Tour du Québec # 3

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Il y a des paysages qu’il faut voir sous la pluie. Un ciel gris, nuageux et menaçant, c’est souvent inoubliable. Dans les bois, par temps humide, les couleurs se magnifient. Il y a les sons aussi, le rythme des gouttes d’eau sur la toile de la tente, le chant des rigoles qui se gonflent dans la forêt et celui des gouttières qui s’écoulent.

LE M AGAZINE QUI M E T LE QUÉ BE C E N VE D E T T E

Et les odeurs encore, la terre humide soufflée par le vent, qui se réchauffe lorsque le soleil pointe

TERROI R   TERRI TOI RE   CU LTU RE   À B OI RE   PI GNON SU R RU E

enfin ses rayons à travers les nuages, avec la lumière.

ça se respire, il faut être là, et pas ailleurs, au moment où ça se produit. Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé d’environnement au Québec et partout dans le monde. Or, étonnamment, on parle assez peu… des environs! L’environnement, c’est aussi ce qu’il y a autour de nous et que nous ne voyons parfois presque plus... Les voisins, les amis, ce qu’ils font, les endroits où ils vivent. «Sauver l’environnement», comme on le

NUMÉRO TROIS

Ce sont les couleurs des environs. Tout cela est imprévisible, ça se dessine au hasard du vent,

dit souvent, c’est ainsi préserver un mode de vie, des manières de faire, des coutumes. Dans ce troisième numéro de Tour du Québec, vous trouverez en tout cas Vous pouvez vous y aventurer sans plan précis, beau temps, mauvais temps.

Conquérir la Kinojévis

Bas-Saint-Laurent Cantons-de-l’Est

La Charcuterie du Nord

Jardin des Pèlerins

Ferme du Coq à l’âne de Bury

Savonnerie des Diligences

Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Charlevoix

Beat & Betterave

Fleuve | Espace danse

Fromagerie Île-aux-Grues

Brasserie de la Contrée de Bellechasse

Ferme des Quatre-Temps

Omerto

Côte-Nord

Les Vagues

Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine Funky Art Cartel

Montérégie Outaouais

Ferme Vallée Verte

Palette de bine

Mouton Village

Unifruits

KWE Cocktails

Région de la Capitale-Nationale

Gourmande de nature

Les Pas perdus

Tourisme Manawan

Ferme Grand Duc

Mauricie

La Bezotte

Café Frida

Brasserie et distillerie Champ libre

Brasserie du Bas-Canada

Camerises fraîches Québec Fromagerie des Grondines

La Vallée Bras-du-Nord

Fromagerie St-Fidèle

Microbrasserie St-Pancrace

Laurent Gaudré

Randonnées en Outaouais

Saguenay–Lac-Saint-Jean

Miellerie du cratère

Chantal Harvey

Camp de base Coin-du-Banc

Lanaudière Laurentides

Félix Medawar

La Brûlerie de l’Est

Tour de Maniwaki Forêt boréale

Coté-Cour

Forêt Montmorency

Origine boréale (ORJN)

M I S H M A S H / V O I R / L’A C T U A L I T É

Abitibi-Témiscamingue

TOUR DU QUÉBEC

quelques bonnes pistes pour vous donner le goût d’aller vous balader dans les environs.

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ISBN 978-2-9817-5102-7

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Rédaction Éditeur et rédacteur en chef: Simon Jodoin Rédactrice en chef adjointe: Valérie Thérien Chef de pupitre Art de vivre et Gastronomie: Marie Pâris Coordonnatrice de projet: Julie Duguay Correctrice: Marie-Claude Masse

Collaborateurs Rosalie Roy-Boucher, Félix B. Desfossés, Léa Villalba, Rose Carine Henriquez, Stéphanie Chicoine, Maryse Boyce, Julie Verreault, Sophie Ginoux, Maxime Bilodeau, François Gionet, Delphine Jung, Charline-Ève Pilon, Anne Julie Beaulieu, Kristina Landry, Sarah Iris Foster, Olivier Boisvert-Magnen, Olivier Béland-Côté, Julien Abadie, Timothée Beurdeley, Adis Simidzija, Marie Mello, Dominique Caron, Amélie Tendland, Max-Antoine Guérin, Patrick Simard

Opérations & production Directrice - Production: Julie Lafrenière Directeur artistique: Luc Des­chambeault Infographie: René Despars Infographe-intégrateur: Sébastien Groleau Développeur et intégrateur web: Emmanuel Laverdière Développeur web: Maxime Larrivée-Roy Coordonnateur technique: Frédéric Sauvé Coordonnatrice à la production: Sophie Privé Photographie de couverture: Simon Jodoin

Publicité ventespub@mishmash.ca Vice-président, ventes: Jean Paquette Coordonnatrice, ventes: Karyne Dutremble Spécialiste, Solutions de contenu et Créativité média: Olivier Guindon Conseiller médias aux comptes majeurs: Samuel Faubert Conseillers médias: Lucie Bernier, Céline Lebrun, Suzie Plante

Mishmash Média inc. Président, directeur général – Mishmash Média: Nicolas Marin Comptable principale: Marie-Ève Besner Gestionnaire, Technologie et Innovation: Edouard Joron 606, rue Cathcart, 10e étage, bureau 1007, Montréal (Qc) H3B 1K9 Téléphone général: 514 848 0805

Tour du Québec est publié par Mishmash Média inc. Diffusé par Les éditions Flammarion ltée. Distribué par Socadis inc. Imprimé par Transcontinental Interglobe. Le contenu ne peut être reproduit, en tout ou en partie, sans autorisation écrite de l’éditeur. Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Bibliothèque et Archives Canada / ISSN 2561-7427; ISBN 978-2-9817-5102-7




Sommaire

Abitibi-Témiscamingue Conquérir la Kinojévis | La Charcuterie du Nord | Félix Medawar 11

Bas-Saint-Laurent Jardin des Pèlerins | La Brûlerie de l’Est 25

Cantons-de-l’Est Ferme du Coq à l’âne de Bury | Savonnerie des Diligences | Beat & Betterave 37

Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Fleuve | Espace danse | Fromagerie Île-aux-Grues | Brasserie de la Contrée de Bellechasse 55

Charlevoix Ferme des Quatre-Temps | Omerto | Miellerie du cratère | Fromagerie St-Fidèle 71

Côte-Nord Les Vagues | Chantal Harvey | Microbrasserie St-Pancrace 91

Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine Camp de base Coin-du-Banc | Gourmande de nature | Les Pas perdus 109

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Tour du Québec Sommaire


Lanaudière Ferme Vallée Verte | Tourisme Manawan 123

Laurentides Funky Art Cartel | Palette de bine | Ferme Grand Duc 135

Mauricie La Bezotte | Café Frida 149

Montérégie Mouton Village | Unifruits | Laurent Gaudré | Brasserie et distillerie Champ libre 163

Outaouais Randonnées en Outaouais | Brasserie du Bas-Canada | Tour de Maniwaki 183

Saguenay–Lac-Saint-Jean KWE Cocktails | Camerises fraîches Québec | Forêt boréale | Côté-Cour 199

Région de la Capitale-Nationale Fromagerie des Grondines | Forêt Montmorency | La Vallée Bras-du-Nord | Origine boréale (ORJN) 219

Tour du Québec Sommaire

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du QuĂŠbec


Bacon F. Ménard

Tomates Savoura

Bœuf Québec

Laitue Mirabel


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Tour du QuĂŠbec Introduction


Les couleurs des environs mots & photo Simon Jodoin

Au cours des dernières années, au gré des rencontres et des conversations, j’ai souvent croisé des gens qui me disaient préférer aller passer quelques semaines dans le Sud en été. Au moins, là, ils peuvent s’assurer de trouver de la belle météo, malgré quelques précipitations passagères dues à la saison des pluies des climats tropicaux. Bref, on savait qu’au Québec certains veulent se sauver de l’hiver, mais de plus en plus, il semble qu’on désire aussi se sauver carrément du mauvais temps, peu importe la saison. Ce n’est pas une simple rumeur, c’est bel et bien une tendance. Loin de moi l’idée de faire la morale à quiconque, mais quand même, il m’arrive de penser que la météo fait partie du paysage. Bon, d’accord, 15 jours de pluie consécutifs pendant les vacances, ça peut jouer sur l’humeur et gâcher un peu les balades au grand air. Toutefois, je persiste, en fuyant une météo imprévisible, on fait un peu le choix de ne plus prendre aucun risque. Et c’est dommage. Car pour faire des découvertes, pour s’étonner, il faut parfois sortir un peu de sa zone de confort et avancer avec ses bottes d’eau et son imperméable. Il y a des paysages qu’il faut voir sous la pluie. Un ciel gris, nuageux et menaçant, c’est souvent inoubliable. Dans les bois, par temps humide, les couleurs se magnifient. Il y a les sons aussi, le rythme des gouttes d’eau sur la toile de la tente, le chant des rigoles qui se gonflent dans la forêt et celui des gouttières qui s’écoulent. Et les odeurs encore, la terre humide soufflée par le vent, qui se réchauffe lorsque le soleil pointe enfin ses rayons à travers les nuages, avec la lumière. Ce sont les couleurs des environs. Tout cela est imprévisible, ça se dessine au hasard du vent, ça se respire, il faut être là, et pas ailleurs, au moment où ça se produit.

Plus globalement, au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé d’environnement au Québec et partout dans le monde. La question du climat est certainement devenue une priorité sociale, politique et économique. On discute de transport, d’habitation, de consommation avec comme objectif de sauver la planète. Voilà qui est bien, sans aucun doute. Or, étonnamment, on parle assez peu… des environs! Je vais peut-être dire une banalité, mais l’environnement, c’est aussi ce qu’il y a autour de nous et que nous ne voyons parfois presque plus... Les voisins, les amis, ce qu’ils font, les endroits où ils vivent. «Sauver l’environnement», comme on le dit souvent, c’est ainsi préserver un mode de vie, des manières de faire, des coutumes. Le climat, ce n’est pas simplement quelque chose que l’on doit subir, qui nous tombe dessus comme une fatalité, c’est un lieu qu’on habite et qu’on fabrique. Plus encore, il y a fort à miser que c’est en partant à la découverte de toutes ces couleurs des environs que nous ferons un premier pas dans la bonne direction pour comprendre la nature même de ce que nous souhaitons préserver. Faisons le pari! Dans ce troisième numéro de Tour du Québec, vous trouverez en tout cas quelques bonnes pistes pour vous donner le goût d’aller vous balader dans les environs. Vous pouvez vous y aventurer sans plan précis, beau temps, mauvais temps. Et, encore une fois, comme en voyage, donnez-nous de vos nouvelles et parlez-nous de vos découvertes! Envoyez-nous des cartes postales, ça fait toujours plaisir! simonjodoin@tourduquebec.ca


L’agriculture biologique est entre bonnes mains, avec les nouveaux artisans de la révolution agricole.

Les fermiers Jeudi 20H

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Des repères sur notre route Terroir Ce qui se cultive, ce qu’on trouve dans les champs, dans les fermes, dans les potagers. Le travail des paysans, les produits qu’on ne trouve nulle part ailleurs, qui garnissent les assiettes et les étals des marchés. Tout ce qui se croque et se goûte.

Territoire Des paysages, des lieux, des routes, des rangs, un lac, un cours d’eau. Un détour dans un sentier qui nous permet de plonger dans un panorama inattendu. Un site au sommet d’une montagne, dans les airs, ou même sous la surface de l’eau. Un gîte ou un abri pour passer la nuit ou plusieurs jours.

À boire Tout ce qui se distille, qui se brasse, qui se vinifie. Du pommier à la bouteille, de la microbrasserie à la soirée entre amis, de la culture de la vigne jusqu’au repas en famille et tout ce qu’il y a entre les deux: le travail, la minutie, la constance.

Pignon sur rue Une boutique, un établissement, un magasin général, une bonne adresse. Parlons aussi des initiatives locales, des entreprises, de la vie de quartier, des commerces de proximité, de tout ce qui se trouve sur la rue Principale et dans votre voisinage, qui vous donne envie de vous promener à pied dans votre ville ou votre village.

Culture Une œuvre d’art, un événement, une exposition, un élément du patrimoine, un monument et même un bricolage. De la musique, des sons, des toiles, des couleurs, des sculptures, des formes, des textes, des mots, des mouvements et des gestes. Tout ce qui sort de la tête des gens et qui étonne.

Resto Le travail en cuisine, ce qui mijote et qui nous met en appétit. Cette manière inusitée de préparer une viande, un poisson, une salade, une sauce. Les artisans des fourneaux sont les interprètes du terroir.

C’est tout ? Pas nécessairement. Comme en voyage, tout peut arriver. Vous pensez à autre chose ? Nous voulons vous entendre. Écrivez-nous, c’est par ici ! tourduquebec.ca


AbitibiTémiscamingue 12 15 18 22

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Tour du Québec Abitibi-Témiscamingue

Conquérir la Kinojévis Charcuterie du Nord Félix Medawar Sur la route



( territoire ) Descente en radeau Cléricy mots Rosalie Roy-Boucher photos Stefya Gilbert

Conquérir la Kinojévis Il y a 40 ans, une gang de hippies du fond du rang 5 a eu une illumination: ils allaient défier les rapides juchés sur des radeaux allégoriques, bâtis sur des chambres à air de chars, pour célébrer la Saint-Jean-Baptiste. Vous le pensez, vous avez raison, ils le savent: ils sont fous.

C

léricy, c’est le lieu de toutes mes légendes familiales. L’endroit où mes grands-parents ont élevé leurs enfants tout en s’occupant de l’épicerie du village comme mes arrières, avant eux. C’est le lieu de rencontre de mes parents. Cléricy, c’est un petit village non loin de Rouyn-Noranda. Vous y passerez peut-être pour vous rendre au parc d’Aiguebelle, juste avant Mont-Brun. Pour la plupart, c’est un hameau anonyme. Cléricy est pourtant un village bien spécial. La municipalité est traversée de bord en bord par la rivière Kinojévis. Sous le pont qui l’enjambe, la rivière se cogne aux rochers et crée un ensemble de petits rapides dont la rumeur berce le quotidien de ses habitants. Un éclair de génie Gilles Rancourt est l’un des pionniers de la descente des radeaux de Cléricy. C’est aussi un grand chum à mon père. Les deux ont participé à l’élaboration de cette fête hors du commun, en se garrochant tête première dans les remous pour boire la tasse tour à tour. «Comment ça a commencé? Il y a plusieurs versions… mais je vais te donner la vraie», qu’il m’a dit, Rancourt (c’est son petit nom). C’est sur le perron de l’épicerie de Laurent Roy, mon grand-père, imaginez-vous donc, que les gars

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se sont dit, en sirotant une bière: «Heille, ce serait l’fun de descendre les rapides en tripe.» Comme la fin de juin approchait, ils ont organisé leur rodéo aquatique dans le cadre des festivités de la Saint-JeanBaptiste. Ils ne le savaient pas encore, mais ils venaient de créer un événement qui allait rassembler, au fil des ans, familles et amis même quatre décennies plus tard. À partir de l’année suivante, en 1978, l’événement prend de l’ampleur: c’est dorénavant sur des radeaux que les participants prendront d’assaut les rapides. «On défiait des entreprises, des familles, les villages avoisinants à monter le plus beau radeau. Ou à prendre la débarque la plus spectaculaire. Les bateaux étaient pas mal moins solides dans le temps», se rappelle Robert Boucher, mon paternel. Des juges cachés dans la foule attribuaient des notes aux participants. Rancourt était sur le tout premier radeau à se jeter à l’eau. Dans son souvenir, tout est au ralenti, comme dans un film: «Je me souviens, la première fois, quand on est arrivés dans les rapides, la foule était complètement silencieuse. On entendait seulement des bribes de paroles autour de nous, “ils sont malades, tabarnak, ils sont fous”. C’était incroyable. Nous, on a passé les rapides comme dans du beurre.»

Tout le monde à Cléricy! Ils étaient nombreux, les spectateurs, à venir témoigner du grisant danger qu’affrontaient les pirates de la Kinojévis (mauvais brochet, en algonquin, c’est-tu pas beau?). «On a déjà eu jusqu’à 15 000 spectateurs. Et jusqu’à 37 radeaux», affirme Rancourt. C’est que la Saint-Jean-Baptiste à Cléricy est rapidement devenue un peu mythique. Imaginez: une année, ils ont fait brûler une maison entière sous l’œil prévenant des pompiers. Dans le journal, pour annoncer la programmation, ils ont appelé ça «Feu de joie surprise». «Il y avait une maison qui était abandonnée depuis plusieurs années, dangereuse pour les enfants du voisinage. On s’est dit: “Ben crisse, on va la brûler pour la Saint-Jean.”» Pourquoi pas, si c’est pour sécuriser le village? Les deux chums m’ont raconté leurs souvenirs marquants des belles années de la descente des rapides. «Un moment donné, c’était rendu gros, très gros. On avait monté une scène dans le parc pour le show, cette année-là on recevait Abbittibbi. L’affaire, c’est qu’il s’est mis à pleuvoir à boire deboutte. On a fait ni une ni deux, on a tout déménagé dans la cantine, qui faisait 40 x 40. On était 150 là-dedans. Il faisait chaud. On était ben.» Mon père,

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lui, se souvient du radeau le plus impressionnant qui lui a été donné de voir. «C’était une marguerite. Elle était fermée, comme un bouton. Tranquillement, les pétales se sont ouverts, et il y a eu une envolée de ballons orange. Les personnes sur le radeau étaient comme les pistils. C’était un radeau magique.» Notez ici que toutes les personnes à qui j’ai posé la question ont corroboré les propos de mon paternel. Legs multigénérationnel Ces descentes de radeaux ont marqué les esprits. Malheureusement, il y a environ 15 ans, elles ont dû cesser. L’organisation de l’événement était devenue trop imposante, empiétant sur les occupations des villageois. Toutefois, les rapides, eux, sont restés. Et leur incessante rumeur a continué à rappeler à ces derniers les beaux souvenirs liés à ces Saint-Jean-Baptiste exceptionnelles.

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L’année dernière, Marianne, la fille de cœur de Rancourt, a proposé de souligner les 40 ans de la première descente des radeaux. Chantal Leclerc, qui assistait à l’événement adolescente, s’est lancée tête première dans l’aventure, en compagnie d’une horde de bénévoles. Ce qui devait, au départ, être un événement relativement intimiste s’est transformé en festival de la Saint-Jean-Baptiste, comme dans le bon vieux temps. «Ce qui était agréable et particulier, c’est que dans l’organisation, nous étions trois générations. Nous avons distribué les tâches selon les forces de chacun», me raconte Chantal. Cléricy est, encore aujourd’hui, un village tissé serré. Ma cousine Noémie Chassé y réside depuis sa naissance mais elle était trop petite, à l’époque, pour avoir des souvenirs des partys d’antan. Ce qui ne l’a pas empêchée de s’impliquer dans le projet. «Quand j’ai vu toutes les

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personnes qui s’étaient déplacées pour l’événement, j’étais sous le choc. On m’a dit: “Dans le temps, il y avait 10 000 personnes qui venaient, y avait des chars jusque là-bas, le village était plein.” L’année dernière, on a accueilli entre 8 000 et 10 000 personnes. Ça m’a beaucoup émue de voir que nous avons fait revivre encore une fois l’événement.» Même si la descente des rapides ne reviendra pas cette année, il reste que le village de Cléricy est un lieu de grande communauté. Je vous invite à venir vous y gorger de la nature sauvage et du ronronnement des rapides. Je vous garantis qu’un voisin quelque part dans le village a encore une bonne tripe de char dans son garage, si jamais vous venait l’envie d’imiter les maudits fous du rang 5.


( pignon sur rue ) Charcuterie du Nord Val-d’Or mots Félix B. Desfossés photos Vincent Bélanger

Traditions d’ailleurs, saucissons d’ici Oreskovich, Petrusich, Maciejewski, Serafinowicz, Ocheduszko… non, vous n’êtes pas en Europe de l’Est. Ces noms sont typiquement abitibiens. La Charcuterie du Nord de Val-d’Or est l’un des derniers endroits où l’on peut découvrir l’héritage culinaire et culturel de ces «fros» venus pour travailler dans les mines lors de la ruée vers l’or abitibienne des années 1920 et 1930.


I

ls sont venus d’Ukraine, de Pologne, de Russie ou même de Yougoslavie. Ces foreigners ou étrangers, en français, sont connus dans le folklore local sous le nom des «fros». Ils se sont implantés dans la région et ont amené avec eux des traditions. Entre autres, ils ont construit ici des églises à l’architecture traditionnelle ukrainienne ou orthodoxe russe. Parmi ces fros pionniers, la famille Plesac, installée au village de Bourlamaque, venait de Croatie. Bourlamaque, c’est aujourd’hui un quartier de Val-d’Or. Le village minier a été classé historique en 1979. Il compte 68 pittoresques maisons de bois rond construites en 1934 par la minière Lamaque qui exploitait un gisement avoisinant. La famille Plesac ouvre le magasin général de Bourlamaque en 1939. Avec les années, le commerce devient l’épicerie M & J et fait de plus en plus de place à la charcu­ terie. Les propriétaires apprêtent la viande selon les recettes traditionnelles slaves importées du Vieux Continent. Un fumoir est

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installé sur place et leur kolbassa – saucisson polonais – devient une marque de commerce qui va faire école. Une recette passée de génération en génération La recette de kolbassa est passée du grand-père Plesac, fondateur de l’épicerie, jusqu’à son petit-fils, John. Ce dernier devient propriétaire du commerce familial et détenteur du secret des Plesac jusqu’en 1996, au moment où il vend l’épicerie. Pendant 57 ans, les Plesac ont servi aux Valdoriens la même recette de viande fumée à sa clientèle. C’est comme ça que les classiques se font. «La Charcuterie du Nord occupe une place unique dans la trame historique valdorienne», confirme Paul-Antoine Martel, maniaque d’histoire régionale, passeur de fierté valdorienne et interprète du patrimoine local. «On a là un commerce démarré et toujours dirigé par des immigrants et qui met de l’avant des traditions culinaires qui, bien que nées sur

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un autre continent, n’en sont pas moins devenues profondément valdoriennes. Depuis 80 ans, aussi bien dire depuis toujours, la viande est découpée, assaisonnée, fumée et vendue dans le même immeuble modeste et chaleureux, ce qui crée une sorte de fil reliant le présent à des générations de fros, de ménagères, de gens soucieux de manger local ou d’amateurs de saucissons d’exception.» Au milieu des années 1990, celui qui reprend le commerce a tout autant à cœur le domaine de la charcuterie que ses prédécesseurs, venant lui-même d’une famille qui œuvrait en boucherie. Il se nomme Heinz Luthi. Né en Suisse allemande, il a atterri en Abitibi d’abord pour travailler en pourvoirie. Lorsqu’il sort du bois, c’est pour s’installer à l’orée de la ville de Val-d’Or. Parce qu’il faut le préciser, la charcuterie qu’il achète à John Plesac est le dernier commerce de la 3e Avenue – artère commerciale principale de Val-d’Or – avant que celle-ci ne se transforme en route 117 puis qu’elle ne s’enfonce dans l’immensité de la

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réserve faunique La Vérendrye, là où la forêt devient un océan. D’ailleurs, pour nombre de voyageurs, la charcuterie est un arrêt obligatoire avant de prendre la route. «Des pêcheurs, des chasseurs, des gens qui sont déménagés, du monde de Montréal, de Gatineau, de Québec… Quand ils viennent ici en ville, ils commandent la spécialité», s’enorgueillit M. Luthi avec son charmant accent allemand. Heinz a gardé intacts l’esprit et les recettes des Plesac. Et comme la famille qui l’a précédé, il a formé son fils Patrick à la préparation du kolbassa et des autres charcuteries fines offertes dans le présentoir du magasin.

de Peter Ferderber, originaire de Slovénie, arrivé à Bourlamaque à l’âge de 7 ans, en 1934. Malheu­ reusement, ce prospecteur reconnu à travers le Canada nous a quittés le 2 février dernier. De son enfance jusqu’à ses derniers jours, il était un client régulier de la charcuterie, assure Warren Fabian, boucher en formation. Ferderber a même créé une tradition familiale liée au commerce. «C’est très présent chez les Ferderber, le kobassi, comme on l’appelle», confirme la petite-fille de Peter, Sophie Richard-Ferderber. «Chaque été, il organisait The Ferderber BBQ, où toute la famille élargie et les amis se rassemblent. Il y a toujours eu de la kobassi de la Charcuterie du Nord.»

Une tradition à faire perdurer Ce respect de la tradition et de l’esprit familial démontré par M. Luthi semble avoir été apprécié jusque chez les plus anciens clients de la charcuterie. C’est le cas

en quantité. Idem pour Paul-Antoine Martel, lorsque vient le temps de participer au party de retrouvailles annuel de sa gang. Si c’est à l’extérieur de Val-d’Or que ça se passe, il est obligé de prendre avec lui de la saucisse traditionnelle. En mars 2019, c’est Patrick Luthi qui est devenu le propriétaire de la Charcuterie du Nord. Ce renouveau concorde avec le 80e anniversaire du commerce. Un bilan? Huit décennies, cinq générations, quatre propriétaires et une seule et même recette de kolbassa. Charcuterie du Nord Abitibi-Témiscamingue 49, 3e Avenue, Val-d’Or 819 824-6552

Et lorsque le BBQ de la famille Ferderber se tient à Ottawa ou encore Toronto, où d’autres membres de la famille résident, les représentants valdoriens sont mandatés d’y amener du kolbassa

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( culture ) Félix Medawar Kitcisakik mots Félix B. Desfossés photos Andréanne Lachapelle

Multiculturalisme communautaire Au dernier pow-wow de la communauté autochtone de Lac-Simon, en Abitibi, de nouveaux habits traditionnels étaient visibles au milieu des danseurs. Parmi les couleurs éclatantes et les élégantes plumes des regalias anishinabées, on pouvait découvrir d’amples vêtements aux couleurs tout aussi éblouissantes, celles de boubous sénégalais.

C

e délicieux choc culturel, c’est l’œuvre de Félix Medawar, travailleur social dans la communauté anishinabée de Kitcisakik et créateur de vêtements artisanaux d’inspiration africaine. Installé en Abitibi depuis quelques années, il est l’instigateur de rencontres culturelles aussi riches qu’inusitées. Africains en terre anishinabée Sous l’écrasant soleil de juillet, des dizaines de danseurs venus de partout au Canada tournaient au centre du pow-wow au rythme des drums traditionnels de diverses nations. Légèrement en retrait du cercle de danse, on pouvait découvrir quelques kiosques d’artisanat autochtone. Puis, il y avait ce kiosque qui détonnait, avec ses vêtements aux couleurs africaines suspendus ici et là. C’était celui de la petite entreprise One love one nation, fondée par Félix Medawar. Il était entouré d’amis sénégalais, venus de Montréal, qu’il avait invités «à venir

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découvrir les Premières Nations pour vivre dans un respect, dans une meilleure connaissance des réalités», explique-t-il. One love one nation Ce mélange des cultures, il le porte dans son ADN. Il est né il y a 25 ans dans le quartier multiethnique d’Ahuntsic, à Montréal, d’un père québécois et d’une mère aux origines égyptiennes. C’est lors d’un périple de plusieurs mois en Amérique latine qu’il se découvre une passion pour l’artisanat en apprenant là-bas à confectionner des bracelets, des colliers et des bijoux. À son retour, il lance sa petite entreprise One love one nation «dans le but d’unir les gens de partout dans le monde à travers l’art. J’adore les inspirations qui viennent de différentes cultures. On m’a souvent associé au caméléon qui va s’adapter à son environnement. J’ai toujours aimé l’artisanat africain avec les couleurs qui sont incroyables».

Les influences sont multiples et riches. Les produits, confectionnés à la pièce et sur commande, sont offerts dans une grande variété: vêtements, bijoux, sacs de voyage, sacoches, etc. Il crée même des produits et des sacs pour la consommation zéro déchet! Aller vers l’autre En voyageant en Amérique du Sud, non seulement découvre-t-il sa passion pour l’artisanat, mais il se trouve aussi une vocation dans l’action de tendre la main à l’autre. «Je me suis rendu compte que j’avais besoin de travailler avec l’humain. J’ai besoin d’avoir des rapports à l’humain. Et j’ai toujours aimé là où les humains vivent dans des conditions difficiles, être là pour les aider en quelque sorte», analyse-t-il. C’est donc sur un coup de tête qu’il s’embarque pour RouynNoranda où il part étudier en travail social à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. À la fin de sa formation, il réalise un stage de

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huit mois dans la communauté de Kitcisakik, à l’extrémité nord de la Réserve faunique La Vérendrye. Sourire anishinabé Les Anishinabés de Kitcisakik vivent sans eau courante ni électricité puisqu’un conflit perdure avec les autorités gouvernementales sur le territoire que les habitants devraient occuper ou non. Ironiquement, le centre du village de Kitcisakik se trouve à un jet de pierre d’un barrage hydroélectrique...

Mais M. Medawar refuse le pessimisme. «Les Anishinabés, ce sont des gens qui sont toujours en train de rire malgré les difficultés et les problèmes [...]. Il y a tellement de positif, de belles choses, de résilience, de sourires et de combats… Moi, je trouve que c’est ça qui est magnifique, c’est ça qui est inspirant. La société québécoise devrait être au courant de ces belles choses aussi, elle devrait aller visiter les communautés et apprendre des autres.» Artisanat thérapeutique

«La vie est difficile en général, mais à Kitcisakik, avec l’histoire, la colonisation, les pensionnats, la stigmatisation qu’ils vivent... rien ne les aide, déplore l’intervenant. La société en général a tellement des idées négatives face à eux que c’est sûr que ça les maintient dans des difficultés, mais, en plus, ils vivent dans des conditions de vie qui sont impensables en 2019 au Canada.»

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Peut-être est-ce la jeunesse, la passion ou simplement ses convictions profondes, mais plutôt que de se protéger derrière des barrières psychologiques, le travailleur social s’est impliqué émotionnellement. «Y en a qui vont être seulement intervenants et qui vont se détacher beaucoup en sortant du travail, mais on gagne beaucoup plus à s’investir,

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à s’impliquer dans la communauté, à entretenir des liens qui sont amicaux avec les gens, à garder nos sentiments. C’est important de ne pas être trop institutionnalisé», croit-il. Ça a donc été tout naturel pour lui de mélanger sa passion pour la création de vêtements et de bijoux avec son travail communautaire. «Depuis un an et demi, on fait des ateliers de couture et d’artisanat de toutes sortes pour les hommes et ça pogne, c’est superbe. Ce sont des ateliers qui sont très sociaux, qui ont un impact dans la communauté parce qu’on voit les hommes qui sont fiers de porter ce qu’ils font, qui reçoivent de bons commentaires et qui en même temps peuvent en tirer des revenus.» «L’artisanat, ça a un rôle qui est très thérapeutique, continue Félix. Ça permet aux gens de penser à autre chose, de se centrer sur le moment présent et en même temps de pouvoir partager des moments ensemble.»


Enraciné dans la région On constate que Félix Medawar est dans un constant partage avec les gens qu’il rencontre. Autant peut-il s’investir auprès des gens de Kitcisakik qu’il tient d’eux un fort sentiment d’appartenance à la région. «Bien que souvent on parle de racisme et de fermeture d’esprit – et c’est des chocs qu’on a –,

on se rend compte que les gens ont une belle ouverture d’esprit, que Rouyn et Val-d’Or commencent à être de plus en plus culturelles sur le plan artistique, des différentes nationalités qu’elles abritent. En quelque sorte, on pourrait dire que c’est pour ça que moi je suis bien ici, mais aussi avec toutes nos implications dans la communauté, avec les Autochtones, ça nous permet de nous sentir chez nous. Et c’est ici qu’on s’est rencontrés.»

Ce clin d’œil, il le fait à sa copine, Elise Sanangome Jemes. Elle est originaire de Nouvelle-Calédonie. Ils se sont rencontrés ici, en Abitibi. Dans quelques mois, ils vont se marier. Félix garde la porte ouverte sur les plans d’avenir, «mais pour le moment, c’est ici qu’on veut vivre». One Love One Nation Abitibi-Témiscamingue 438 350-0891

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Parc national d’Opémican

Parc national d’Opémican 5555, chemin Opémican, Témiscaming

Entouré des lacs Témiscamingue et Kipawa, le Parc national d’Opémican a fait sa grande entrée dans la SEPAQ (Société des établissements de plein air du Québec) en 2019. D’une superficie de 252,5 kilomètres

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carrés, il est divisé en trois secteurs: le secteur de la Rivière-Kipawa (accessible depuis 2018), le secteur de la Pointe-Opémican et le secteur du Lac-Marsac. Au programme, les visiteurs pourront pêcher, faire du camping rustique, visiter les sentiers pédestres et expérimenter le canot. Pour dormir sur place, le lieu offre un

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nouveau type de camping: le prêtà-camper étoile. De forme cubique, l’hébergement est plus haut, contient plus de rangement et peut accueillir jusqu’à six personnes. Trois lits à deux places et une grande galerie permettent aux visiteurs de se mettre à l’aise et de profiter du moment.


Chez le Lièvre 9, rue Principale Sud, Laverlochère

Festival des guitares du monde

L’Gros Trappeur fourrures 46, rue Principale, Nédélec

37, 7e Rue, Rouyn-Noranda

Ouvert en septembre 2018, Chez le Lièvre est tenu par un jeune couple du Témiscamingue. Après leur succès avec le bistro Elle et Louis à Ville-Marie, Nadia Lachance et Louis-Joseph Beauchamp ont ouvert leur buvette à Laverlochère. Désireux de s’inscrire dans une démarche locale et respectueuse, les deux copropriétaires font tout par eux-mêmes: du pain aux desserts en passant par les plats. Côté boisson, on retrouve une vaste sélection de bières locales en fût, de spiritueux québécois, de cocktails et de vins. Dans une ambiance décontractée et une salle à manger décorée d’objets recyclés, les tourtereaux proposent des plats éphémères du jeudi au samedi et un brunch savoureux le dimanche. Ils privilégient les aliments bruts et le plus possible de la région pour créer un menu de type bistro, réconfortant et savoureux.

Cela fait maintenant 15 ans que le Festival des guitares du monde fait vibrer l’instrument à cordes dans toutes ses sonorités. Du 25 mai au 1er juin, l’événement réunira une quinzaine de spectacles en salle et plus d’une soixantaine d’activités dans le quartier du Vieux-Noranda. Au programme, des artistes locaux (comme Richard Desjardins, accompagné du maestro Jacques Marchand et de l’Orchestre symphonique régional, ou encore Rémi Boucher) viendront fouler les planches. Les amateurs de guitare pourront aussi découvrir des sonorités éclectiques: jazz manouche, musique trad, blues, folk-pop, swing, rythmes berbères, grooves reggae, musique celtique ou encore flamenco. Enfin, le public pourra savourer la technicité musicale d’artistes de renom dans le domaine du fingerstyle et du tapping.

Atelier de taxidermie et de tannage, L’Gros Trappeur produit et vend ses produits de fourrure directement sur place. Le propriétaire du lieu, Pascal, est un trappeur de troisième génération qui a appris en forêt en suivant son grand-père. Passionné de trappe et de chasse, Pascal a adapté son mode de vie à la nature et à son métier ancestral. La vendeuse, Claude, est elle aussi originaire de la région et offre à la clientèle des produits de qualité: bottes, tuques, mitaines, écharpes, bijoux et objets de décoration sont proposés dans la boutique. L’Gros Trappeur fourrures adopte une démarche consciencieuse, où l’intégralité de l’animal est récupérée et utilisée (dents, griffes, os, plumes, bois) afin d’éviter le gaspillage et pour pouvoir créer toujours de nouvelles pièces. Les clients peuvent aussi amener leur propre peau de bête à des fins de tannage.

Chez le Lièvre  photo Jean-François Girard

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Pendentif Athéna, de Scaro

Scaro joaillerie scaro.ca

C’est en puisant dans sa Gaspésie natale et ses paysages maritimes que Caroline Arbour crée ses bijoux. Fascinée par la nature, elle crée plusieurs animaux (le scarabée est souvent présent) que l’on retrouve dans la plupart de ses parures. Elle y ajoute des textures végétales, forgées dans un métal précieux, or ou argent, pour concevoir ses pièces uniques, 100% québécoises. La jeune joaillière dessine et fabrique elle-même l’intégralité de ses bijoux, dans son atelier à Amos, en Abitibi. Aujourd’hui, sa collection compte 180 modèles destinés aux

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hommes, aux femmes et même aux enfants! Ses bijoux sont aussi distribués dans plusieurs villes au Québec et au Canada: Val-d’Or, Kamouraska, La Malbaie, Carletonsur-Mer, Montréal, Gatineau, Québec, Drummondville, Rosemère, Roberval, Granby, Saint-Hyacinthe, Canmore et Calgary.

Osisko en lumière 1, avenue Thompson, Rouyn-Noranda

Au début du mois d’août, la ville de Rouyn-Noranda accueille un festival qui allie pyrotechnie et musique. Trois firmes d’artificiers présentent leur création chaque année devant

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les spectateurs estivaux. Depuis sa création en 2004, le festival a accueilli plusieurs artistes de renom sur sa scène extérieure, dont Billy Talent, Simple Plan, Robert Charlebois et plusieurs autres. Cette année, les festivaliers pourront tripper et découvrir toutes sortes de groupes d’ici et d’ailleurs pour l’édition 2019 qui aura lieu les 8, 9 et 10 août. L’an dernier, avec de grosses pointures de la chanson d’ici (Charlotte Cardin, Patrice Michaud), tout comme le hiphop explosif de Dead Obies et les Américains de X Ambassadors, le festival avait confirmé sa place dans les événements incontournables de l’été en Abitibi.


