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nterview
Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty International Algérie
Nous craignons que lesannées à venir soient difficiles pour les droits humains Entretien réalisé par Yahia Maouchi La section algérienne de l’ONG, Amnesty International (AI) n’a pas fait dans la dentelle pour dresser un constat accablant sur la situation des droits humains, et des libertés fondamentales en Algérie. Dans cette interview exclusive accordée à La Majalla, Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty International Algérie rappelle qu’aucune personne ne devrait être emprisonnée pour avoir exprimé pacifiquement une opinion. « Ces détentions sont en contradiction avec l’article 59 de la constitution » dénonce notre interlocutrice. Dans le même ordre d’idée, Mme Oussedik, demande aux autorités algériennes de respecter la liberté de la presse : « le journalisme ne devrait jamais être un crime passible de peines d’emprisonnement » insiste-t-elle. Enfin, Hassina Oussedik, craint que les années à venir soient difficiles pour les droits humains, notamment pour les personnes les plus démunies. La Majalla : Quelle lecture faites-vous de la situation des droits de l’Homme en Algérie ? Hassina Oussedik : Aujourd’hui, l’Algérie comme tous les pays, est confrontée à une crise sanitaire, le Covid19- qui s’ajoute à une crise politique aggravée par des problèmes socio-économiques qui touchent une grande partie de la population algérienne. Cette situation a des répercussions fortes sur les droits humains. Si le mouvement de protestation, le Hirak, a suspendu ses marches en raison de la pandémie, la mobilisation a continué d’une part pour répondre à la crise sanitaire en venant en aide aux plus démunis ou à la violence à l’encontre des femmes durant le confinement
et d’autre part pour défendre les libertés fondamentales en raison des arrestations et des emprisonnements de détenus d’opinion. Actuellement, la situation des droits humains est difficile et risque de s’empirer dans l’avenir. Cependant, l’une des tendances extrêmement positive est l’engagement des citoyennes et citoyens, conséquence du mouvement de protestation, qui se renforce pour défendre les droits humains. En 2020 encore, les autorités algériennes ont emprisonné, des manifestants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des militants et des journalistes, quel est votre commentaire ? Alors que le mouvement de contestation pacifique a suspendu ses marches afin de réduire les risques de propagation de l’épidémie, les autorités algériennes ont continué de cibler les militant·e·s du Hirak, des défenseurs des droits humains, les journalistes et les internautes. En effet, nous constatons ces dernières semaines, que pratiquement chaque jour des personnes pour avoir exprimé une opinion sont convoquées, interrogées et mises en détention au niveau national. Ces détentions sont en contradiction avec l’article 59 de la constitution qui souligne le caractère exceptionnel de la garde à vue et de la détention provisoire, et établit que l’arrestation arbitraire est sanctionnée par la loi. Toutes ces personnes sont poursuivies pour des infractions figurant dans le Code pénal, telles que « atteinte à l’intégrité du territoire national », « incitation à un rassemblement non armé » ou « publications de nature à nuire à l’intérêt national ». Aucun de ces chefs d’inculpation ne constitue une infraction légitime reconnue par le droit international, car ils criminalisent la libre expression. Aucune personne ne devrait
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٠١/٠٦/٢٠