Arsène Lupin, l’Île aux trente cercueils


Arsène Lupin, L’Île aux trente cercueils
Maurice LebLanc
Adapté en français facile par Françoise
Claustres
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Crédits photographiques :
Couverture : © Win, Adobestock ; page 3 : © Costa / Leemage
Direction éditoriale : Béatrice Rego
Marketing : Thierry Lucas
Édition : Marie-Charlotte Serio
Couverture : Fernando San Martin
Mise en page : Isabelle Vacher
Illustrations : Conrado Giusti
Enregistrement : Blynd
© Cle International 2025
92 Avenue de France 75013 Paris contact@cle-inter.com
Dépôt légal : mars 2025
Code éditeur : 263979
ISBN : 978-209-039556-3

L’auteur
Maurice LebLanc naît à Rouen en 1864. Il rêve de littérature et va à Paris, où il fait des études de droit. Il fréquente1 des écrivains, dont Maupassant. Il écrit dans les journaux et commence à publier des romans. La critique est bonne mais ses romans n’ont pas de succès. Un jour, en 1905, un directeur de journal lui commande une nouvelle policière. Il écrit L’Arrestation d’Arsène Lupin, qui plaît aux lecteurs. C’est la naissance du personnage d’Arsène Lupin, dont il deviendra « prisonnier ». Il écrira plus de vingt romans policiers avec ce héros. Maurice Leblanc essaiera d’écrire des livres sans ce personnage, mais ils n’auront pas de succès. Il mourra en 1941.
Arsène Lupin
Connu comme le « gentleman cambrioleur » qui vole les riches (jamais les pauvres), aide la veuve et l’orphelin, Arsène Lupin sait aussi résoudre2 des énigmes. Il change souvent d’identité, se déguise, voyage… et séduit les plus jolies femmes… Il parle aussi très bien, et beaucoup ! Ses aventures sont devenues des pièces de théâtre, des films et des téléfilms.
1. Sortir avec, avoir des relations avec (amicalement ici).
2. Trouver la solution.
Le livre
L’Île aux trente cercueils est un roman policier et fantastique où Arsène Lupin arrive dans la dernière partie, sous le nom de Don Luis Perenna.
Véronique d’Hergemont croit au début du livre que son fils et son père sont morts en mer en 1902, et que son horrible mari, Vorski, est mort pendant la Première Guerre mondiale.
Un jour, en 1917, elle aperçoit sa signature de jeune fille dans un film qui se passe en Bretagne. Elle décide d’y aller pour comprendre. Elle découvre une île dont les habitants croient à des histoires horribles : des femmes qui vont mourir en croix, une pierre qui donne mort ou vie…
Très vite, des événements terribles arrivent : des morts ; une femme qui devient folle ; des gens qui disparaissent…
Que va-t-il se passer ? Véronique échappera-t-elle à la mort ? L’homme qui doit venir sur l’île les aider arriverat-il à temps ? Et qu’est vraiment cette pierre qui donne mort ou vie ?
Les mots ou expressions suivis d'un astérisque* dans le texte sont expliqués dans le Vocabulaire, page 59.
1 PROLOGUE
En juin 1902, M. Antoine d’Hergemont se promène avec sa fille Véronique. Tout à coup, quatre hommes le frappent et jettent sa fille Véronique dans une voiture. Le comte Alexis Vorski, un Polonais qui n’a pas une bonne réputation mais qui se dit de sang royal, aime Véronique d’Hergemont, et Véronique l’aime. Mais le père de Véronique ne veut pas qu’il épouse sa fille, alors Vorski a décidé d’enlever Véronique.
Antoine d’Hergemont, furieux et égoïste, jure qu’il se vengera. Il accepte le mariage de sa fille mais l’année suivante, il fait enlever le fils de sa fille et de Vorski. Il part avec l’enfant et quatre matelots3 sur un bateau. Mais la mer est agitée. Le bateau coule. Les quatre hommes sont sains et saufs4 mais M. d’Hergemont et l’enfant disparaissent dans les vagues.
Quand Véronique a la preuve5 de leur mort, elle quitte son mari et entre au couvent6 .
3. Marins.
4. En vie, en bonne santé.
5. La certitude. Quand elle est sûre qu’ils sont morts.
6. Lieu où vivent les religieux et les religieuses.

L'île aux trente cercueils.
2 CHAPITRE I
En route
Un jour, au mois de mai, une belle dame avec un vêtement gris arrive en voiture en Bretagne*. Elle déjeune puis part à pied dans la campagne. Elle descend un chemin, remonte et aperçoit un panneau où est écrit : Locriff, 3 kilomètres. « C’est là », se dit-elle. Mais elle ne voit pas ce qu’elle cherche. A-t-elle mal compris ce qu’on lui a dit ? Elle s’assoit sur l’herbe et prend une lettre dans sa poche.