Bas-SaintLaurent 26 30 34

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Jardin des Pèlerins Brûlerie de l’Est Sur la route



( terroir ) Jardin des Pèlerins Saint-André-de-Kamouraska mots Simon Jodoin photos Jardin des Pèlerins

Les femmes qui sculptaient le sol Dans le Kamouraska, Andrée Deschênes et Anne Fortin jardinent sur leur lopin de terre à quelques kilomètres à l’est du village de Saint-André. C’est là qu’elles ont créé des serres, des vergers et des potagers, ce Jardin des Pèlerins où elles magnifient l’art de faire pousser des herbes et des légumes. Une passion qui les anime depuis 20 ans.

L

es Pèlerins, c’est cet archipel juste en face, dans le fleuve, qu’on peut apercevoir au large en roulant sur la 132. Le Petit Pèlerin, le Long Pèlerin, le Gros Pèlerin, il y en a cinq en tout. On ne sait pas exactement d’où vient ce nom. En 1999, alors qu’elles cherchaient à démarrer un projet de culture maraîchère biologique, Anne et Andrée arpentaient les routes de la région pour trouver l’endroit idéal. Elles s’étaient connues une dizaine d’années plus tôt, à Matane, au cégep, en option agriculture. Andrée était professeure et Anne son étudiante – elle faisait un retour à l’école en horticulture. C’est une histoire d’amour qui allait commencer entre ces deux femmes qui allaient choisir non seulement de vivre ensemble mais aussi de bâtir une entreprise. «On habitait dans la région de Matane, se souvient Andrée, et on souhaitait démarrer quelque chose un peu à notre image, dans nos projets culture bio. Anne avait été en production d’autres types auparavant et c’était très clair que c’était la production bio qui l’intéressait. Moi, j’ai travaillé beaucoup à faire du conseil technique en culture biologique.»

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Très tôt, l’idée d’aller s’installer dans le Kamouraska est apparue comme un choix parfait et, si possible, sur la route 132, où passe la majorité des voyageurs. Elles s’attendaient à ce que ce soit hors de prix, mais elles ont finalement trouvé. C’était une ancienne bergerie. Les propriétaires précédents avaient dû abattre le troupeau à cause de la tremblante du mouton. Ça faisait deux ans qu’il n’y avait plus d’activité sur ces terres. «On a cherché et on a exploré dans la région, parce qu’il fallait aussi un revenu extérieur pour pouvoir s’établir, et moi j’avais une opportunité à Rivière-du-Loup de venir travailler pendant un certain nombre d’années pour aider à l’implantation, alors qu’Anne est entrée directement à temps plein dans l’entreprise.» Premier défi, il a fallu fabriquer un milieu de culture favorable pour des plantes horticoles. Il faut savoir que naguère, à leur arrivée, là où il y a désormais des jardins se trouvait une grande plaine venteuse, parfois très froide au printemps, où ne poussait que

du foin. Un environnement bien différent des bucoliques potagers qu’on peut visiter aujourd’hui. Il a fallu notamment planter beaucoup d’arbres pour faire des bris de vent et, au cours des deux premiers cycles de culture qui durent autour de 5 ans, effectuer des rotations afin d’obtenir un sol fiable. Il aura donc fallu 10 ans pour assembler ni plus ni moins qu’un écosystème qu’elles connaissent désormais par cœur. «Maintenant, on a ici un climat et des sols qui sont très différents de ce qu’on avait au point de départ. C’est un environnement beaucoup plus résilient. C’était le but recherché, d’avoir des sols sur lesquels on peut se fier, pour que lors de saisons moins favorables, on puisse compter quand même sur une production correcte pour cultiver et assurer nos revenus.» Des légumes, des plantes… et du sel! Dès les premières années, l’idée de créer un sel aux plantes allait germer dans l’esprit des deux jardinières. Une inspiration née du goût pour… les tomates! Sachant très bien qu’elles ne vendraient

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pas les fruits de leurs récoltes dans les grandes surfaces, elles ont tout misé sur leur kiosque où s’arrêtent les visiteurs occasionnels et leurs clients réguliers. Il fallait leur offrir, en quelque sorte, un goût de revenez-y. «Les gens viennent acheter des tomates, elles sont bonnes, oui, mais on leur ajoute un petit quelque chose et c’est encore mieux.» C’est ainsi qu’est né, en 2000, ce fameux sel du Pèlerin qu’on retrouve dans plusieurs épiceries partout au Québec. Se sont ajoutés par la suite le Mégapicsel, plus épicé avec divers piments, et le Chante-sel, concocté avec des champignons forestiers. Ces produits, en plus d’offrir une valeur ajoutée à leurs légumes, permettent donc de faire rayonner leur travail aux quatre coins de la province, mais aussi de garder l’entreprise active tout au long de l’année. Avec le temps, elles ont développé une réelle expertise pour conserver des herbes et des plantes, par séchage et congélation, ce qui leur permet d’assurer une production et une distribution pendant les mois d’hiver. Une nécessaire symbiose

«Quand on a commencé ici, on se connaissait suffisamment pour savoir qu’on était capables de travailler ensemble! Parce que ça a quand même une grande importance, la complicité, sur le plan du travail. Les enjeux sont quotidiens et annuels, c’est tout le temps, il n’y a jamais rien d’assuré dans ce qu’on fait. Ça donne une sorte d’inquiétude et d’insécurité permanente à propos des lendemains. Pour vivre ça tout le temps, il faut avoir une assez bonne capacité à se renouveler aussi régulièrement, et à compter l’une sur l’autre.» Cette nécessaire symbiose va au-delà de la stricte relation de couple. C’est aussi avec les paysans de la région, artisans et collègues du voisinage qu’elles doivent entrer en relation. Chacun dépend un peu de l’autre. «On arrive à en vivre parce qu’on cuisine beaucoup!» confie Andrée en rigolant et en racontant qu’avec de bons congélateurs, elles peuvent faire quelques provisions, en se procurant par exemple des poulets

à Saint-Onésime, à la ferme Les Poulets de grain du Kamouraska. Des liens nécessaires qui doivent aussi faire le pont avec le futur, car si elles sont bien enracinées dans leurs jardins, Anne et Andrée pensent aussi à l’avenir. Tout ce travail qu’elles ont accompli, elles souhaitent qu’il puisse bénéficier aux prochaines générations. «Ça fait assurément partie de nos plans de trouver une relève, mais on parle d’une relève pour une entreprise. On ne parle pas de vendre la terre pour faire autre chose. On parle vraiment d’une relève qui souhaitera prolonger ce que nous faisons, aller plus loin encore… Une relève ou des relèves, car ici, c’est une terre de soixante hectares et on en occupe quatre. Il y aurait sans doute d’autres beaux projets qui pourraient se greffer à tout ça. Même nous autres, on aurait bien des idées!» À ces mots, on comprend que l’histoire d’amour est loin d’être terminée et que la route des Pèlerins laisse deviner encore de belles aventures et de nouveaux paysages. Jardin des Pèlerins Bas-Saint-Laurent 190, route 132 Est Saint-André-de-Kamouraska 418 493-1063 jardindespelerins.com

photo Simon Jodoin

Trente ans après leur rencontre, les deux amoureuses sont parvenues à apprivoiser leur terre, en agençant tous les éléments

qui jouent un rôle essentiel à la production biologique. Tout est relié, en quelque sorte, même la symbiose humaine qui assure une certaine stabilité. L’histoire de leurs jardins, c’est sans aucun doute, aussi, une histoire d’amour.

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photo Simon Jodoin


( terroir ) Brûlerie de l’Est Saint-Pascal mots Simon Jodoin photos Julie Houde-Audet

La marque et le territoire On ne fait pas pousser de café au Québec, mais on en boit. Et du bon! Aucun doute, au cours des dernières années, nous sommes de plus en plus nombreux à ne plus nous contenter d’une boisson chaude ordinaire. Avec la Brûlerie de l’Est et ses nouveaux mélanges signés Brûlerie du Kamouraska, Jean-Pierre Tirman a bien l’intention de mettre de la saveur dans vos tasses… et de vous donner le goût de venir visiter sa région!

V

oilà un type qui, tout en étant bien enraciné dans sa région, ne cesse d’être en mouvement. Jean-Pierre Tirman, 41 ans, pourrait être qualifié d’entrepreneur en série. À 15 ans, son choix de carrière était fait, il voulait se lancer en affaires. Ses deux parents, professeurs au cégep, caressaient cependant le rêve de le voir devenir lui aussi enseignant. C’est en tentant de suivre cette voie que, jeune adulte, il quittait La Pocatière pour aller étudier les mathématiques à l’Université de Sherbrooke. Il a appris à compter, mais le goût de l’aventure continuait de le titiller quotidiennement. Dès qu’il voyait une entreprise à vendre, un restaurant, n’importe quoi, il sortait sa calculatrice pour élaborer un plan d’affaires. «Ça m’obsédait, c’était incroyable. Je n’avais pas encore fini mon bac et j’ouvrais un salon de thé et restaurant 100% végétarien et 100% bio à North Hatley. C’était un des premiers commerces du genre au Québec. C’était ouvert juste l’été, avec une clientèle touristique.»

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C’était en 2001. Cette première aventure allait durer deux ans. Assez longtemps pour le convaincre qu’il venait de suivre les premières leçons les plus utiles de sa vie. De retour dans le Bas-SaintLaurent, ayant obtenu un contrat de remplacement en enseignement, son obsession n’allait pas s’apaiser. L’été suivant, le Café du Clocher à Kamouraska était mis à vente. Une bonne occasion qu’il devait saisir. À 26 ans, il en devenait le propriétaire. Ce café, il l’a exploité pendant 15 ans, jusqu’à ce qu’il le vende il y a quelques semaines, au début de 2019. Les habitués du coin connaissent bien cet endroit, fort joli, à deux pas de la Boulangerie Niemand. C’est un peu le centreville de la région, là où, pendant la belle saison, les touristes et les gens du patelin aiment s’arrêter. De quoi garder occupé le jeune entrepreneur qui, en même temps, a continué d’enseigner à temps partiel dans les écoles de la région. Il ne le savait pas à l’époque, mais cette première incursion dans le

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monde du café devait marquer le début de toute une aventure. Le mathématicien-restaurateur allait carrément devenir propriétaire d’une brûlerie régionale. «Quand j’ai ouvert le Café du Clocher, mon premier réflexe a été de m’approvisionner en café d’une brûlerie locale qui était la Brûlerie de l’Est, une entreprise qui existe depuis 2002. Daniel, le fondateur, me vendait du café et je me suis lié d’amitié avec lui. Je lui donnais des idées, j’imaginais des projets d’entreprise et il m’a offert de devenir copropriétaire. J’ai donc racheté la moitié de l’entreprise il y a une dizaine d’années pour ensuite l’acquérir au complet.» C’est ainsi que Jean-Pierre Tilman s’est retrouvé à la tête d’une entreprise qui fournit du café à divers commerces de la région, bistros, restaurants et épiceries. Fin de l’histoire? Non… le début plutôt. Au bout du fil, alors qu’il me raconte ses aventures, il continue de brasser des affaires. Il doit passer chez le notaire d’ici quelques jours,

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«L’objectif de la Brûlerie du Kamouraska, c’est de valoriser mes clients qui sont dans le Kamouraska.»


il vient d’acheter le Gîte Maison Chapleau sur la rue Taché à SaintPascal, une ancienne demeure victorienne construite à la fin du 19e siècle, question d’y implanter le siège social de la brûlerie. C’est qu’il ne manque pas de projets. Il vient de créer une nouvelle marque de commerce, la Brûlerie du Kamouraska, afin de mettre en marché des mélanges mettant en vedette des commerces de la région.

des-Monts jusqu’à Québec. En plus du café, il continue aussi de commercialiser des thés importés sous la marque Liberthé, une autre idée issue de ses premières aventures à North Hatley et qu’il conserve dans sa collection. Avec ses nouveaux projets, il compte bien faire rayonner le Kamouraska aux quatre coins de la province. Chose certaine, à l’écouter parler, il ne semble pas manquer d’imagination ni d’ambition.

«L’objectif de la Brûlerie du Kamouraska, c’est de valoriser mes clients qui sont dans le Kamouraska. Certains restaurants et épiceries auront un mélange spécifique à eux, comme le mélange du Jardin du bedeau, le mélange de la Pizzéria St-Louis à La Pocatière ou encore le mélange Pub St-Pascal. Je vais pouvoir commercialiser ces mélanges par le biais des Saveurs du Bas-Saint-Laurent, dans des épiceries à travers le Québec. Autrement dit, en faisant la promotion de ces produits, nous allons aussi faire la promotion des commerces de la région.»

On pourrait discuter encore de longues minutes. «Je ne t’ai pas encore tout raconté!» qu’il me dit, en laissant présager que bien d’autres projets tournent dans sa tête. Il est aussi copropriétaire du Labo, solution brassicole, une nouvelle entreprise en démarrage qui fabrique des levures pour les microbrasseries. «Je suis là-dedans depuis un an et demi. Ça fait partie de mon parcours d’entrepreneur. Après 15 ans d’expérience au Kamouraska, je peux accompagner ceux qui commencent. C’est le fun. On peut faire de l’argent, mais c’est important de le réinvestir pour donner un coup de main aux autres.»

L’idée de cette nouvelle marque est donc de proposer un produit phare afin de démontrer que les entreprises régionales peuvent faire du marketing avec leur emballage. On ne vend plus simplement du café, on met aussi en valeur une région, on fait connaître des lieux, des commerces, des artisans. C’est faire d’une pierre, deux coups. En créant des emballages et des étiquettes, ça ne coûte pas plus cher de faire en même temps du marketing territorial et de donner le goût aux gens de venir visiter ou habiter le Bas-Saint-Laurent. Pour l’heure, avec sa brûlerie, Jean-Pierre Tilman a su développer sa clientèle de Sainte-Anne-

On aura sans doute l’occasion d’en reparler. En attendant, une question, toutefois, demeure en suspens. Jean-Pierre n’a pas suivi le chemin tout tracé de la carrière d’enseignant qui se dessinait devant lui, mais ses parents sont-ils quand même fiers de lui? «Je n’en ai aucun doute!» qu’il répond en riant. Brûlerie de l’Est Bas-Saint-Laurent Saint-Pascal bruleriedelest.wix.com/accueil

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Kamouraska et l’Ile aux Corneilles  photo Julie Houde-Audet

Route des monts Notre-Dame 3, rue des Érables, Esprit-Saint

Inaugurée en 2016, la troisième route touristique du Bas-SaintLaurent et la 17e au Québec s’étend sur 163 kilomètres. De Sainte-Lucesur-Mer à Dégelis, ce sont des

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paysages alternant entre la mer et la terre qui défilent sous nos yeux: lacs et rivières côtoient les forêts, les champs et les pâturages. C’est aussi une page ouverte sur une partie de l’histoire du Québec. Par exemple, les monts Notre-Dame forment une chaîne de montagnes vieilles de plus de 200 millions d’années qui «abrite la célèbre

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voie navigable utilisée par les Amérindiens pour circuler entre les fleuves Saint-Laurent et SaintJean». Sur la route, on croise deux réserves fauniques, deux ZEC, le Parc national du LacTémiscouata, le Canyon des Portes de l’Enfer, le Parc du Mont-Comi et le Domaine Valga, un parc d’hébertisme.

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La ferme 40 Arpents

Mars elle danse

Côté Est

49, 4e Rang Ouest, Saint-Onésime-d’Ixworth

26, rue Pelletier, Trois-Pistoles

76, avenue Morel, Kamouraska

Dans un objectif d’autosuffisance, Patrick et Isabelle produisent depuis longtemps la nourriture pour leur famille. En 2017, ils décident de partager leurs produits en mettant sur pied une boutique. Dans un désir de proximité, ils veulent également partager leurs valeurs écologiques. Dans cette ferme de Kamouraska, on trouve une petite érablière exploitée de manière traditionnelle, un élevage de porcs rustiques, quelques volailles et de grands jardins. Ils offrent même des brunchs à la ferme durant la période des sucres. En boutique, on trouve aussi des produits de producteurs voisins comme du miel non pasteurisé d’Abeilles et Filles ou du miel aromatisé et du déodorant naturel de la ferme apicole Mosaïque.

La danse contemporaine en région continue de s’affirmer avec des compagnies comme celle-là. Fondée par la chorégraphe et enseignante Soraïda Caron, qui en fait son laboratoire de recherche, Mars elle danse développe une démarche artistique autour de l’être humain, les expressions du corps et les états d’âme. L’artiste avoue s’intéresser à la dualité entre l’être et le paraître, et les allées et venues entre ces deux conditions. La compagnie compte cinq créations à son actif dont la plus récente, Belles bêtes, qui est encore en évolution. En août, l’événement «Marathon de la création», mis sur pied par la chorégraphe, offrira à des professionnels de la région une résidence dont le résultat sera présenté sous forme de rallye.

Quelle belle découverte! Côté Est est installé dans un ancien presbytère classé monument historique qui donne sur le fleuve, qu’on admire depuis la salle ou sur la belle terrasse en hauteur. Le menu propose une vraie cuisine de terroir qui met en valeur des produits de la région. Servi en entrée, le raviolo farci au chevreau et aux épinards de mer est un délice, raffiné et goûteux. Du côté des plats, la longe de phoque (certifiée Fourchette bleue), avec son chimichurri d’algues du fleuve, vaut vraiment le détour. Le personnel est de bon conseil, et sait être très sympathique sans jamais s’imposer. On se laisse guider par la sommelière dans la belle carte des vins.

MAGNIFIQUE MAISON DE CAMPAGNE face aux Îles du Bic Idéale pour 6 à 8 personnes

À LOUER au BIC POUR INFORMATIONS evegaron@gmail.com 418-997-9898

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Boulangerie Citron confit  photo Julie Houde-Audet

Boulangerie Citron confit 2356, route 132 Est, Rimouski

Cette boulangerie-pâtisserie artisanale rimouskoise, qui a aussi des points de vente à Montréal et à Québec, offre des produits exempts des principaux allergènes. Créée par Gabrielle Dion, ancienne avocate qui a tout abandonné pour devenir boulangère, l’entreprise a comme mission de démarginaliser les personnes qui vivent avec différentes intolérances. La propriétaire souffre elle-même de plusieurs allergies et un changement de rythme de vie a permis à Citron confit de voir le jour au Bic. Bien qu’ils commencent à

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être de plus en plus présents, les commerces de ce type restent rares, surtout en région. Les ingrédients sont biologiques et les ressources locales sont mises en valeur. Citron confit connaît un essor qui nourrit un désir d’expansion. Bientôt, le Québec ne sera pas le seul à succomber à leurs petits plaisirs.

Le Caveau des Trois-Pistoles 21, rue Pelletier, Trois-Pistoles

C’est la première microbrasserie de l’endroit qui a ouvert ses portes en 2017, procurant par la même occasion à Trois-Pistoles une place

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toute méritée sur la route des bières. Anciennement connu comme le Caveau-Théâtre, le lieu fait partie d’une structure culturelle qui connaît présentement un grand renouveau. Nicolas Falcimaigne, qui a repris le flambeau des Éditions Trois-Pistoles, est copropriétaire du Caveau. On y développe des bières d’inspiration aux histoires uniques. Comme L’Aurore aux doigts roses, une bière légère et fruitée, dont la recette se veut un hommage à la poésie de Victor-Lévy Beaulieu. Ou La Guerre des trois clochers, bière noire qui plonge «dans les sombres heures de l’histoire des Trois-Pistoles, à l’époque où il existait trois églises».


Cantonsde-l’Est 38 42 48 52

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Ferme du Coq à l’âne de Bury Savonnerie des Diligences Beat & Betterave Sur la route



( terroir ) Ferme du Coq à l’âne de Bury Bury mots Julie Verreault

Du Coq à l’âne, en passant par Bury Un jour locataires urbains, le lendemain propriétaires d’une ferme agrobiologique dans les Cantons-de-l’Est. La passion et le savoir-faire de ce jeune couple de maraîchers se goûtent dans les magnifiques choux romanesco et les courges sucrées qui garnissent leurs paniers de légumes, livrés à Montréal et Sherbrooke depuis bientôt cinq ans.

E

n plein mois de février, un bouquet d’épinards fraîchement sorti de la serre m’accueille à la Ferme du Coq à l’âne de Bury. «Les feuilles étaient trop petites pour être cueillies à l’automne. On couvre les plants, mais ça arrive qu’ils gèlent. Ça donne un épinard qui pousse lentement, mais qui est extraordinairement sucré», m’explique Marilyn Ouellet, copropriétaire de cette petite ferme agrobiologique du Haut-SaintFrançois, en Estrie. Nichée à proximité du village de Bury dans les Cantons-de-l’Est, la Ferme du Coq à l’âne pratique l’agriculture soutenue par la communauté au sein du réseau des fermiers de famille d’Équiterre. Ses clients s’inscrivent et s’engagent à payer d’avance pour recevoir un panier de légumes certifiés biologiques, et ce, de juin à décembre. Marilyn et son conjoint, Frédéric Verville, ont acquis cette ferme en 2015. «On a acheté la ferme avec ma sœur et le frère de Frédéric, précise Marilyn. C’était surtout leur rêve, mais j’ai embarqué. J’aime les nouveaux projets, ça ne me fait pas peur.»

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Lorsqu’ils en prennent possession, la Ferme du Coq à l’âne est déjà en fonction et compte sur plus d’une centaine de clients inscrits à ses paniers de légumes. Ils ont donc tout à apprendre, mais les installations sont fonctionnelles et une base de revenus est assurée. Originaire d’Abitibi, fils d’un médecin et d’une entrepreneure, Frédéric terminait une maîtrise en agronomie. Quant à Marilyn, après des études féministes, elle ne se destinait pas à la vie sur une ferme, mais ses valeurs écologiques et sociales l’y prédisposaient. «J’ai trouvé un emploi dans un centre de femmes, à 15 minutes de Bury. Mes journées de congé de même que mes vacances sont dédiées à la ferme.» La première année, 2,4 hectares de terre ont été cultivés. Pour Frédéric, c’était beaucoup trop: «On s’est éparpillés, il y avait trop de superficie pour la main-d’œuvre disponible. Au mois d’août, on ne voyait plus les choux, ensevelis sous les mauvaises herbes, et les légumes étaient petits. Si c’était à refaire, j’irais travailler un an sur une ferme avant de me lancer, question de tirer profit de l’expérience d’un autre agriculteur et d’éviter bien des erreurs de débutant.»

Faute de posséder cette expérience, notre couple de jeunes entrepreneurs a su se créer un réseau. «J’ai appris le maraîchage grâce au Réseau des joyeux maraîchers écologiques, ajoute-t-il. On peut échanger avec d’autres maraîchers par courriel, et faire des recherches dans une base de données. On profite de l’expérience des autres, ça nous évite des erreurs qui pourraient être douloureuses pour notre entreprise.» Avec d’autres fermes de leur voisinage et d’ailleurs en province, ils ont mis sur pied la Coopérative pour l’agriculture de proximité écologique, un regroupement leur permettant d’effectuer des achats collectifs, mais également de s’entraider en partageant leur expertise et leur temps. «On a aussi des cultures complémentaires, précise Marilyn. Frédéric déteste cultiver les poireaux, c’est trop d’ouvrage! Mais notre voisine aime ça, alors ses poireaux viennent bonifier nos paniers, et de notre côté, on comble également les besoins d’autres fermes.» Depuis deux ans, le jeune couple est seul propriétaire de la ferme. Alors que lui s’occupe des cultures

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et des employées saisonnières, elle prend en charge la comptabilité, les inscriptions et les communications avec les clients. Cependant, les deux tiennent à effectuer la livraison des paniers: «Rencontrer mes clients, c’est ce qui donne du sens à mon travail et me permet de garder un équilibre, mentionne Frédéric. Les gens me font une rétroaction sur mes légumes, et moi, je peux parler de la culture, de nos bons coups ou de nos difficultés.» Pour Marilyn aussi, les exigences du travail maraîcher sont compensées par le contact avec les clients: «Je reçois des photos d’enfants qui mangent nos betteraves et nos topinambours avec le sourire! Quand je passe des heures dans ma serre, je garde ça en tête. Et je suis convaincue que, plus tard, ces jeunes-là vont faire des choix plus écologiques et sociaux parce qu’ils auront connu les gens derrière la production», ajoute-t-elle fièrement. En saison, Marilyn et Frédéric comptent sur deux employées à temps plein pour les épauler. De plus, leur ferme fait partie du réseau mondial Workaway et accueille des voyageurs prêts à effectuer du travail bénévole sur la ferme en échange du logement et des repas. Ils en logent jusqu’à

deux ou trois par saison. «C’est comme si on voyageait, mais en restant chez nous. On découvre des cultures, des langues et toutes sortes de mets, puisqu’on cuisine en alternance.» Avec 225 paniers livrés toutes les deux semaines, à Montréal, Sherbrooke et dans les villages voisins, Marilyn et Frédéric considèrent avoir atteint l’équilibre. Même si leur terre fait 43 hectares, le jeune couple de fermiers de 34 ans n’en cultive maintenant que 1,3 hectare. «C’est suffisant pour assurer le fonctionnement de la ferme, je ne vise pas la croissance, mais plutôt à éviter le gaspillage et avoir un peu de temps libre», précise Frédéric. Ce souci du développement durable et du partage avec la communauté a d’ailleurs mené Marilyn à communiquer avec l’organisme Moisson Haut-Saint-François. À partir de l’été 2019, les clients de la ferme seront invités à faire un don qui servira à offrir des paniers de légumes biologiques frais pour les familles ayant recours à l’aide alimentaire. Et pour l’avenir, ils ont de nombreux projets en tête. Dès leur arrivée, Frédéric a en effet mis en terre des

arbres fruitiers, des arbres à noix et plusieurs plants de petits fruits. D’ici quelques années, bleuets, camerises et pommes s’ajouteront aux paniers de légumes de la ferme. «Une partie de notre terre pourrait également être louée à des jeunes qui désirent démarrer leur propre ferme maraîchère ou d’élevage», conclut le jeune couple, jamais à court d’idées. Aux visiteurs attirés par la beauté des Cantons-de-l’Est, Marilyn recommande un passage par Bury au mois d’août: «Nous faisons partie de la réserve de ciel étoilé. Au bout de notre terre, on aperçoit le mont Mégantic et son observatoire. Vous passez un avant-midi à la ferme, vous croquez quelques légumes en nous aidant à récolter, ensuite, un passage à la brasserie 11 comtés à Cookshire pour une bière locale, un crochet à l’auberge La Ruée vers Gould pour vous régaler et, pour finir la soirée, observation des perséides au mont Mégantic!» Avis aux intéressés… Ferme du Coq à l’âne de Bury Cantons-de-l’Est 931, chemin de Hardwood Flat Bury 819 349-3041 coqalanedebury.com

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Illustrations Éric Chouteau, Studio Sans Cravate


( pignon sur rue ) Savonnerie des Diligences Austin mots Stéphanie Chicoine

Provoquer le changement Ce qui a débuté par un rêve bucolique d’expatriés montréalais s’est métamorphosé en une aventure florissante gérée de main de maître par la fondatrice Marie-Ève Lejour. Voici donc l’histoire de la Savonnerie des Diligences, une entreprise spécialisée dans la confection de produits écoresponsables dont l’ingrédient de base est, sans l’ombre d’un doute, l’authenticité.

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ous sommes en 2005. Marie-Ève, intolérante aux produits corporels commerciaux, tente de trouver des produits de remplacement. Nous sommes à des années-lumière de l’immense variété de produits présente dans les boutiques spécialisées et en ligne. Passionnés par l’aromathérapie, l’herboristerie et la cuisine, Marie-Ève et son ancien partenaire Sébastien Boismenu conçoivent des produits sans parfum ni artifice, avec son lot d’essais et d’erreurs. Ils sont tombés en amour avec le processus de saponification. «Disons que j’ai fait beaucoup de recherches et d’études, nous dit la principale intéressée. Je me suis autoformée avec des livres et j’ai collaboré avec des experts pour des produits plus techniques.» Puis, une rencontre avec un illustrateur déclenche chez MarieÈve une idée de génie, soit celle de démocratiser l’art par l’entremise de produits de consommation. «Les illustrations se retrouvent partout dans ma vie. Contempler le beau, c’est inspirant.» Titulaire d’un baccalauréat en études françaises et amoureuse des mots,

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elle développe l’univers de la gamme Les Légendes en 2012, en partenariat avec Éric Chouteau du studio Sans Cravate: les savons sont désormais bonifiés d’une légende qui campe une atmosphère, dévoile une intrigue. Les ingrédients et les odeurs viennent harmonieusement s’arrimer aux histoires derrière les personnages tels que Madame Blancheville (savon détachant à l’huile de coco), Le Rêveur (savon à la tangerine) ou Lady Mellow (savon au bois de rose et à la lavande). Par exemple, la légende du Monstre du lac Orford (savon à la menthe) fut écrite en hommage à ce lac qu’elle chérit depuis si longtemps. «J’avais envie de transférer ma personnalité et celle de l’entreprise dans nos produits», dit-elle avec fierté à propos de la collection phare de la savonnerie. Les histoires des légendes sont offertes sur le site web de la savonnerie. Certaines sont même accompagnées d’un dessin que l’on peut télécharger gratuitement. Ce mariage entre l’illustration et l’écriture a certes porté fruit. «Les gens consultent notre site web pour lire les légendes avant de se procurer les produits en boutique!»

Une équipe chevronnée de 25 employés participe activement au succès de l’entreprise, de la saponification en passant par le service à la clientèle et les opérations. «On travaille dans une shop, mais une shop qui sent bon par contre!», dit l’entrepreneure avec le plus grand des sourires. Aujourd’hui, la gamme de produits de la savonnerie s’est grandement élargie, au gré des besoins d’une clientèle en constante évolution: déodorants, baumes à lèvres, shampooings en barre, huiles essentielles, savons en vrac. Je discute avec Marie-Ève de l’effervescence du mouvement do-it-yourself (DIY) dans les produits corporels, amplement diffusé sur les blogues et tableaux Pinterest. Si certains peuvent voir cet engouement comme une menace, elle accueille le tout à bras ouverts. «Plus les gens sont sensibilisés à la production des produits corporels, plus ils vont apprécier le savoir-faire et la qualité derrière nos produits», avoue l’entrepreneure. La Savonnerie des Diligences s’est d’ailleurs associée avec les blogueuses des sites Les Trappeuses et Chic Frigo Sans Fric pour la fabrication et la mise

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en marché de produits qui font entre autres la promotion du zéro déchet, du locavorisme, du minimalisme et du végétalisme. En 2017, la savonnerie a quitté sa première demeure à Eastman pour élire domicile à Austin, à un jet de pierre du lac Orford et du sentier pédestre Ruisseau-des-Chênes du Parc national du Mont-Orford. Une décision risquée sur le plan financier, mais qui s’est avérée

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judicieuse, car l’entreprise a doublé son chiffre d’affaires et compte maintenant 250 points de vente au Québec. «Déménager a donné de la crédibilité à la marque, à l’entreprise.» Le Refuge, café de montagne a pris forme quelques mois après l’ouverture du nouvel atelierboutique. Situé à l’arrière de l’établissement, Le Refuge agit à la fois comme un repaire et un

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lieu d’échanges pour l’équipe de la savonnerie, et comme une infrastructure d’accueil pour les randonneurs et baigneurs stationnés à proximité. Tout comme pour les savons, Marie-Ève a fait ses devoirs pour plaire autant aux habitués qu’aux touristes de passage. Elle collabore avec des partenaires régionaux et provinciaux afin de servir cafés, pâtisseries et autres plaisirs gourmands qui s’agencent à merveille aux valeurs de l’entreprise.

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Curieux et adeptes du zéro déchet et de la consommation responsable seront choyés d’apprendre que l’entreprise compte également multiplier le nombre d’événements présentés à la boutique: ateliers et conférences pour petits et grands, soirées d’échange de vêtements ainsi que le retour de la Grande Féérie d’Austin, un marché de Noël fort populaire mettant en lumière des artisans québécois et

amis de la savonnerie. Pour mieux desservir sa clientèle, l’entreprise ouvrira bientôt une deuxième ligne de production dans un local tout près de l’atelier-boutique, en plus d’offrir une cure de jouvence à son site web. Au fil du temps, la Savonnerie des Diligences est devenue bien plus qu’un simple atelier de savons artisanaux. Elle s’est transformée,

en quelque sorte, en un lieu de rassemblement pour ceux et celles qui souhaitent changer le monde, un geste à la fois. Savonnerie des Diligences Cantons-de-l’Est 1249, route 112, Austin 450 297-3979 savonneriediligences.ca

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( pignon sur rue ) Beat & Betterave Frelighsburg mots Maryse Boyce photos Simon Jodoin

Côté scène, côté jardin En deux mots bien choisis, le nom de l’entreprise réussit à résumer son essence en évoquant à la fois ses volets nourriture et spectacle, ainsi que son identité francophone dans le très bilingue Brome-Missisquoi dans lequel le Beat & Betterave s’est implanté il y a maintenant quatre ans.

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n entre au Beat un peu comme dans son salon, et le fait que le commerce soit logé dans une maison centenaire et que ses propriétaires Ludovic Bastien et Éloïse Comtois Mainville vivent à l’étage n’est certainement pas étranger à ce sentiment. «Les gens entrent et souvent, ils ont envie d’enlever leurs bottes!», raconte la propriétaire en riant. Elle ajoute du même souffle cette anecdote survenue une semaine avant notre entrevue, où les enfants des agriculteurs – qui s’y réunissent tous les mercredis pour se rencontrer et échanger sur leur réalité commune – se sont lancés dans un projet de construction de cabanes de couvertures en plein milieu du café, cet après-midi-là. C’est dire à quel point le Beat est entré dans les habitudes des Frelighsbourgeois. Certains y viennent pour un café le matin, d’autres pour croquer dans ses délicieuses pizzas maison le midi ou savourer un cocktail le soir, d’autres le visitent une fois par année pour le spectacle de leur enfant ou convergent vers le lieu pour apprécier un des spectacles intimes. «Tout le monde a sa version du Beat dans sa tête», résume Ludovic. Parce qu’il existe avant toute chose pour les gens du village et de la région, le restaurant/café/bistro

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qui plairont à sa clientèle, laissant autant une place au rock bien pesant du Saguenay qu’au folk et à la musique du monde. «Des fois, j’ai carrément des visages dans ma tête quand je booke des spectacles», ce qui ne signifie pas pour autant que le public cible sera restreint: «L’endroit n’est pas étiqueté à une strate et un groupe de personnes: tu peux venir voir un spectacle et il y a autant des gens de 70 ans que des jeunes de 18.»

est ouvert à l’année, même si les touristes y affluent principalement pendant les sept mois les plus cléments dans l’année, faisant vivre les commerces du village d’un peu plus de 1000 âmes. «Dans les missions qu’on s’était données dans les débuts, c’était d’être un lieu communautaire que les gens du coin peuvent s’approprier, constate Ludovic. C’est pour ça qu’on a des longues heures d’ouverture et qu’on reste ouvert l’hiver.» La stratégie semble fonctionner, puisque les marques de confiance et d’amour de la communauté affluent: «On a la chance de pouvoir être accepté, d’accueillir beaucoup de sortes de projets», se réjouit sa partenaire. «C’est un espace vivant!» L’endroit est spacieux et accueillant, et devient parfois rempli à craquer lors des événements et spectacles. Il faut dire que sa programmation est alléchante: Martha Wainwright, Galaxie, Kevin Parent et Grim Skunk s’y sont produits, tout comme le feront prochainement Tire le coyote et Safia Nolin. Ludovic a évolué dans le milieu musical, surtout en tant que musicien rock, et c’est à lui qu’on doit cette programmation riche qui ratisse large. La variété, donc, mais jamais au détriment de la qualité. Grand mélomane, il réfléchit à diversifier sa programmation et à inclure différents styles musicaux

Si la beauté de la route pour se rendre à Frelighsburg et la grande écoute du public expliquent en partie le pouvoir d’attraction qu’exerce le Beat & Betterave sur les artistes, la qualité de l’accueil et de la technique complète l’explication. «La pièce sonne bien, elle est toute en bois et on a vraiment un bon kit de son», affirme Ludovic, ajoutant que les musiciens apprécient aussi la disposition de la salle, où ils sont «vraiment dans le monde». Le lieu n’a donc pas été choisi au hasard. Il fallait que cette belle maison centenaire, située au cœur du village sur la rue Principale, puisse contenir tous les pans de ce projet ambitieux: l’immense jardin à l’arrière permet ainsi de composer les menus avec des ingrédients ultralocaux, récoltés le matin

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même durant la belle saison. Le couple s’épanouit dans la diversité, et c’est dans la combinaison des volets café, restaurant et tenue d’événements que leur entreprise prend tout son sens. Même si cela signifie devoir consacrer une centaine d’heures par semaine chacun à leur projet, étant les deux seuls maîtres à bord. «C’est ce qui permet de faire ce qu’on fait: ça réduit beaucoup le risque, ne pas avoir de payroll. C’est un peu ça la base du modèle.» Cette façon de faire des affaires est plutôt répandue dans la région: «Même les commerces établis depuis 30 ans, ce sont tous des opérateurs-propriétaires, expose Ludovic. Ça fait des business avec de l’âme, parce que tu rentres tout le temps chez quelqu’un.» Comme la région ne possède pas un bassin démographique assez important pour faire vivre de grandes chaînes et que peu d’emplois sont

disponibles, les gens qui choisissent la région pour s’y établir doivent souvent créer leur propre emploi. «C’est ce qui fait qu’il y a une belle synergie entre les commerces, parce que tout le monde sait qu’il faut se tenir. Le monde amène le monde: il y a un beau dialogue entre les gens par rapport à ça.» Bière et betterave Un projet n’attend pas l’autre au Beat & Betterave. Après la venue d’un petit garçon l’année dernière, le couple s’attelle à un nouveau grand projet: la production de bière. L’idée n’est pas d’empiéter sur les activités de Dunham, «un pionnier mondial de la bière créative», ou même de la Sutton Brouërie, «des maîtres brasseurs top», mais d’investir jusqu’au bout l’idée d’autarcie en produisant la majorité des produits vendus sur place. Lorsque je demande à Ludovic s’il compte intégrer la betterave

à l’une de ses bières, son rire résonne comme une confirmation. «Ça, c’est sûr! 100% des personnes à qui j’ai dit que j’allais faire ce projet-là m’ont parlé d’une bière à la betterave, donc je n’aurai pas le choix!» L’offre sera principalement composée de bières tchèques, des brassins qui prennent du temps à produire, mais pour lesquelles le propriétaire a eu un coup de cœur lors de séjours en Europe de l’Est. Et question d’être autonome jusqu’au bout, le houblon pourrait s’ajouter aux nombreuses cultures du grand jardin à l’arrière de la maison. D’ici la fin 2019, il y aura donc une raison supplémentaire de faire la route jusqu’au Beat & Betterave. Beat & Betterave Cantons-de-l’Est 41, rue Principale, Frelighsburg 579 440-8600 beatetbetterave.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Orford Musique

Orford Musique 3165, chemin du Parc, Orford

Niché en plein cœur du Parc national du Mont-Orford, Orford Musique est, avant tout, une académie de musique classique de renom. Cela dit, l’institution porte plusieurs chapeaux. Durant la période estivale, le Festival

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Orford Musique, prestigieux événement de musique classique et jazz d’envergure internationale, attire plus de 25 000 mélomanes. Pendant l’année, l’organisme de bienfaisance poursuit son rôle d’ambassadeur culturel avec une programmation annuelle riche en concerts, en activités culturelles et en expositions

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d’arts visuels. Envie d’un petit creux? Le bistro se démarque avec son menu abordable et ses plats entièrement composés de produits locaux et du terroir. En trame de fond, la sélection musicale du directeur artistique Wonny Song crée un accord mets et musique parfaitement harmonieux.


