Le certificat medical : pièce jointe à la demande d'asile en France

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Le Certificat médical, pièce jointe à la demande d’asile en France ne devraient pas être invoquée pour nier la torture ». Plus loin le document précise que « les victimes de la torture peuvent présenter des lésions relativement atypiques. Si les lésions aiguës peuvent être caractéristiques des sévices allégués, la plupart guérissent dans un délai de 6 semaines environ en moyenne, sans laisser de traces significatives. Cela tient, dans bien des cas, du fait que les tortionnaires utilisent des méthodes destinées à éviter ou limiter les marques visibles des blessures infligées. Dans de telles circonstances, l’examen physique pourra dégager un bilan apparemment normal mais on ne saurait en inférer l’absence de sévices. ». Il reste l’attestation de traumatisme psychique : « Tout comme les stigmates physiques, les séquelles psychologiques de la violence subie sont désormais susceptibles d’authentifier le récit du demandeur d’asile. La relation causale établie par un expert entre les signes constatés et les persécutions alléguées apporte donc la preuve que ces dernières ont bien eu lieu. Il donne aux officiers de l’OFPRA ou aux juges de la CRR l’attestation dont ils ont besoin pour trancher sur la véracité des déclarations du candidat au statut de réfugié38. » Nous avons vu cependant que les choses ne sont pas si simples et que certaines personnes ont pu subir des violences sans en garder ni séquelles physiques ni psychiques apparentes. L’urgence à faire un certificat ne permet pas toujours le temps de la révélation.

2.2 Danger déontologique Le certificat constitue une atteinte à la séparation des fonctions thérapeutiques et expertes qui règlent l’exercice de la médecine et plus largement des métiers du soin : le code de déontologie dans son article 105 (art R.4127-105 du code de santé publique) stipule « nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un malade. Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients…. » Les soignants que nous avons rencontrés et qui connaissent bien le travail psychothérapeutique auprès des demandeurs d’asile, s’accordent à dire que cette expérience n’est pas anodine, elle engage le clinicien dans une écoute et une position (psychique et physique) à la fois vigilante, prudente, empathique, bien loin d’être neutre. Mais ici en fait il n’y a pas d’expertise au sens judiciaire ; que l’on soit médecin traitant, médecin expert, médecin militant dont on peut penser qu’il ne permette pas une stricte objectivité dans l’évaluation de la situation, c’est en fait moins l’impartialité de l’expert qui est en jeu que son « instrumentalisation » possible par le demandeur d’asile qui prend le prétexte du soin pour obtenir le précieux document. « Ce n’est pas sur la base de la demande d’un certificat que peut démarrer un traitement […] le projet thérapeutique est incompatible avec une logique d’expertise, par définition inquisitrice, qui ne se contente pas des déclarations de la personne. Pour ceux qui ont été victimes directement d’événements cruels, de l’impensable, ne pas être crus, alors que parfois ils doutent eux-mêmes de leurs raisons, est insupportable ». De nombreuses associations ne font des certificats que si elles suivent les personnes (soins médicaux, psychothérapie). D’autres acceptent de faire des certificats sans suivre la personne de même certains médecins généralistes, ex médecins du Comede. Enfin, le Centre Droit Ethique de la Santé ne fait que des certificats médicaux (jamais de soins), mais son expertise n’est pas « inquisitrice ». Il s’appuie, comme les autres, sur les dires des personnes en tentant de respecter au mieux leur dignité. Les soignants et les rédacteurs de certificats sont tous confrontés aux violences des récits, à l’injustice des traitements et au désir secret que les demandeurs puissent trouver une issue favorable.

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Fassin D., Rechtman R. : L’empire du traumatisme, enquête sur la condition de victime, Paris, Flammarion, , 2007, p. 327

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