Agence Dutreillis, Renseignements, Discrétion.
Madame,
Il y a quatorze ans, j’ai trouvé les preuves de la mort de votre père et de votre bien-aimé fils François. Puis je vous ai aidée à entrer au couvent. Quand vous avez compris que la vie religieuse n’était pas faite pour vous, je vous ai trouvé un travail de modiste7 à Besançon.
Vous m’avez écrit il y a quelques semaines. Vous voulez savoir ce que fait votre mari, Alexis Vorski. Enfermé, dès le début de la guerre8, dans un camp, il s’est échappé, est allé en Suisse puis est revenu en France où on l’a arrêté. On l’a accusé d’être un espion allemand. La mort l’attendait mais il s’est échappé, a disparu dans une forêt où on l’a tué.
Vous voulez aussi savoir autre chose. Il y a trois semaines, au cinéma, vous avez vu un film. Devant une petite cabane,
7. Une modiste (mot ancien) fabrique des chapeaux.
8. Première Guerre mondiale (1914-1918).
sur la porte, vous avez lu trois lettres : V. d’H. Or ces trois lettres sont votre signature de jeune fille ! Véronique d’Hergemont ! Vous m’avez donc demandé de vous aider à trouver la cabane.
Madame, prenez à Paris le train du soir qui vous emmènera à Quimperlé. Puis allez en voiture jusqu’au Faouët. Puis prenez la route de Quimper. Un peu avant le chemin qui conduit à Locriff, vous verrez la cabane avec les trois lettres. À l’intérieur, il n’y a rien. J’ajouterai que le film Légende bretonne date de septembre dernier.
Veuillez agréer, je vous prie, l’expression de mes sentiments distingués9 .
« Un peu avant le chemin qui conduit à Locriff » disait la lettre. La femme revient sur ses pas et aperçoit la cabane.
Véronique s’approche et regarde l’inscription. On voit bien les trois lettres. C’est sa signature de jeune fille. Qui l’a mise dans cette Bretagne où elle n’est jamais venue ?
Véronique ouvre la porte et crie. Dans la cabane, il y a le cadavre10 d’un homme et cet homme a une main en moins ! C’est un vieil homme, avec une barbe grise, des longs cheveux blancs. On voit qu’on lui a coupé la main il y a peu de temps. Il porte les vêtements d’un paysan breton*.
Véronique cherche dans les poches de l’homme pour voir si elle trouve son nom. Tout à coup, elle aperçoit sous un banc une feuille de papier. « Ah ! mon Dieu ! » dit-elle. Sur le papier, un dessin représente quatre femmes crucifiées11 sur quatre arbres. Et une des femmes, c’est elle, Véronique
9. Phrase que l’on met à la fin d’une lettre.
10. Corps mort.
11. Mises en croix, mortes sur une croix, comme Jésus.

d’Hergemont ! Elle se reconnaît. De plus, au-dessus de la femme crucifiée, on peut lire : V. d’H ! Sur la feuille, Véronique voit aussi des choses écrites : « Quatre femmes en croix », « Trente cercueils12… » et « La Pierre-Dieu qui donne mort ou vie ».
Véronique ferme la porte et retourne au village. Mais quand elle revient, une heure plus tard, avec le maire du Faouët, le garde champêtre13 et plusieurs personnes, la cabane est vide. Le cadavre a disparu.
Véronique décide de rentrer à Paris. Elle commande une voiture pour aller à la gare. Elle part à pied, mais un peu avant le village de Scaër, elle aperçoit, au croisement d’une route, une maison très abîmée. Et sur un mur de la maison, au-dessus d’une flèche qui indique Rospoden et du numéro 10, elle lit l’inscription V. d’H.
Véronique veut comprendre. Elle ne rentrera pas à Paris. Quand la voiture arrive, elle lui demande de l’emmener à Rospoden. Sur le chemin, elle aperçoit deux fois sa signature avec les numéros 11 et 12. Le lendemain, elle voit le numéro 13 qui indique la direction de Fouesnant. Quatre jours plus tard, elle arrive sur la grande plage de Beg-Meil. Là, elle découvre un petit menhir* avec sa signature. Mais il n’y a pas de flèche. Elle est arrivée.
Elle aperçoit un canot14 et entend des voix, une voix d’homme et une voix de femme.