La Mie bretonne

Moulin à laine d’Ulverton

Route des thés à l’anglaise

511, rue du Sud, Cowansville

210, chemin Porter, Ulverton

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Depuis 10 ans, Jean-Sébastien Béraud, Annie Huard-Langlois et leur équipe passionnée pétrissent, façonnent et cuisent quotidiennement (avec amour!) une trentaine de variétés de pains, et ce, avec des farines biologiques de chez nous. Un conseil d’ami: apportez vos cabas lors de votre passage à La Mie bretonne, car vous craquerez pour moult viennoiseries, pâtisseries, fromages québécois et autres produits d’épicerie fine offerts sur place. Envie de mettre la main à la pâte? Des ateliers et cours de boulangerie sont donnés dans l’arrière-boutique de la boulangerie pour les enfants de 3 à 14 ans ainsi que pour les adultes. Tel un marchand de bonheur, La Mie bretonne parcourt également les divers marchés publics de la région durant l’année pour faire déguster leurs pains divins.

Ce bâtiment, datant de 1840 et classé immeuble patrimonial en 1977, est l’un des secrets les mieux gardés de la région. Petits et grands sont conviés à en apprendre davantage sur le processus de production et de traitement de la laine grâce au dernier moulin à laine au Québec qui, pour l’occasion, reprend vie. Cinq kilomètres de sentiers pédestres, agrémentés d’aires de pique-nique, d’une splendide chute et d’un pont couvert permettent de faire le plein d’air frais et de soleil tout en longeant la rivière Ulverton. On craque aussi pour les moutonspensionnaires qui se feront un plaisir de vous câliner durant votre passage. Avant de partir, un arrêt à la boutique du moulin s’impose pour y trouver des produits dérivés de la laine et autres articles pour la maison et cosmétiques.

Nul besoin d’aller en Angleterre pour vivre la tradition du thé à l’anglaise! Rendez-vous sur le chemin des Cantons pour vous imprégner d’une ambiance champêtre digne des œuvres de Jane Austen ou de la série Downton Abbey. Cette route unique au Québec comprend le Musée Colby-Curtis (Stanstead), le Musée Beaulne (Coaticook), l’Auberge la Chocolatière (North Hatley), le Salon de thé Scott (Scotstown) et le Centre culturel et du patrimoine Uplands (Lennoxville). Au menu: un assortiment de thés bien entendu, mais aussi des pâtisseries, des scones accompagnés de confitures et de crème de style Devonshire sans oublier les classiques sand­ wiches au concombre. So British. Il est fortement recommandé de réserver votre expérience dans la plupart de ces établissements.

La Mie bretonne

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Chez Moi Chez Toi

Chez Moi Chez Toi 475, chemin Bondville, Knowlton

Fréquenté tant par les locaux que les touristes de passage dans la région, le restaurant situé en bordure de la route 215 propose une cuisine indienne tout aussi réconfortante que savoureuse dont plus de 65% des plats sont végétariens, avec diverses options végétaliennes, sans gluten ou sans produits laitiers. Le chef et propriétaire Nicolas Jacques a plus d’un tour dans son sac pour ravir nos papilles gustatives: thalis, poulet au beurre, délices sucrés et menus pour enfants, sans oublier le fameux biryani au canard, concocté avec

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le fameux Canard du Lac-Brome. Une ambiance décontractée et un décor éclectique sans prétention, à mi-chemin entre le boho-chic et le shack à patates, viennent bonifier une expérience déjà complète.

Mont Pinacle 1883, chemin May, Coaticook

La montagne, bien que petite comparativement à ses comparses rocheuses des Cantons (665 mètres d’altitude), mérite assurément d’être connue et explorée. Avec ses 7,8 kilomètres de sentiers accessibles par le Parc Harold F. Baldwin, le mont Pinacle offre,

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par temps clair, des panoramas majestueux où les monts Barnston, Orford, Owl’s Head, Sutton et Brome révèlent leurs plus beaux atouts. Un endroit rêvé pour les familles et les randonneurs à la recherche d’une activité sportive conviviale agrémentée de sentiers peu difficiles. La montagne est l’un des sites les plus convoités pour l’escalade traditionnelle au Québec; les grimpeurs équipés de coinceurs se rendent en grand nombre pour affronter la falaise de 190 mètres qui surplombe le lac Lyster. Pour conclure votre journée en beauté, allez-y d’une rafraîchissante baignade et d’un agréable pique-nique.


Centredu-Québec + ChaudièreAppalaches 56 60 64 68

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Fleuve | Espace danse Fromagerie Île-aux-Grues Brasserie de la Contrée de Bellechasse Sur la route



( culture ) Fleuve | Espace danse Saint-Jean-Port-Joli mots Rose Carine Henriquez photo Jean-Sébastien Veilleux

Les corps dansants du Saint-Laurent La nature inspire le respect à Chantal Caron, qui a choisi d’y faire naître ses créations. C’est à travers la danse qu’elle poursuit cette quête de communion. Pour la chorégraphe, il s’agit d’une offre artistique et d’un choix de vie intrinsèquement liés. Un plongeon dans le vécu et le symbolisme.

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hantal Caron a grandi les deux pieds dans l’eau. Littéralement, car lors des crues du printemps, le fleuve, qui deviendra son compagnon de création, se déversait dans sa cave, avec toute son impétuosité. Native du village fluvial de Saint-Jean-Port-Joli, la chorégraphe a fait des études de danse à Montréal avant de revenir chez elle et de fonder sa propre école de danse en 1986 pour donner à sa communauté ce qu’elle n’a pas eu, aucune formation de danse n’étant offerte. «Il était très clair dans mon esprit qu’à mon tour, j’allais nourrir les filles de ma région.» Elle a 41 ans lorsqu’elle renoue avec la scène comme interprète. Quelques années plus tard, en 2006, elle fonde la compagnie Fleuve | Espace danse. Un espace nourri par son amour de la nature et qui sort la danse contemporaine de ses repères classiques. La création in situ dans les lieux de son enfance est devenue une signature. «Toutes mes histoires, tout mon imaginaire, c’était le fleuve et les roches qui recevaient ça. C’est venu nourrir mon langage et ça le nourrit encore.»

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La démarche de la chorégraphe est instinctive, à l’écoute d’une nature dont elle souhaite révéler le sens caché plutôt que de la dompter. Lors de la création de Glace, crevasse et dérive, des morceaux gelés glissaient sur le Saint-Laurent. «La transposition pour l’homme était intéressante et il y avait le parallèle avec notre vie. Les glaces se forment comme une naissance, elles dérivent comme notre passage sur terre, elles fondent et meurent comme tout être vivant.» En reprenant la gestuelle des oiseaux dans Îles des ailes, en se lançant dans une recherche texturale dans Les hommes de vase ou en mettant ses danseurs face à la naissance du jour dans Le souffle de l’aube, la chorégraphe s’enracine et compare cela à quelque chose d’infini. «La nature m’inspire et me guide dans l’essence même de ce qu’elle offre: sa force, sa fragilité, son aridité, sa beauté, sa douceur, ses lumières et ses ombres. Comme une tempête, elle peut être foudroyante et l’instant d’après, tout se termine comme si rien ne s’était passé, c’est fascinant.»

Est également devenu plus conscient avec le temps ce désir de lever un voile sur le territoire, sur ce qui appartient aux habitants de Saint-Jean-Port-Joli et qui leur échappe parfois. C’est le cas pour les berges sur lesquelles a été créé le déambulatoire Le souffle de l’aube, qui reviendra encore à l’été 2019. Peu de gens venaient sur ce bord d’eau où Chantal Caron avait l’impression «d’être témoin de grands secrets et de grandes possibilités»: «C’est comme ça que l’idée est venue de faire un spectacle avant que le soleil ne se lève, pour que les gens puissent ressentir ce que j’ai ressenti. Le but est aussi de leur faire découvrir des lieux. Je mets toujours les gens face à la beauté de ce qu’un lieu m’inspire. J’ai beaucoup de bonheur à faire ça parce que j’ai l’impression de faire ma part.» La première édition du Souffle de l’aube a attiré plus de 300 personnes, venues prendre le temps de respirer ensemble avant de découvrir des interprètes dans le balbutiement du jour, qui relèvent ce défi immense de danser dans le

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froid de l’aurore. «Ce ne sont pas tous les danseurs qui acceptent de venir danser à l’extérieur, parce qu’il y a des risques. Mais c’est comme une authenticité de s’arrêter, prendre le temps de sentir le vent sur sa peau, de respirer les odeurs qui sont là. En studio, on ne peut pas faire ça.» L’appropriation des lieux, l’écriture de nouveaux récits, la force et la puissance tranquille de la nature font partie de l’héritage que Chantal Caron souhaite laisser. «Si les gens, chaque fois qu’ils voient un in situ, surtout en nature, ont cette sensibilité à sentir ce que moi je ressens et ce que je veux partager, ça va être ça l’héritage. La danse, c’est une communion, une façon de vivre, quelque chose qui fait partie de ma vie depuis tellement longtemps. C’est comme un deuxième souffle, ça dépasse le geste.»

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Il s’agit aussi de favoriser l’éclosion culturelle en région, d’y augmenter la diffusion de la danse contemporaine qui est en soi un patrimoine. Une tâche énorme, accompagnée de nombreux défis, selon la récipiendaire de l’Ordre du Canada en 2018. «C’est un constat intéressant à léguer à tous ceux et celles qui croient que tout se passe en ville; c’est maintenant chose du passé. Se révéler comme artiste, femme et maman peut se faire partout. La croyance ne part que d’un cadre façonné par l’esprit, de l’éducation ou des influences, mais lorsqu’on se branche avec l’intime, le vrai, l’authenticité, rien n’est impossible.» Ce legs passe aussi par la filiation. La direction artistique de l’École de danse Chantal Caron relève désormais de sa fille, Éléonar Caron

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St-Pierre, tandis que sa sœur ÉmieLiza s’investit dans la compagnie de sa mère. «Elles ont été des proches témoins de mon parcours. Leur choix est plus qu’inespéré, car la danse continue de vivre et d’être une grande source d’épanouissement pour des milliers de petites filles venant de la région.» La compagnie Fleuve | Espace danse et l’École de danse ancrent la discipline dans ce petit village, ce qui est un tour de force, selon Chantal Caron. Un défi que la chorégraphe relève avec conviction, car elle parvient à rassembler une communauté autour de ses propositions artistiques. Fleuve | Espace danse Chaudière-Appalaches 318-21B, rue Verreault Saint-Jean-Port-Joli 418 598-6985 fleuve-espacedanse.com

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Photos Emie-Liza Caron St-Pierre

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( terroir ) Fromagerie Île-aux-Grues L’Isle-aux-Grues mots Sophie Ginoux photos Daniel R. Leduc

L’île aux fromages Porte-étendard depuis les années 1970 d’une tradition vieille de plusieurs siècles, la Fromagerie Île-aux-Grues représente un vivier économique et créatif majeur au sein de la petite communauté de L’Isle-aux-Grues. Une grande histoire d’amour, de savoir-faire et de transmission à la manière insulaire.

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aniel R. Leduc n’est pas seulement le directeur principal de la Fromagerie Île-aux-Grues. Son île, il l’a tatouée sur le cœur. Il est capable de la raconter, d’en faire ressortir toutes les facettes. Il en connaît chaque habitant, chaque recoin, chaque anecdote. C’est ça, faire corps avec son environnement, à l’image de la fromagerie qui constitue, avec la Société des traversiers, le principal pilier économique de L’Isle-aux-Grues hors de la période touristique estivale.

Pourtant, cette petite étendue de prairies encadrée par le fleuve Saint-Laurent et située au pied des Appalaches a déjà été populeuse. Occupée par des seigneuries à compter du 17e siècle, puis propriété des Augustines, elle était avec sa jumelle l’île aux Oies, avec laquelle elle est reliée par un chemin, réputée pour ses fourrages et considérée comme un des greniers du Québec. Le temps, la modernisation et les contraintes insulaires ont malheureusement fait changer les choses. Si bien que des 850 habitants qui la peuplaient dans les années 1800, il ne reste qu’une centaine d’âmes pour y vivre tout au long de l’année. Et des 14 producteurs laitiers qu’on

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lui connaissait encore en 1977 lorsque la fromagerie a vu le jour, seuls trois sont toujours actifs. Malgré tout, la Fromagerie Île-aux-Grues occupe une place de choix dans le paysage canadien. Elle est même la plus importante fromagerie artisanale du pays avec des produits connus de Vancouver à Terre-Neuve. Une grande fierté pour Daniel et ses collègues, qui ont vu leur île se transformer lentement. «On peut encore s’imaginer les fermiers qui montaient de gros bidons en métal de lait et les meules de fromage qu’ils avaient produites sur des charrettes, puis qui les transféraient sur des canots ou des barges pour les transporter sur le continent, où ils étaient vendus», raconte-t-il, images d’archives à l’appui. Le fromage Le Canotier de l’Isle rend d’ailleurs hommage à ces traversées épiques qui ont été l’apanage de plusieurs générations d’insulaires. Un héritage préservé Ce produit n’est pas le seul témoignage concret que la fromagerie rend à ses racines. En fait, on produit toujours à l’ancienne la gamme de cheddars vieillis de la maison. «Le mélange

se fait dans le même bassin de production qu’avant, nous n’intégrons aucun additif à notre recette, et la coupe comme le moulage sont réalisés à la main. Alors oui, nos fromages cheddar sont moins homogènes que ceux que l’on trouve dans l’industrie, mais leur goût est nettement meilleur», explique Daniel. Il faut également saluer le fait que malgré les contraintes inhérentes à une production insulaire, du fourrage utilisé pour nourrir les vaches au lait que ces dernières produisent, en passant par la transformation et l’emballage, tout provient et se fait sur l’île. La moitié de la vingtaine d’employés de la fromagerie qui vivent sur le continent en savent quelque chose, puisqu’ils disposent d’un logement d’appoint sur place ou font le trajet quotidiennement. La grande force de la Fromagerie Île-aux-Grues réside justement dans sa vision insulaire. «Nous avons la chance de disposer de prairies naturelles propices à l’agriculture, et nous sommes entourés d’une eau saumâtre et bénéficions de beaucoup de vent. Ça donne une typicité particulière à nos fromages qui fait notre marque de fabrique», explique Daniel.

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C’est pour ça que sur les 275 000 kilos de fromage produits annuellement à la fromagerie, une part de plus en plus importante est constituée de fromages fins. Un positionnement volontaire de l’entreprise pour assurer sa pérennité au sein d’un marché où il faut se distinguer. «Nous souhaitons toucher une clientèle de niche qui apprécie les fromages fins importés. Nous investissons dans l’avenir», précise le directeur, qui a ajouté à l’automne 2018 six fromages affinés aux quatre qui existaient. Mi-Carême, Riopelle, Tomme de Grosse-Île, Canotier: autant de noms qui évoquaient déjà pour les amateurs de fromages à pâte molle et croûte fleurie comme de pâte ferme à croûte lavée un vrai délice. Alors on imagine aisément comment les nouveaux fromages de la gamme ont été accueillis par les gourmands. L’onctueux et persillé Bécart, le fondant et beurré Curé Quertier, le cendré

« Nous formons nos nouveaux employés, nous les logeons à prix modique, nous les aidons dans toutes les sphères de leur vie. Je vous le dis, si vous venez ici, vous ne voudrez plus en partir! »

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et doux Cheval noir, le ferme et crémé Haut-Marais, le levuré et herbacé Houblonneux ainsi que l’audacieux La Bête-à-Séguin, que l’on s’arrache depuis son lancement, sont promis à un très bel avenir. Résister au temps Daniel ne le cache pas: la situation n’est pas facile à L’Isle-aux-Grues. Avec une population qui a souvent dépassé l’âge de la retraite, sans école ni services de santé sur place, il n’est pas évident d’attirer des personnes actives. «Nous sommes toujours en mode recrutement, avoue-t-il. Mais nous sommes un peu comme La grande séduction. Nous

formons nos nouveaux employés, nous les logeons à prix modique, nous les aidons dans toutes les sphères de leur vie. Je vous le dis, si vous venez ici, vous ne voudrez plus en partir! Le directeur n’est pas le seul à le penser. Plusieurs artistes comme Jean-Paul Riopelle et Marc Séguin sont tombés amoureux de cette île, de ses habitants et de la vie insulaire. Voilà pourquoi ils n’ont pas hésité à associer leur nom et leur image à deux produits de la fromagerie, qui en constitue le centre nerveux. En retour, la Fromagerie Île-auxGrues accorde elle aussi chaque année une bourse à des artistes.

Inspirante île aux Grues… À défaut de vous y installer, vous tomberez sous son charme à la belle saison lorsque, après avoir pris le traversier, vous aurez enfourché votre vélo pour en parcourir les chemins et que vous aurez fait un arrêt au kiosque estival de son attachante fromagerie pour y déguster une fondue ou quelques délicieux bouts de fromage. Attention, risque élevé de coup de foudre! Fromagerie Île-aux-Grues Chaudière-Appalaches 210, chemin du Roi L’Isle-aux-Grues 418 248-5842 fromagesileauxgrues.com

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( à boire ) Brasserie de la Contrée de Bellechasse Buckland mots Fanny Bourel photos Arson Images

Des pionniers motivés Créer une microbrasserie en région n’est pas spécialement original en 2019. Mais, il y a six ans, embarquer dans cette aventure dans un petit village niché au pied des montagnes des Appalaches était vraiment audacieux.

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t si on lançait un pubmicrobrasserie? C’est l’idée qui germe dans l’esprit de Gabriel Paquet, en 2012, lorsqu’il participe à une réunion de citoyens visant à trouver des solutions pour revitaliser l’économie de la Contrée en montagnes dans Bellechasse. Situé dans la région de Chaudière-Appalaches, ce territoire rural est confronté à un déclin démographique. Tout de suite, le projet de Gabriel Paquet séduit les habitants. Il faut dire que celui-ci s’y connaît puisqu’il a déjà créé un pub-microbrasserie à Lévis avant de déménager dans la Contrée en montagnes dans Bellechasse. Ce technicien de laboratoire en école secondaire se met alors au travail avec une petite équipe enthousiaste notamment composée d’Anabelle Goupil, une enseignante au secondaire. C’est en se côtoyant comme collègues qu’ils se sont découvert une passion commune pour le brassage maison. Nourrir l’économie et créer du lien social Leur objectif est clair: dynamiser l’économie de la région en brassant des bières aux noms des villages des alentours et en faisant appel à des ingrédients locaux. Dès

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le départ, le choix du modèle coopératif s’impose, car la mission n’est pas seulement économique, elle est également sociale. Leur pub-microbrasserie s’installera dans l’ancienne Caisse Desjardins de Notre-Dame-Auxiliatrice-deBuckland. Cette petite municipalité de 800 âmes présente l’avantage de border la route menant au massif du Sud. Ainsi, l’établissement se donne la chance d’ajouter les amateurs de ski et de randonnée à sa clientèle. Jouxtant l’église, le pub a été pensé comme un lieu propice aux rassemblements, aux fêtes. «On a voulu en faire quelque chose de beau, qui rendrait fiers les gens et qui leur donnerait le goût de se regrouper, un endroit qui serait comme un nouveau perron d’église, dit Anabelle Goupil, la directrice générale. Les gens ne vont plus à la messe, alors les villages manquent de lieux où se rassembler.» La bonne idée des bucks personnalisés Au printemps 2013 se déroule l’assemblée générale de création de la coopérative exploitant la microbrasserie et le pub. Elle compte 150 membres, soit 50 de plus que la cible initiale. «Les gens avaient la possibilité d’acheter

un buck de bière à leur nom dans lequel serait versée leur bière lors de leurs futures visites au pub», raconte-t-elle. Pari réussi, car 110 personnes se procurent leur buck personnalisé. En tout, la coopérative se lance en affaires avec 40 000 dollars de capital social, auquel s’ajoute du financement venant notamment du Réseau d’investissement social du Québec et de la SADC locale. «Il fallait convaincre les bailleurs de fonds de croire en notre projet alors que la vague des microbrasseries n’avait pas encore touché les régions», se souvient Anabelle Goupil. Place aux bières de soif Le Pub de la Contrée accueille ses premiers clients en novembre 2013. Convertir les gens à la bière de microbrasserie représente un défi. Pour y parvenir, Gabriel Paquet, le maître brasseur, s’inspire des bières de tradition allemande ou encore belge. À la carte, donc, pas de bières exotiques, comme des bières à l’ananas ou à l’hibiscus, très tendance en ville. «Les gens d’ici étant habitués à boire de la bière commerciale, on a voulu proposer des bières de soif classiques, des bières équilibrées», souligne l’ancienne enseignante devenue brasseuse à temps plein.

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Les bières de la Microbrasserie Bellechasse ayant été vite adoptées, des bières moins connues sont venues diversifier le menu brassicole. Par exemple, la Sahti de la Contrée est une bière d’origine finlandaise qui est notamment brassée avec du seigle et fermentée avec une levure à pain. Quant à la Gratzerbier de Saint-Camille, «cette bière de style polonais se distingue par sa faible teneur en alcool et son léger goût fumé», dit-elle. Résultat: la gamme de 7 recettes du début s’est élargie pour atteindre aujourd’hui 30 créations houblonnées, qui portent toutes le nom d’un village environnant. Le souci de l’approvisionnement local Côté menu, le plan de match met, dès le départ, l’accent sur la valorisation des produits locaux. D’ailleurs, la coopérative s’est lancée avec cinq membres agriculteurs. Porc bio, légumes cultivés localement et tomme de chèvre affinée à Buckland se retrouvent donc à la carte du pub, qui mise sur la simplicité dans un premier temps. Par la suite, elle s’enrichit de pizzas pour répondre aux attentes des clients. «Comme la cuisine était petite et qu’on n’avait pas de chef dans l’équipe, on avait fait le choix de la simplicité, mais il a fallu s’ajuster, car la demande était là pour des plats plus importants», précise Anabelle Goupil. Désormais, une chef locale s’occupe de la création des menus.

De la bière au… café L’énergie investie par la petite équipe de la coopérative et l’attention accordée à la qualité ont porté leurs fruits. Les résidents comme les touristes sont au rendezvous, la production de bière est passée de 350 à 1000 hectolitres par semaine. Environ la moitié des clients viennent de l’extérieur de la région de Bellechasse. Et la bière brassée au pied des montagnes est distribuée dans une cinquantaine de points de vente au Québec. Pour soutenir sa croissance et se faire connaître d’un public plus large, la Brasserie de la Contrée de Bellechasse a décidé d’ajouter une autre corde à son arc en 2014: la torréfaction de café. La Brûlerie de Bellechasse produit entre 30 et 45 kilos de café par semaine. «Le fait que les gens voient notre nom sur les paquets de café en faisant leur épicerie nous donne de la visibilité», explique la directrice générale.

Comme les autres restaurants en région, le Pub de la Contrée fait face à une pénurie de personnel. Elle puise dans son énergie toujours renouvelée pour assurer malgré tout un bon service à la clientèle. Présentement, l’heure est à la consolidation au pub-microbrasserie, qui emploie 16 personnes, dont trois à temps plein. «On cherche plus à offrir de bons emplois qu’à grossir, affirme-t-elle. Et puis, avec la multiplication des microbrasseries, on tient à continuer à produire de la bière de qualité pour conserver notre place dans le cœur de nos clients.» Brasserie de la Contrée de Bellechasse 2020, rue de l’Église Buckland 418 789-4444

Depuis la reconversion d’une ferme laitière en malterie à une soixantaine de kilomètres de Buckland en 2015, la Microbrasserie Bellechasse n’importe plus ses malts. Idem pour ses houblons qui viennent désormais de Beauce.

A U X Q U AT R E C O I N S D U Q U É B E C , N O U S AV O N S B E S O I N D ’ I M A G I N AT I O N E T D E G E N S I N S P I R É S . D E S J A R D I N S A C C O M PA G N E L E S E N T R E P R E N E U R S Q U I R Ê V E N T D E PA R T I C I P E R A U D É V E L O P P E M E N T L O C A L D E L E U R R É G I O N . V O U S AV E Z U N E I D É E ? N O U S P O U V O N S T R AVA I L L E R AV E C V O U S P O U R L A R É A L I S E R !


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Festivent  photo Marc-Antoine Halle

Festivent 871, avenue Taniata, Lévis

Si vous apercevez des montgolfières flotter dans le ciel de Lévis au début du mois d’août, c’est signe que le Festivent sera bel et bien entamé. Cette grande fête familiale, qui

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s’étend sur six jours, est ancrée dans la communauté lévisienne depuis des années. Manèges, maquillages, jeux, spectacles pour enfants: le festival compte sur une foule d’activités pour les petits et les grands. Côté musique, le Festivent a récemment rajeuni son offre

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musicale en présentant des artistes actuels d’envergure internationale (Vance Joy et Milky Chance sont venus faire un tour lors des éditions précédentes) et des étoiles montantes du rap québécois avec sa scène Off. Du 1er au 5 août prochain, à quelques minutes des ponts.


512, route Marie-Victorin,

Au Vieux Presbytère de Saint-Léon-de-Standon

Saint-Pierre-les-Becquets

99, rue Saint-Pierre, Saint-Léon-de-Standon

Le bleuet, la framboise et la cerise, ça va, on connaît. La griotte, l’argousier, la camerise, la groseille et le cassis, par contre, ne font pas partie de notre panorama culinaire. Bleuets & Cie s’évertue à changer cela. L’entreprise centri­coise, qui se présente comme un centre d’interprétation et de transformation des petits fruits en émergence au Québec, propose l’autocueillette de la mi-juillet à la mi-août, et ce, depuis près de deux décennies. Le site, magnifique, est situé en bordure de la route 132 et tutoie de près le fleuve Saint-Laurent. On en profite pour pique-niquer sur place et se procurer l’un des nombreux produits signés Bleuets & Cie, comme la tarte aux bleuets et à la crème à l’érable, offerte en saison. Miam.

Faites connaissance avec Murielle Brochu et Jacques Gaudreault, les deux charmants personnages responsables de la reconversion de l’ancien presbytère de SaintLéon-de-Standon en couette et café. Avant son achat en 2015, ce bâtiment patrimonial initialement érigé en 1890 abritait des personnes âgées depuis plusieurs décennies. Le couple Brochu-Gaudreault l’a repensé de fond en comble et y a aménagé un gîte moderne de cinq chambres, tout en préservant le cachet extérieur du bâtiment. Résultat: un havre de paix chaleureux et confortable où il fait bon s’échouer. D’autant plus qu’il est situé au creux d’une petite vallée bordée de montagnes. Un tableau qui rappelle la Suisse, disent les gens de la place.

Bleuets & Cie

Le Grand BBQ de Warwick 169, rue Saint-Louis, Warwick

Ce grand rendez-vous pour amateurs de bonne bouffe cuisinée sur le gril revient pour une quatrième année consécutive à la toute fin de l’été, en plein temps des moissons. La programmation du Grand BBQ de Warwick, constituée d’ateliers culinaires et de festins arrosés de bières de microbrasseries régionales, est littéralement alléchante. Le point culminant de la journée consiste en une bataille de chefs cuisiniers amateurs. À l’enjeu: le titre des meilleures côtes levées. Le défi est de taille: les équipes d’artistes du barbecue disposent d’à peine quelques heures pour en mitonner des centaines. Une partie des profits amassés lors de l’événement est remise aux organismes communautaires du coin. De quoi se donner bonne conscience face à toute cette viande.

Le Grand BBQ de Warwick

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Ferme Genest

Ferme Genest 2091, route Marie-Victorin, Lévis

Ce populaire commerce du secteur Saint-Nicolas est devenu, au fil du temps, bien plus qu’un simple kiosque maraîcher. C’est l’endroit tout désigné pour goûter aux joies de l’autocueillette, grappiller dans les champs de fraises, défruiter les pommiers ou même choisir sa citrouille en vue de l’Halloween. Peu importe l’activité, les enfants sont rois au domaine de la famille Genest! Ils adoreront la trampoline géante, les glissades vertigineuses, la fermette peuplée de gentils moutons, de lapins tout doux

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et de poules qui jacassent. N’oubliez pas d’entrer dans le petit magasin pour faire le plein de gelées aux fruits, de vinaigrettes savoureuses, de pâtés préparés avec amour et des fameux cretons de la maison.

Le Café du Bon Dieu 974, route de la Seigneurie, Saint-Roch-des-Aulnaies

«Si vous tendez bien l’oreille, vous allez entendre le prêtre à l’étage...», nous glisse-t-on en amenant nos cafés. Décidément, le Café du Bon Dieu porte bien son nom! Ce sympathique petit

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café de village installé dans l’élégant presbytère patrimonial de Saint-Roch-des-Aulnaies accueille les touristes de passage chaque été, de la mi-juin au début septembre. Bon an, mal an, c’est environ 6000 dévots de la caféine qui dégustent espressos, limonades maison et pâtisseries dans une ambiance conviviale et feutrée, vue sur le fleuve immense et les montagnes de Charlevoix incluse. Depuis 2006, le Café du Bon Dieu a remis 28 000$ à la Fabrique de Saint-Roch, qui réinjecte ensuite ces fonds dans la mise en valeur du patrimoine paroissial.


Charlevoix 72 76 80 84 87

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Ferme des Quatre-Temps Omerto Miellerie du cratère Fromagerie St-Fidèle Sur la route


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( terroir ) Ferme des Quatre-Temps Saint-Siméon mots Charline-Ève Pilon photos Unis TV

Un autre terreau fertile à Port-au-Persil Une ferme écologique qui propose des produits abordables et qui est rentable, ça se peut? Affirmatif, soutient la Ferme des Quatre-Temps. Depuis cinq ans, elle nage à contre-courant du modèle actuel en suggérant une façon créative de cultiver et d’élever. Suivant son premier succès à Hemmingford, cette référence en agriculture fait rebelote à Port-au-Persil dans Charlevoix. Un deuxième laboratoire à ciel ouvert que l’on peut voir briller dans la nouvelle saison de la série télévisée Les fermiers, diffusée sur les ondes d’Unis TV.

À

la différence de la Ferme des Quatre-Temps à Hemmingford, qui s’adonne à une gamme d’activités agricoles sur une terre de 160 acres, ce second projet en version réduite mise principalement sur la production maraîchère et l’élevage d’agneaux sur pâturage.

ce mode de culture holistique qui laisse place aux expérimentations. «On a prouvé dans le passé que d’avoir une ferme où tout est cultivé et élevé de façon très naturelle, dans un système où tout se recoupe et qui crée une boucle, c’est possible», explique-t-elle.

Recensant 130 brebis, huit béliers, une production potentielle de plus de 350 biquets par année ainsi que deux acres en culture de légumes biologiques, la ferme à échelle humaine veut démontrer que l’alimentation durable est loin d’être une lubie. Le terrain, acheté un peu plus tôt, logeait anciennement une ferme à viande avec de grands pâturages, où des sections pour les cultures maraîchères ont été conçues. Bien que le projet ait débuté au printemps passé, ce n’est que cette année que la ferme pourra profiter pleinement d’un cycle complet de production.

Durant l’été par exemple, les agneaux sortent à l’extérieur et se régalent des herbes mises à leur disposition. De là l’idée d’introduire des végétaux de la région, dont la livèche, une espèce vivace indigène de la région de Portau-Persil. «Son goût rappelle celui du céleri et du persil, c’est très bon, note Mme Villemaire. En introduisant cette plante dans le pré, on veut tester à savoir si elle donne un goût intéressant à la viande. C’est une ferme expérimentale après tout!»

Agriculture durable 101 L’agricultrice Mélanie Villemaire, qui est à la barre de cette nouvelle proposition, ne tarit pas d’éloges sur

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Avant de revêtir le chapeau de directrice de production à la ferme de Port-au-Persil, Mme Villemaire a passé plusieurs mois à la Ferme des QuatreTemps d’Hemmingford, sous l’œil bienveillant du jardinier-maraîcher Jean-Martin Fortier. L’instigateur

de la première ferme laboratoire avait été préalablement engagé pour mettre en œuvre la vision de l’homme d’affaires et milliardaire André Desmarais. Ce dernier avait un rêve à la hauteur de ses moyens: la création d’une ferme venant en aide à la communauté agricole grâce à un modèle productif, biologique et exportable. Son souhait s’est exaucé et l’idée d’une deuxième ferme n’a pas été longue à germer. Passer au nord-est Sur papier, la plupart des techniques maraîchères, le choix des cultivars ainsi que le design du jardin et de la pépinière développés à la première ferme se calquaient aisément sur le nouveau terrain. En vrai, certains aléas étaient propres à la région charlevoisienne, à commencer par le climat. Au printemps, dans cette contrée aux airs de nordicité, la neige est toujours bien présente et le sol tarde à se réchauffer. Pour prolonger la saison des cultures, on a adapté la technique ancienne des «couches

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chaudes» pour chauffer les tunnels où logent les légumes. Ainsi, dès le mois de mai, une partie du fumier des moutons accumulé dans la bergerie a été disposée en rangées dans les serres, puis recouverte d’une membrane géotextile afin de créer de la chaleur au niveau du sol. «Cette vieille méthode permet la plantation de légumes trois semaines avant la date prévue, ce qui n’est pas négligeable», précise l’agricultrice. Ce plein d’idées et de techniques inventives, la ferme souhaite le partager avec les autres. Elle accueille chaque année des recrues qui réfléchissent à une approche plus respectueuse de la terre en emboîtant le pas vers une douce révolution alimentaire au Québec. L’embauche de fermiers en herbe et du roulement qui s’en suit n’est donc pas le fruit du hasard, confirme Mme Villemaire. «Quand j’engage, la question principale est: est-ce que vous avez envie de partir votre ferme? On opte pour des personnes qui passent par ici pour ensuite voler de leurs propres ailes.»

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Ménager la chèvre et le chou L’arrivée de la Ferme des Quatre-Temps à Port-au-Persil a bousculé le marché local maraîcher et une légère vague de mécontentement de la part d’agriculteurs déjà bien installés a déferlé. Bien qu’ils soient plusieurs à partager la même philosophie, ils sont parfois loin d’avoir les moyens d’acquérir les mêmes installations, d’autant plus que les subventions sont quasi inexistantes dans ce créneau agricole. Il faut rappeler que l’agriculture biologique est présentement subventionnée à hauteur de 3 millions, alors que celle qui est conventionnelle l’est à 65 millions. Par conséquent, au courant de l’année, la nouvelle ferme de Port-au-Persil a ouvert ses portes et organisé une rencontre avec les maraîchers de Charlevoix pour discuter de divers enjeux de l’agriculture locale et de son rôle. «La ferme sert à expérimenter différentes techniques, divers outils et de multiples cultures,

afin de partager avec les autres producteurs pour ainsi faire augmenter les ventes de tout le monde dans le domaine. Oui, il y a eu un peu de contrariété, se rappelle Mme Villemaire, mais ensuite, lorsqu’on a expliqué nos objectifs, ça a changé la perception des gens. Diversifier l’offre et apporter quelque chose de nouveau ici, ça peut aider.» Au bout du compte, changer les choses petit à petit en montrant un nouveau modèle d’agriculture comme à la Ferme des QuatreTemps incite d’autres à s’en inspirer et à se lancer à leur tour. De quoi réjouir un nombre grandissant de consommateurs avertis et peut-être même persuader les deux paliers de gouvernement que l’alimentation durable n’est pas seulement une fantaisie. Ferme des Quatre-Temps Charlevoix 800, chemin de Port-au-Persil, Saint-Siméon fermequatretemps.com


U N I S T V P R O P O S E D E S É M I S S I O N S T O U R N É E S A U X Q U AT R E C O I N S D U PAY S QUI PRÉSENTENT LES LIEUX ET LES GENS DE CHEZ NOUS. V O Y E Z L’ I N T É G R A L I T É D E L A S É R I E L E S F E R M I E R S S U R U N I S . C A



( à boire ) Omerto Baie-Saint-Paul mots Marie Pâris photos Omerto

Le vigneron des tomates C’est dans Charlevoix et avec des tomates locales que sont produits les vins Omerto, au cépage pas comme les autres. Une idée toute belge.

