souvenirs ou des histoires croisées, mais il évoque en transparence l’exil vers un monde souvent inconnu, que l’on croit meilleur : « on ne sait pas ce qui nous attend mais on sait ce qu’on laisse derrière ». Derrière ces thèmes universels se croisent déplacement, la solitude, la souffrance, la maladie aussi. Il ose parler de la mort « parce qu’elle fait partie de la vie », notamment à la Fiac de 2010 où il présentait Bitter Life : un cercueil en plexiglas exposant de vrais ossements d’un agriculteur tué par la mondialisation et la chute du prix des matières premières. Le travail de Barthélémy Toguo nous présente des êtres en transit. En transit par ce que nous sommes, par ce que nous deviendrons et par les parties du monde que nous traversons. Par Cécile Becker
BARTHÉLÉMY TOGUO, exposition du 17 janvier au 23 février 2014 à La Chaufferie – galerie de la Hear à Strasbourg. www.hear.fr
À la fin des années 1990, la Belgique met en place une vaste campagne de régularisation des immigrés. Jugées démagogiques, les réformes retentissent fortement dans une nation au passé colonialiste. En réaction aux événements, le comédien et dramaturge Stanislas Cotton élève sa voix de poète et publie Bureau National des Allogènes en 2001. Catherine Toussaint met en scène ce drame burlesque en deux monologues grâce à un dispositif scénique bi-frontal. Car c’est bien la dualité qui est au cœur de la pièce. Deux personnages diamétralement opposés se font face, dans une lutte globalisante à l’issue fatale. D’un côté, Rigobert Rigodon (François Cancelli) est un fonctionnaire employé au service de tri des étrangers à la vie bien remplie. Mais l’ombre de sa culpabilité et de sa compassion pour ceux qu’il voit passer inlassablement dans son bureau l’écrase jusqu’à l’étouffement. De l’autre, Barthélémy Bongo (Joël Lokossou) exprime l’incompréhension des exilés et leur désespoir face à une bataille administrative perdue d’avance. Regroupant dans un même tableau, le thème de l’immigration clandestine et celui de la mauvaise conscience occidentale, Stanislas Cotton place l’humain au centre d’une réflexion brûlante d’actualité. Son écriture poétique et minimaliste se refuse à toute moralisation pour délivrer un message polyphonique, relais des acteurs de notre société. Mais ne vous y trompez pas, Bureau National des Allogènes n’est pas une tragédie, mais bien un questionnement au constat incisif et à l’humour grinçant. Par Claire Tourdot — Photo : Carole Varini
BUREAU NATIONAL DES ALLOGÈNES, pièce de théâtre du 3 au 5 décembre au TAPS Gare-Laiterie à Strasbourg. www.taps.strasbourg.eu
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