– Alors, vous avez fait un bon voyage, m’ame15 Honorine ? Dois-je vous aider à charger ce que vous avez rapporté dans le bateau ?
12. Quand on est mort, on est mis dans un cercueil puis enterré sous terre. 13. Sorte de policier de l’époque.
14. Barque, petit bateau.
15. Abréviation pour « madame ».
– Non, merci.
L’homme part et dit :
– Faites attention aux pointes de récifs* qui entourent votre île. N’oubliez pas qu’on l’appelle l’île aux trente cercueils. Bonne chance, m’ame Honorine.
Véronique tremble. Les trente cercueils ! Les mots qu’elle a lus sur l’horrible dessin !
Véronique voit alors la femme de face. Elle porte un costume breton. La femme chante à voix basse une berceuse16 pour enfants :
Pleure pas. Quand on pleure,
La bonne Vierge aussi pleure.
Faut que l’enfant chante et rie
Pour que la Vierge sourie.
Croise les mains, et prie
La bonne Vierge Marie.
Elle ne termine pas la chanson. Véronique est devant elle, pâle.
– Qui vous a appris cette chanson ? Ma mère la chantait…
– Quelqu’un de mon île.
– L’île aux trente cercueils ?
– C’est un nom qu’on lui donne. Elle s’appelle l’île de Sarek.
– Excusez-moi, mais, voyez-vous… Je suis venue en Bretagne pour la première fois de ma vie et j’ai vu sur la porte d’une vieille cabane les lettres de ma signature de jeune fille. J’ai continué ma route et j’ai vu plusieurs fois cette inscription, avec un numéro différent. J’ai suivi les 16. Chanson pour endormir un petit enfant.
flèches et je suis arrivée sur cette plage. Ma signature est V. d’H. Et vous chantez une chanson que je connais.
La Bretonne dit entre ses dents :
– Véronique… Véronique d’Hergemont. C’est donc vous ?
Ah ! mon Dieu !
– Vous savez mon nom, vous savez qui je suis… Alors vous pouvez m’expliquer ces numéros, ces flèches ?
Après un assez long silence, Honorine répond :
– Je ne sais pas. Où était cette cabane ?
– À 2 km de Faouët. Et dans cette cabane, il y avait le cadavre d’un homme, un vieillard, en costume de Breton, avec de longs cheveux blancs et une barbe grise… Mais quand je suis revenue avec des gens du Faouët, le cadavre n’était pas là. J’ai aussi trouvé dans la cabane un dessin… que j’ai déchiré. Dessus, il y avait quatre femmes en croix ! Et l’une de ces femmes c’était moi, avec mon nom. Et les autres avaient une coiffure comme la vôtre…
– Que dites-vous ? Quatre femmes en croix ?
– Oui, et il y avait aussi écrit « trente cercueils ». On parlait donc de votre île.
– Taisez-vous ! Il ne faut pas parler de ces choses. Venez avec moi. Vous vous appelez bien Véronique d’Hergemont ? Votre père s’appelait ?
– Antoine d’Hergemont.
– Et votre père et votre fils ont disparu en mer ?
– Oui, ils sont morts.
– Vous êtes sûre ? Si vous n’êtes jamais venue en Bretagne, votre père y est venu souvent, à cause des livres qu’il écrivait. Imaginons qu’un jour il rencontre quatre matelots et qu’il leur demande de le déposer avec votre fils dans un petit port et de faire croire qu’ils sont morts en mer ?
– Je ne comprends pas… Pourquoi faire une chose pareille ?
– Votre père voulait se venger. Mais avec les années, avec la tendresse qu’il porte à l’enfant, il vous a cherchée partout. J’en ai fait des voyages ! Je suis allée au couvent, mais vous étiez partie. On a mis une annonce dans les journaux. Une personne a répondu. On a pris rendez-vous.
Savez-vous qui est venu au rendez-vous ? Vorski, qui vous cherchait aussi, qui vous aimait toujours. Votre père a eu peur.
– Vous parlez de mon père comme s’il était en vie.
– Il vit.
– Et mon fils ? Vous n’en parlez pas.
– C’est un petit gars solide. J’en suis fière : je l’ai élevé17, votre François. Pleurez, ma bonne dame, ça vous fera du bien. Puis partons.
Avec l’aide de Véronique, Honorine met les valises et les sacs dans le bateau. Puis elle dit :
– Le passé ne me fait pas peur. Mais l’avenir me fait peur.
– L’avenir ?
– Vous en parlerez avec Maguennoc, l’un des quatre matelots. C’est un vieil ami de votre fils. Lui aussi il l’a élevé. Maguennoc sait beaucoup de choses. Mais il a voulu en savoir trop. Il a touché de la main les ténèbres18. Eh bien ! Sa main a brûlé. Il souffrait trop alors il a coupé luimême sa main droite.