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u vin, mais sans raisin. Pascal Miche produit en effet ses vins avec les tomates qu’il cultive sur les cinq hectares du Domaine de la Vallée du Bras, en surplomb de la vallée du Saint-Laurent et de l’Isleaux-Coudres. Cet immigré belge s’est installé il y a huit ans dans les coteaux du rang Saint-Antoine Nord, à Baie-Saint-Paul. «L’endroit est très inspirant. J’aime me dire que c’est pour ça que nos tomates sont si goûteuses et si savoureuses, raconte Pascal. À la maison, on nous disait que manger une tomate par jour éloignait le médecin pour toujours…» Si certains vins Omerto sont arrivés à la SAQ il y a près de trois ans, ça fait plus d’une dizaine d’années que cet œnologue de formation, consultant en agroalimentaire et ancien charcutier, travaille sur ses vins de tomate pour parvenir à les commercialiser. Le nerf de la guerre: il a notamment fallu prouver aux autorités agroalimentaires que la tomate était bien… un fruit.

«Mes ancêtres le préparaient dans leurs caves» Cette idée d’utiliser la tomate, c’est en fait celle d’Omer, l’arrièregrand-père de Pascal. En 1938,

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sa récolte de tomates est si importante qu’il décide d’utiliser le surplus pour faire de l’alcool. Il travaille ensuite sa recette jusqu’à la mise au point d’un vin à 15,5% d’alcool. «Il n’y a aucun alcool ajouté. Seules une fermentation à levure et une macération sur plusieurs mois produisent ce résultat, assure Pascal, qui garde jalousement le secret de la recette. Mes ancêtres le préparaient dans leurs caves et le dégustaient entre amis, les jours de fête…» C’est d’ailleurs en hommage à Omer que Pascal a baptisé son entreprise. Un clin d’œil à son ancêtre inventeur, qui montre en même temps qu’il a la ferme intention de garder le silence sur la fameuse recette. Depuis Omer, quatre générations de Miche ont fabriqué ce vin en Belgique, sans pour autant le commercialiser. Jusqu’à Pascal. «Omer a commencé et moi je lui ai promis de continuer. Il a fallu 32 ans de recherche et de développement pour mettre au point l’Omerto. On devient ainsi les premiers à commercialiser un vin haut de gamme fabriqué à partir de la tomate, assure-t-il. Un tel vin est jusqu’à maintenant inexistant sur le marché mondial!»

C’est qu’il fallait avoir l’idée de remplacer le raisin par la tomate… C’est le fruit le plus consommé dans le monde, et pourquoi pas sous forme de vin? Pascal choisit des variétés spécifiquement adaptées au climat de la région, et travaille notamment avec six sortes de tomates ancestrales bios aux fruits hâtifs, résistants, sucrés – le domaine a d’ailleurs la certification Écocert Canada et ses vins sont sans sulfites. Quant à la vinification, il suit le même procédé que pour du vin de raisin, avec chaptalisation et vieillissement en fût. Pas besoin de kilomètres de vignes: Pascal produit 9600 litres de vin avec un hectare de plantations de tomates. Aujourd’hui, Omerto met en vente 60 000 bouteilles chaque année, sous quatre produits différents: un vin sec et un vin moelleux, tous deux en vente à la SAQ, un demi-sec vieilli en barrique d’acacia pendant 24 mois ainsi qu’un moelleux vieilli en barrique de châtaignier et cerisier pendant 24 mois, offerts quant à eux au domaine ou dans ses différents points de vente, de La Malbaie à Montréal en passant par Saint-Anne-de-Beaupré.

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Saveurs de pineau ou de xérès Le Domaine de la Vallée du Bras a reçu lors de ses premières années la palme au Concours québécois en entrepreneuriat, catégorie Création d’entreprise, et une médaille de bronze dans la catégorie «Other fruit varieties» au Finger Lakes International Wine Contest pour l’Omerto moelleux. Même les chefs d’État du G7 ont eu l’occasion de goûter au vin de tomate: lors du sommet organisé dans Charlevoix en juin dernier, Justin Trudeau, Angela Merkel et leurs homologues ont en effet trinqué avec un cocktail

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Omerto Cobbler (vin Omerto, sirop de romarin et concombre frais). Si la plupart des clients s’attendent à une couleur rouge ou rosée, ils découvrent des vins dorés, rappelant un blanc liquoreux. Et le goût? Plutôt étonnant: le moelleux évoque un pineau, tandis que le sec nous ferait presque penser à un xérès. Lors d’un championnat mondial des sommeliers, le spécialiste des harmonies François Chartier avait d’ailleurs proposé en dégustation à l’aveugle des produits Omerto; aucun des candidats perplexes n’avait pu identifier la tomate.

Des vins qui accompagnent relativement bien des plats de poissons ou de viandes, en plus de pouvoir être consommés en vin de dessert ou en lieu de digestif. Et c’est plus original que la traditionnelle bouteille de rouge… Omerto Charlevoix 328, rang Saint-Antoine Nord, Baie-Saint-Paul 418 435-6872 omerto.com


«L’endroit est très inspirant. J’aime me dire que c’est pour ça que nos tomates sont si goûteuses et si savoureuses.» — Pascal Miche


( terroir ) Miellerie du cratère Les Éboulements mots Delphine Jung photos Catherine Bernier & Louis Laliberté

Lune de miel dans le cratère L’image est bucolique et ressemble à une carte postale: entre le massif de Charlevoix et le fleuve, une petite bicoque en bois trône au milieu des prés, comme un phare. Sur son toit, une alvéole et une abeille peintes en jaune. On peut y lire en grosses lettres «Miellerie du cratère». Petite visite.

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e nom, choisi par les propriétaires de l’entreprise Mathieu Gauthier et Daniel Robichaud, n’est pas anodin. Les ruches qui leur permettent de faire leur miel sont installées précisément là où un astéroïde est tombé il y a environ 400 millions d’années dans la région de Charlevoix, forgeant par la même occasion son relief. Avec ce nom, les deux Québécois, qui se sont rencontrés en Alberta, voulaient «mettre en valeur ce patrimoine historique» en plus des richesses qu’offre le territoire. Pourtant, aucun des deux n’avait la vocation d’apiculteur avant de se lancer dans l’aventure. «Mon oncle avait des terres et je me suis demandé comment je pouvais faire pour en vivre en développant une nouvelle production. Finalement, on a choisi les abeilles», explique Mathieu. Pour apprendre à les apprivoiser, il suit des cours d’apiculture au Collège d’Alma et se découvre une affection pour ces insectes. C’est d’ailleurs cette passion qui lui donne le goût de continuer, car il est encore difficile de ne vivre que de l’apiculture. «Si je n’étais pas passionné comme je le suis,

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ça fait longtemps que j’aurais arrêté», explique-t-il. Pourtant, la rencontre avec les insectes ne s’est pas faite dans la douceur. «Lorsque j’ai ouvert ma première ruche, je me suis fait piquer une vingtaine de fois en une minute seulement. C’était une ruche un peu plus agressive que les autres», se souvient-il. Pas de quoi le décourager pour autant: aujourd’hui, Mathieu et son associé Daniel possèdent 161 ruches et autant de reines. Les soins Depuis 2015, il a appris à travailler «en collaboration» avec ses insectes et entretient une véritable relation avec eux. De temps en temps, Daniel lui donne un coup de main. «Il y a un grand respect qui s’est créé de part et d’autre. Il faut être très zen lorsqu’on s’approche d’une ruche, car les abeilles sentent tout de suite dans quel état d’esprit on vient vers elles», explique l’apiculteur. Il a aussi appris à prendre soin de ses petites bêtes, surtout en hiver. De leur survie dépend en effet la cuvée de l’été qui suivra. «On laisse les ruches dehors, mais on les empile sur des palettes

de construction, on les recouvre de papier isolant, de mousse, de papier bulle… Tout ça pour les protéger des intempéries. Pour les nourrir, on remplace le miel par du sirop», explique Daniel, qui ne cache pas que lors du grand déballage, ils ont parfois de mauvaises surprises. En effet, lorsqu’une reine meurt, sa ruche entière est perdue. «On a un taux de perte d’environ 15 à 20% en hiver», précise Daniel. En été, l’ambiance est différente. «Je profite du paysage en travaillant. Je me fais des playlists juste pour travailler dans les ruches», explique Mathieu. C’est à cette période, dès que les dernières neiges ont fondu, que les abeilles sortent pour butiner les fleurs aux alentours. Trèfles, pissenlits, fleurs de pommiers ou encore verges d’or, les butineuses ont le choix et volent généralement dans un rayon de 2 à 3 kilomètres autour de leur ruche. En moyenne, la miellerie du cratère produit 32 kilos de ce nectar doux et sucré à tartiner sur une tranche de pain, à ajouter dans sa tisane ou à manger directement dans le pot avec une grande cuillère.

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Et ne soyez pas surpris que leur miel cristallise! Ce phénomène naturel atteste bien souvent de la bonne qualité du produit. «Les gens ont une fausse idée de la cristallisation du miel. J’en ai déjà entendu qui pensaient qu’il était bon à jeter», raconte Mathieu. «On produit aussi de la gelée de pomme et miel, de la confiture de bleuets et miel, du miel crémeux et des produits cosmétiques comme du savon et du baume à lèvre.» À part la confection des cosmétiques qu’ils confient à la Lavandière de Baie-Saint-Paul, les deux amis transforment eux-mêmes ce qu’ils récoltent dans leurs ruches, éparpillées sur 25 kilomètres linéaires entre Saint-Irénée et Les Éboulements.

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Le Québec produit à peine 5% de la production canadienne de miel d’après la Fédération des apiculteurs du Québec, l’essentiel provenant des provinces des Prairies. Mais les deux compères revendiquent la particularité du terroir de Charlevoix, qui donne «un caractère particulier aux produits». Il y a aussi, d’après eux, une aura spéciale qui plane sur la région depuis quelques années: «Tout le monde dans le coin s’efforce de faire des choses comme on peut les trouver dans la nature, sans trop faire de transformations ni d’ajouts», explique Daniel. Lorsqu’ils ne travaillent pas dans le communautaire (pour Mathieu) ou dans l’événementiel (pour Daniel), les deux amis vendent leurs produits

dans différents commerces de la région et directement dans leur petite grange en bord de route, entre mai et octobre. «Cette grange, c’est un peu notre carte de visite. Les gens prennent la route du Fleuve et font généralement un arrêt chez nous pour prendre des photos», explique Mathieu. Il faut dire que la vue sur le Saint-Laurent y est imprenable, et qu’elle s’admire facilement une cuillère de miel en bouche. Miellerie du cratère de Charlevoix 3390, route du Fleuve, Les Éboulements 418 617-0728 mielducraterecharlevoix.com

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( terroir ) Fromagerie St-Fidèle La Malbaie mots Delphine Jung

Des Québécois spécialistes du suisse Il a des trous et on l’aime comme ça. En fondue, gratiné, en raclette, dans un sandwich ou juste sur le pouce, le fromage suisse est l’un des plus accessibles au Québec. Et on a mis la main sur les champions en la matière à La Malbaie. Il faut dire qu’ils s’y connaissent depuis plus d’un siècle!

L

’histoire commence en 1902, sur le chemin pittoresque du rang Saint-Paul, dans le village de Saint-Fidèle aujourd’hui rattaché à La Malbaie. Un certain Joseph Bhérer vend à l’époque sa production de fromage en grosse meule et l’expédie en voiture jusqu’au quai de Pointe-au-Pic. Toute une époque! «Ce n’est qu’en 1919 qu’on a laissé tomber le bateau pour expédier le fromage plutôt en train», raconte Cathy Savard, l’actuelle directrice générale. Elle raconte ensuite l’époque durant laquelle, alors qu’il n’y avait pas encore d’électricité, la baratte à beurre fonctionnait grâce à un moteur à vapeur. Lors des hivers rudes, il fallait découper de la glace sur les lacs afin de refroidir la crème durant la saison estivale. Avec la mort de M. Bhérer, une nouvelle génération a pris la fromagerie en main: déménagement, agrandissement, la Fromagerie St-Fidèle a commencé à s’installer dans le paysage de la région de Charlevoix. Mais le suisse n’a pas toujours été la marque de fabrique de l’entreprise. Ce n’est qu’en 1976

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que la fromagerie se lance dans cette production. «On est allé hors du pays pour voir comment il se fabriquait et développer un savoir-faire et des techniques. Finalement, après un an seulement de production, on a gagné le premier prix de la Royal Agricultural Winter Fair de Toronto», explique Cathy. De cette époque, il ne reste évidemment pas grand-chose, si ce n’est le goût du fromage suisse qui est vendu directement aux consommateurs, au comptoir de vente de la fromagerie, mais aussi aux restaurateurs de la région et de tout le Canada. Pour la directrice, ce succès tient à la qualité du suisse que la Fromagerie St-Fidèle produit. Le lait utilisé vient en très grande partie de Charlevoix et un peu du Saguenay. «Mais surtout de Charlevoix», insiste Cathy, qui ne cache pas son attachement à la région de La Malbaie. D’après elle, la plupart des entreprises qui y ont élu domicile sont à taille humaine et ne sont pas tombées dans le tout mécanique. Cette renommée, la Fromagerie St-Fidèle compte bien en profiter. Et quoi de mieux que de

s’associer avec d’autres producteurs pour créer de nouveaux produits inédits? En 2011, l’entreprise lance par exemple La belle brune, un suisse au goût de noisette affiné à la bière La Vache folle de la Microbrasserie de Baie-Saint-Paul. Idéal pour une raclette, d’après Cathy. La fromagerie produit aussi un cheddar extra-fort qui a été affiné 18 mois, ou encore Le Trotteur de Charlevoix, un tout nouveau fromage à pâte ferme au bon goût de crème et de beurre qu’on trouve sur les étals depuis quatre ans seulement. Chaque année, environ 10 millions de litres de lait sont transformés dans les locaux de la fromagerie. Ce fameux lait profite de «l’air salin, de l’air des montagnes», précise Cathy, qui ajoute fièrement que ses fromages ne contiennent aucune substance laitière. «C’est du lait à 100%, alors que d’autres ajoutent parfois de la poudre.» Les meules sont également affinées sur place pendant environ trois semaines. «De la production à la mise en vente, il faut compter entre six et huit semaines», précise la directrice générale. L’affinage est

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d’ailleurs toute une science. «On cherche une belle grosseur de trous. Généralement, on attend que la meule laisse apparaître une petite bedaine, ce qui veut dire que le fromage a gonflé, puisque les trous prennent de l’espace», détaille Cathy, ajoutant que le fait que l’entreprise ait décidé de continuer à effectuer certaines tâches manuellement joue également sur la qualité du fromage. La plus grande partie du lait que l’entreprise de transformation achète est consacrée à la production de fromage suisse. Le reste est gardé pour la confection de cheddar frais. Ce petit bijou gustatif fabriqué par les 35 employés que compte la fromagerie ne s’exporte pas,

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mais il est livré localement dans la région de Charlevoix. Parlant d’exportation, il y a ces derniers temps un thème délicat qu’il est parfois difficile d’aborder avec les producteurs de fromage: celui des accords d’échanges commerciaux entre le Canada et l’Europe. «La concurrence des fromages français qui vont s’exporter ici nous fait très peur, c’est évident. D’autant plus que le fromage suisse s’exporte très bien, ce qui n’est pas le cas du cheddar frais. Mais on va continuer de travailler aussi fort qu’on l’a toujours fait et surtout, on espère que les clients vont rester de notre côté et nous être fidèles.» Ce ne serait pas la première tempête que traverse la fromagerie. En 2000, la production s’est arrêtée

lorsque le groupe Lactel, auquel elle est rattachée, a décidé de mettre fin aux activités de l’usine. Mais en 2001, un nouveau groupe s’est porté acquéreur de la Fromagerie St-Fidèle et a rapidement relancé la production de leur fameux suisse. Pas étonnant que le logo de l’entreprise soit un trèfle à quatre feuilles. L’histoire raconte qu’une jeune fille en aurait trouvé un sur les lieux de l’agrandissement de la fromagerie... Fromagerie St-Fidèle Charlevoix 2815, boulevard Malcolm-Fraser La Malbaie 418 434-2220 fromageriestfidele.net


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Musée maritime de Charlevoix  photo René Bouchard

Musée maritime de Charlevoix 305, rue de l’Église, Saint-Joseph-de-la-Rive

À la suite d’importants investissements en 2017, le site extérieur du Musée maritime de Charlevoix est devenu un poème à ciel ouvert. En collaboration avec

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le Jardin botanique de Montréal, le Parc des Navigateurs compte un labyrinthe végétal, un arboretum, une forêt de rames et un pavillon d’observation peuplé de grosses chaises Adirondack prêtes à nous recevoir pour des heures de contemplation. Le site donne également accès à la randonnée de

la forêt marine, très peu connue des touristes. Un dénivelé de 300 mètres offrant de multiples points de vue sur les gorges de la rivière Boudreault et le Saint-Laurent. Après quoi, on redescend attraper quelques produits régionaux à la cantine du musée et profiter d’un pique-nique sur la grève.

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Menaud

Menaud 1, rue de la Rivière, Clermont

Près de La Malbaie, cachée dans le quartier industriel de Clermont, la nouvelle distillerie et brasserie Menaud a de quoi séduire tous les amateurs de brassage et de distillation à la façon artisanale. Inspirée par la légende de Menaud maître-draveur, l’équipe développe ses alcools à partir des produits des champs, des forêts et des montagnes de la région, avec la volonté affirmée de valoriser le terroir charlevoisien. Bien accoudé au bar de la magnifique salle de dégustation,

on découvre une sélection de bières de garde distinguées avec des parfums tels que la salicorne ou l’érable. On déguste aussi des spiritueux fins, une vodka et un gin, embouteillés dans des flacons cylindriques aux bouchons de bois. Discussions avec de vrais passionnés en prime!

La Cabane du Pêcheur 15, chemin des Bains, Saint-Irénée

Pour se sentir à Percé en plein Charlevoix, il faut s’arrêter à La Cabane du Pêcheur du Boucanier. Situé sur la plage

animée de Saint-Irénée, le petit cagibi maritime a été repris en 2017 par un couple de Gaspésiens passionnés et depuis, le bouche-à-oreille a fait son travail et les fidèles de l’endroit se multiplient, qu’ils viennent de la région ou d’ailleurs. La toute petite cuisine prépare des burgers de crabe, des galettes de morue et des pains de homard qui n’ont rien à envier à l’autre côté du fleuve. La situation idyllique de la cabane, lovée entre le village des Éboulements et La Malbaie, nous donne l’impression de passer l’après-midi sur une plage où le temps s’arrête.

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Café culturel de la coop de l’Affluent

Faux Bergers

La Fabrique de l’Isle

1339, boulevard Monseigneur De Laval,

3415, chemin des Coudriers,

1300, rue Principale,

Baie-Saint-Paul

L’Isle-aux-Coudres

Au beau milieu des crans rocheux de la 138, on voit s’élever l’arche de la famille Migneron, fière productrice fromagère depuis deux générations. Celui qui prendra le chemin de la maison d’affinage y découvrira aussi le monde merveilleux des Faux Bergers. Lancé en 2017 par les chefs Sylvain Dervieux et Émile Tremblay, cet ovni culinaire est né de la passion des deux chefs pour la cuisine instinctive de saison et la cuisson sur feu de bois. Si l’expérience en soirée relève du génie, il faut savoir que nos bergers reçoivent aussi pour le lunch, sur une magnifique terrasse surplombant la vallée et le pâturage des moutons, avec une production artisanale de crème glacée à base de lait de brebis qui goûte... le ciel!

En faisant le tour de L’Isle-AuxCoudres, il faut prévoir un arrêt à la Fabrique de l’Isle, un café-restoboutique ouvert en 2017 par les artistes Pascale Perron et Carol-Anne Pedneault. Impossible de ne pas être charmé par cet ancien presbytère revalorisé avec des teintes de blanc, de bleu et de turquoise. L’ambiance y est conviviale et rassembleuse. Pendant qu’on flâne dans la boutique qui met en valeur les créations uniques des artisans de la région, la barista nous prépare un délicieux café torréfié dans Charlevoix. Les dimanches d’été, la cour du presbytère se transforme en marché d’artisans avec un espace jeu pour les enfants. Quoi de mieux pour goûter le rythme de vie paisible des insulaires!

Petite-Rivière-Saint-François

En plein cœur du petit village de 700 habitants de Petite-RivièreSaint-François, Léa et Guillaume ont imaginé un projet d’hébergement et de restauration pour mettre en valeur le site historique du Domaine à Liguori. En plus d’une auberge de jeunesse dans une maison de 1759, de prêts-à-camper dans l’érablière, le site compte aussi un café culturel mettant en vedette les produits charlevoisiens. On y présente une riche programmation culturelle mêlant des ateliers de tissage, de poterie, d’herboristerie et des spectacles musicaux et de théâtre. Pour une virée estivale, il est bon de noter que la plage de Petite-Rivière est l’une des plus belles de la région!

La Fabrique de l’Isle (Tasses blanches fabriquées par Atelier Charlevoix)

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Les Vagues Chantal Harvey Microbrasserie St-Pancrace Sur la route



( territoire ) Les Vagues Havre-Saint-Pierre mots Sarah Iris Foster photos Eve-Danielle Latulippe

Le vent dans les vagues En discutant avec son père de la situation économique précaire de Havre-Saint-Pierre, Jane-Anne Cormier a lancé que la planche à pagaie, sport qu’elle pratiquait depuis plusieurs années, devrait exister en Minganie. Un an plus tard, les premiers clients de la compagnie Les Vagues pagayaient entre les mammifères marins et les îles Mingan.

A

près 10 ans à Montréal, des études en danse contempo­ raine, des projets artistiques et un emploi en hôtellerie, ce n’était pas dans les plans de Jane-Anne Cormier de retourner dans son Havre-Saint-Pierre natal pour y lancer une entreprise. «Ça a vraiment été un coup de tête, mais un beau coup de tête le fun», explique celle qui avait envie de contribuer au développement économique de son village. Elle passe donc maintenant la saison estivale à Havre-Saint-Pierre et le reste de l’année à Montréal. À son premier été, en 2017, ce sont surtout les Cayens – gentilé officiel de la municipalité en hommage à ses racines acadiennes – qui ont loué des planches pour essayer ce sport. Le soutien local a été incroyable dès le départ, aux dires de la fondatrice de l’entreprise, qui voyait certains clients revenir chaque semaine, en plus de croiser régulièrement des gens avec les vêtements à l’effigie des Vagues. Ces vêtements, elle a pris soin de les faire créer dans une imprimerie de son village, car le développement local et la collaboration entre les entreprises de la région sont essentiels pour la pagayeuse.

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Dès la deuxième saison, deux employées se sont jointes à l’équipe et une présence importante sur les médias sociaux a attiré des touristes d’un peu partout au Québec. Jane-Anne pagaie dans l’archipel avec des amateurs de plein air de tous âges, dans une nouvelle excursion matinale guidée. Ses groupes ont l’avantage d’être tôt sur l’eau, avant les départs des classiques excursions en bateau dans l’archipel, et d’avoir un moyen de transport qui ne fait aucun bruit, alors c’est idéal pour l’observation de la faune. «On a vu des baleines et des phoques chaque fois. Les phoques chantent fort, il y a les petits marsouins qui sortent juste devant la planche, puis des rorquals. Près des îles, l’eau est cristalline, alors on voit le fond; on voit des crabes, des étoiles de mer, il y a de belles structures rocheuses à voir aussi. L’expérience est vraiment magique.» Diversification des projets Une autre expérience magique qu’elle a créée avec la collaboration d’une amie organisatrice d’événe­ ments, c’est L’Exode, une fin de semaine d’activités avec de la planche à pagaie, du yoga, de la méditation et du camping dans un

archipel unique. Après une première édition à l’été 2018, deux autres sont prévues pour l’été 2019, en juillet sur la petite île au Marteau et en septembre sur l’île Quarry. «On est vraiment allé chercher une aventure dans laquelle les gens embarquent. Je pensais qu’il y aurait un intérêt, mais pas à ce point-là», explique Jane-Anne, qui a vu presque toutes les places pour L’Exode s’envoler durant la première journée de vente. Parmi les autres projets en développement, il y a un cours qui allie yoga et planche à pagaie, et une autre activité qui est une forme d’entraînement sur la planche; cette dernière sera offerte par le frère de la fondatrice des Vagues, nouvellement associé dans l’entreprise. L’entrepreneure espère aussi acquérir un lieu fixe pour sa compagnie à Havre-Saint-Pierre, en complément de la roulotte sur la plage qui sert de point d’ancrage actuel. Ce lieu permettrait de créer plus d’activités et d’avoir une boutique plus grande, afin de poursuivre la mise en valeur des entreprises et des produits locaux. Jane-Anne Cormier est consciente des opportunités qui s’offrent à elle en exploitant une entreprise dans le paysage mythique qu’est l’archipel

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des îles Mingan. Les Vagues a entre autres participé au tournage d’une publicité touristique majeure et à une émission américaine sur les meilleurs endroits où pagayer. Le hasard a peut-être soufflé en faveur du développement des Vagues, mais la vision et l’amour de la région de sa fondatrice y sont pour beaucoup. Elle espère créer des liens avec plusieurs entreprises locales afin de développer une offre attirante pour les visiteurs et des projets rassembleurs pour les gens de la région. «On gagne plus, tout le monde, à s’unir pour faire venir les gens en Minganie et les garder plus longtemps en leur proposant une offre de services plus complète qu’à se chicaner sur qui va avoir quoi!» Expérience nord-côtière Comment complète-t-on son voyage sur la Côte-Nord, après avoir planifié son expérience avec Les Vagues? «Déjà le roadtrip pour se rendre est magique. En soi, c’est le début de l’expérience», lance Jane-Anne sans hésiter. Elle suggère aussi de vivre le Saint-Laurent au maximum, avec les entreprises Mer et monde écotours aux Escoumins, Attitude nordique à Baie-Comeau, SurfShack à Sept-Îles et Noryak en Minganie. La station de recherche des îles Mingan à Longue-Pointe-de-Mingan vaut l’arrêt pour profiter des connaissances de leurs experts de la faune marine.

Avec tous ces projets et ces possibilités, est-ce que Jane-Anne Cormier songe à s’installer à Havre-Saint-Pierre à l’année? Non, car elle aime Montréal pour sa créativité et pour voir ce qui se fait ailleurs. Elle apprécie ses étés dans sa région natale pour son calme et son mode de vie relax. «Je n’avais pas vu mon village de la façon que je le vois maintenant. Le fait d’être partie et de revenir avec ce projet-là, ça me fait vraiment découvrir les choses d’une autre façon que ce que j’avais vécu la première fois quand j’ai grandi ici.» La balance entre les deux endroits est nécessaire et nourrit ses projets qui ont lieu dans la métropole et ceux qui se font en Minganie. L’équilibre, JaneAnne Cormier l’a trouvé sur sa planche, mais semble aussi l’avoir trouvé dans son mode de vie, entre l’île entourée de ponts et celles entourées de baleines. Les Vagues Côte-Nord 1769, rue de l’Anse Havre-Saint-Pierre 418 553-3849 lesvagues.ca

Les papilles aussi doivent apprécier le Saint-Laurent, avec une pizza aux fruits de mer, du saumon fumé au bois d’érable et pour dessert, de la crème glacée à la chicoutai, petit fruit de la région. La Côte-Nord, ça se vit dehors, même dans sa gastronomie. «Aller m’acheter un quartier de crabe et le manger sur la plage, pas de décorum, en mode relax avec un feu de camp, des produits frais, du saumon fumé et une petite bière, c’est le fun de même!»

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( culture ) Chantal Harvey Baie-Johan-Beetz mots Kristina Landry photos Chantal Harvey

L’amarrée des amarrés Bien ancrée dans son atelier construit à même le roc, l’artiste graveuse Chantal Harvey se laisse absorber par le paysage pour mieux le donner à voir et à vivre.

le fond, c’est simple: je veux «D ans montrer la beauté.» Attablée devant un café noir et le golfe SaintLaurent, Chantal Harvey n’est que présence. Elle existe entièrement, ses yeux bruns de terre doucement plantés dans les vôtres. Jamais calculés, les mots s’enchaînent sans se bousculer, comme une évidence.

«Souvent, je me surprends moimême des couleurs qui apparaissent dans mes œuvres.» Cette liberté se ressent dès que l’on pose les yeux sur le travail de la Nord-Côtière d’origine. Instinctif, il laisse place au mouvement, à la spontanéité de l’élan, avec ses textures vibrantes qui mettent en relief cette beauté brute qui fascine l’artiste. Puis frappe la sincérité: une nature simple mais juste, tellement vivante qu’on croirait la voir s’animer. Soudain, la mouette crie, le troupeau se rapproche. C’est cet appel de la simplicité qui l’a menée à choisir le bois comme médium de prédilection. «Quand j’étais à l’Université du Québec à Montréal, j’ai exploré différents types de gravure, comme la gravure sur métal, mais je trouvais que la gravure sur bois permettait un lien plus direct avec le geste et la matière.»

Cette notion de proximité est aujourd’hui au cœur de sa démarche, qui consiste en grande partie à gober le paysage. Si certains se plaignent de l’absence de réseau cellulaire à Baie-Johan-Beetz, cette dernière permet à Chantal d’être directement connectée au territoire, qu’elle explore de long en large lors de ses sorties quotidiennes avec Zorba, son assistant à quatre pattes. Taïga, lichen, granit: la nature s’invite dans son travail… comme chez elle. «Quand Martin [son conjoint] et moi avons décidé de quitter Québec pour revenir nous installer ici, il m’arrivait de douter. J’avais ma presse, mon atelier, on venait d’avoir un fils, on était bien installés. Un jour, une colombe est entrée chez nous. Je l’ai prise dans mes mains et l’ai ramenée vers la fenêtre. Quand elle s’est envolée, c’est comme si je faisais la paix avec la nouvelle vie qui s’en venait.» La Côte en elle Paix elle a fait, depuis maintenant près de 20 ans. Il faudrait tout un ouragan pour déloger celle qui a un jour réapprivoisé la côte qui l’a vue naître. Comme la vague grave

le rocher, le Nord s’est patiemment inscrit en elle, façonnant probable­ ment dès sa naissance l’artiste qu’elle est aujourd’hui. La gravure initiale, peut-être? «Ma mère avait ce sens esthétique inné, que ce soit pour la cuisine, pour recevoir, ou pour elle-même. Mon père, qui était doté d’une grande curiosité, m’a transmis son amour de la nature et son envie de la préserver, simplement en me faisant remarquer la beauté dans les petits détails.» C’est avec le même respect que Chantal perpétue aujourd’hui la tradition en nous permettant de voir le paysage dans ce qu’il a de plus vrai, de plus fondamental. «Je pourrais montrer le côté sombre de la nature, mais je préfère montrer le beau, l’intact.» Ce dernier mot n’est pas choisi au hasard, BaieJohan-Beetz étant passé à un cheveu de disparaître sous les flammes à l’été 2013, alors qu’un violent feu de forêt ravageait les proches environs de cette petite communauté de 81 habitants. Le village y a finalement échappé, et la puissante série Forêt noire reste pour en témoigner. Combinant dessin au fusain, gravure sur bois et pyrogravure sur papier, cette

photo du bas Kristina Landry

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Le nord du monde, Chantal Harvey et Jean DĂŠsy (2015)

Entre chiens et loups, Chantal Harvey (2011)


photo Kristina Landry

œuvre de résilience transmet fiévreusement l’amour d’un territoire que l’on a cru mort, mais qui renaît peu à peu de ses cendres. D’autres fois, ce sont les mots qui allument l’étincelle. Ceux du poète et explorateur Jean Désy ont fait jaillir quelque chose d’immensément fort, un geyser ayant pris la forme d’un émouvant livre illustré, une œuvre collaborative entre amoureux du Nord. «Avec les mots de Jean Désy comme bagage, mon imaginaire, toujours nourri par cette nature si riche de la Minganie dans laquelle je plonge chaque jour, je m’avance vers le nord», nous livre Chantal dans son introduction à l’œuvre. Toujours en mouvement, le travail de Chantal Harvey garde le cap grâce à ce pays d’eau salée auquel elle appartient intimement et qu’elle choisit de raconter. Entre dureté et

candeur, l’image sonne toujours juste, comme portant la voix d’une nature qui ne peut prétendre être autre chose qu’elle-même. «Tout m’avale. […] Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère», raconte la Bérénice de Réjean Ducharme dans L’avalée des avalés. À son tour, Chantal Harvey disparaît derrière son geste, laisse toute sa place à la nature, comme submergée par elle. «Je pense que je suis comme une éponge», laisse-t-elle tomber dans les dernières secondes de la bande-annonce du film L’art de la chasse, un documentaire réalisé par Bruno Boulianne et narré par Marc Séguin dans lequel on suit Chantal

dans son quotidien. On y découvre l’artiste, la trappeuse, mais surtout l’humaine en quête de vérité, qui vit au rythme des saisons et des marées. «Ce n’est pas tout le monde qui a accès à ça, qui a l’occasion de s’arrêter pour prendre conscience de cette grandeur. Pour constater qu’on en fait partie. Si on était plus connecté à la nature, peut-être qu’on ne serait pas rendu où on est aujourd’hui.» L’atelier de Chantal Harvey est ouvert au public. On vous suggère toutefois d’appeler avant de passer, au cas où elle serait partie se fondre dans le paysage. Chantal Harvey, artiste graveuse chantalharvey.com

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( à boire ) Microbrasserie St-Pancrace Baie-Comeau mots Sarah Iris Foster photos Antoine Hallé

Une pinte de légendes Il y a cinq ans, six amis ont décidé de lancer la première microbrasserie nord-côtière. Les quatre copropriétaires actuels viennent des quatre coins du Québec et possèdent maintenant un pub et une usine de production à Baie-Comeau. Ils prennent plaisir à découvrir et à faire goûter la Côte-Nord.

D

ans une région où aucune bière de microbrasserie n’était créée, comment les gens ont-ils accueilli cette nouvelle entreprise? «On a toujours eu un super soutien du milieu», explique André Morin, directeur de production de la Microbrasserie St-Pancrace, dans l’aventure depuis le départ. «Au début, les gens recherchaient davantage des bières pour remplacer leur Coors Light ou leur Budweiser. Les IPA étaient plus difficiles à vendre. Aujourd’hui, c’est la clientèle qui nous pousse pour qu’on sorte de nouveaux styles. Nos clients sont au courant de ce qui se passe, ils voient les tendances.» St-Pancrace compte maintenant plus d’une vingtaine de bières, dont plusieurs saisonnières créées à partir des produits que le territoire a à offrir, dont la camerise, l’airelle, le poivre des dunes et même le crabe. La microbrasserie est solidement ancrée dans sa région et ne manque pas d’y faire honneur, notamment en nommant ses bières d’après des lieux ou des personnages inspirants qui viennent de cet immense territoire. On peut entre autres boire une Uapishka, qui

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nous raconte l’hiver sur les monts Groulx, ou encore une Duncan-Kerr, qui nous rappelle l’importance d’Emma Duncan-Kerr dans le développement de Baie-Comeau et l’avancement de la cause des femmes. «Au début, c’était hypernaïf, mais on savait qu’on voulait être un peu partout. Là, c’est rendu qu’on a une carte de la région et on se questionne: “Bon, on est rendu où sur le territoire et quels coins on n’a pas exploré?”», explique André Morin, dont la formation de géographe, ainsi que celle en histoire d’un de ses comparses, n’est jamais bien loin lors des recherches. Une attention est portée à l’image de l’étiquette, qui encore là met de l’avant la réalité du lieu. «Pour nous, l’image sur la bouteille fait toujours référence à ce qu’on retrouve dans le cabanon. Ce n’est jamais neuf. Les raquettes en babiche, un vieux surf… C’est le truc qui fait plein air, qui fait CôteNord, mais c’est le truc qui traîne au chalet, qui traîne au fond de la cour, ce n’est pas le parka Arc’téryx! En région, on se reconnaît là-dedans: mets tes vieilles bottes pis va marcher dehors», lance l’Abitibien d’origine.

Communauté brassicole Depuis l’ouverture de la Micro­ brasserie St-Pancrace il y a cinq ans, trois autres microbrasseries se sont ajoutées sur la Côte-Nord et la collaboration est très importante pour les brasseurs nord-côtiers. «On s’entend très bien, tout le monde a de l’information à partager, tout le monde a des connaissances. On se rencontre, on fait des stratégies de commercialisation ensemble. On est vraiment en mode entraide pour commercialiser nos produits et pour faire rayonner la bière nord-côtière.» Les papilles voyageuses peuvent maintenant s’abreuver de bières locales créées à Tadoussac, Baie-Comeau, Sept-Îles et Natashquan. «Une route assez exceptionnelle avec des distances d’environ 300 kilomètres entre les microbrasseries, c’est ça la CôteNord!», décrit le brasseur qui a aidé les trois autres microbrasseries à leur démarrage, pour le plaisir et l’esprit de communauté dans le monde des microbrasseries, tout comme St-Pancrace avait été aidée par la gaspésienne Pit Caribou à ses débuts.

