Histoire et principes de la Réduction des Risques

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et 2004, le nombre de surdoses d’héroïne Revenu en France, c’est lui qui a pris l’iniest divisé par trois, du simple fait de l’accès tiative de réunir quelques allumés prêts aux TSO. Un succès qui repose sur l’adhé- à défendre l’idée que l’usage de drogues sion massive des soi-disant « victimes de n’est ni une perversion, ni un crime, ni la drogue ». Les toxicomanes furent les même une maladie, mais l’expression d’un principaux acteurs du système les auto- besoin d’ivresse profondément ancré au risant à prendre en charge eux-mêmes cœur du psychisme humain. Un journaliste, les actions de prévention. Pourtant au Gilles Charpy, fils d’un gaulliste historique milieu des années 1980, une commission de renom, grand toxico devant l’Éternel, de spécialistes avait émis des doutes sur proposa d’abord de fonder un journal qui la volonté des héroïnomanes de se fournir parlerait de drogues, fait par des tox et en matériel stérile dans les pharmacies, pour les tox. En 1992, la première édition même pour échapper au sida… Le suc- du journal d’Asud propose dix mesures cès de la RdR impose un changement de d’urgence. On est frappé aujourd’hui par paradigme qui rompt avec une approche la modération de ce programme et le fait antérieure « psychologisante » fondée sur que vingt ans après, il est pratiquement la « pulsion de mort ». La RdR représente réalisé. La mise en place des échangeurs une véritable révolution pour les héroïno- de seringues automatiques, l’extension manes par voie intraveineuse, animaux de la méthadone, la visite d’un médecin nuisibles qui, à l’instar de la communauté lors d’une garde à vue, et même le soutien institutionnel à l’autosupport, sont devegay, étaient menacés d’extinction. Soyons honnêtes : sans la menace du nus une réalité à partir de 1996. Mais une sida, jamais la réduction des risques n’au- revendication est restée lettre morte, une rait obtenu son statut de politique natio- seule : la fin des poursuites pénales pour nale. C’est parce que les usagers de dro- des questions de simple usage. Non seugues ont représenté un danger objectif lement ce n’est pas à l’ordre du jour, mais pour l’ensemble de la société que les pou- cela reste un objet politique rejeté par la voirs publics ont accepté de lever un petit quasi-totalité des partis politiques. Or le coin de voile sur l’inefficacité de mesures combat pour la dépénalisation est le prinhéritées des années 1970. Mais une vérité cipal ciment de l’association de drogués reste toujours considérée comme subver- représentés par Asud. La plupart d’entre sive : la guerre à la drogue est non seu- nous, ex-dealers, braqueurs, casseurs et lement inefficace dans la lutte contre la voyous de toutes obédiences, n’avions maladie, mais elle contribue pour une qu’un objectif : devenir des citoyens à part grande part à la plupart des maux associés entière, respectueux des lois sans devoir traditionnellement à l’usage de stupéfiants. pour autant renoncer à la consommation.

Asud : citoyens comme les autres « Citoyens comme les autres » est le nom d’un groupe d’autosupport belge fondé à Bruxelles par Didier de Vleeschouwer en 1992, la même année que le journal d’Asud. Ce titre en forme de programme résume assez bien l’idée forte qui a présidé à la création de notre Autosupport des usagers de drogues. La notion même d’autosupport a germé hors du contexte français. Abdalla Toufik, un sociologue habitué des conférences de l’International Harm Réduction Association, la principale organisation de promotion de la RdR dans le monde, est le véritable concepteur d’Asud. témoignages

« Pour son premier numéro, le journal Asud vous offre un scoop, […] c’est notre existence elle-même, la naissance du groupe Asud et la parution de son journal », signait en juin 1992 Phuong Thao, la première présidente. La dépénalisation récuse juridiquement l’idée de poursuivre un adulte pour des consommations librement consenties dans un espace privé. La dépénalisation s’appuie essentiellement sur la Déclaration des droits de l’homme qui affirme que la liberté de chacun s’arrête aux limites de celles d’autrui. Cette aspiration à la justice, le sentiment d’avoir été victimes d’une politique d’État, la volonté de quitter une


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