Véronique repense au cadavre du Faouët.
– Sa main droite ? Vous êtes sûre ?
17. Élever quelqu’un, c’est lui apprendre les bases de la vie. 18. Maguennoc a voulu toucher ce qui est interdit, ce qui est dangereux, obscur, noir (on ne sait pas encore ce que c’est à ce moment de l’histoire).
– Oui, il y a dix jours. Pourquoi ?
– Parce que le vieillard que j’ai trouvé dans la cabane avait la main droite coupée.
Honorine crie :
– Vous êtes sûre ? Un vieil homme à longs cheveux blancs ? Ah ! quelle horreur ! Il devait mourir le premier. Il me l’a dit. Puis, quelques jours après, son maître mourra, m’a-t-il dit… Non, je le sauverai. Votre père ne sera pas le deuxième mort. J’arriverai à temps. Vite ! Toutes deux s’assoient dans le bateau. Honorine allume le moteur et elles partent.
3 CHAPITRE II
Suite de catastrophes
CoMMent est François ? demande Véronique.
– Il ne ressemble pas à son père. C’est un enfant doux, gentil.
– Sait-il que sa mère est en vie ?
– Il croit que son père est mort et que vous êtes entrée au couvent. Et qu’on ne peut pas vous retrouver. Il veut vous chercher après ses études.
– Il étudie ?
– Avec son grand-père, et, depuis deux ans, avec un gentil professeur que j’ai ramené de Paris : Stéphane Maroux.
– Comment s’habille-t-il ?
– Des culottes courtes, une chemise et un béret rouge.
– Avec qui joue-t-il ?
– Un petit chien que Maguennoc lui a donné. Il est ridicule mais très drôle, M. Tout-Va-Bien. François l’appelle ainsi car le chien semble toujours heureux. Tenez, voici l’île de Sarek.
Honorine prend un gros coquillage, elle pose ses lèvres à l’ouverture du coquillage et gonfle les joues. On entend un son.
– J’appelle François avec ce coquillage quand j’arrive, dit Honorine. Il dégringole aussitôt du haut des falaises*.
On aperçoit l’île, mais des écueils* cachent le pied des falaises. Honorine montre du doigt quelques récifs.
– Ces récifs gardent l’île depuis des siècles, comme des bêtes féroces19. Ce sont trente bêtes féroces. Votre père dit 19. Très méchantes.

qu’on appelle Sarek l’île aux trente cercueils, parce qu’on a confondu20 les mots écueils et cercueils.
Elles arrivent.
– François n’est pas là ! Impossible ! dit Honorine
Les deux femmes prennent un chemin plein de pierres.
– La maison est loin ? demande Véronique.
– Quarante minutes de marche. C’est presque une autre île, accrochée à la première.
– C’est triste ici, dit Véronique, il n’y a pas de fleurs.
– Vous verrez bientôt les fleurs de Maguennoc. Elles sont magnifiques.
Au détour d’une colline, on voit les deux parties de l’île.
– C’est le Prieuré, cette partie-là, dit Honorine. Vous avez entendu ? Des cris de femme ! C’est la cuisinière !
Elles se dépêchent et arrivent devant le Prieuré.
– Faisons le tour, dit Honorine. De ce côté, les portes sont toujours fermées.
Mais Véronique ne la suit pas. Elle va vers la maison et entend des cris. Tout à coup, une fenêtre s’ouvre et elle aperçoit M. d’Hergemont qui crie : « Au secours ! Ah ! le monstre… »
– Père ! Père ! crie Véronique. C’est moi !
Son père baisse la tête et essaie d’enjamber21 le balcon. Mais, derrière lui, on entend un coup de fusil. Son père rentre dans la pièce. « Assassin ! Est-ce bien toi ? François ! » criet-il. Véronique voit une échelle dehors. Elle va la chercher, la pose contre le balcon et monte avec difficulté. Elle arrive au bord de la fenêtre. Quelqu’un braque22 un revolver sur M. d’Hergemont. Véronique reconnaît le béret rouge dont
20. Mélangé, pris un mot pour un autre mot.
21. Passer par-dessus.
22. Tourner vers un objectif.

Honorine a parlé. Le coup part. M. d’Hergemont tombe dans la pièce. Une porte s’ouvre. Honorine apparaît. « François ! hurle-t-elle. Toi ! » L’enfant au béret rouge tire. Honorine tombe par terre. L’enfant saute par-dessus elle, rit et part.