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photo Marie Tremblay

Cette volonté de collaborer pour mieux mettre en valeur les produits nord-côtiers, on la retrouve aussi au Pub St-Pancrace, où le menu propose plusieurs produits venant des boucheries et poissonneries des environs. «Malheureusement, il y a des partenariats qu’on a dû arrêter parce que la complexité du transport était vraiment un enjeu, mais il y a depuis nos débuts une grande volonté et un effort d’avoir des partenariats avec les producteurs de la région», explique le directeur de production. Le pub, situé à quelques minutes du fleuve, est l’hôte de plusieurs événements culturels comme des spectacles, des parties d’improvisation, des soirées quiz et des partys thématiques comme celui du «crâââbe» ou le brunch du jour de l’An. Depuis deux ans, en plus du pub situé dans le centre-ville de BaieComeau, les amateurs de bière peuvent aussi s’arrêter à l’usine de production à quelques kilomètres de là, où il est possible de faire une visite avec dégustation et de s’approvisionner à la boutique

pour apporter un peu de CôteNord chez soi. Parmi les projets en développement à l’usine, il y a entre autres la cuvée Territoire, une ligne de bières vieillies en baril de bois, intégrant évidemment les épices et les fruits de la région. Milieu diversifié Pour compléter notre voyage sur la Côte-Nord, que nous suggère notre néo-Baie-Comois? Il pense d’abord à ses voisins d’Attitude nordique, qui proposent entre autres une activité alliant kayak, sushis et bières St-Pancrace. «Je suis tellement content qu’il y ait un centre de location de kayaks à Baie-Comeau. C’est le fun ce qu’ils ont fait comme offre et ça fait tellement de sens avec notre vision de vivre le territoire et d’y aller à fond.» Il suggère aussi Les Vagues à Havre-Saint-Pierre, Mer et monde et le Kiboikoi aux Escoumins et Chez Mathilde à Tadoussac.

partout sur la Côte-Nord. «La qualité d’un milieu de vie, c’est tellement important», explique celui qui a choisi Baie-Comeau il y a neuf ans. Avec ses acolytes, leurs intérêts sont souvent tournés vers le développement culturel ou le sport et le plein air, ce qui les a naturellement amenés à s’impliquer dans ce type d’événements. «Oui, on fait la promotion de notre bière, mais aussi, c’est cohérent avec notre vision d’avoir un milieu de vie diversifié et dynamique. Faut les soutenir, ces initiatives-là, c’est important. Ça permet aux gens de vouloir rester ici, d’habiter la place.» À défaut d’y habiter, prenez d’abord une pause au Pub St-Pancrace, lors de votre prochain roadtrip sur la 138, le temps d’un nachos et d’une pinte de Walker. Microbrasserie St-Pancrace Côte-Nord 55, place LaSalle, Baie-Comeau 418 296-0099 microbrasserie.stpancrace.com

L’équipe de la Microbrasserie St-Pancrace est souvent présente dans les événements un peu

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Auberge de l’île aux Perroquets

Auberge de l’île aux Perroquets 381, rue du Bord de la Mer, Longue-Pointe-de-Mingan

L’île la plus à l’ouest de l’archipel des îles Mingan est à visiter pour les ornithologues et les fervents d’histoire maritime. C’est en 1888 que la station du phare de l’île

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aux Perroquets voit le jour. Depuis 2015, la maison du gardien et celle de l’assistant-gardien sont accessibles pour les amateurs de nature qui veulent y passer une nuit d’été unique. Les chambres sont nommées en souvenir de quelques personnages ou naufrages importants du lieu. Les saveurs et l’artisanat régional sont mis à

l’honneur pour une expérience authentique dans l’air salin de la Minganie. S’il vous est impossible d’y passer une nuit, vous pouvez tout de même visiter l’île aux Perroquets et son exposition sur l’histoire du phare, en plus de saluer les macareux grâce aux excursions en bateau offertes à partir de Longue-Pointe-de-Mingan.


Auberge de jeunesse de la Pointe-Ouest

Vacances Essipit (Observation de l’ours noir)

Noryak Aventures

Chemin de la Baie-Sainte-Claire,

46, rue de la Réserve, Essipit

Havre-Saint-Pierre

Croiser un ours sur la Côte-Nord, ce n’est pas si exceptionnel. Avoir l’occasion de les observer dans la nature, en toute sécurité, avec un guide qui connaît leur mode de vie, là ça devient plus intéressant. C’est ce qu’offre Vacances Essipit, entre juin et septembre. Pendant environ 90 minutes, les observateurs et leur guide s’installent dans un abri sécuritaire et regardent les ours noirs vivre dans leur habitat naturel. Le guide partage avec les visiteurs les informations sur les comportements des ours, mais aussi la place de cet animal dans les croyances traditionnelles innues. Il s’agit d’une chouette activité de fin de journée à faire en famille, à quelques kilomètres de Tadoussac. Vacances Essipit offre aussi plusieurs autres activités de plein air et différents types d’hébergement pour compléter votre voyage en Haute-Côte-Nord.

Un fleuve immense, un archipel intrigant et une faune diversifiée, c’est ce que la compagnie Noryak Aventures vous propose de découvrir. Située en Minganie, près de Havre-Saint-Pierre, Noryak Aventures offre des excursions en kayak pour les pagayeurs débutants à experts. Ceux qui veulent une petite escapade découverte de la Minganie sur l’eau apprécieront l’excursion de trois heures dans la baie de la rivière Romaine. Au menu si vous êtes chanceux: oiseaux marins, phoques, baleines et court arrêt sur une île pour découvrir quelques plantes comestibles selon les bons conseils du guide. Les plus aguerris opteront pour une journée vers l’île aux Perroquets ou une expédition de plusieurs jours sur la rivière Magpie. Il est aussi possible de prendre part au voyage de quatre jours dans les îles Mingan.

Longue-Pointe-de-Mingan,

Port-Menier – île d’Anticosti

L’île d’Anticosti est 17 fois plus grande que l’île de Montréal, avec environ 200 personnes qui y habitent. C’est un magnifique terrain de jeu pour les amateurs de plein air. Il faut prévoir une certaine flexibilité dans son horaire et son budget pour s’y rendre, alors avoir un hébergement abordable où on peut cuisiner soi-même, c’est l’idéal pour ceux qui veulent découvrir l’île. L’auberge de jeunesse est située dans les anciennes maisons des gardiens du phare de la PointeOuest, à environ 20 kilomètres de Port-Menier, l’unique village de l’île. On profite d’un séjour à Pointe-Ouest pour observer les chevreuils et autres animaux, découvrir l’ancien village de Baie– Sainte-Claire, et les nombreuses épaves, témoins des naufrages sur le «cimetière du Golfe», tel qu’on surnommait Anticosti.

Noryak Aventures excursion kayak

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Festival Eau Grand Air

Aqua Labadie 45, rue Monseigneur-Scheffer, Blanc-Sablon

Les amateurs de fruits de mer peuvent se combler les papilles lors d’un voyage sur la Côte-Nord, mais imaginez si en plus vous pouvez observer comment on élève de délicieux pétoncles. C’est ce qu’offre la ferme de pétoncles Aqua Labadie, située à environ 30 minutes à l’ouest de Blanc-Sablon, en Basse-Côte-Nord. Les visites guidées permettent d’en apprendre sur la vie des pétoncles et la façon de les apprêter. Un bassin d’eau de mer avec des pétoncles vivants est

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aussi dans le lieu d’interprétation, ce qui permet aux visiteurs de choisir leur dégustation à venir, cuite et crue. Pour une expérience complète, optez pour la visite qui inclut un tour en ponton dans la Salmon Bay, vers le lieu d’élevage des pétoncles. De la mi-juin au début septembre.

Festival Eau Grand Air 2269, rue Alice, Baie-Comeau

Depuis 2014, le Festival Eau Grand Air rassemble petits et grands au parc des Pionniers de Baie-Comeau. Spectacles extérieurs d’artistes établis et de la relève divertissent

locaux et visiteurs pour la fin de semaine. Des activités variées font bouger petits et grands, tels que des jeux d’adresse et des jeux gonflables. Les coureurs peuvent aussi participer à l’événement à quelques foulées du fleuve, lors du marathon Desjardins qui offre des distances entre 1 et 42,2 kilomètres pour les coureurs individuels de tous âges et les entreprises qui veulent relever un défi. On aime particulièrement cet événement pour la place laissée aux talents nord-côtiers et les efforts que fait le comité organisateur en matière de développement durable. La sixième édition aura lieu du 4 au 7 juillet.


Gaspésie + Îles-de-laMadeleine 110 114 117 120

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Camp de base Coin-du-banc Gourmande de nature Les Pas perdus Sur la route


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( pignon sur rue ) Camp de base Coin-du-Banc Percé mots Olivier Béland-Côté photos Camp de base Gaspésie

Le respect du passé et du futur En Gaspésie, un couple adepte de plein air s’affaire à revigorer un bâtiment bicentenaire. Un projet ambitieux s’inscrivant à la charnière du passé et de l’avenir.

S

is, flegmatiques, en retrait du rocher dérobé par l’imposante falaise, les bâtiments aux toits émeraude et aux murs anthracite narguent le vent du large. Le pavillon de l’auberge et les trois bicoques sont abrillés d’une neige lourde mais apaisante. Le temps semble figé, l’équilibre abouti. Pourtant, à l’image du bouscueil qui ourle la rive de Coin-du-Banc, petit hameau à une dizaine de kilomètres de Percé, l’épaisse couche recouvre les tribulations de ce projet un peu fou qu’est le Camp de base, un vaste chantier entrepris par Jean-François Tapp et Pascale Deschamps. En août 2017, le couple, parents des petits Albert, Yaelle et Mattias, fait le pari osé d’acheter la mythique auberge Le Coin-du-Banc, un établissement certes légendaire mais dont la désuétude préfigure une fin imminente. «Pascale et moi sommes ensevelis sous les rénovations depuis l’acquisition, lance d’entrée de jeu le trentenaire vif et disert. Faire les travaux de réfection coûte certainement plus cher que de raser et de partir à zéro, mais dans un hôtel neuf, je n’ai pas besoin de m’asseoir avec les gens au souper, je n’ai rien à leur raconter!»

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Transmission d’histoire Ces récits à relater, ce sont ceux de la Gaspésie, havre bousculé par les époques, façonné par les gens qui y jettent l’ancre. D’abord, celui des Mabe, une famille loyaliste forcée de quitter le Rhode Island à la fin du 18e siècle et qui érige la demeure au moment où s’étend son emprise commerciale dans la région. Au relais, un certain Sidney Maloney, aubergiste de profession, dernier exilé de l’île Bonaventure à l’époque de ces expropriations sans ambages. Épaulé par sa compagne, Lise Deguire, une infirmière montréalaise charmée par l’homme et les lieux, le descendant d’Irlandais achète en 1973 le bâtiment situé dans l’angle mort du rocher et de l’archipel décharné. «Sid» ne peut supporter la vue de ces parages, dès lors synonymes du douloureux déracinement. Au fil des ans, l’excentrique couple accueille les visiteurs dans un espace intemporel et chamarré, où s’imbriquent artefacts et œuvres d’art, dont celles de Kittie Bruneau et de Françoise Bujold. Cette moirure singulière, Jean-François Tapp et Pascale Deschamps se donnent le mandat de la préserver. «On veut conserver l’héritage

architectural, les œuvres d’art, bref, l’âme des lieux élaborés par M. Maloney et Mme Deguire, souligne le nouvel hôtelier. Le bâtiment principal, bicentenaire, n’est pas classé patrimonial, mais on sent qu’on a un devoir de mémoire, de porter cette histoire de la Gaspésie que l’on pourra à notre tour transmettre.» Assis au salon, temporairement aménagé dans la section attenante à la bâtisse d’origine, Jean-François Tapp revient sur la genèse du projet. À son retour en Gaspésie, il y a une dizaine d’années, le jeune diplômé en tourisme et en développement régional cherche une façon de contribuer à l’essor économique de la région. «J’ai d’abord mis sur pied les événements Gaspesia [une série de courses en plein air disséminées sur le territoire gaspésien]. La première course s’est révélée déficitaire, alors j’ai dit à Pascale que ça prenait un hôtel, que c’est là que se trouvait l’argent! Devenir hôtelier est alors devenu un running gag», dit-il, goguenard. Manifestement, la plaisanterie s’appuyait sur un fond de vérité. D’abord épisodique, la recherche d’établissements à vendre s’intensifie. Un peu par

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hasard, lors d’une balade à vélo sur la plage de Coin-du-Banc, le couple arrête son choix. «On était éblouis par la beauté du panorama chaque fois que l’on passait devant l’auberge», révèle-t-il, visant ce rivage s’ouvrant sur le golfe Saint-Laurent. «Lorsqu’on a appris que le site était à vendre, on a sauté sur l’occasion.» Proposant un projet répondant aux critères de la famille Maloney, soit le respect de l’héritage de l’auberge, le couple DeschampsTapp acquiert le pavillon principal, les chalets attenants et un vaste terrain s’étirant de la berge à la forêt avoisinante. Symboliquement nourri de la volonté de se rattacher à ces récits historiques, le projet est, de manière plus concrète, motivé par le désir d’exploiter cet environnement naturel exceptionnel. «Avec un terrain de jeu comme ça, on ne peut pas faire autrement que de jouer dehors, constate l’adepte de sports extérieurs. On souhaite que pour les gens qui aiment le plein air, mais aussi bien manger et voir de belles choses, l’endroit devienne le camp de base où jeter l’ancre. D’où le nom de notre entreprise [Camp de base] et de notre logo [une ancre].» Ainsi, au-delà des activités proposées – randonnées de fatbike et de ski de fond, planche à pagaie, escalade sur glace et pêche au bar rayé –, les Deschamps-Tapp misent

sur une formule inédite dans le milieu de l’hébergement: réunir des individus de conditions socioéconomiques diverses autour d’intérêts communs, en offrant notamment autant des dortoirs que des unités plus luxueuses. «On ne souhaite pas avoir un lieu qui s’identifie à une classe sociale, on veut un endroit où se retrouvent des intérêts pour le plein air, pour les choses authentiques ou pour la Gaspésie», soutient M. Tapp. Renouveau touristique L’audacieux projet reflète ce vent de fraîcheur qui souffle sur l’industrie touristique gaspésienne. Il y a à peine quelques années, pareille entreprise aurait été insensée. «Le secteur de Percé est à des milles de ce qu’il était il y a seulement 10 ans sur le plan touristique, rappelle Jean-François Tapp. Au moment où j’ai quitté la région pour aller faire mes études universitaires, nous n’étions pas développés, touristiquement parlant», rajoute-t-il. La Gaspésie de l’homme originaire de Rivière-auRenard, village situé à moins d’une heure de route de Coin-du-Banc, celle dont il est témoin avant de partir, vivote au rythme lénifiant des exodes. Le tourisme, industrie phare, émet alors une lueur blafarde, conséquence d’une offre exsangue et désuète. «Pendant 50 ans, Percé a ciblé le tourisme de masse et

ne s’est jamais renouvelée, mais fondamentalement, on est une région de plein air, de produits de niche, et les autorités touristiques se réapproprient progressivement ces idées qui avaient été mises de côté.» Témoignage synchronique du parcours socioéconomique de la Gaspésie, l’auberge Le Coin-duBanc connut de grands moments – y séjournèrent des figures emblématiques telles Pauline Julien et Pierre Elliott Trudeau – avant de s’étioler, amarrée au destin de la région. Mais la symbolique des lieux, elle, ne s’est jamais dissoute. Bien qu’imprégné du désir de perpétuer cette histoire, le couple Deschamps-Tapp souhaite apporter sa pierre à l’édifice. Un credo qui dicte le quotidien au Camp de base. «Chaque jour, peu importe le geste posé, nos décisions se prennent en ayant en tête le respect du passé, de Mme Deguire, de M. Maloney et de la famille Mabe, et le respect du futur, ce qu’on va léguer à nos enfants de même qu’à la Gaspésie», explique le jeune hôtelier. Conjugué à ce renouveau de la région, l’auberge voit s’ouvrir devant elle une mer de possibles. Camp de base Coin-du-Banc Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine 315, route 132 Est, Percé 418 645-2907 campdebasegaspesie.com

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( terroir ) Gourmande de nature L’Étang-du-Nord mots Olivier Boisvert-Magnen photos Gourmande de nature

Curieuse de nature Propriétaire de La Table des Roy, l’un des restaurants les plus réputés des Îles-de-la-Madeleine, Johanne Vigneau redouble d’originalité pour livrer un menu audacieux alliant découvertes internationales et produits frais de son territoire. Également à la tête de la populaire boutique culinaire Gourmande de nature, la chef de 56 ans a le bonheur des résidents et des touristes madelinots à cœur.

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endredi 24 août, midi. Les clients sont nombreux à manger sur la terrasse de Gourmande de nature, une boutique multidisciplinaire qui mise notamment sur un service de traiteur et une gamme d’ateliers culinaires. À l’intérieur, la file est considérable: les gens magasinent des acces­ soires de cuisine, feuillettent des livres de recettes ou bien salivent en attendant leur bol poké au thon, leur gelato au fromage Pied-de-Vent ou leur pot-en-pot des Îles (un pâté onctueux aux fruits de mer, typique de la région). Au fond, Johanne Vigneau termine les préparatifs d’un atelier sur le pétoncle, qu’elle donnera dans quelques instants. «Je vous avais complètement oubliés», nous annonce-t-elle, presque abasourdie, lorsqu’on se présente. «Je suis débordée aujourd’hui... Est-ce qu’on peut se redonner rendez-vous demain à mon restaurant?» Bref, prise deux, samedi midi. Bien assise à l’une des tables des Roy, la chef semble beaucoup plus détendue. «C’est ma seule journée de congé de l’été», nous apprendelle, à la fois calme et rayonnante. Institution gastronomique de l’archipel, la Table des Roy est plus qu’un simple lieu de travail pour l’entrepreneure. Maison familiale de son enfance, l’endroit

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a maintenant deux vocations: un restaurant au rez-de-chaussée et un logis au premier étage. Son décor authentique et chaleureux contribue d’ailleurs largement à sa popularité. «Les gens sont heureux de venir manger dans une vraie maison. C’est pour ça qu’on a toujours respecté son architecture originelle et ses planchers de bois.» Originaire des paysages grandioses de Havre-Aubert, l’une des sept contrées insulaires, Johanne a déménagé à son domicile actuel à l’âge de quatre ans. Pêcheur et fermier, son père avait trouvé la perle rare en cette grande maison située dans le canton de La Vernière. «Il était surtout intéressé par la ferme et le gros terrain en arrière», se souvient-elle. «J’ai vécu là jusqu’au milieu de mon adolescence, quand mes parents ont vendu la maison à deux visiteurs de Québec, Francine et André Roy, qui désiraient y ouvrir un restaurant. Dès la première année, en 1979, j’ai eu mon premier emploi là-bas comme plongeuse et, tranquillement, j’ai aidé madame Roy en cuisine.» En 1986, le destin de la jeune femme change radicalement lorsque les deux propriétaires de La Table des Roy lui annoncent qu’ils désirent vendre leur

commerce. «On m’a proposé de prendre la relève du resto à 23 ans, et j’étais vraiment incertaine... Je voulais devenir policière et je n’avais jamais pensé à faire ma vie dans le milieu de la restauration, même si l’alimentation me faisait de plus en plus tripper. En fin de compte, j’ai fait le grand saut, sans aucune formation dans le domaine. Pour compenser, j’avais une grande curiosité qui, encore aujourd’hui, m’amène à faire de belles découvertes. Je suis très heureuse dans ce que je fais.» Les voyages inspirants Ainsi, le menu de La Table des Roy est en constante mutation. Du carré d’agneau jusqu’au loup marin en croquette en passant par la cocotte de risotto aux fruits de mer, les spécialités sont en phase avec les produits vedettes des Îles. Mais Johanne Vigneau ne s’arrête pas là. Elle cherche constamment à sortir de sa zone de confort pour s’ouvrir à la gastronomie d’ailleurs. «Je voyage beaucoup, et ça m’amène constamment de nouvelles idées», dit-elle, citant en exemple son passage en Thaïlande qui lui a inspiré le flétan cari coco. «En plus de 30 ans, je remarque que les saisons les plus difficiles ont été celles qui n’ont pas été précédées d’un voyage. Je n’avais pas de nouvelle énergie.»

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photo Dominique Lebel

C’est d’ailleurs un séjour dans l’Ouest canadien au milieu des années 1990 qui l’a convaincue de reprendre les rênes du Café de la Côte – devenu l’une des adresses les plus renommées de L’Étang-duNord depuis. «J’avais passé quatre mois à Vancouver et j’avais été charmée par les petits cafés que j’y avais vus. Je trouvais que ça avait le potentiel de développer une autre clientèle, notamment pour les déjeuners et les dîners.» En 2010, après 15 ans à mener de front deux restaurants «qui roulaient énormément», Johanne a pris la décision de vendre le dernier venu. C’est là que l’idée de Gourmande de nature a germé. «On peut dire que j’ai de la misère à rester assise sur mes lauriers», admet-elle. «Certains vont dire que c’est trop, deux commerces, mais pour moi, c’est la passion qui prime.» La passion, certes, mais surtout l’audace, la volonté de défricher de nouveaux terrains culinaires.

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En témoignent les ateliers les plus achalandés de Gourmande de nature, notamment celui sur le homard. «Je montre aux gens à ne rien gaspiller et à tout récupérer, notamment à utiliser le corps du homard pour faire du beurre. Les Madelinots m’ont dit que, grâce à cet atelier, ils ne voyaient plus du tout le homard de la même façon.»

activités touristiques de l’archipel n’aide évidemment pas à améliorer les choses. «Dans mon équipe, je suis l’une des plus jeunes et j’ai 56 ans», fait-elle remarquer. «Dans les prochaines années, ma mission sera vraiment de trouver des jeunes passionnés par les Îles, qui désireront venir s’installer ici pour l’été.»

Dans le même ordre d’idées, un atelier donné aux côtés de la biologiste Lisandre Solomon permet aux gens de cuisiner avec tout ce qu’ils trouvent sur le bord de la mer, autant les algues et les plants que les coquillages. Le mycologue Ronald Labelle se joint également à Johanne Vigneau pour un atelier sur la cueillette de champignons sauvages. «On part en forêt avec les gens et, après, on leur dit comment cuisiner et conserver leurs récoltes», résume-t-elle. Très demandée dans le cadre de ces ateliers, la Madelinote n’a que très peu de temps pour elle. La pénurie de maind’œuvre qui affecte l’ensemble des

À cet effet, le boom touristique des trois dernières années pourrait bientôt porter ses fruits. À voir le nombre de touristes qui, chaque été, tombent en amour avec les Îles, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que Johanne Vigneau puisse compter sur de nouveaux piliers. D’ici là, on lui souhaite au moins deux jours de congé cet été.

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Gourmande de nature Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine 1912, chemin de l’Étang-du-Nord, L’Étang-du-Nord 418 986-6767 gourmandedenature.com


( culture ) Les Pas perdus Cap-aux-Meules mots Olivier Boisvert-Magnen photos Julie Mathieu

L’homme à tout faire Globe-trotteur aguerri, le Madelinot Sébastien Cummings s’apprête à inaugurer la 20e saison des Pas perdus, un resto-bar-spectacle-auberge qu’il a façonné à son image avec trois amis.

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C

ofondateur de l’un des restaurants les plus populaires et emblématiques des Îles, Sébastien Cummings n’a pas l’habitude de se tourner les pouces. Même si l’organisation des spectacles l’occupe grandement au printemps et à l’été, l’entrepreneur de 44 ans préfère le titre d’«homme à tout faire» à celui de directeur de la programmation. «En fait, je programme les shows, mais je gère aussi le restaurant. Quand y a trop de vaisselle, je vais à la plonge. Si y a une chaise brisée, je la répare. Je suis le gars qui règle les problèmes.» Néanmoins, c’est à lui qu’on doit en grande partie le succès manifeste de la salle de spectacle des Pas perdus, située la porte à côté du restaurant homonyme. Depuis plus d’une décennie, Sébastien s’évertue à construire la programmation la plus éclectique possible afin de rallier les touristes et les Madelinots

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de tous âges. «Ça fait 2-3 ans que la billetterie va vraiment bien et qu’on est capables d’arriver kif-kif dans notre budget. Pour être rentable, ça me prend des shows qui bougent, durant lesquels les gens vont danser et boire. En général, tout ce qui est folk fonctionne super bien, qu’on pense à 2 Frères ou des artistes acadiens dans le même genre. Après ça, j’y vais aussi avec une certaine logique. Quand les jeunes s’en vont à la fin août, je vise un peu plus les babyboomers avec des Marjo, des Bobby Bazini... Pis, des fois, je cherche aussi à me faire plaisir avec des artistes que j’aime comme Martin Léon. Ce sont rarement les shows qui vendent le plus par contre.» Le plaisir guide les choix de vie de Sébastien depuis ses études en tourisme à la fin des années 1990. C’est d’ailleurs en revenant d’un voyage «au Mexique ou au Guatemala» à titre de guide

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touristique qu’il a eu l’idée de lancer le projet des Pas perdus avec ses amis Chantal et Nancy Cormier ainsi que Robert Bourassa, trois grands voyageurs tout comme lui. Le père des deux sœurs Cormier leur avait alors soumis un ultimatum. «Il venait d’acheter une bâtisse, qui avait toujours été un hôtel ou une auberge. Son plan était de mettre ça à terre pour en faire un parking, mais avant d’entreprendre le projet, il nous a donné l’occasion de faire de quoi avec la place. Il nous a dit quelque chose: “Faites avec ça cet été et si vous réussissez, je vais vous vendre la bâtisse.”» En 2000, les quatre acolytes ont développé cette idée de commerce multidisciplinaire: un resto-bar au rez-de-chaussée et une auberge au premier étage. «Pour être franc, on s’est un peu fait prendre de court. On était des rêveurs qui connaissaient pas grand-chose à ce milieu-là. Ça a pris du temps


le gouvernement ne nous considère pas comme une salle de spectacle, mais bien comme un bar. Bref, c’est impossible pour nous de recevoir une subvention, contrairement au diffuseur régional. À un moment donné, on s’est sérieusement demandé si on devait fermer, car on était un peu tannés de travailler pour perdre de l’argent. En fin de compte, on a compris qu’à la grandeur de la région et même du Québec, la salle nous amenait un nom, une crédibilité. On perdrait probablement de l’achalandage au resto et à l’auberge si on la fermait.»

avant que les gens de la place nous apprivoisent, car on était vus comme des marginaux. Faut se rappeler qu’à l’époque, côté restauration, tout se ressemblait pas mal aux Îles... Et ça chialait, car on avait pas de club sandwich sur notre menu! Mais bon, on a réussi à prendre notre place en apprenant sur le tas.» L’appel de la musique La diversité et l’originalité du menu ont finalement conquis les Madelinots. Notamment reconnu pour ses burgers mettant en vedette les produits du terroir de la région, que ce soit l’agneau, le loup marin, le wapiti, le bœuf ou le flétan, le restaurant n’a pas mis de temps à piquer la curiosité des touristes. Dès le départ ou presque, l’ambiance chaleureuse et festive de l’endroit lui a donné sa particularité. «C’était le party. On était une gang de backpackers qui voulaient avoir du fun. Ça a pas pris de temps qu’on a commencé à inviter des musiciens et qu’on a lancé les jams du lundi, se souvient Sébastien, citant Karkwa, Antoine Gratton, Mononc’ Serge et Fred Fortin parmi ses spectacles les plus mémorables de l’époque. «C’était un peu n’importe quoi... Dès que 21h30 arrivait, on ouvrait les portes de garage et on partait avec les tables du monde qui mangeait

pour installer le set-up des shows. On avait parfois des plaintes des chambreurs en haut qui pouvaient pas dormir. Le matin, on croisait les employés qui venaient faire les déjeuners. Ça sentait la robine.» Les quatre camarades flairent la bonne affaire en 2007 lorsque le cinéma voisin ferme ses portes. Divisée en deux parties distinctes, la bâtisse a un potentiel certain: celui d’accueillir une salle de spectacle à la sonorisation impeccable à l’arrière et un espace bar avec terrasse à l’avant. «On savait que si on faisait rien avec ça, y aurait plus rien de culturel aux alentours. On a donc décidé d’acheter le cinéma, d’arracher les bancs, de mettre du rubber par terre... Bref, on l’a arrangé à notre image.» En deux temps, trois mouvements, la salle des Pas perdus était née. Avec une programmation plus éclectique et champ gauche que celle du diffuseur régional (Au Vieux Treuil), l’endroit a mis quelques années avant d’installer sa réputation. Les difficultés financières ont toutefois failli avoir le dernier mot sur l’ambition des comparses. «Il y a des années où on était découragés», confie-t-il. «Le problème, c’est que, même si une bonne partie de notre chiffre d’affaires vient de la billetterie,

C’est d’ailleurs une alliance avec le Vieux Treuil (fermé l’hiver) qui permet à la salle des Pas perdus de poursuivre ses activités au-delà de la saison chaude. «Je leur passe ma salle et ils programment leurs shows. Je ne prends pas de risque l’hiver.» Au contraire, la saison froide permet à Sébastien de décompresser avant le raz-demarée estival. Toujours aussi animé par les voyages, l’homme à tout faire est parti trois semaines au Japon cet hiver. «Le fait qu’on est plusieurs propriétaires, on peut se permettre des trips de même. La seule obligation, c’est qu’on soit tous là l’été.» Même s’il aime la liberté que lui procure son horaire du temps, Sébastien Cummings en appelle à un tourisme moins étriqué. «L’été, on peut pas être plus plein que plein. À terme, on aimerait donc allonger la saison, notamment en développant des forfaits pour des courts séjours à d’autres moments clés de l’année, comme à la fête du Travail. Oui, on est contents que les gens aiment l’été aux Îles, mais on espère un jour pouvoir leur faire découvrir autre chose.» Les Pas perdus Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine 185, chemin Principal Cap-aux-Meules 418 986-5151 pasperdus.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Traversée de la Gaspésie  photo Ricochet Design

La Traversée de la Gaspésie 3, côte Carter, Gaspé

Forte de la réputation internationale de son volet hivernal – une excursion à ski accueillant des fondeurs de tout genre – la Traversée de la Gaspésie explore depuis maintenant six ans ces

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sentiers dénudés de neige lézardant la péninsule. Les sillons parcourus bottines aux pieds dévoilent le territoire sous une perspective singulière. C’est que la foulée réduite de la marche dicte une autre progression, certainement plus lente, possiblement plus pénétrante que la glisse. Et puis, il y a le cadre,

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les majestueux Chic-Chocs, ou encore la douce baie des Chaleurs, cette fois sous le joug des couleurs flamboyantes de l’automne. En tous les cas, on y retrouve cette cohésion humaine émanant de l’effort déployé en groupe, sans compter cette exaltation à pétrir pareil écrin de verdure. Avis aux randonneurs!


Les percéides 343, route d’Irlande, Percé

Microbrasserie Le Naufrageur

Élaine Richard 323, route 199, Fatima

586, boul. Perron, Carleton-sur-Mer

Dans l’éventail de l’offre touristique québécoise, un lieu à la cote: Percé, de son emblématique rocher, symbolise l’attractivité atavique des topographies extraordinaires, ces milieux naturels qui immanquablement émerveillent de leur seul état, sans fla-flas ni mises en scène pompeusement élaborées. Toujours est-il que la beauté de tels patrimoines naturels invite à la création d’œuvres artistiques et, certainement tout autant, prédispose à ce qu’on l’en fréquente les déclinaisons. Ainsi donc la sublime Percé plonge dans le bassin du septième art, devenant du coup l’incubateur régional du cinéma d’auteur. Joliment nommé Les Percéides, le festival de cinéma et d’art, qui en est à sa 11e édition, fait la part belle au cinéma d’auteur, mais aussi à la fiction, au documentaire et au contenu rural. À ne pas manquer.

Le bâtiment de bois couleur cacahuète surgit dans l’anse baignée de quiétude de Carletonsur-Mer. À l’inverse de ces buvettes urbaines qui parient sur l’anonymat de façade, la microbrasserie s’affiche sans complexe: sous de grosses lettres jaunes aux accents maritimes s’offre Le Naufrageur, l’une des figures de proue de l’élan brassicole qui enivre la Gaspésie depuis la fin des années 2000. Se réclamant d’ancêtres adeptes de piraterie – le «naufrageur» pillait les embarcations dont il provoquait la déroute –, les brasseurs produisent aujourd’hui plus d’une vingtaine de bières dites du terroir, la plupart nommées d’après ces bateaux échoués sur les côtes de la péninsule. Cet attachement au territoire déborde par ailleurs de la chose houblonnée, l’établissement proposant à l’été un micromarché où s’affairent des artisans locaux.

Originaire de Havre-auxMaisons, Élaine Richard sait comment raconter les Îles-dela-Madeleine avec finesse et sensibilité. Porteuse de tradition, la conteuse «donne vie à ce qui ne doit jamais être oublié» et nous plonge dans ses histoires de famille les plus personnelles, reflétant l’histoire de l’archipel dans tout ce qu’elle a de plus vrai, de plus déchirant et de plus beau. Figure incontournable de la culture madelinote, Richard fait revivre les contes de sa région avec une perspective humaine bien développée et une touche de magie bien à elle. Encore une fois, ce sera dans l’antre intime et chaleureux de l’hôtel Accents que l’artiste prendra place tout au long de l’été. Tous les dimanches et les mercredis de juin à septembre – Amphithéâtre de l’hôtel Accents – Fatima, Îles-de-la-Madeleine

Élaine Richard  photo Meggy Turbide

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Pizza d’la Pointe

Pizza d’la Pointe 86, route 199, Havre-aux-Maisons

Uniquement ouverte durant la saison chaude, cette pizzeria familiale a fait sa marque grâce à son plat de prédilection: la pizza du pêcheur. Exquise, cette pizza faite à partir d’une succulente béchamel au homard est parsemée de pétoncles, de crevettes, de homard, d’oignons, de poivrons rouges, de beurre à l’ail et de mozzarella. Elle figure parmi les mets les plus populaires et les plus emblématiques des Îles-de-la-Madeleine. Autrement, ce restaurant typique de la jolie île de Havre-aux-Maisons mise sur une ambiance réconfortante, une

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terrasse conviviale et plusieurs autres pizzas qui vous mettront l’eau à la bouche, notamment la Cocorico au poulet, la Pizzado au bacon et fromage Pied-de-Vent ainsi que la Ti-Loup au loup marin confit.

Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie 120, 4e Rang Ouest, New Richmond

Entre les murs de l’église SaintLaurent-de-Matapédia, au seuil des battures de Paspébiac ou encore aux abords d’une échancrure sur la pointe de Forillon, les photos, imprimées le plus souvent sur

Tour du Québec Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine

de larges blocs prismatiques, nous interpellent d’abord par leur puissance narrative. Sans faire de vague, mais durablement, les clichés perforent le décor gaspésien, teintant l’horizon de leur objet souvent universel. À la clé, le territoire développe une épaisseur nouvelle: voilà à quoi nous convient les Rencontres internationales de la photographie en Gaspésie, qui offre sa 10e édition du 24 juin au 30 septembre. Sur plus de 800 kilomètres, dans près d’une vingtaine de municipalités, l’exposition, vaste et diversifiée comme le territoire, invite les badauds à réfléchir à la manière dont ils investissent leur espace.


Lanaudière 124 128 132

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Tour du Québec Lanaudière

Ferme Vallée Verte Tourisme Manawan Sur la route



( terroir ) Ferme Vallée Verte Saint-Jean-de-Matha mots Julien Abadie photos Maggie Boucher

La clé des champs Nous sommes de plus en plus préoccupés par ce qui se passe dans notre assiette. La Ferme Vallée Verte répond à cette inquiétude avec ses produits 100% naturels et qui offrent ce goût d’hier que tant recherchent aujourd’hui.

I

l y a des saveurs qui ressemblent aux lieux qui les ont vues naître. Des aliments dont le goût, l’aspect, l’histoire rappellent immanquablement les paysages qui leur servent d’écrin. Les cheddars et les yogourts de la Ferme Vallée Verte sont de ceux-là. Il faut se rendre sur les lieux, au creux d’un des vallons qui jouxtent Saint-Jeande-Matha, quelque part à droite du rang Guillaume-Tell, pour mettre les mots adéquats sur l’authenticité des produits de David et Samuel Gadoury. On trouve, au milieu de ce Lanaudière bucolique, dans la douceur de ces collines roulantes parsemées de petites exploitations, quelque chose de franc, de simple, qui nous évoque un Québec de cocagne, un Québec éternel. Un Québec dont la Ferme Vallée Verte nous propose en quelque sorte de retrouver le goût. Mais n’allez pas croire que ce Québec-là est figé. Au contraire: il change avec son époque. Une époque de plus en plus préoccupée par ce qui se passe dans son assiette. «Depuis sa construction en 2013, notre fromagerie fonctionne sur la base d’une agriculture durable, avec des bêtes nourries sainement et élevées sans OGM», raconte David Gadoury, l’aîné des deux frères. «En se débarrassant de tout ça, on a constaté que l’espérance

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de vie de nos vaches augmentait considérablement! À court terme, l’agriculture moderne permet d’améliorer les rendements, mais à long terme…» Sachant qu’il faut patienter deux ans avant qu’une vache laitière donne du lait et que lui apprendre à utiliser la trayeuse prend du temps, allonger son espérance de vie grâce à une alimentation saine n’est pas un si mauvais calcul financier. Et ne parlons même pas du calcul éthique: ses gains sont incommensurables. Ici, pas de traite forcée: quand elles en ressentent le besoin, les vaches quittent simplement leur large box et leur petite plage de sable pour se diriger vers le robot à traire. Elles disposent aussi d’une brosse sur laquelle elles peuvent se frotter quand bon leur semble. Quand les beaux jours reviennent, les murs de la ferme s’ouvrent très largement pour laisser entrer l’air, la lumière et les regards des visiteurs venus s’approvisionner sur place. «En comptant les bébés, nous avons 150 têtes de bétail, poursuit David. Mais seules 60 à 65 sont utilisées en même temps. Les autres sont soit trop jeunes, soit au repos pendant deux mois en rotation.» Tout ici est, on le sent bien, pensé pour le bienêtre des animaux et une certaine éthique agricole. Évidemment, la qualité des produits s’en ressent...

La clé du local «Notre alimentation est à la base de notre santé», insiste David en prenant des accents presque militants. «Il ne faut pas chercher bien loin les raisons des problèmes actuels de maladies et d’allergies: ils sont souvent causés par ce que nous mangeons. Quand on disait ça il y a 25 ans, on passait pour un hippie, mais plus aujourd’hui.» Le cahier des charges de la Ferme Vallée Verte répond scrupuleusement à ces convictions: pas d’hormones, pas d’antibiotiques, pas de pesticides, pas de colorant, pas d’arômes artificiels, pas de conservateurs. Juste les produits les plus naturels, les moins transformés possible. Malgré tout, aucune certification bio n’orne les emballages. Surprenant? «Notre lait a eu l’homologation Ecocert pendant 10 ans, mais nous l’avons abandonnée lorsque nous avons lancé la fromagerie: c’était trop de paperasse et trop de dépenses. Et puis le bio est aujourd’hui tellement demandé qu’il en est parfois devenu industriel à son tour...» S’ils ne rejettent pas l’idée de retrouver cette homologation un jour, il est très clair que ce n’est pas une priorité pour les frères Gadoury. L’essentiel à leurs yeux reste le circuit court, l’agriculture durable, «l’amour de la terre et des animaux», comme ils le proclament

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dans leur brochure. «La production locale, c’est ce qu’il y a de mieux, nous confirme David. Pour les consommateurs, mais aussi pour l’emploi dans les régions, il faut conserver des fermes à taille humaine.»

David. On est preneur de toutes bonnes idées d’association avec nos produits laitiers. Nos cheddars au bacon et à la bière sont de bons exemples de ces expérimentations.»

Locale et à taille humaine, la Ferme Vallée Verte l’est assurément. De la nourriture des vaches à la mise en pots des yogourts, en passant par la pasteurisation du lait et la confection du cheddar, tout est fait sur place par la dizaine d’employés de la ferme et de la fromagerie. À l’occasion, les frères Gadoury en profitent même pour mettre en valeur le travail des petites exploitations alentour. Pour faire leur cheddar au bacon, ils se sont par exemple approvisionnés dans une ferme d’élevage d’un rang voisin. Même chose pour le chocolat et les framboises qui sont ajoutés à certains de leurs yogourts. «On essaie de s’entraider, résume

De la ribambelle de fromages et de yogourts qui s’alignent dans les réfrigérateurs de la boutique, lesquels se vendent le mieux dans les 180 magasins qui les reçoivent? Côté fromages, nous dit-on, les cheddars nature et à la ciboulette sont indémodables et caracolent en tête. Quant aux yogourts, si Montréal est, paraît-il, très demandeuse des versions nature et à la vanille, ce sont les versions sucre d’érable et framboises qui seraient les plus prisées en boutique et aux alentours.

Bon lait ne saurait mentir

Mais la plus belle des expériences gustatives reste selon nous de prendre une grande rasade de matière première: le lait. La Ferme

Vallée Verte vend le sien à 3,8% de matière grasse, pasteurisé à basse température et surtout non homogénéisé: si vous le laissez reposer, une grosse couche de crème va venir se former en surface. Incomparable avec celui de ses cousins industriels, son goût riche est un vrai voyage dans le temps, une madeleine de Proust liquide. J’y ai retrouvé un peu de la saveur de mes huit ans, quand je descendais à la ferme pour flatter les veaux et goûter le lait fraîchement sorti du pis. Moi qui pensais cette saveur du passé perdue à jamais, j’ai enfin retrouvé la clé des champs: elle était dans les collines roulantes de Lanaudière, quelque part à droite du rang Guillaume-Tell... Ferme Vallée Verte Lanaudière 180, rang Guillaume-Tell Saint-Jean-de-Matha 450 886-2288 fermevalleeverte.com

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( territoire ) Tourisme Manawan Manawan mots Sophie Ginoux Photos Manawan

Réserve d’authenticité La région lanaudoise recèle bien des secrets. Tout au nord, lorsque la route s’arrête, un incroyable spectacle naturel nous attend, suivi d’une aventure humaine tout aussi marquante. Bienvenue à Manawan, où une petite communauté atikamekw partage sans artifice sa culture immémoriale et ses combats contemporains.

L

e périple n’a pas encore commencé que déjà, on sait qu’on fonce vers l’inconnu. Le bureau de Tourisme Manawan nous a donné rendez-vous devant un pub de Saint-Michel-des-Saints. On se sent un peu perdu dans ce stationnement presque vide, face à une rue centrale qui l’est presque autant. On regarde les minutes défiler. On revérifie l’adresse et l’heure convenue sur les documents. Puis, au bout d’un moment, on décide de lâcher prise et on prend un livre. C’est là, alors qu’on ne l’attend plus, qu’un quatre-quatre un peu déglingué arrive. Son chauffeur et son passager en sortent et nous sourient. Et ces sourires francs nous font immédiatement oublier le retard et notre anxiété. On grimpe dans la carlingue de l’excitation plein la tête et, sans le savoir, porteur de notre première leçon du jour: au sein des Premières Nations, il faut oublier la notion de temps que nous connaissons habituellement. Le quatre-quatre sort de la route goudronnée après quelques kilomètres pour s’engager sur une piste en gravier. Trois virages plus tard, les ondes cellulaires cessent. Une nouvelle surprise qui nous convainc qu’il est temps de nous débrancher et de vivre pleinement cette expérience inédite. Nous voici donc partis pour 80 kilomètres

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de rallye sur un chemin cahoteux et poussiéreux bordé de boisés et de sapinages. Notre guide et chauffeur Patrick Moar alterne gaiement entre des explications en français et une discussion à bâtons rompus en langue atikamekw avec son passager, qui a profité de la venue du véhicule à SaintMichel-des-Saints pour se rendre chez un dentiste, une ressource introuvable à Manawan. Notre deuxième leçon du jour, essentielle si on veut comprendre la culture atikamekw, nous est déjà prodiguée: la communauté avant tout. Étonnamment, peut-être, on se sent rapidement en confiance, presque en famille dans ce quatre-quatre au milieu de nulle part, avec ces voisins qui parlent une langue différente et la musique country émise par la station de radio communautaire atikamekw CHMK plein les oreilles. Notre regard se pose sur les ancestraux terrains de chasse et de pêche qui longent la route, devenus pour la plupart des pourvoiries à l’approche encore sauvage. Plongée communautaire Une bonne heure plus tard, les premières petites maisons en bois colorées de la réserve de Manawan, qui signifie «lieu où l’on ramasse des œufs» en langue

atikamekw, apparaissent devant nous et le goudron reprend ses droits. Manawan est un gros village. Il s’étend sur une superficie de 7,73 kilomètres carrés et compte à peu près 3000 habitants. Comme d’autres petites bourgades, on y trouve des écoles, des dépanneurs, un petit marché d’alimentation et un office de tourisme qui sert aussi de bureau de poste et de centre administratif. Mais les ressemblances s’arrêtent là. Ici, tout semble joyeusement chaotique. Les rues désordonnées, les maisons un brin branlantes, la multitude de chiens sans laisse qui se baladent librement partout, les cousins de cousins qui viennent nous saluer comme s’ils nous connaissaient depuis 10 ans, ou encore ces ribambelles d’enfants (une personne sur quatre a moins de 12 ans dans la réserve) sans surveillance. Notre guide lui-même ne sait pas exactement où trouver les clés de la chambre qui nous accueillera ce soir. Qu’importe. Le simple fait d’observer le fonctionnement singulier de la communauté atikamekw, d’écouter des personnes de tout âge converser dans leur langue natale et de bavarder avec ceux qui viennent à notre rencontre est déjà une activité en soi. On se sent dépaysé, accueilli et invité à

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faire corps avec la réalité qui nous entoure, loin de tous les clichés folkloriques assénés ailleurs. Il y a encore 100 ans – la réserve de Manawan a été créée en 1906 –, les chefs atikamekws se rendaient en canot d’écorce jusqu’à Ottawa pour négocier avec les autorités fédérales. Et il y a moins de 30 ans, les tipis étaient encore nombreux dans la réserve, car on croyait que les maisons en dur hébergeaient le diable en personne. L’évolution est donc très rapide aux yeux

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des résidents de Manawan. Avec des disparités tantôt cocasses, tantôt inacceptables entre leur quotidien et celui de leurs visiteurs. L’héliportage pour amener les malades urgents, l’électricité manquante certains jours, les routes non pavées, l’internet presque inexistant, l’important taux d’échec scolaire, le manque de ressources et d’emplois, la pauvreté... Rien de neuf sous le soleil, puisque ces fléaux touchent aussi d’autres réserves autochtones à travers le Québec.

Mais à Manawan, on sourit et on lutte fort pour s’en sortir. En commençant par s’ouvrir au monde en essayant de faire découvrir sans paillettes la culture atikamekw. Alors on organise un pow-wow annuel qui attire des centaines de visiteurs, des tournois sportifs et des rassemblements culturels. L’hiver, on reçoit des bandes de motoneigistes dans une auberge flambant neuve très confortable tranchant avec les maisons environnantes. Et lorsque la saison estivale commence,

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on invite les adeptes de plein air et de tourisme responsable à prendre un vrai bain culturel en réalisant un séjour à Matakan, un campement situé à une vingtaine de kilomètres de la réserve. Des traditions incubatrices d’avenir Pour se rendre à Matakan, il faut accepter de vivre à la manière traditionnelle atikamekw. Ce qui signifie qu’il faut grimper ses affaires sur un bateau à moteur au petit matin et se laisser porter une trentaine de minutes sur l’immense lac Kempt, long de 61 kilomètres, en admirant la beauté spectaculaire du paysage qui nous entoure. L’eau miroitante du lac, des forêts indomptées à perte de vue, de petites îles ou presqu’îles sauvages partout. La magnificence de ce trajet est à peine rompue lorsqu’on est accueilli par une petite colonne de

fumée odorante qui nous indique que le campement est tout près. Une fois arrivé sur place, on installe ses affaires dans un tipi, dans lequel on dormira au son du crépitement du feu central et de la faune environnante. Puis on se laisse guider par ses accompagnateurs au fil des activités, qui varient au rythme des envies des participants. Pêche au filet et à la canne, tour en canot rabaska, découverte de la faune et de la flore locales, observation de pétroglyphes ou de barrages de castors, fabrication d’arcs ou de capteurs de rêves, cuisine de gibier sauvage sur feu de bois, initiation à la langue atikamekw… La société moderne n’a plus d’emprise sur ce bout de territoire hors du temps, où les légendes autour du feu nourrissent bien plus notre imaginaire que le meilleur film d’aventure.

Calendrier atikamekw oblige, on aimerait que le tourisme balbutiant à Manawan puisse un jour s’exprimer pendant les six saisons ancestrales, y compris au pré-printemps (lors du redoux et du dégel) et au pré-hiver (avant que la glace ne prenne au sol). Mais plus important encore, l’attachante communauté souhaite développer un tourisme responsable, fidèle à son histoire et à ses valeurs. Tourisme Manawan Lanaudière 161, rue Simon-Ottawa Manawan 819 971-1190 voyageamerindiens.com

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

La Terre des Bisons

La Terre des Bisons 6855, chemin Parkinson, Rawdon

Aucun doute, la viande de grands gibiers se taille une place de choix dans nos assiettes et sur les bonnes tables du Québec. À la Terre des Bisons, ferme aussi connue sous le

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nom de Bison Lanaudière, on élève, comme on s’en doute, du bison depuis 25 ans mais aussi du wapiti depuis 1992. C’est une réelle expertise familiale qui est ici à l’œuvre. Les plus gourmands pourront se procurer sur place des produits concoctés sur place,

tandis que les plus curieux prendront sans doute plaisir à visiter le centre d’interprétation en parcourant le sentier permettant de mieux comprendre le mode d’élevage propice à ces espèces. Belle sortie en famille.


Trécarré Microbrasserie

Ferme des Arpents roses

Rang Saint-Guillaume

1431, rue Principale, Saint-Côme

1200, rang Saint-Albert, Sainte-Mélanie

Saint-Jean-de-Matha

Vous saviez que Saint-Côme est en quelque sorte la capitale de la musique traditionnelle du Québec? Eh oui! À telle enseigne que la pratique de la chanson traditionnelle à Saint-Côme est inscrite au registre du patrimoine culturel du Québec. Un pèlerinage s’impose donc vers ce très beau village qui grouille en toute saison. Aussi, qui dit chanson traditionnelle dit évidemment lieu convivial pour se rassembler. C’est exactement ce que vous allez trouver à la Microbrasserie Trécarré, fondée en 2018 par quatre gars de la région. L’endroit est chaleureux et les pompes à bières sont installées dans un piano, comme quoi, la musique, ici, on en boit! Prenez note que quelques brassins sont offerts en canette pour la vente au comptoir et leurs produits sont aussi vendus dans quelques dépanneurs et épiceries de la région. Faites des provisions. À votre santé!

Voilà une très bonne raison d’aller vous perdre dans les jolis rangs dans le coin de Sainte-Mélanie. À la Ferme des Arpents roses, on se fait une fierté de développer un mode de production agroécologique, un projet familial qui a vu le jour il y a une trentaine d’années. Ici, les porcs sont en liberté, nourris avec une moulée d’ingrédients biologiques produits sur place, des légumes du jardin et une «salade de pâturage» maison. Tous les légumes du jardin sont aussi, bien évidemment, certifiés biologiques. Si une balade dans le coin vaut assurément le coup d’œil, c’est dans les marchés publics des alentours et dans diverses boucheries qu’on pourra se procurer leurs produits, car ils ne font pas de vente directe à la ferme. On peut toutefois commander son cochon en début de saison. Prenez contact avec eux pour les détails.

Sortez vos caméras, levez le pied, il faut rouler lentement sur ce magnifique rang Saint-Guillaume qu’on peut emprunter vers l’est en remontant la route 131 vers Saint-Jean-de-Matha, juste après le rang Guillaume-Tell où se trouve la Ferme Vallée verte. Ne manquez surtout pas ce très joli détour. Essayez même d’y aller en fin de journée ou au lever du jour pour contempler la lumière caressant les terres, les fermes et les jolies maisons. À classer sans aucun doute parmi les plus beaux rangs du Québec. Faites un arrêt chez Qui sème récolte, érablière, cidrerie et huilerie familiale qui donne aussi dans la fabrication de kombucha, ainsi qu’à la ferme Canards Maurel-Coulombe, un peu plus loin sur le rang du Sacré-Cœur, où vous trouverez de quoi garnir votre table avec gourmandise et élégance.

Ferme des Arpents roses

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Parc régional des Chutes Monte-à-Peine-et-des-Dalles  photo Normand Montagne

Parc régional des ChutesMonte-à-Peine-et-des-Dalles 561, rang des Dalles, Sainte-Béatrix

Il y a plusieurs jolis paysages à explorer entre Sainte-Béatrix, SaintJean-de-Matha et Sainte-Mélanie. Un des attraits incontournables par ici est sans aucun doute le Parc régional des Chutes-Monteà-Peine-et-des-Dalles, où la rivière L’Assomption étonne par sa splendeur et sa force. Sur place, des ponts, des chutes, des gorges, des aménagements permettant de flâner et de pique-niquer ainsi que tout un réseau de sentiers aménagés. Créé

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grâce à la collaboration des trois municipalités des alentours, l’endroit est fréquenté autant par les visiteurs de passage dans Lanaudière que par les familles de la région, qui en ont fait leur terrain de jeu de prédilection. Bref, un bel écrin de verdure et de fraîcheur où on prend plaisir à retourner.

L’arbre et la rivière 6757, rue Principale, Saint-Damien

Notez cette adresse dans votre calepin. Sur la rue Principale du joli village de Saint-Damien, Matthieu

Huck et Geneviève Boudreault se spécialisent dans la poterie cuite au four à bois, une technique ancienne qui donne à leurs créations des teintes et des textures uniques. Leur savoirfaire leur permet de créer des pièces étonnantes d’une grande beauté, à la fois contemporaines et authentiques, s’inscrivant parfois dans une esthétique d’inspiration faunique et botanique. Rien de kitsch ici, ça sonne vrai, la terre est en vedette. En plus de visiter la boutique, on peut pique-niquer dans le jardin. Bucolique.


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Tour du QuĂŠbec Laurentides

Funky Art Cartel Palette de bine Ferme Grand Duc Sur la route



( culture ) Funky Art Cartel Val-David mots & photos Maryse Boyce

Ode aux mains sales En plein cœur de Val-David est né en juillet 2018 le Funky Art Cartel, une entreprise créative et multiforme qui échappe aux catégorisations. Nous avons rencontré ses trois instigatrices un lundi matin de février, dans la maison inondée de lumière qui leur sert de quartier général, afin de mieux saisir l’essence de leur proposition.

E

n observant Alexandra Lahaie, Jessica-Charlie Latour-Marleau et Maxim Dubé répondre à mes questions en complétant les phrases l’une de l’autre et en entendant les rires qui finissent toujours par fuser au détour d’une phrase, il serait facile de croire que les trois trentenaires se connaissent depuis toujours. À peine quatre ans se sont pourtant écoulés depuis leur rencontre au café-bistro Le Mouton noir, où elles travaillaient toutes les trois. L’aventure entrepreneuriale les a de toute évidence soudées, et elles confient d’un même souffle avoir trouvé dans leur trio l’ancrage d’une famille. «Quand on est les trois, il y a un espèce de feu qui nous donne l’énergie pour passer au travers de toutes les étapes, souligne Maxim. Ça nous propulse.» L’étincelle du Funky Art Cartel a jailli lors d’un cours de poterie: les trois femmes ont alors envie d’unir leurs forces afin de partager au plus grand nombre le bonheur de se salir les mains. «On s’est dit qu’il faudrait qu’il y ait un lieu comme ça, où on peut créer quand on veut, ce qu’on veut, où on est libre et où on peut réunir des artistes», résume Jessica-Charlie. Et pour faire éclore ce lieu axé sur la création tous azimuts, il n’y a pas de meilleur endroit que Val-David, village qui regroupe une importante

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concentration d’artistes et où les femmes sont installées depuis une quinzaine d’années. «La culture est vraiment au cœur des valeurs ici», confirme Maxim, décrivant du même souffle le lieu comme un «villagevoyage», les touristes et habitants ayant souvent l’impression que tout y est possible. Si le Funky Art Cartel demeure fidèle à l’impulsion qui l’a vu naître il y a moins d’un an, soit d’agir comme facilitateur créatif pour le plus de gens possible, ses fondatrices expérimentent encore avec les vecteurs qui serviront le mieux sa mission. «C’est un peu un laboratoire: on essaie de créer quelque chose de différent dans nos vies à travers ça», explique JessicaCharlie, insistant sur la notion de plaisir au cœur de leur démarche. Cela explique pourquoi le volet galerie-boutique, bien que réussi, a récemment été écarté, le trio étant devenu davantage gestionnaire qu’artiste. «On a envie que la création fasse partie de notre vie quotidienne, et je pense qu’on est en train de s’en rapprocher et de faire en sorte que notre projet nous ressemble», complète Maxim. Les entrepreneuses derrière le Funky Art Cartel, concentrent donc pour l’instant leurs énergies sur trois secteurs d’activité: les événements artistiques en tout

genre, les spectacles de salon, ainsi que la sérigraphie sur mesure d’objets à l’effigie de l’entreprise – ce qui permet de financer celle-ci et de contribuer à sa diffusion. L’intimité comme force Depuis le début de l’aventure, les spectacles intimes dans le petit salon à l’avant de la maison donnent lieu à des moments magiques, autant pour les artistes qui y voient une possibilité d’expérimenter sans pression que pour le public qui assiste à des performances uniques. Si André Papanicolaou, Max Marshall et Dany Placard s’y sont jusqu’ici produits devant une vingtaine de personnes plus qu’attentives, entassées dans l’espace douillet, les fondatrices souhaitent aussi faire une place aux artistes moins établis, notamment grâce à des alliances avec des festivals tels que le Cabaret Festif! de la relève. Le Cartel s’assure aussi que sa programmation demeure complémentaire à celle des voisins Le Baril roulant et Le Mouton noir. Signe que la formule fonctionne: les artistes sont de plus en plus nombreux à les approcher pour se produire, alors que le public est composé à la fois de locaux et de gens de l’extérieur, rassemblant des personnes de tous les âges dans une ambiance chaleureuse.

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Créer le momentum En s’éloignant des heures d’ouverture fixes et en organisant des événements ponctuels, le Funky Art Cartel mise sur l’effet de rareté pour mobiliser les locaux à répondre présents à leurs propositions. «Si c’est ce dimanche-là qui est ouvert, tu veux être là: ça crée de l’engouement autour d’une journée», se réjouit Jessica-Charlie. Les événements sont à l’image du vaste public qu’ils souhaitent attirer: variés. Vernissages, ateliers autour d’un médium, tout est possible au Cartel! «Souvent, les gens ont peur d’essayer des nouvelles choses, que ce soit la musique ou la peinture. Il n’y a pas de mauvais chemin ou de mauvais résultat: le fun, c’est de le faire», résume Alexandra. Le trio constate

également que la démarche d’être des entrepreneures atypiques inspire bien des gens à se (re)mettre à la création. Élargir sa portée Si la grande maison de la rue de la Sapinière demeure l’ancrage de l’entreprise, le Funky Art Cartel souhaite faire rayonner sa mission au-delà de ses quatre murs et de son village. Les propriétaires planchent sur une version portative de leur cartel, un salon répliquant l’ambiance du lieu original, «montable, démontable, transportable», qu’elles pourront faire voyager de festival en festival dès cet été. «Dans les gros événements où il y a beaucoup de monde, c’est rare qu’il y a un endroit où tu peux te déposer, où tu peux

créer, explique Jessica-Charlie. C’est vraiment ça notre offre.» Le Funky Art Cartel souhaite donc stimuler le muscle créatif du plus grand nombre, autant par sa philosophie d’entreprise et ses spectacles que ses événements à petite et grande échelle. «Les gens ne savent pas qu’ils ont besoin de créer, conclut Jessica-Charlie. On croit qu’il faut se salir les mains pour aller bien dans la vie.» Le trio souhaite donc disséminer cette philosophie dans les prochaines années, et faire croître le projet jusqu’à ce qu’il puisse en vivre à temps plein. Funky Art Cartel Laurentides 1325, rue de la Sapinière Val-David

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( terroir ) Palette de bine Mont-Tremblant mots Julien Abadie photos Créations l’Abricot

Du travail d’orfève Palette de bine est un artisan-chocolatier pas comme les autres. Ici, tout est fait sur place. Le cacao arrive par gros sacs de fèves de 70 kilos, passe au triage, à la torréfaction, au concassage, au broyage, au tempérage et ressort sous forme de délicieuses plaques d’ébène. Bienvenue dans le monde merveilleux du mouvement bean-to-bar!

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’abord, une odeur. Puissante. Enivrante. Un souffle de cacao qui vous saute au visage et vous enveloppe à peine la porte ouverte. Il fait un froid sec, arctique, un froid des Laurentides, ce matin à MontTremblant. Mais derrière la vitre, ce sont les chaleurs chocolatées d’Haïti, du Pérou et de Tanzanie qui règnent. Nous sommes ailleurs.

«Je n’ai plus les chiffres exacts en tête, mais le mouvement du bean-to-bar a démarré aux États-Unis il y a environ 15 ans, nous raconte Christine Blais, l’artisane propriétaire de Palette de bine. J’ai découvert ce monde par pur hasard, en faisant une recherche sur Google. À 50 ans, je ne voulais pas continuer en architecture, je voulais faire quelque chose de mes mains.» Quelques achats de matériel plus tard, elle fait venir des fèves de cacao et commence à préparer son propre chocolat sur le comptoir de sa cuisine. «À ce moment-là, jamais mes enfants n’auraient pensé que j’en ferais une entreprise», rigolet-elle. Et pourtant. D’abord limité à une vingtaine de barres et vendu sur les marchés locaux, le chocolat artisanal de Christine va progressivement envahir la

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province. Aujourd’hui, Palette de bine, c’est quelque 250 barres par semaine, 34 points de vente au Québec et 10 à l’extérieur de la province. Hormis les étapes de cueillette, de fermentation et de séchage du cacao, tout le processus de fabrication du chocolat est donc effectué ici, à Mont-Tremblant, dans la cuisine qui jouxte la boutique. Au fond de la pièce, des fèves sont d’ailleurs en pleine torréfaction. Devant nous, une sorte de petite meuleuse malaxe consciencieusement une pâte de chocolat obtenue par le broyage des fèves concassées. C’est à ce stade qu’on lui ajoute tous les ingrédients désirés. Mais à quelques exceptions près, vous n’en trouverez que deux dans les chocolats de Palette de bine: du cacao et du sucre. «Contrairement aux Européens, je n’ajoute pas de beurre de cacao pour accroître l’onctuosité. L’idée, c’est vraiment de retrouver l’essence du goût des différentes fèves.» Rien de mieux pour distinguer un terroir d’un autre. Les saveurs ne sont pas lissées ni adoucies, elles peuvent s’exprimer dans toute leur puissance, toute leur complexité aussi. On a vraiment le sentiment de déguster quelque chose

d’indéfinissable, de mystérieux, de précieux, presque de goûter un morceau du territoire qui a nourri ce cacao. Un vrai travail d’orfève. Retour aux sources Comme pour les meilleurs cafés, les vins ou les thés les plus fins, la provenance du cacao est d’ailleurs clairement indiquée. En piochant dans les trois coupelles de dégustation disposées sur le comptoir, on a particulièrement craqué pour le tanzanien à la signature acide et fruitée. Mais c’est avec une coopérative du Pérou que Christine a bâti ses liens les plus privilégiés: «Je l’ai visitée il y a quelques années, raconte-telle en désignant des photos qui ornent les murs de sa boutique. Elle a été montée par un Américain qui s’est imprégné de la culture locale et vit là avec sa femme péruvienne. Sa coopérative fédère 300 fermiers et leur fournit un centre de fermentation. Les fèves proviennent de cacaoyers sauvages qui poussent au fond des jardins.» Cette visite qu’elle s’est permise est une exception. D’ordinaire, ses revenus modestes l’empêchent de voyager aussi loin pour tisser des liens directement avec les producteurs. Alors, comme d’autres,

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elle passe par des spécialistes qui accompagnent les fermiers sur le terrain, les aident à constituer des coopératives et à organiser leur logistique. «Mais parfois, on arrive à rencontrer directement les producteurs dans le cadre de conférences qui organisent leur déplacement, ajoute Christine. C’est vraiment pratique pour comprendre leurs problèmes!» Dans un marché où 95% du cacao est contrôlé cyniquement par de grands industriels, les artisans du bean-to-bar sont des acteurs minuscules qui cultivent d’autres valeurs: la traçabilité, la connaissance du produit, la relation au producteur… Les premiers vendent du chocolat; les seconds lui donnent de l’importance. Le goût de l’éthique Si les produits Palette de bine sont distribués un peu partout au Québec, on ne saurait que trop

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vous conseiller de faire un tour à la boutique de Mont-Tremblant. D’abord parce que Christine est une vraie passionnée, affable et intarissable sur le monde du bean-to-bar. Ensuite pour la boutique en elle-même: les arômes qui vous saisissent, l’atelier de fabrication qu’on peut admirer de l’autre côté de la vitre, les panneaux explicatifs, les multiples produits exclusifs… Difficile de croire que tout ça n’existait pas il y a encore quelques mois. «Originellement, j’étais située de l’autre côté de la rue, raconte Christine. Mais tout est parti en feu le 3 octobre 2017.» Il lui faudra un an d’efforts acharnés pour racheter cette bâtisse, rebâtir la boutique et relancer la production. «Pendant cette période, j’étais sur l’adrénaline», nous confie-t-elle, visiblement soulagée que cette épreuve soit derrière elle. Mais de toutes les surprises que réserve cette boutique, la plus

inattendue reste d’y trouver d’autres chocolats bean-to-bar. Contre toute logique commerciale, Christine offre de la place à ses concurrents directs. «Je ne les vois pas comme des concurrents, mais comme une famille, nous corrige-t-elle. Vous savez, il n’y a pas d’université pour apprendre à faire du chocolat bean-to-bar. Alors même s’il y a de nouveaux entrants qui jouent des coudes, il y a généralement du respect entre nous, de l’entraide.» Le voilà finalement ce goût indéfinissable, cet ingrédient mystère qu’on cherchait plus tôt. Ce n’est pas seulement du merveilleux chocolat que Palette de bine vous propose de déguster: c’est avant tout une éthique du cacao. Palette de bine Laurentides 2047, chemin du Village Mont-Tremblant palettedebine.com


( terroir ) Ferme Grand Duc Lachute mots Léa Villalba photos Simon Jodoin

Bons bisons de Lachute Après la sortie 260, en direction de la ville de Lachute, au détour d’un chemin sinueux, nous rencontrons Richard Marier, propriétaire de l’enseigne Grand Duc. Dans le petit point de vente au cœur de ses 350 hectares qui abritent 300 bisons, ce fringant monsieur nous conte cette belle aventure d’élevage et de vente.

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rojet de retraite initié avec son chum, la Ferme Grand Duc s’est développée au fur et à mesure des années. «On a commencé en 1990, et mon chum et moi, on n’était pas pantoute là-dedans à l’époque! La ferme, c’est ma retraite, c’est notre retraite», raconte Richard. Avant d’investir dans leur première ferme, un fonds de terre exproprié de Mirabel de 35 hectares, les deux hommes réfléchissent à l’espèce animale qu’ils aimeraient élever. «On avait des objectifs: on ne voulait pas sentir mauvais et on voulait l’animal le plus autonome possible. On a pensé à l’autruche, au bison, au cerf... Finalement, c’est le bison qui a gagné parce que c’est le plus indépendant.»

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Petit à petit, les copropriétaires ont appris à comprendre l’animal et à s’en occuper: «Un bison, s’il a du foin en masse et de l’eau, il ne touchera jamais une clôture. Mais s’il n’a pas d’eau ou pas de nourriture, il se trouvera une place. Dans la nature et dans l’histoire, le bison en a traversé des obstacles, alors c’est pas une clôture qui va l’arrêter!» Gérer la chaîne de production de A à Z La Ferme Grand Duc achète ses bisons, les élève, les découpe, les transforme et les vend sur place. Il y a seulement l’abattage qui est fait proche d’ici. «On cherchait un lieu spécifique pour notre projet.

Il fallait pas qu’on ait à traverser une route parce que le bison, tu peux pas lui dire “viens-t’en mon p’tit, on s’en va de l’autre côté”. Puis, il fallait très peu de circulation pour ne pas stresser l’animal. Sur place, on a une salle de maturation, une pour la découpe et une pour les préparations de la cuisinière. On fait même congeler notre viande sur place en deux heures seulement pour éviter que les molécules de la viande aient le temps d’exploser. Ça permet qu’il y ait moins de sang quand on décongèle la viande.» Depuis plusieurs années, la ferme ne fait plus naître les bisonneaux sur ses terres. Elle les achète pour éviter de faire de l’élevage intensif:


«On avait trop d’animaux et ça causait de la pollution. Quand on avait 300 mères, on se ramassait avec 1500 têtes, ça faisait du monde à la messe! Maintenant, on achète nos bisonneaux à 6 mois puis on les tue vers 14 mois pour les plus gourmands. Pour les femelles, c’est autour de 30 mois car elles grandissent moins vite.» Pour s’occuper de leurs bêtes et de leurs 40 kg quotidiens de foin, les copropriétaires favorisent un élevage naturel, sans antibiotiques, hormones et médicaments, même pour les bisonneaux, pour offrir une viande de qualité à leurs clients. «On est vraiment des hurluberlus et je m’en fous complètement! Quand le vendeur de semences arrive ici, il nous dit qu’on aura moins de rendement. C’est vrai qu’on a moins de rendement, mais on vend en conséquence et on respecte ça. S’il y a une tonne et quart au lieu d’une tonne et demie, c’est pas grave! Nos calculs sont faits en fonction de ça.»

expliquer comment le faire cuire, ce qu’il faut faire et ne pas faire, ça, je suis capable, mais le faire déguster, j’aime pas ça.»

Développer sa clientèle «Quand on a commencé et quand on a dit qu’on voulait faire de l’élevage de bison, c’était pas encore connu. Les gens nous disaient: “Hein de l’élevage de bison?” On passait pour des fous!», s’amuse Richard. Après avoir expliqué leur travail autour d’eux, les deux hommes ont commencé à parcourir les marchés du coin et ont participé aux Fêtes gourmandes sur l’île Sainte-Hélène: «On travaillait dans ce temps-là en tabarouette! C’était intensif, il y avait beaucoup de monde!» Présent au marché de Val-David depuis de nombreuses années, Richard nous livre avec humour sa relation avec la cuisine: «La cuisine, c’est pas mon fort, je déteste faire ça! Au marché, je suis le seul à ne pas faire de dégustation! Je leur dis: “Essayez-le vous-même!” Je vais donner des recettes,

Désormais, on retrouve les viandes Grand Duc dans plusieurs épiceries, petites boutiques, marchés publics et restaurants comme le Baril roulant et le Saint-Sau. Varier les produits Aujourd’hui, la ferme et son point de vente sont gérés par six personnes: Richard et Mario, un boucher, deux aides-bouchers et leur cuisinière. Avec un bison de 1000 livres, les employés récupèrent environ 600 livres de viande et réalisent toutes sortes de produits: saucisses, feuilletés, sauce à spaghetti, jerky, côtes, filet mignon… Au fil des années, l’entreprise a multiplié les partenariats avec les éleveurs du coin et offre dans sa petite boutique une belle diversité de marchandises. «On fait boucherie pour des partenaires donc c’est pour ça qu’on vend aussi du cerf, du sanglier

et du porc. Ce sont des gens aux alentours qui élèvent et nous, on fait la découpe et la transformation. Tout ce qu’on vend ici est fait ici, raconte Richard. Aux marchés, s’il reste 20 caisses de framboises à un producteur, je lui achète puis je les ramène ici. La cuisinière confectionne des confitures ici.» Avant notre départ, l’heureux retraité nous livre quelques conseils de cuisson: «Ça cuit deux fois plus vite que le bœuf parce qu’il n’y a pas de gras, alors attention, et pas besoin de persillade! Si tu saisis trop ta viande, tu la tues et tu vas avoir besoin de bonnes dents! Mais si tu la fais cuire à feu médium plus, quand ton gras commence à danser, c’est le temps de mettre ta pièce de viande, tu la flippes pis tu la piques pas pendant la cuisson surtout!» De quoi mettre l’eau à la bouche! Ferme Grand Duc Laurentides 165, chemin Saint-Jérusalem, Lachute 450 562-6641

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

À l’abordage

À l’abordage 1340, rue de Saint-Jovite, Mont-Tremblant

De mai à octobre, À l’abordage propose des excursions en canot et en kayak sur la rivière du Nord, entre Val-David et le lac Raymond. Comptez deux heures pour cette descente de 7 kilomètres en eau

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calme, à la découverte des berges de cet affluent de la rivière des Outaouais. À l’arrivée, des vélos attendent les randonneurs pour rallier le camp de base via la piste cyclable du P’tit Train du Nord, sur 4 kilomètres à travers la forêt. Le terrain est plat et des remorques et vélos girafes sont disponibles

pour satisfaire toute la famille. Depuis l’été 2017, À l’abordage propose de nouveaux parcours garantis sans moustiques sur la rivière du Diable à Mont-Tremblant. En canot, kayak ou planche à pagaie, les visiteurs peuvent choisir entre trois excursions de 11 à 23 kilomètres, selon leur niveau.


Gourmet sauvage

Farfadet du Nord

Aux Cassis d’Argenteuil

737, rue de la Pisciculture,

322, rue du Palais, Saint-Jérôme

210, route des Seigneurs,

Saint-Faustin-Lac-Carré

Installée dans l’ancienne pisciculture de Saint-Faustin–Lac-Carré, l’entreprise Gourmet sauvage met à l’honneur les mets et les saveurs de la forêt québécoise depuis plus de 25 ans. Plantes, champignons et fruits sauvages sont cueillis puis transformés en des dizaines de produits, gelées, confitures, sirops, tisanes et autres marinades aux noms parfois insolites. Du sirop de roses sauvages au ketchup aux gousses d’asclépiade en passant par la gelée de sapin, le fondateur Gérald Le Gal et sa fille Ariane Paré-Le Gal ne manquent pas d’imagination pour mettre en valeur des produits forestiers largement négligés. L’équipe de Gourmet sauvage propose régulièrement des ateliers de cueillette de champignons, de plantes forestières et même d’insectes pour initier le grand public aux joies de la gastronomie sauvage.

Saint-André-d’Argenteuil

Ce café-boutique de jeux de société à Saint-Jérôme propose à ses clients plus de 700 jeux d’ambiance, de stratégie ou encore de développement. Les propriétaires Nathalie Roy et Jean-Pierre Hellebaut ont imaginé des décors féériques pour immerger les joueurs dans une ambiance chaleureuse et magique. Situé à mi-chemin entre le cégep et l’Université du Québec en Outaouais, Farfadet du Nord parvient à attirer des jeunes de tous âges ainsi que des adultes et des aînés, s’imposant comme un important lieu de rencontre familial et intergénérationnel à Saint-Jérôme. Briser l’isolement et décoller les gens de leurs écrans font d’ailleurs partie du mandat officiel des lieux. Le café organise en outre de nombreux événements thématiques toute l’année et les clients peuvent aussi y acheter ou louer leurs jeux préférés.

Vin de cassis, crème de cassis, gelée de cassis, sirop de cassis et même vinaigre de cassis... Carole Valiquette et Paul Hébert déclinent la petite baie noire sous toutes ses formes. Propriétaire d’une ferme à Saint-Andréd’Argenteuil depuis 1995, le couple a entretenu ses terres pendant plusieurs années afin d’accueillir idéalement le précieux fruit riche en vitamine C et en antioxydants. Aujourd’hui, 10 000 plants de quatre variétés de cassissiers alimentent la production de vin doux et fortifié ainsi que de crème de cassis – parfaite pour le kir. Ouverte au public en 2007, la boutique attenante à la ferme propose également des produits non alcoolisés, comme un délicieux chocolat à la crème de cassis. Un bistro permet aux visiteurs de se restaurer sur place.