– Véronique… Pardon, murmure M. d’Hergemont.
– Tais-toi, père… Ne te fatigue pas…
– Ne reste pas ici. Tu mourras si tu restes. Va-t’en. Les quatre croix de Sarek…
Et il meurt.
– Partez. Votre père vous l’ordonne, dit Honorine.
La Bretonne tient une serviette pleine de sang contre sa poitrine.
– Mais il faut vous soigner ! dit Véronique. Montrez-moi.
– Plus tard. D’abord la cuisinière. Elle est blessée aussi. Allez voir.
Véronique sort et aperçoit la cuisinière qui meurt presque aussitôt.
Véronique soigne Honorine.
– On sonne au rez-de-chaussée, dit Honorine. Laissezmoi parler.
C’est un des matelots.
– C’est toi, Corréjou ? Écoute-moi bien. Monsieur Antoine et la cuisinière sont morts.
– Mais… le petit François ? et Monsieur Stéphane ?
– Disparus.
– Mais… mais… Maguennoc ?
– Mort aussi.
Corréjou est terrifié.
– Alors, voilà, ça arrive, m’ame Honorine ? Maguennoc le savait. Il faut partir : Maguennoc l’a dit.
– On partira demain. Mais, avant, on doit s’occuper de M. Antoine et de la cuisinière. Va chercher les sœurs Archignat pour la veillée23 des morts. Après, tu seras libre. Tu pourras quitter l’île avec les gens qui vivent ici. Et ne dis pas que Maguennoc est mort.
– Promis, m’ame Honorine.
Une heure plus tard, deux des trois sœurs Archignat, de méchantes femmes, arrivent. La veillée des morts commence. Vers cinq heures, on ferme les cercueils. Tout à coup, les sœurs Archignat reviennent dans la pièce. Corréjou a parlé.
– Maguennoc est mort ! Nous partons ! Vite, notre argent ! On enterre les morts et les gens de Sarek partent.
– Je me sens mieux, dit Honorine. Nous partirons aujourd’hui ou demain, avec François. Il a dû avoir un moment de folie.
23. À cette époque, avant d’enterrer quelqu’un, on le veillait : on était autour de lui, on récitait des prières…
Peu après, les deux femmes aperçoivent deux barques pleines de paquets, de femmes et d’enfants. Les gens quittent l’île dans les barques. Tout à coup, elles voient le canot d’Honorine. Dedans, Véronique reconnaît l’enfant au béret rouge avec un homme. Il fait des signes aux gens des barques. Les gens arrêtent de ramer. Le canot s’approche. L’enfant se baisse puis ramène le bras droit en arrière comme s’il lançait quelque chose. L’homme fait la même chose. On entend des détonations24. Les barques s’enfoncent dans l’eau. « Ah ! Les pauvres gens de Sarek, mes amis. On ne les reverra pas. Je deviens folle… folle comme François ! », crie Honorine.
Des têtes et des bras bougent dans l’eau et crient à l’aide. Soudain, l’enfant et l’homme tirent sur eux.
– Ah ! les monstres, crie Véronique.
– C’est ton fils, dit Honorine. Tu es la mère du monstre, et on te punira… Tu monteras sur la croix… Honorine est devenue folle. Elle escalade le balcon, saute dans l’allée, court vers les rochers et se jette dans la mer.
Véronique, épuisée par tout ce qui s’est passée, s’endort puis ouvre les yeux. Devant elle, elle voit un animal bizarre.
C’est le chien de François, Tout-Va-Bien. « Non, ma pauvre bête, tout ne va pas bien. Tout va mal », lui dit-elle.
Le troisième jour, Tout-Va-Bien disparaît. Véronique décide d’explorer l’île. Elle avance. Plus loin, elle descend des marches, traverse une prairie avec quatre rangs de menhirs et s’arrête. « Les fleurs de Maguennoc, » murmure-t-elle. Mais quelles fleurs ! Des fleurs incroyables, fantastiques, des fleurs énormes !
Quelques jours plus tard, elle s’aperçoit qu’elle n’a plus de nourriture, alors elle descend au village qui est vide. 24. Bruits violents.
LECTURES CLE
EN FRANÇAIS FACILE
ARSÈNE LUPIN, L’ÎLE AUX TRENTE CERCUEILS
Maurice Leblanc
Véronique d’Hergemont enquête sur l’île de Sarek, marquée par une légende de trente morts. Disparitions et folies s’enchaînent dans ce policier fantastique où Arsène Lupin apparaît sous le nom de Don Luis Perenna.

GRANDS ADOS ET ADULTES
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