Gourmet sauvage

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Festival international de blues de Tremblant 1000, chemin des Voyageurs, Mont-Tremblant

Depuis plus de 25 ans, le Festival international de blues de Tremblant s’est imposé comme un des plus grands événements consacrés au blues au Canada, attirant plus de 100 000 festivaliers chaque année. Johnny Winter, Buddy Guy, Eric Bibb et de nombreuses autres pointures internationales se sont déjà produits sur les scènes de ce festival écoresponsable et convivial qui soigne toujours sa programmation, entre vieux routiers du blues et nouvelle génération de musiciens. La 26e édition aura lieu du 5 au 14 juillet, avec une centaine de spectacles extérieurs et intérieurs majoritairement gratuits, et de nombreuses activités festives et musicales. Dans un décor naturel exceptionnel au pied du mont Tremblant, la fameuse musique du diable a un goût de paradis!

Festival international de blues de Tremblant

Floraison Ferme florale 3604, route des Tulipes, La Conception

Horticultrice depuis 30 ans dans la région, Sonia Brouillette est une passionnée de fleurs. Installée à La Conception depuis 2013, elle invite les visiteurs à découvrir sa ferme colorée pleine d’odeurs. Dans cette microferme spécialisée dans la culture de fleurs coupées, elle y propose plus d’une centaine de belles saisonnières: nigella, scabiosa, statice, tournesol et autre amarante. Sonia cultive ses fleurs de façon durable et dans le respect de la nature grâce à des méthodes agricoles écologiques, sans pesticides. Les bouquets de fleurs sont distribués à une trentaine de minutes de la ferme, à la boulangerie Le Caveau, avec des livraisons le jeudi de mai à septembre. La professionnelle du monde des fleurs propose aussi à ses clients des arrangements floraux personnalisés pour les événements et les mariages et propose un système d’abonnement pour avoir des bouquets locaux à longueur d’année. Floraison Ferme florale

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La Bezotte CafĂŠ Frida Sur la route



( resto ) La Bezotte Yamachiche mots Marie Pâris photos Maggie Boucher

Dans la maison aux briques rouges Installée dans une belle maison patrimoniale, La Bezotte est un café, un resto et une salle de spectacles, mais avant tout un lieu de vie où peuvent se rencontrer les habitants du village autour de l’art et des produits locaux.

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itué à quelques encablures du lac Saint-Pierre, Yamachiche est le berceau familial de Samuel Côté. Il a grandi dans ce village où son père a tenu un dépanneur et son grand-père un resto. C’est donc assez naturellement qu’il décide de quitter Québec, où il travaillait en restauration, pour revenir s’installer en Mauricie dans son village d’origine. «Je voulais revenir en région pour des raisons familiales, et pour trouver une meilleure qualité de vie. J’avais le goût de sortir de Québec, explique Samuel. Et la scène de la restauration à Trois-Rivières m’intéressait moins…» À Yamachiche, il retrouve sa sœur et son mari, Daniel Rocheleau, devenu par la suite son associé. Daniel s’est installé au village en 1997 et travaille alors dans la construction, mais il s’implique aussi beaucoup dans la vie communautaire de Yamachiche, notamment en organisant des soirées-spectacles en plein air durant l’été. «Je me disais que ça prenait un lieu ici pour faire sortir les gens à l’année, se souvient Daniel. Et tout s’est aligné, avec le retour de Samuel. On a voulu créer un lieu de rassemblement en région tout en ayant une belle qualité de vie.»

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Au printemps 2018, La Bezotte ouvre ses portes sur la rue Sainte-Anne. Ceux qui sont déjà passés par Yamachiche se souviennent certainement de l’enfilade de belles maisons rouges centenaires, au milieu de laquelle se situe dorénavant le restaurant. Le bâtiment patrimonial racheté par les deux associés date de 1894 – «c’est la plus jeune maison du lot», ajoute Samuel. Pleine de cachet, la maison reste très bien conservée, avec ses moulures et ses vieilles pierres. La Bezotte offre donc l’occasion aux curieux venus admirer l’enfilade de maisons de voir à quoi ressemble l’intérieur. Il y a 50 ans, le bâtiment abritait la maison du dernier médecin du village. «Notre chambre froide actuelle, c’était sa salle d’attente, raconte Samuel. Ça rappelle des souvenirs aux clients plus âgés du coin…» Une vitrine pour le local Un commerce bien ancré dans l’histoire, donc, jusqu’à son nom: une bezotte, dans l’argot local d’antan, désignait une rigole, une petite tranchée irriguée dans les terres agricoles. C’est aussi un clin d’œil à la «route à Bezotte»,

le lieu de flirt du coin il y a quelques décennies de ça. «Pour moi qui ne suis pas natif d’ici, la consonance a toujours été intrigante!», commente Daniel. Le vocable, arrivé d’Europe, désignerait aussi le cadet et dernier de famille. Fini avec l’onomastique, revenons-en à la famille, justement. Car La Bezotte, c’est bien sûr une histoire de famille: deux beauxfrères associés à la barre, avec le fils de Daniel en cuisine, tandis que belle-sœur et belles-filles viennent donner un coup de main quand des groupes viennent manger. Au menu, on trouve aussi bien des grilledcheeses que des tartares et du foie gras. «Il y en a pour tous, souligne Samuel. La carte est saisonnière, on la change souvent. Les gens peuvent revenir et ils trouveront chaque fois quelque chose de différent.» À La Bezotte, on se fait servir une cuisine du marché faite avec des produits de la région: on goûte à la viande du Rieur Sanglier, aux légumes des maraîchers du coin, aux cuvées du vignoble Beauchemin situé à un jet de pierre de là… Pas de vins d’importation européenne ici! Le restaurant

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compte une quarantaine de couverts, plus une terrasse à l’avant et une cour à l’arrière pour profiter des beaux jours. «On veut travailler le plus possible les produits de la région dans l’assiette, et aussi les mettre sur tablette dans notre boutique, indique Samuel. Avant, les producteurs agroalimentaires ou les artistes du coin avaient peu de vitrine, il fallait aller au fond des rangs pour les trouver…» Redynamiser la vie communautaire Ce concept de pousser le local s’applique ainsi aussi aux artistes, auxquels La Bezotte propose sa salle de spectacles située à l’étage. Ces spectacles à contribution volontaire offrent aussi bien des soirées chanson que poésie ou conte, devant un public de 50 spectateurs – une trentaine en formule cabaret. «On organise notre quatrième soirée conte là. On s’attendait pas à ce que ça marche autant!», confie Daniel.

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En un an, une trentaine de spectacles ont déjà été présentés aux Yamachichois dans le bel antre de La Bezotte. Il s’agit principalement d’artistes locaux donc, mais parfois les associés reçoivent des demandes surprises – comme celle d’un conteur européen récemment! Salle de spectacles, mais aussi espace de vie, avec un billard et un système de projection pour les réunions professionnelles. «On peut venir ici avec son équipe de travail pour changer de lieu et quitter un peu ses bureaux, ou se rassembler en famille le soir, faire un 5 à 7 de bureau…», illustre Samuel. Bref, Yamachiche s’est doté avec La Bezotte d’un bel endroit multifonction qui rassemble ses habitants autour des plaisirs de la table ou des arts. Le duo d’associés a ainsi joliment redynamisé la vie communautaire, déjà bien lancée par l’arrivée d’une microbrasserie. «Il y a toujours le gîte, le cassecroûte Chez Archie qui perdure…

Et l’offre est complémentaire, on se pile pas sur les pieds», assure Daniel, qui souligne que de nombreuses jeunes familles sont venues s’installer à Yamachiche depuis les années 2000. «Le village est vivant, il a perdu son ancienne réputation de village de vieux!» Les visiteurs de l’extérieur ne manquent pas non plus, avec l’autoroute 40 Montréal-Québec toute proche. Un souper ou un spectacle dans cette vieille maison aux briques rouges, c’est un petit voyage dans le passé et au cœur du village. «La maison nous inspire, conclut Samuel. Tout ici a une histoire; le patrimoine est même dans l’assiette.» La Bezotte Mauricie 601, rue Sainte-Anne, Yamachiche 819 721-0118



photo Étienne Boisvert


( pignon sur rue ) Café Frida Trois-Rivières mots Stéphanie Chicoine photos Gabrielle Cossette

Savourer le moment présent À l’intersection des rues des Forges et du Fleuve se trouve un café qui est aux antipodes d’un simple repaire pour les passionnés de bouffe végane et de café troisième vague. Le Café Frida permet d’échapper à notre train-train quotidien à notre rythme, le temps d’un repas et d’un café… ou deux. Ou trois. Entretien avec la propriétaire Gabrielle Cossette.

G

abrielle profite de la grève étudiante en 2012 pour quitter Montréal et retourner à Trois-Rivières, sa ville natale. Elle ouvre le restaurant Éléphant en 2014, unique restaurant indien de la ville. La passion retrouvée dans la cuisine, les lieux et l’équipe attire l’attention d’Emmanuel Salib, qui lui lance l’idée d’ouvrir un café. Une proposition alléchante mais utopique, puisque Gabrielle avait utilisé toutes ses économies dans son restaurant. Ce dernier lui propose l’appui financier requis pour amorcer le projet Frida. Le Café Frida reçoit ses premiers clients en septembre 2015 au 15, rue des Forges, un local donnant une vue imprenable sur le fleuve Saint-Laurent. Frida se voulait, à la base, un café de type troisième vague, le premier de son genre à Trois-Rivières. L’équipe s’associe avec la compagnie canadienne Phil & Sebastian pour offrir espressos, lattés et autres déclinaisons caféinées à la communauté trifluvienne. Malheureusement, l’achalandage n’était pas au rendez-vous, car de nombreux cafés

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étaient déjà bien établis dans la région. Gabrielle développe donc un menu végétalien. Entre-temps, Gabriel Lefebvre vient compléter le trio d’entrepreneurs pour gérer l’entreprise et la marque. Le Frida trouve sa véritable identité et se positionne comme l’endroit de prédilection en Mauricie pour les gens soucieux de ce qui se trouve dans leur assiette. Gabrielle ne s’en cache pas, elle adorait manger de la viande dans une autre vie. Elle a adopté le véganisme par conviction. Derrière les fourneaux du Frida, exit les préjugés d’une cuisine végane molle, fade et sans créativité, et bonjour l’amalgame de textures et de saveurs! Tout est fait maison, des pains aux gaufres en passant par les sauces et les ketchups, sans oublier la décadente tartinade au chocolat. Gabrielle et son équipe s’amusent même à concocter des versions véganes de plats réconfortants tels que le poulet frit (affectueusement appelé le pas-poulet), le fish and chips tofu et des côtes levées au tempeh. «Je m’éclate ben raide avec

l’élaboration des plats!», dit-elle avec sa passion contagieuse. Les clients peuvent également faire leurs emplettes sur place en se procurant tonics, kombuchas, aliments fermentés, cafés et thés, beurres de noix, brosses à dents en bambou, savons et j’en passe. Une offre complémentaire qui fait le bonheur des habitués et des clients occasionnels. Célébrer la culture émergente Le Café Frida est devenu, au fil du temps, un diffuseur culturel de choix pour la scène émergente québécoise. Sa programmation riche et éclectique attire les fridaphiles et les curieux avec des spectacles, des projections de courts métrages et des expositions d’arts visuels. Le café a d’ailleurs récemment tenu la première édition du Festival d’arts et musique Frida dont la mission est de stimuler l’effervescence culturelle de la ville et d’attirer mélomanes, cinéphiles et esthètes d’ailleurs. «On ne le fait pas pour l’argent, on le fait par passion», avoue Gabrielle.

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Le Dep Frida Décidément, les projets abondent pour la bande du Frida. Le Dep Frida a ouvert ses portes en février dernier au 1031, rue Sainte-Cécile, un endroit tout aussi chaleureux que son grand frère, à mi-chemin entre un café et une épicerie. «Notre cuisine (au Frida) est grosse comme un garde-robe. On a donc brainstormé et trouvé un local dans un coin qui avait une véritable vie de quartier.» Après un bon café et un léger repas, on en profite pour faire le plein de produits véganes: nouilles ramen, bonbons, croustilles, yaourts, faux-mages. L’éloge de la lenteur Comme une partie de ma famille habite en Mauricie depuis des lunes, le Café Frida compte parmi mes adresses chouchous lors de mes périples dans cette

magnifique région. Lors de mon dernier passage, je me suis mise à épier ce qui se passait aux tables voisines avec, comme objets de diversion, un énorme latté et un livre. Une étudiante complétait sa dissertation. Un jeune papa et son fils accompagnaient la maman qui allaitait le petit dernier de la famille. Quelques têtes grises parlaient de tout et de rien entre deux bouchées de burger. Le Frida est un lieu rassembleur, où le dénominateur commun de la clientèle est le bienêtre. Il n’y a pas un iota de clivage ou de discrimination ici. Tous sont bienvenus. «Mes entreprises ont toujours été un prolongement de moi. La base du Frida, c’est le sentiment de communauté. Nous voulions être inclusifs.» Le café dispose d’une table à langer et de jouets pour accommoder parents et enfants, une denrée encore rare dans les cafés et

restaurants au Québec. Moi-même mère de deux enfants, j’applaudis l’initiative du Frida qui accueille poussettes et enfants à bras ouverts. «Je ne peux pas concevoir que les gens nous écrivent sur Facebook pour nous demander si les enfants sont les bienvenus au Frida.» La trame musicale composée majoritairement de musique alternative, les couvertures vintages en laine, les lumières de Noël et les petits dinosaures qui servent d’identificateurs de tables viennent ajouter à l’atmosphère réconfortante de l’endroit. Des petits plus qui nous donnent envie de nous poser pour la journée et de contempler la beauté du fleuve et ses bateaux. Café Frida Mauricie 15, rue des Forges, Trois-Rivières 819 841-1334 cafefrida.ca

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

La Seigneurie du Triton

La Seigneurie du Triton C.P. 4089, Lac-Édouard

La Haute-Mauricie offre un voyage dans le temps avec sa pourvoirie La Seigneurie du Triton, située à une dizaine de kilomètres de Lac-Édouard. Ses origines remontent à la fin du 19e siècle et

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font écho à la création en 1893 du Triton Fish and Game Club. Séjourneront à la pourvoirie des personnages mythiques comme l’ex-premier ministre britannique Winston Churchill ainsi que la famille Rockefeller. Le site est un lieu naturel isolé et n’est accessible que par bateau. La pourvoirie,

tout en respectant le territoire, se donne pour mission de faire découvrir la beauté et la grandeur auxquelles nous convie le milieu naturel. Nul besoin d’être un ancien premier ministre pour y séjourner puisqu’une fourchette de prix variés est offerte à la clientèle.

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Le Défi hors piste Trois-Rivières

Festival de la galette de sarrasin de Louiseville

Le Rond Coin 340, rue Saint-Louis, Saint-Élie-de-Caxton

131, rang de la Petite-Rivière,

Faire du ski et du snowboard en plein juillet, c’est maintenant possible grâce au Défi hors piste, un événement unique au Canada qui se déroule en plein cœur de TroisRivières. L’événement nécessite un spectaculaire dispositif impliquant 50 tonnes de neige, 250 000 litres d’eau et 1000 pieds carrés de skatepark. L’arrière-plan du fleuve Saint-Laurent et des bateaux qui passent ajoutent à la poésie des nostalgiques. Outre le ski et le snowboard, le Défi hors piste met en vedette les sports d’été comme le wakeboard et le skateboard. Plus d’une centaine d’athlètes prennent part aux différentes compétitions. Les jeunes et les moins jeunes peuvent s’initier aux sports grâce à l’équipe de professionnels sur place. Du plaisir, de la nostalgie et une compétition relevée.

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Louiseville

Louiseville, c’est le prolongement de Yamachiche. C’est un village à plus grande échelle. À Louiseville, on croise les mêmes voisins, les mêmes amis, les mêmes familles. Le Festival de la galette de sarrasin de Louiseville, c’est un peu le Superbowl du coin. Un festival qui a vu le jour en 1978 après les grands succès des soupers populaires, durant lesquels la galette de sarrasin était le principal attrait et était servie avec du rôti de lard, du creton ainsi que de la fricassée de pommes de terre. Le Festival de la galette de sarrasin marque le début de l’automne et s’étire sur 10 jours. C’est un peu comme le rebound réconfortant de l’été des Indiens…

Saint-Élie-de-Caxton, c’est plus qu’une légende grandeur nature. Les habitants sont tous imprégnés par une magie propre aux contes mythiques. La quiétude qui nous pénètre, lorsque nous entrons sur le site du Rond Coin, est saisissante. Ce lieu enchanteur nous envoûte par son charme, sa structure ronde comme une yourte. L’offre de services est aussi vaste que l’imaginaire des artisans du village. On peut y prendre un repas fait de produits locaux au Café culturel, en se laissant caresser par les mille et une histoires qu’on y raconte, ou en profitant des nombreux concerts qui s’y déroulent. Pour ceux qui désirent prolonger l’expérience plus que le temps d’un souffle, il est possible de louer un igloo de bois ou une roulotte gitane.


Le Rond Coin

La nature pure et simple!

Situé à seulement 30 minutes de Trois-Rivières, le Parc de la rivière Batiscan saura vous charmer que vous soyez amateur de sensations fortes ou recherchiez à prendre une pause dans le calme de la nature. Ce parc, divisé en 3 secteurs, offre plusieurs activités telles que Via Ferrata, parcours dans les arbres, location de canots et kayaks, randonnées, géocaching et même des activités d’interprétation de la nature guidées par des biologistes. Pour agrémenter votre séjour, campez sur un de nos sites intimes et boisés ou découvrez nos nouveaux refuges privés en formule prêt-à-camper !

WWW.PARCBATISCAN.CA 418 328-3599 Tour du Québec Mauricie

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Marché public de Yamachiche 530, rue Sainte-Anne, Yamachiche

Le Caféier 45, rue Saint-Antoine, Trois-Rivières

Une odeur se dégage du 45 rue Saint-Antoine à Trois-Rivières. En face, il y a les bureaux du Salon du livre de Trois-Rivières. Au bout de la rue, c’est le fleuve Saint-Laurent qui s’agite. Le café fraîchement torréfié propage la bonne nouvelle. Nancy, la maîtresse torréfactrice, est aux commandes de sa machine.

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À l’intérieur des lieux se conjuguent plusieurs formes d’arts. Le poète qui sirote un délicieux Trifluvien: un double allongé, lait chaud, guimauve et crème fouettée. Les murs revêtent différents tableaux qui se succèdent mois après mois. L’art local est mis de l’avant et les clients peuvent acheter les tableaux. Le Caféier, c’est l’âme d’une ville où la poésie a maintenant une odeur, celle du café fraîchement torréfié.

C’est l’amour qui m’avait fait prendre la sortie 180 de l’autoroute 40. Yamachiche, c’est un de ces villages où les gens se saluent même lorsqu’ils se croisent en voiture. L’amour à Yamachiche a la candeur de la promenade matinale. Le cœur rempli, l’estomac volontairement vide pour mieux dévorer la fraîcheur des produits locaux, j’étais en amour avec le village. Voisins, amis, familles se réunissent les samedis entre 10h et 14h afin d’occuper l’espace public et d’échanger, pour préserver la vitalité de la communauté. Le marché public de Yamachiche, c’est comme les amours d’été: ça commence en mai et ça se termine avant le début septembre. Mon amour a duré quatre étés. Mon cœur y est resté pour toujours.


Montérégie 164 168 172 176 179

Mouton Village Unifruits Laurent Gaudré Brasserie et distillerie Champ libre Sur la route


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( resto ) Mouton Village Saint-Charles-sur-Richelieu mots Marie Mello photos Mouton Village

Le plaisir de recevoir, de père en fils À l’origine d’un des plus beaux endroits pour se marier de toute la vallée du Richelieu se trouve une histoire de fail de golf. Heureusement pour tous les amateurs de plein air, d’aliments locaux, de méchoui – et bientôt, de permaculture – qu’accueille chaleureusement la famille Fontaine chez elle, à Mouton Village, depuis 1972.

mon grand-père, «E nun1968, p’tit gars de la grande ville,

est débarqué ici», raconte MarcAntoine Fontaine, copropriétaire et chef cuisinier, en pointant l’immense étendue autour du bâtiment principal (pas moins de 60 arpents de champs, de prés et de forêts, avec vue sur le mont Saint-Hilaire, plus précisément!). «Il a acheté une terre avec une étable, qui se trouvait exactement où t’es maintenant, mais le zonage ne lui a jamais permis de construire le golf de ses rêves.» Nous sommes à l’arrière de la salle du Lys qui, avec sa petite sœur la salle Richelieu (fraîchement rénovée), est témoin chaque année d’innombrables célébrations – tout comme les jolies terrasses et vastes jardins qui les entourent. L’histoire est donc loin d’être triste, même pour les golfeurs: quelques années après l’acquisition des terres familiales, le père de Marc-Antoine, Richard Fontaine, a eu l’idée d’en faire un restaurant de campagne. «Mon père a décidé de prendre les chaudrons. Il était plutôt du genre à se coucher à l’heure où les golfeurs se lèvent, donc ça n’aurait pas tellement fitté de toute façon!»

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s’amuse Marc-Antoine, pendant que Richard, justement, nous prépare un délicieux lunch dans la cuisine du bâtiment.

Faut vraiment aimer ça, recevoir!» Et c’est manifestement une passion qui se transmet de génération en génération.

S’il est toujours propriétaire du Mouton Village et investi dans toutes les décisions qui le concernent, Richard cède progressivement depuis quelques années sa place à ses fils MarcAntoine, 38 ans, et Samuel, 30 ans. Il faut dire qu’ils connaissent le domaine de Saint-Charles par cœur, pour y avoir passé la majeure partie de leur jeunesse. Tandis que Marc-Antoine se souvient d’avoir fait du big wheel dans le restaurant et dégusté bien des restants de gâteau, Samuel garde un vif souvenir du festival de cerfs-volants qui était organisé sur place quand il était petit.

Un espace à vocations multiples

«Même si on n’habitait pas sur les lieux, on peut dire qu’on a quasiment grandi ici», poursuit l’aîné, en expliquant qu’au-dessus d’où nous mangeons se trouve un appartement qui était bien utile autrefois. «Mon père a tellement travaillé fort, ça n’avait pas de bon sens. Il courait partout parce qu’il faisait presque tout tout seul.

Au fil du temps, le Mouton Village (autrefois nommé La Grange de Saint-Charles) a changé maintes fois de vocation, et il continue d’accueillir toutes sortes d’événements. Au gré des rencontres, des partenariats, des envies de Richard, et maintenant de celles de ses fils. Oui, c’est avant tout un paradis rural pour amoureux avec des penchants champêtres, mais peu de gens savent que c’est aussi un (gigantesque) lieu de rassemblement, tout simplement. De nombreux anniversaires, brunchs, banquets ou événements corporatifs y sont en effet organisés toute l’année. Au printemps, les groupes viennent aussi découvrir les activités spéciales du temps des sucres, tandis que l’été, c’est surtout le méchoui qui est à l’honneur, et ce, depuis le début des années 1990 (réservation de groupe requise). «C’est un terrain de jeu magnifique. On peut accueillir tellement de

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monde, être créatifs sur les plats, avoir de beaux jardins… Les possibilités pour recevoir sont sans limites.» J’ai un peu le vertige quand Marc-Antoine et Samuel m’énumèrent toutes les vocations passées et présentes du domaine de Saint-Charles-sur-Richelieu: club-house, cuisine avec service au quai, resto affilié à un théâtre d’été, boîte à chansons, soupers meurtre et mystère, crêperie, site de carnaval de cirque, foire d’antiquités, parcours de team building… «C’est assez incroyable d’avoir la chance de transmettre de façon artistique ce qu’on est via notre entreprise, le service qu’on offre, mais aussi les lieux qu’on a la chance d’avoir. C’est beau et c’est vraiment motivant!», conclut Samuel, maître d’hôtel, qu’on salue pour ses débuts à la plonge de Mouton Village quand il était ado. Maraîcher bio, parcours expérientiel et ateliers culinaires Au sein des nouvelles avenues que développent actuellement les

frères Fontaine, les ingrédients locaux, la cuisine saisonnière et la permaculture occupent une place de choix. Depuis 2017, deux hectares des terres du Mouton Village sont égayés par les légumes et le houblon des Jardins du Moutonblon, un projet maraîcher sans engrais chimiques ni pesticides. En plus d’alimenter la cuisine de Marc-Antoine, son initiateur Olivier Painchaud participe entre autres aux paniers bios du Réseau des fermiers de famille. Les visiteurs du Mouton Village peuvent d’ailleurs visiter ses jardins et se procurer ses légumes sur place, de juin à octobre. «Quand on mange ce qui pousse chez nous, le rapport à la terre est vraiment concret. Pouvoir s’approvisionner directement en légumes bios, c’est une chance rare!», s’exclame le chef cuisinier, qui prend aussi plaisir à offrir de plus en plus d’options végétariennes au menu. Et pour le reste, MarcAntoine se ravitaille également dans la région: les volailles proviennent de Saint-Antoine, l’huile de tournesol de Saint-Ours, les petits

fruits de Saint-Jude, les produits de la pomme de Saint-Hilaire, etc. «Bref, il n’y aura jamais d’ananas dans notre cuisine!» Grâce à Olivier, la famille Fontaine a aussi rencontré deux partenaires prometteurs: Kevin Perron et Marie Ashley Nelson de Biophilia, des consultants en permaculture qui entament actuellement un nouveau projet sur les terres de Mouton Village. «On développe notre “forêt nourricière”: on plante des arbustes et des arbres à noix ou à fruits sur nos terres pour créer un parcours expérientiel, avec des plateformes d’apprentissage pour organiser des ateliers culinaires», explique Marc-Antoine, manifestement emballé par cette nouvelle avenue. Surveillez les premières activités, qui devraient voir le jour cet été! Mouton Village Montérégie 12, chemin des Patriotes Saint-Charles-sur-Richelieu 450 467-8880 moutonvillage.com

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( terroir ) Unifruits Saint-Paul-d’Abbotsford mots Delphine Jung photos Courtoisie

La cerise sur le sundae Peu connue au Québec, la cerise griotte est un de ces petits fruits aux nombreux bienfaits pour la santé. Une fratrie de Montérégie a fait le pari de se lancer dans sa production, sortant de la ligne toute tracée par leurs parents eux-mêmes exploitants, mais de pommes et de fraises.

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lle a de quoi détrôner un jour la canneberge dans les cœurs des Québécois. Petite, acidulée comme sa cousine mais plus sucrée, la cerise griotte est pourvue de beaucoup de qualités nutritives. Et elle est la reine des vergers de Nancy et Mathieu Bouchard. Cette fratrie installée à Saint-Paul-d’Abbotsford, sur les terres familiales, a misé sur le petit fruit il y a environ six ans. «Notre famille est faite de producteurs agriculteurs depuis plusieurs générations. La nôtre est la troisième. Mon frère souhaitait reprendre une parcelle et m’a demandé si j’embarquais dans son projet», raconte Nancy. Pâtissière de formation, elle a toujours été impliquée dans l’exploitation, mais un peu moins dans l’optique de prendre la relève que son frère, avoue-t-elle. Mais elle confie que déjà toute petite, on pouvait l’apercevoir au bord du chemin à vendre des fraises sous le soleil estival. Pour lancer leur entreprise, le frère et la sœur choisissent la cerise griotte afin de diversifier l’offre qui existe déjà dans l’exploitation. Ils se baptisent Croque Cerise. «Au début, on ne savait pas trop à quoi s’attendre. La griotte n’est pas très connue et est très peu cultivée au Québec.

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Mais en Saskatchewan, certains ont développé une espèce qui résiste à nos climats, alors on s’est dit qu’on allait essayer», explique Nancy.

“superfruit” qui contient beaucoup d’antioxydants [plus que la prune ou le chocolat noir] et de flavonoïdes, des anti-inflammatoires naturels utilisés pour soulager l’arthrite ou encore la goutte», explique Nancy.

Possibilités et bienfaits Elle ne cache pas son penchant pour ce petit fruit rouge acidulé: «Je mange des griottes comme ça, nature… Tout le monde n’aime pas, car elles ont un petit goût suret, mais moi ça ne me dérange pas.» La griotte est la cerise la plus transformée au monde, et Croque Cerise ne se prive pas de toutes les possibilités culinaires qu’elle offre. Nancy et Mathieu la déclinent donc en tartinades, confit d’oignon, vinaigrettes, jus ou encore collation enrobée de chocolat. La propriétaire confie chercher de nouveaux produits à créer pour y intégrer d’autres fruits typiques du Québec comme le bleuet et la fraise. Mais pour l’instant, leur délice qui retire particulièrement l’attention est le jus de cerise concentré, dont un litre nécessite 25 livres de fruits. Le duo a développé sa technique de fabrication en faisant des essais parfois réussis, parfois ratés, et en s’inspirant du savoirfaire déjà existant dans la région. «La griotte est considérée comme un

L’entrepreneure cite certaines études scientifiques, dont celle d’un professeur de l’Université McGill, qui auraient démontré que les nutriments contenus dans les griottes aident à réduire le risque de contracter des maladies cardiovasculaires et à prévenir les pertes de mémoire. Le petit fruit est même 20 fois plus riche en vitamine E que la canneberge. Aussi belle de l’intérieur que de l’extérieur! «La griotte est aussi l’une des rares sources alimentaires de mélatonine, l’hormone du sommeil, ce qui lui permettrait de faciliter nos cycles de sommeil», poursuit Nancy. Apprentissages Pour fabriquer cet élixir de santé, les fruits sont pressés, mais pas à leur maximum. «Nous gardons le reste pour le vendre à des microbrasseries ou des distilleries qui s’en servent pour le trempage», détaille la copropriétaire. Depuis six ans qu’elle cultive la griotte, Nancy confie que la tâche n’est pas toujours évidente; certaines

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années ont déjà été plus difficiles que d’autres, notamment à cause du gel qui a touché les arbres encore en fleurs. Contrairement à la Saskatchewan, le Québec dispose d’un climat plus humide qui ne plaît pas forcément aux cerisiers, surtout lorsque la température baisse. «Ça nous est déjà arrivé une ou deux fois. Depuis, mon frère a développé un système qui permet de protéger les plants du gel.» L’expertise de cette culture est en effet encore à ses balbutiements au Québec. En plus du défi de s’être lancés dans la cerise griotte, Nancy

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et Mathieu doivent apprendre à travailler ensemble, en famille. Le binôme tient sa force de ses qualités complémentaires, croit Nancy, qui raconte s’être toujours bien entendue avec son petit frère depuis leur tendre enfance. Elle s’occupe du côté création de recettes pour la transformation des cerises et du service à la clientèle, tandis que Mathieu, qui a une formation en électromécanique, gère le travail dans la cerisaie. «C’est sûr que ça apporte son lot de défis. On est toujours ensemble, on se voit tout le temps, ça rend la chose très émotive, ça vient nous

chercher davantage. Mais c’est le fun. Nos enfants jouent ensemble au milieu de nos 500 arbres. On fait de longues journées, mais on passe du temps avec des gens qu’on aime», relativise Nancy. C’est finalement ça, la vraie cerise sur le sundae. Unifruits Montérégie 2105, rang Papineau Saint-Paul-d’Abbotsford 450 948-0737 unifruits.ca



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( terroir ) Laurent Gaudré mots Sophie Ginoux photos Antoine Bordeleau

L’art du levain Un peu de farine. Un peu d’eau. Un peu de magie… et beaucoup de savoir-faire sont à l’origine du levain, cette préparation qui se retrouve dans les meilleurs pains que nous consommons. Petite initiation à l’alchimie boulangère et au magnifique métier qui y est lié avec le maître en levain de Première Moisson, Laurent Gaudré.

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aurent Gaudré n’a pas grandi dans une boulangerie. Il n’a pas non plus été poussé par un conseiller d’orientation à choisir cette voie. Ce métier s’est juste imposé à lui quand, à l’âge de 15 ans, il a décidé de quitter les rangs de l’école traditionnelle française, dans laquelle il réussissait pourtant bien. «Je ne supportais plus le système éducatif conventionnel, j’avais besoin d’autre chose. Et comme l’un des petits bonheurs de mes dimanches était d’aller chercher à vélo des petits pains pour notre petit-déjeuner familial, j’ai opté pour la boulangerie. Comme si j’avais été accaparé par les odeurs qui embaumaient du pain chaud.» Un peu désarçonné, le père de Laurent a alors, sans le savoir, engagé son fils dans une formation proposée par les Compagnons du devoir sous le joli nom de Tour de France, qui allait lui apporter, en plus d’un métier, une passion et des valeurs qui sont toujours aussi vibrantes aujourd’hui. Du pain sur la planche Même s’il semble a priori moins complexe et éloquent que des disciplines comme la cuisine ou la pâtisserie, l’art de la boulangerie ne s’improvise pas. Laurent Gaudré

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l’a appris sur le terrain grâce à ce programme encore peu connu au Québec, mais qui a formé des milliers de boulangers, de bijoutiers, d’ébénistes ou encore de maçons au fil des siècles de l’autre côté de l’Atlantique: le Compagnonnage. En s’inscrivant à cette formation traditionnelle, atypique et reconnue au patrimoine immatériel de l’UNESCO, chaque apprenti s’engage à consacrer de quatre à huit ans de sa vie à travailler pour des boulangeries formatrices, à raison d’un an maximum par entreprise. «Cela nous permet de devenir rapidement autonomes, de faire des rencontres, de comparer, de découvrir, d’approfondir, de mieux maîtriser nos bases et d’en acquérir de nouvelles, mais aussi de voyager», explique Laurent, qui s’est rendu jusqu’à l’île de la Réunion pour perfectionner son art. C’est d’ailleurs lors de cette expérience exotique qu’il a réellement saisi l’importance du levain dans les recettes de pain. «J’ai compris qu’il ne s’agissait pas d’un ingrédient ordinaire. Que cette pré-fermentation devait susciter une réflexion quotidienne pour être en mesure de créer quelque chose de bon, de subtil, de surprenant, de valorisant.»

À la suite de cette prise de conscience, le rapport de Laurent Gaudré avec son art n’a plus jamais été le même. Après son Tour de France, il est à son tour devenu enseignant en boulangerie, artisan boulanger (en proposant des pains biologiques au levain dans des marchés des Alpes de Haute-Provence), puis consultant pour plusieurs entreprises ou écoles, notamment à l’international, avant d’être séduit par la mission que voulait lui confier la bannière Première Moisson. «Contrairement à toutes les boulangeries que j’avais fréquentées, qui misent exclusivement sur leurs produits, Première Moisson a décidé d’investir dans la matière première du pain, à savoir les grains de blé. Et ses propriétaires n’ont jamais hésité à utiliser les meilleurs ingrédients de petits producteurs locaux, même si cela leur coûte plus cher et est plus délicat à apprivoiser. Ces valeurs rejoignaient les miennes.» Dompter le levain Laurent Gaudré s’est joint à l’équipe de Première Moisson en 2011. À la tête d’une petite équipe de conseillers et de formateurs, il doit s’assurer de la qualité et de la salubrité des produits de

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la bannière, veiller au respect des méthodes tout au long de la transformation, participer au développement de nouvelles recettes, réaliser des formations internes… et prendre jalousement soin du levain mère de l’entreprise, qui se transmet de boulangerie en boulangerie depuis 1992! À ceux qui pourraient se le demander, le levain en question n’est pas gardé à double tour dans un coffre-fort ni livré sous bonne escorte lorsqu’une nouvelle boulangerie Première Moisson voit le jour. «La vérité est plus pragmatique, dit en souriant l’expert. Pourquoi créerions-nous un nouveau levain alors que nous en avons déjà un existant sous la main dans toutes nos boulangeries du réseau de détail?» Il passe donc à une succursale Première Moisson existante pour en prélever un peu pour la nouvelle, tout simplement. Une autre raison, plus essentielle encore, explique ce choix: le levain est un organisme vivant, produisant un écosystème de bactéries et de levures non pathogènes qui doit être nourri tous les jours pour survivre. «Il est plus que le simple résultat d’un mélange de farine et d’eau», précise Laurent. Il faut effectivement réunir les conditions de chaleur et d’humidité favorables au développement de levures et de bactéries qui lui permettront de donner un meilleur goût, une plus belle croûte, une meilleure conservation et un caractère particulier aux pains. Le levain a aussi besoin de temps pour s’exprimer pleinement. «Il

faut contrôler plusieurs fois par jour sa teneur en pH [acidité] et le corriger au besoin. C’est un produit capricieux qu’un rien peut faire dévier, dériver. La qualité de l’air, la température de l’eau, les caractéristiques de la farine utilisée et même les mains de l’artiste qui le travaillent. Bref, c’est un vrai gamin qu’il faut surveiller tout le temps!» Faire du bon pain Malgré la fragilité de ce produit, de plus en plus de boulangeries ont choisi d’utiliser leur propre levain dans leurs pains. Nous sommes d’ailleurs surpris d’apprendre qu’en France – le pays de la baguette –, elles n’étaient seulement qu’une petite minorité à utiliser du levain dans les années 1990. Depuis 30 ans, le levain est cependant revenu à la mode. En France comme au Québec, les boulangeries artisanales lui ont restitué la noble place qui était la sienne depuis la nuit des temps. Chez Première Moisson, l’intérêt du levain est crucial. L’entreprise en utilise même deux pour préparer la quarantaine de pains différents que propose quotidiennement la bannière: un levain clair et relativement liquide à base de farine blanche d’agriculture raisonnée, ainsi qu’un levain foncé, plus dense, à base de blé entier biologique. Intégrés dans les recettes dès l’étape du pétrissage, ils sont bichonnés pendant plus de 12 heures (voire 18 pour la baguette du même nom) dans les pâtons avant leur cuisson.

Évidemment, cette liberté se traduit aussi par des différences. «Mon équipe transmet les grands principes, mais chaque boulanger de Première Moisson a sa petite méthode, son petit secret. Nous acceptons d’ailleurs cet esprit d’initiative dans nos fournils, car nous partons du principe qu’un boulanger qui réfléchit, s’intéresse, analyse et se pose des questions fait du meilleur pain. Après tout, nous sommes des artisans, pas des machines.» Profession: boulanger artisan Même si le métier de boulanger a repris des galons depuis quelques années, les horaires décalés, ainsi que le travail exigeant et souvent solitaire qu’il requiert constituent encore des freins lorsque les jeunes font des choix de carrière. C’est un métier peu féminisé qui a aussi besoin de la sensibilité et de l’intuition des femmes. Fort de sa propre expérience, Laurent Gaudré sait néanmoins combien ce dernier peut valoriser ceux qui s’y engagent et les réconcilier avec un système dont ils peuvent être écœurés. «Notre vocation, c’est de créer du beau et du bon avec des ingrédients simples et naturels. C’est aussi et surtout nourrir les gens, riches comme pauvres. Et pour y parvenir, nous choisissons d’emprunter les petites routes qui sillonnent la terre, plutôt que les grandes autoroutes de la filière industrielle. Comme le levain, en quelque sorte», conclut Laurent Gaudré. Un vrai poète. premieremoisson.com

P R E M I È R E M O I S S O N E S T F I E R D ’A V O I R P A R T I C I P É A U R E T O U R D E L A C U LT U R E D U B L É A U Q U É B E C E T D ’ E N C O U R A G E R L’A G R I C U L T U R E R A I S O N N É E

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( à boire ) Brasserie et distillerie Champ libre Mercier mots Maryse Boyce

Le terroir à boire Implantée à Mercier, la Brasserie et distillerie Champ libre terminera sa première année d’existence à la mi-mai. Tour d’horizon d’une entreprise qui souhaite transposer les saveurs de la région dans ses boissons, tout en leur infusant un petit goût de liberté.

18 mai 2018. À la veille de l’ouverture officielle de la microbrasserie, les propriétaires fondateurs célèbrent avec familles et amis. Deux hommes vêtus de salopettes s’arrêtent devant les grandes portes de garage vitrées et demandent s’ils peuvent prendre un verre. Le brasseur, fébrile de servir ses premiers clients, leur conseille L’Éloge de la lenteur, une saison de type belge qui était à l’origine brassée pour les travailleurs des champs, après leurs dures journées de labeur. Sans le savoir sur le moment, il n’aurait pas pu mieux conseiller ses premiers clients: le père et le fils assis devant lui sont des fermiers de la région qui venaient se désaltérer après une journée passée à travailler la terre. Près d’un an plus tard, l’anecdote rend encore émotif Alex Ganivet-Boileau, ledit brasseur, tant elle colle avec la vision de Champ libre, qui prône une meilleure connexion entre la matière première et les produits qu’elle brasse (et ceux qu’elle distillera bientôt). S’inspirant des mouvements from bean to cup (des grains à la tasse) chez les torréfacteurs de café et from bean to bar chez les chocolatiers, les entrepreneurs souhaitent incarner la maxime «de la terre au verre», en s’impliquant dès la culture dans la création de leurs produits.

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L’idée de Champ libre a mijoté longtemps dans l’esprit de son instigateur, Patrick Cool, entrepreneur bien connu du monde brassicole et de la distribution agroalimentaire. Originaire de Châteauguay, il voyait un manque à combler dans sa région natale et désirait du même coup rapatrier ses nombreux projets dans un même lieu de production. Il s’adjoint d’Alexandre Pronovost (qui a depuis été remplacé par Yves Taillon), et les deux se mettent à chercher un brasseur d’expérience pour mener à bien leur projet. «Au nombre de microbrasseries que je voyais pousser dans les dernières années, je me suis dit: “Il faut absolument que j’aie un solide brasseur avec moi.”» Il le trouve en la personne d’Alex Ganivet-Boileau, qui s’est taillé avec les années une enviable réputation dans le milieu brassicole en tant que maître-brasseur chez Les Trois Mousquetaires. Le volet distillerie du projet, combiné au volet agricole qui se bonifie au fil des discussions, finit par gagner l’enthousiasme du brasseur, qui se joint au projet. Avoir le champ libre Qui dit nouvelle microbrasserie dit aussi page blanche où laisser sa marque, une liberté de création évoquée à même le nom de

l’entreprise. «On n’a pas de barème, on n’a pas vraiment de limite», confirme le brasseur. Et si le nom d’une de leurs créations porte le nom de Simplicité volontaire, cela évoque bien l’état d’esprit dans lequel Ganivet-Boileau a investi le projet, lui qui s’est fait connaître aux Trois Mousquetaires par des bières signatures très intenses en alcool et aux saveurs prononcées, capiteuses. «Je l’ai vu comme un défi pour ma créativité», affirmet-il, désirant revenir à la base «sans nécessairement mettre des épices ou quelque chose de flyé». En plus de marquer un tournant et d’éviter autant que possible les comparaisons, le dépouillement permet au brasseur de se familiariser avec le nouvel équipement tout en constituant un défi technique intéressant. L’an 1 sous le signe de la collaboration Cette première année faste pour Champ libre a été marquée par deux collaborations de taille. La première, avec Boréale, a mené à la création de la bière Nordicité. «C’est la première fois que Boréale utilise publiquement leur nom en l’affichant avec une autre brasserie», souligne le brasseur, une preuve de confiance qui en dit long. La deuxième, avec la Laiterie Chagnon, aboutira bientôt en une

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nouvelle bière, la Saison lactée, qui incorpore le petit-lait, ou babeurre, dans le procédé de brassage. «Je pense qu’on n’a plus le choix à notre époque, en 2019, de collaborer entre entreprises locales pour donner un second souffle à des matières comme ça.» Champ libre crée également des alliances avec les producteurs locaux par les événements qu’elle tient dans son salon de dégustation, notamment avec des soirées bières et fromages, qui lui permet d’attirer des gens tout en mettant en valeur la fromagerie et la boulangerie du coin. Dans la même veine, ses soirées food trucks hebdomadaires, tenues sur le site de la brasserie, ont connu un beau succès l’année dernière auprès des locaux et reviendront tous les vendredis du début mai à la fin août. «C’est vraiment tout le climat agroalimentaire autour de la brasserie qu’on essaie de maximiser», résume Patrick Cool. Planter ses racines Malgré sa jeune existence, la microbrasserie a réussi à bien

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arrimer son identité. Son immense terrain compte maintenant des ruches et une dizaine de cerisiers griottes (bien adaptés au climat d’ici et dont les fruits acidulés se marient à merveille à la bière), la première étape d’un long travail vers l’autosuffisance des produits. Les clients affluent non seulement de Mercier même, après leur journée de travail, mais aussi d’un peu partout dans la région. «Je vois des gens de Delson, de Saint-Constant, j’ai même vu des gens de Vaudreuil, donc les gens sont prêts à se déplacer pour venir découvrir une brasserie», constate l’instigateur de l’entreprise. Les visuels créés par la compagnie mercieroise Duval design contribuent à attirer l’attention sur la marque, en transposant de manière évocatrice les noms plutôt poétiques de ses bières. Hommage à la terre La prochaine étape pour Champ libre est de développer son volet distillerie. Un gin agricole verra le jour dans les prochaines semaines. «C’est un hommage discret à Jehane Benoit

et aux recettes de fermières», s’enthousiasme le nouveau distillateur Alex Ganivet-Boileau. Fidèle à la volonté de ses fondateurs de rendre compte du territoire dans lequel ils s’inscrivent, le gin jaune paille ne comptera que des botaniques cultivées sur leurs terres de Mercier – en excluant le genévrier. Pour le whisky, qui doit maturer trois ans en tonneau de chêne, les curieux devront prendre leur mal en patience avant de pouvoir le goûter. Sachant que ce sont les Subversifs (dont nous avons dressé le portrait dans les pages de notre deuxième numéro) qui sont les mentorsdistilleurs de Champ libre, la confiance règne. Brasserie et distillerie Champ libre Montérégie 260, boul. Saint-Jean-Baptiste, Mercier 450 507-3533 champlibre.co


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Alpagas du Domaine Poissant

Alpagas du Domaine Poissant 1235, chemin de la Montagne, Mont-Saint-Hilaire

Natacha Gagné le dit sans détour: elle n’a jamais voulu être «une fermette». Son expérience avec les animaux se limitait aux chats et aux

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chiens, mais un jour, elle est tombée sous le charme des alpagas avec leurs jolis minois et leurs grands yeux. Le coup de foudre a été instantané. Un mois plus tard, elle et son mari ouvraient une ferme avec 16 alpagas. Quelques années après, le troupeau compte plus de 100 bêtes, qui se sont même liées

d’amitié avec les 13 canards de la ferme. En plus de pouvoir tâter le doux poil de Bottine, Bandit et Yogourt, les visiteurs peuvent passer à la boutique pour se fournir en bandeaux, bas longs, cache-cou ou encore mitaines, le tout en fibre de laine d’alpaga, reconnue pour son pouvoir d’isolant thermique.

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Argouseraie Quénébro

La Route bleue

1825, avenue du Lac Est, Roxton Pond

830, rue Hervé, Saint-Amable

Très peu de gens connaissent les baies d’argousier, ce petit fruit aux multiples bienfaits originaire des terres nordiques d’Europe et d’Asie. Et pour cause, il n’a été implanté au Québec qu’au milieu du 20e siècle. D’ailleurs, lorsque les propriétaires de l’Argouseraie Quénébro, Véronique Le Hégarat et Robert Perras, se sont lancés dans sa culture, ils se sont rendu compte qu’aucune machinerie agricole existante en Amérique du Nord n’était adaptée à ce type de cueillette. Ils sont finalement parvenus à créer l’équipement adéquat et ont dédié 15 hectares de leurs terres à cette plante. On trouve sur leurs étals l’argousier sous toutes ses formes: velouté, confitures, marmelade, beurre, sorbet, thé… Passionnés de cuisine, les propriétaires ont élaboré euxmêmes la plupart de leurs recettes.

Symbole du Québec, le bleuet, que beaucoup associent à la région du Lac-Saint-Jean, a pourtant sa route en Montérégie. Mais ici, c’est le bleuet en corymbe qu’on retrouve, qui, contrairement au bleuet sauvage, pousse en grappe sur des arbrisseaux. Il peut parfois atteindre la grosseur d’une pièce de 2$, d’où son surnom de «bleuet géant». Riche en composés antioxydants, il aide à prévenir le cancer, l’athérosclérose et les maladies dégénératives. Il possède aussi des vertus anti-inflammatoires. Les producteurs de bleuets ont donc eu l’idée de mettre en avant leur produit en se regroupant pour créer cette Route bleue. Depuis sa création, les visiteurs peuvent découvrir plus de 30 bleuetières et participer à des journées d’autocueillette, généralement jusqu’au mois d’août.

Parc national des Îles-de-Boucherville 55, île Sainte-Marguerite, Boucherville

À quelques kilomètres à peine de Montréal, au beau milieu du fleuve Saint-Laurent, un chapelet de cinq petites îles autrefois utilisées pour l’agriculture et comme lieux de villégiature forment le Parc national des Îles-de-Boucherville. Des sentiers y sont praticables à pied et à vélo l’été, et en raquettes l’hiver. Il est même possible de faire du kayak de mer ou de la planche à pagaie à travers un réseau de sentiers nautiques de 8 kilomètres, au milieu des îles. La dernière nouveauté: le pédalo, pour se laisser dériver doucement au fil de l’eau. Ce parc créé en 1984 compte 20 espèces de mammifères, dont le cerf de Virginie, le renard roux, la moufette rayée ou encore le raton laveur, et plus de 450 espèces végétales.

ww a w.ve c.c e b niseenque Tout pour plaire, été comme hiver ! Pôle touristique, ce lieu de villégiature s'érige autour de la Baie de Venise qui fait partie du magnifique plan d'eau qu'est la Baie Missisquoi du lac Champlain. Située à 45 minutes de Montréal, Venise-en-Québec est reconnue pour ses plages, ses campings l'été et la pêche d'hiver. Ses attraits permettent un contact avec la nature, la culture et les plaisirs gourmands, ainsi que pour son hébergement de qualité et une restauration variée. Une visite s’impose !

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Parc national des Îles-de-Boucherville  photos Mathieu Dupuis

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Brasseurs du Moulin

La Route des cidres 2365, chemin des Patriotes, Richelieu

Cet été, prenez le volant et parcourez la Route des cidres. C’est la seule du Québec! À travers plusieurs étapes, les amateurs sont invités à rencontrer les producteurs passés maîtres dans l’art de la transformation de la pomme en cidre. Ils ouvriront leurs celliers pour un moment de dégustation. Illégal jusqu’en 1970, le cidre a désormais sa place sur la carte des bars et sa consommation est en pleine expansion dans la province. Plus de 1,5 million de litres de cidre étaient vendus en 2001, contre plus de 3 millions de litres en 2015.

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Tour du Québec Montérégie

La progression est surtout notable pour les ventes directes, entre producteurs et consommateurs. Plats ou pétillants, mousseux ou de glace, il y en a pour tous les goûts! De la célèbre cidrerie Michel Jodoin au Domaine Lavoie, en passant par le Domaine Cartier-Potelle, le choix est vaste.

Brasseurs du Moulin 991, rue Richelieu, Belœil

David Lamoureux et Pascal DupontDorais se sont lancés dans ce projet de microbrasserie en 2015 avec comme idée de devenir une microbrasserie «folklorique», où

chaque bière serait liée à un conte québécois. Ils ont élu domicile au Vieux-Moulin de Belœil qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, n’a presque jamais servi à moudre la farine. Depuis son lancement, la brasserie a connu une folle expansion. Elle produit une blonde, une IPA et une rousse au caramel, et prévoit aussi de créer une blanche. Grâce à son association avec la brasserie montréalaise Oshlag, elle vend désormais ses bières en canettes. En plus de la boisson, l’établissement propose un menu où on retrouve burgers, pizzas, poutines ou tartares, et organise des soirées d’humour et de concerts.


Outaouais 184 188 192 195

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Randonnées en Outaouais Brasserie du Bas-Canada Tour de Maniwaki Sur la route



( territoire ) Randonnées en Outaouais mots & photos Dominique Caron

Hors des sentiers battus Lorsqu’on pense à la région de l’Outaouais, on a tendance à l’associer uniquement à la ville de Gatineau ou de Hull. Pourtant, il suffit de s’éloigner légèrement de l’autoroute 50 pour découvrir un paradis de la randonnée où s’alternent forêts mixtes et cours d’eau, parfait pour fuir la canicule.

Kenauk Nature à Montebello Située à 90 minutes de Montréal, la ville de Montebello comporte l’une des plus belles réserves naturelles privées: Kenauk Nature. Autrefois un domaine seigneurial, son large territoire est désormais en partie un lieu de conservation grâce à un partenariat avec Conservation de la nature Canada. À l’accueil, la carte des sentiers affiche des tracés de plus d’une centaine de kilomètres et, depuis l’été 2018, l’équipe concocte un trajet de longue randonnée sur plusieurs jours. C’est toutefois le sentier Skymount qui se démarque du lot. D’abord, parce qu’il débute directement depuis l’accueil, mais aussi parce qu’il culmine à une tour de feu. Parsemé de petits ruisseaux qui libèrent de délicieux parfums, tout l’aménagement du parcours est ingénieux: petits ponts de bois, section de pas japonais, et même un impressionnant escalier taillé dans un tronc d’arbre… Chapeau à l’artiste qui maîtrise la scie à chaîne! Mais le plus intéressant, c’est la tour de feu encore en très bon état. Une petite dose d’adrénaline se fait sentir alors qu’on monte pas à pas dans cette impressionnante tour qui s’élève à 20 mètres dans les

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airs. Une fois au sommet, la vue qui s’offre aux yeux mérite une pause. On s’imagine alors ce que pouvait être le métier de garde-feu, juché dans cette petite cabane qui tangue légèrement sous le souffle du vent. Hébergement: camping traditionnel, tipis, yourtes et chalets sont disponibles sur la réserve. Coup de cœur personnel: la yourte du Héron, spacieuse et lumineuse, située en bordure d’un marécage où l’on peut observer le soleil se coucher sur la réserve. Parc régional du mont Morissette à Blue Sea Les résidents du coin adorent le mont Morissette, et avec raison. Accessible gratuitement, ce parc ouvert à l’année a trois sentiers. C’est celui qui porte le numéro 1 qui mène au sommet du mont Morissette, à 400 mètres d’altitude. Il faut moins d’une heure de marche pour atteindre l’une des plus anciennes tours de feu de la région ainsi qu’un belvédère. Érigés côte à côte, tous deux peuvent être gravis afin d’observer les lacs des environs, dont le lac Blue Sea qui porte bien son nom. Puis, le sentier se poursuit et zigzague en forêt,

croisant un refuge, une toilette et un belvédère. Ce deuxième belvédère, doté d’une petite table à pique-nique, est l’endroit idéal pour grignoter avec une vue tout aussi magnifique que celle offerte au sommet. Bien que la destination soit très belle en été, découvrir le parc pendant la saison automnale est sans hésitation encore plus agréable, puisque les couleurs sont au rendez-vous. ZEC Saint-Patrice à Sheenboro Cette randonnée est l’un des secrets les mieux gardés de la MRC du Pontiac, située dans la portion sud-ouest de la région de l’Outaouais. C’est au sein de la ZEC Saint-Patrice, à Sheenboro, que se trouve le sentier rustique du Rocherà-l’Oiseau. Son nom (Oiseau Rock en anglais) lui vient de la peinture rupestre située sur une paroi de 150 mètres en bordure de la rivière des Outaouais, une œuvre faisant partie du patrimoine archéologique du Canada. Les différents panneaux d’interprétation qui ponctuent ce sentier de 4,5 kilomètres racontent toutes les légendes autour de cette célèbre peinture qui serait celle d’un shaman algonquin. D’ailleurs,

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peu d’endroits au Québec peuvent se vanter d’avoir des panneaux en français, en anglais et en algonquin! À première vue, le sentier s’annonce plutôt plat, traversant une forêt dense et variée. Quelques petits ponceaux de bois facilitent la traversée de ruisseaux et plus on avance, plus on remarque l’apparition de monolithes en bordure du sentier. Parfois, ce sont des parois rocheuses, dont les cavités au niveau du sol servaient autrefois d’abris aux peuples algonquins qui habitaient la région. Après une première section plutôt calme, le parcours commence sa montée avec de petites sections plus à pic où des cordes ont été installées sur les arbres afin de faciliter la descente (ou la montée au retour). C’est aussi à partir de là qu’on commence à avoir chaud! Heureusement, un petit lac permet de se rafraîchir à proximité d’un des premiers points de vue. Il est toujours possible de repousser la baignade, puisque le sentier culmine sur une plage. De là, on peut observer l’impressionnante paroi au loin. Pour s’en approcher et avoir la chance de voir de près cette fameuse peinture, il faudra toutefois un canot ou des jumelles. Sentiers du Pont de pierre à Déléage À l’été 2018, les résidents de la Vallée-de-la-Gatineau ont mis beaucoup d’énergie à améliorer l’accessibilité de leurs sentiers. C’est le cas de ceux du Pont de pierre, dont la signalisation a été entièrement refaite. En tout, le réseau cumule 2,2 kilomètres de sentiers, une distance plus que raisonnable. Dans une forêt dominée par les cèdres, le sentier de marbre est constitué de formations géologiques vraiment impressionnantes: un pont de pierre et un bain naturel.

avoir davantage d’endroits du genre, où on peut marcher près de l’eau et s’y rafraîchir. Ce sentier est accessible pour toute la famille, puisque sur un terrain plutôt plat. Il fait bon s’y balader tranquillement, le temps d’observer l’écosystème et de suivre le cours de l’eau qui fait tranquillement son chemin jusqu’au lac des Trente et Un Milles. Sur cette immense étendue d’eau, dans une zone du lac nommé la baie Noire, un quai permet aux embarcations, motorisées ou non, d’accéder aux parcours de randonnée.

Quand on pense aux températures caniculaires qui se sont abattues sur le Québec en été, on souhaiterait

Hébergement: sur le lac des Trente et Un Milles, la SAGE (Société d’aménagement et de gestion

environnementale du bassin versant du lac des Trente et Un Milles) offre la location de divers hébergements, dont une magnifique yourte sur une petite île où la couleur de l’eau translucide rappelle celle des Caraïbes... Kenauk Nature 1000, chemin Kenauk, Montebello 819 423-5573 Sentier du Rocher-à-l’Oiseau 1, chemin Schyan, Sheenboro 1 800 665-5217 Parc régional du mont Morissette 10, rue Principale, Blue Sea 819 463-2261

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( à boire ) Brasserie du Bas-Canada Gatineau mots Maryse Boyce photos beerism.ca

L’ascension par le houblon Après un peu plus d’un an d’existence, force est de constater que la Brasserie du Bas-Canada s’est imposée comme un incontournable brassicole québécois. Son équipe travaille maintenant d’arrache-pied pour répondre à la demande qui a pris tout le monde par surprise, incluant ses fondateurs.

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abriel Girard Bernier et Marc-André Cordeiro Lima ont longtemps refait le monde lors de longues conversations où ils déploraient le manque d’endroits attrayants dans leur région, pourtant si près d’Ottawa, et d’éclosion de microbrasseries. Alors qu’ils brassent chez eux depuis un bon moment, les deux amis décident d’utiliser leur insatisfaction comme moteur et élaborent un projet pour Gatineau. Presque deux ans plus tard, le 17 novembre 2017, la Brasserie du Bas-Canada ouvre ses portes et ses fûts au public. À sa création, les deux fondateurs y vont de prévisions très conservatrices sur la demande: les entreprises brassicoles éclosent un peu partout au Québec, et même s’ils savent qu’ils répondront à un besoin – l’Outaouais est la région, avec le Nord-du-Québec, où on compte le moins de microbrasseries par habitant –, ils sont loin d’entrevoir la teneur du succès qui les attend. Une campagne de sociofinancement leur permet néanmoins d’amasser 18 000$. «Ça nous a permis de gagner à l’avance de bons clients», estime le brasseur Gabriel Girard Bernier en entrevue. «C’était une bonne

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façon de faire connaître notre projet et de vérifier l’intérêt des gens de Gatineau.» L’amertume populaire Dès le mois de janvier 2018, soit deux mois après son ouverture, l’entreprise sort deux des produits qui contribueront à la propulser à l’avant de la scène brassicole: Los Tabarnacos, une milkshake IPA aux saveurs de mangue, et la no 2 de la série HYPA, qui tire son nom de la contraction des mots hype et IPA (India Pale Ale). La demande explose, «au point où on manquait de bières pour emporter sur place et où les détaillants, à un certain point, vendaient carrément nos produits en une journée», se remémore Gabriel. «On était conscients que c’est un marché qui bouge vraiment rapidement et qu’on avait avantage à être flexibles pour bien prendre notre place». Cette attitude les a bien servis: du catalogue de bières à brasser et à expérimenter qu’ils avaient élaboré, les fondateurs ont dû repousser certaines créations et revoir la proportion des brassins. Soixante-dix pour cent de leur production est ainsi présentement consacrée aux IPA.

«C’est sûr qu’on peut pas satisfaire à la demande pour tous nos produits du jour au lendemain», expose Gabriel, réaliste. Ce qui ne veut pas dire que les propriétaires n’ont pas déployé toute leur ingéniosité pour optimiser au maximum leurs installations gatinoises. «On produit au rythme de 135 000 à 140 000 litres par année. Pour l’espace qu’on a ici, c’est vraiment beaucoup.» La proximité de collègues ottaviens leur a fait entrevoir une piste de solution plutôt inusitée au Québec: l’encanettage mobile. Ce service leur permet ainsi d’abolir leur ligne d’encanettage et de dégager de l’espace pour loger davantage de fermenteurs. «Ça nous a permis d’augmenter le volume de production, parce qu’on est capables d’encanetter vraiment plus rapidement.» Gestion de la demande… et des déceptions Avec un enthousiasme fulgurant envers sa production et une capacité de brassage limitée vient forcément un approvisionnement insuffisant. Gabriel et Marc-André doivent donc répartir au mieux leurs bières entre le salon de

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«Ça a toujours été notre motto, de vouloir faire la meilleure bière dans le plus beau des contenants.» — Gabriel Girard Bernier Visuels Alexandre Mercier


dégustation, la boutique attenante, les détaillants et les bars qui tiennent leurs produits. «On essaie de faire comprendre aux gens de venir le plus vite possible quand on annonce les produits pour éviter les déceptions.» Juger une bière à sa canette L’image de marque soignée de la Brasserie du Bas-Canada contribue certainement à distinguer ses bières parmi l’abondance de choix sur les tablettes des dépanneurs spécialisés. «Ça a toujours été notre motto, de vouloir faire la meilleure bière dans le plus beau des contenants, soutient Gabriel. C’est quelque chose sur quoi on a beaucoup travaillé et insisté.» L’équipe peut compter sur l’aide du graphiste gatinois Alexandre Mercier pour créer des visuels foisonnants et colorés pour chacune de ses créations brassicoles. Vision à long terme Le milieu brassicole en est un de nouveautés, et les attentes envers l’entreprise gatinoise sont élevées. Gabriel et Marc-André s’attellent donc à développer d’autres bières

– et pas seulement les IPA qui les ont rendus populaires. La pilsner tchèque L’Aspiration, brassée au profit de Leucan Outaouais, devrait apparaître plus régulièrement sur les lignes de fût, ce qui concorde avec leur désir de développer davantage de bières de soif de type lager. À l’opposé du spectre des saveurs, la Guerre et Paix, parue en février, incarne la première d’une série de stouts impériaux. Les deux types de bière constituent un défi à produire, mais l’entreprise tient à développer une offre diversifiée. «Ça a toujours été notre philosophie de ne pas lésiner sur la qualité et la quantité des ingrédients pour arriver à nos objectifs.» Fierté outaouaise L’engouement pour la brasserie se fait sentir au niveau local, avec un noyau dur de clients gatinois fréquentant assidûment le pub, et rayonne au-delà des frontières de la région. En effet, chaque fin de semaine, des curieux affluent de Montréal, Québec, d’un peu partout en Ontario et même du sud de la frontière pour déguster des produits brassés sur place ou ramener des canettes

à la maison, ce qui contribue à accroître son rayonnement. En tissant des liens avec des acteurs culturels de la région, comme le festival de radio numérique Transistor, pour qui ils brasseront la bière officielle pour la deuxième année consécutive, ou encore grâce à leur partenariat avec le restaurant Les Vilains Garçons, qui assure le volet nourriture au pub en plus d’être actionnaire, les entrepreneurs souhaitent contribuer à créer une effervescence autour de l’Outaouais. «Si on peut contribuer ne serait-ce qu’un petit peu à développer une fierté régionale... c’est sûr que ça a toujours été dans l’âme du projet.» Le brasseur espère que les microbrasseries se multiplieront dans la région afin de créer un circuit brassicole incontournable. D’ici là, la Brasserie du Bas-Canada planifie son expansion. Brasserie du Bas-Canada Outaouais 455, boul. de la Gappe, local 103, Gatineau 819 525-6162 brasseriebascanada.com

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( culture ) Tour de Maniwaki mots & photos Valérie Thérien

Retour à Maniwaki Mon amie Claude est retournée s’établir dans son patelin il y a quelques années. On se voit moins souvent, mais quand on est ensemble, c’est du temps de qualité. Connaissant peu l’Outaouais outre Gatineau, j’ai eu envie d’aller la visiter le temps d’un grand tour de MRC... et d’une tournée des bars de Maniwaki.

A

rrivée dans cette ville de 4000 âmes par un avantmidi d’hiver où la route 105 était périlleuse en raison de la présence de glace et d’eau, mais déserte, je savais que j’avais à mes côtés une excellente guide. Claude Myre Bisaillon est une bonne amie, rencontrée il y a environ 10 ans alors qu’elle habitait la métropole et travaillait dans le monde de l’humour. Après un blues du milieu, elle a décidé de retourner habiter à Maniwaki, là où elle avait grandi. Claude est une femme de plein air qui souhaitait renouer avec un coin de pays qui offre une quantité assez phénoménale de lacs, entre autres. Elle souhaitait aussi rester près de sa mère, qui vieillit.

années entre autres pour le (feu) Festival de l’Outaouais émergent à Gatineau et ayant mis sur pieds le festival d’arts de la scène La Dérive à l’été 2018.

Claude n’a pas froid aux yeux et j’admire énormément la conviction qu’elle a eue en préparant le terrain pour son retour à la maison. Elle s’est dit: «Y a pas de raison que je ne me trouve pas de job peu importe ma localisation.» Si elle a dû sacrifier à moitié une carrière en culture pour retourner à Maniwaki – elle travaille aujourd’hui principalement pour la commission scolaire –, elle baigne tout de même dans les arts quand les contrats s’offrent à elle, ayant travaillé ces dernières

Visites et statistiques

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Je demande à Claude de choisir un restaurant classique de la municipalité pour dîner, un endroit limite kitsch de Maniwaki. On débarque au mythique Resto Le Notre-Dame. C’est un bâtiment sans grand charme, mais l’endroit dégage une belle chaleur humaine et on s’y retrouve pour un bon repas sans prétention. Je prends sans grande hésitation la Larrypizza, garnie de poulet, parce que c’est la pizza du boss. J’en avais besoin après 3h30 de voyagement.

On prend ensuite la route pour découvrir le sud de la MRC de La Vallée-de-la-Gatineau. On longe la 105 alors que Claude, entre deux cigarettes, me raconte sa région. Maniwaki est aujourd’hui une ville de services (faune, agriculture, transport) et – coup de théâtre! – est passé à la CAQ l’an dernier après avoir longtemps été un bastion libéral (il y a même là-bas le dicton «Peinture un cochon en rouge et il va rentrer»).

Ce coin de l’Outaouais s’est développé par le bois, entre autres avec l’arrivée de la CIP (Canadian International Paper) dans les années 1920, une grosse usine. Lorsque celle-ci a fermé ses portes dans les années 1980, ça a mené à un inévitable déclin de la population. Claude me précise que dans les années 1970, une cohorte à la polyvalente rassemblait environ 1900 étudiants; à la fin des années 1990, c’était 800 et aujourd’hui, c’est 500 jeunes. La réserve voisine de Maniwaki se nomme Kitigan Zibi. Dans son documentaire de 2007 Le peuple invisible, le grand Richard Desjardins la décrivait comme une réserve pleine d’espoir, l’une des plus civilisées au Québec. Pendant mon séjour, on est allées prendre une bouchée à The Birch Bite, situé sur la réserve. Charmant comme tout – très instagrammable! –, le restaurant est un petit trésor caché, sur une rue parallèle à la 105. La propriétaire Anna Cote a bien voulu sortir des fourneaux cinq minutes pour nous parler de son resto ouvert depuis quelques mois. Elle nous a expliqué que d’être à la limite de Maniwaki et de Kitigan Zibi lui permet d’avoir deux clientèles qui se complètent. Elle souhaite

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favoriser une bonne alimentation, des produits frais et des plats sains. On retrouve sur son menu, qui est appelé à changer alors que The Birch Bite prendra de la maturité, des tacos – testés et approuvés –, des bols santé à base de riz et des smoothies, par exemple. Sur la route entre Maniwaki et Low, en passant par Kazabazua et le magnifique lac Sainte-Marie, on croise toutes sortes de perles, comme La Vallée des canneberges, des affiches de traverse de tortues près du lac Ajawajiwesi, un barrage hydroélectrique – là où travaille un beau blond qui a aussi fait pencher la balance du retour en région – avec superbe vue sur la forêt, un commerce de bord de route où une dame haïtienne prépare des bines dans le sable, un élevage d’alpagas. Une, deux, trois bières De retour en ville, c’est l’heure de l’apéro, alors on se prévoit une tournée des bars. À Maniwaki, un

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arrêt incontournable est le bar Chez Martineau, jeune depuis 1889! On raconte que l’arrière-grandpère, ancien propriétaire de cette taverne mythique, voulait célébrer ses 100 ans au bar. Il l’a fait et est mort quelques mois plus tard. L’attachement au lieu est tel que sa femme, à son décès, a été exposée dans le bar. On se prend une pinte bien rafraîchissante pendant que les barmen nous racontent des histoires abracadabrantes qui ne peuvent qu’arriver tard dans un bar – et qui ne se racontent pas vraiment ici! Claude connaît bien la place. C’est ici qu’elle a présenté Les Cabarets décompression en décembre 2014. Les soirées de type «open mic» avaient pour but d’offrir une tribune humoristique pour alléger le climat politique. «Y a une fille qui était venue chanter: “Vous NOUS avez monté un beau grand bateau”!», me mentionne Claude. Si Chez Martineau fait partie des meubles, il y a aussi des bars en

pleine effervescence à Maniwaki. On passe un petit moment au Rabaska, pub très populaire à l’heure de l’apéro et qui propose des chansonniers en soirée. «Si tu cherches une place où y a de l’ambiance le soir, tu te poses pas de questions et tu vas là», me dit Claude. On finit ça au Canot volant: un très cool pub ludique ouvert par deux jeunes entrepreneurs il y a quelques mois. Le vaste espace sur deux étages, la terrasse ensoleillée, la variété de jeux et de bières font de cet endroit une excellente nouvelle option pour passer ses soirées entre amis. Le lendemain matin, je devais avoir oublié une ou trois bières au compte parce que j’étais plutôt sonnée. Mais en dégrisant, je réalisais que mon passage à Maniwaki, aussi court fût-il, m’avait ouvert l’esprit sur les réalités et les possibilités de la vie en région. Nul doute: je reviendrai à Maniwaki pour revoir mon amie Claude, pour pagayer et pour découvrir encore plus de petits coins cachés.


Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Soif – Bar à vin

Soif – Bar à vin 88, rue Montcalm, Gatineau

Après s’être retirée du milieu compétitif, la grande sommelière de renom Véronique Rivest a choisi Gatineau pour ouvrir son propre bar à vin. Soif est devenu un incontournable de la région, un lieu à visiter et à déguster.

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Blancs, rouges et cocktails, spécialement sélectionnés et conçus par la professionnelle, sont offerts sur place, avec une carte des vins qui évolue chaque semaine. Petites assiettes et plats à partager apparaissent sur la carte. Élaboré avec des produits régionaux et de saison, le menu complet est proposé par le chef

Kris et s’accorde avec le temps et le vin. Soif propose aussi des ateliers animés par Véronique ou un des sommeliers de l’équipe. Les curieux pourront y apprendre la dégustation analytique, les accords mets-vins ou encore découvrir une nouvelle région ou un vieux millésime.

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Edgar

Café Palmier

Le St-André

60, rue Bégin, Gatineau

40, chemin Scott, Chelsea

35, rue Principale, Saint-André-Avellin

Ce tout petit restaurant du quartier Val-Tétreau, situé à quelques pas de l’Université du Québec en Outaouais, est abordable et surtout connu pour ses brunchs. La bouffe qu’on y offre est créative, fraîche et en constante évolution. La dynamique chef propriétaire Marysol Foucault – que vous avez peut-être vue à la télé ou dans les restaurants de la région où elle a fait ses classes – a nommé son charmant établissement en hommage à son paternel. Elle souhaite rester ancrée dans ce quartier méconnu et le local actuel est voué à être agrandi. Une campagne de sociofinancement pour lui permettre un agrandissement a d’ailleurs été une réussite. Passez-y pour y faire des découvertes culinaires, déguster de délicieuses pâtisseries ou tout simplement pour bien commencer la journée dans un lieu invitant.

Situé à l’entrée du Parc de la Gatineau, le Café Palmier offre un environnement paisible, spacieux et moderne, avec une touche californienne. Si vous passez dans le coin, voilà un arrêt incontournable pour prendre une bouchée ou un bon cortado pour se ressaisir, tout près de l’autoroute de la Gatineau. Côté produits, les clients peuvent déguster du café torréfié avec soin, issu de pratiques durables. Les pâtisseries gourmandes sont préparées quotidiennement sur place, à partir d’ingrédients locaux de haute qualité. Le Café Palmier fabrique aussi son propre lait d’amande. Entouré par les arbres, le Café Palmier permet de prendre une pause en pleine nature et de déguster des produits frais. Petit plus: nos amis à quatre pattes sont les bienvenus!

Ceux qui ont pleuré la perte du Pub Le St-André à l’été 2018 n’ont pas eu à vivre leur deuil très longtemps puisque l’établissement a été repris rapidement par le propriétaire de l’immeuble qui l’abrite, l’Auberge Petite-Nation, et a rouvert ses portes le 1er mars dernier avec un spectacle de Kevin Parent présenté à guichets fermés. Petite salle de 120 places de Petite-Nation (Saint-André-Avellin pour être plus précis), Le St-André, dont le nom est désormais simplifié, accueillera des invités de marque prochainement, dont Émile Bilodeau, King Melrose et Brian Tyler. Une grande sélection de cocktails, de bières de microbrasseries, de vins, de whiskys et autres sont offerts sur place, ainsi qu’une variété de petits plats à partager (nachos, bouchées de morue, saucisson, etc.).

Le St-André  photo Valérie Ménard

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Le St-André  photo Valérie Ménard


Black Sheep Inn

Les ruines Carbide Willson 639, chemin du Lac-Meech, Chelsea

En plus d’offrir verdure, sentiers pédestres, balade à vélo, ski ou raquette sur ses 350 kilomètres carrés, le Parc de la Gatineau est un lieu riche en histoire, notamment celle des ruines de Carbide Willson. Thomas Leopold Willson est un inventeur du début du 20e siècle. Il construit en 1907 une propriété dans les collines de la Gatineau qui surplombe le lac Meech (aujourd’hui le Parc de la Gatineau) dans laquelle il se dote d’un moulin-laboratoire composé d’une centrale électrique et d’une usine de condensation d’acide phosphorique, la toute première

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au monde. L’ancienne demeure de Willson sert aujourd’hui de centre de conférences pour le gouvernement fédéral. L’accord du lac Meech y a notamment été signé. Aujourd’hui, les ruines de l’ancien moulin peuvent être visitées ainsi que les bases de la tour qui ont résisté à un incendie. D’une longueur de 3,6 kilomètres (aller-retour), cette randonnée offre aux marcheurs un pan d’histoire et un paysage très photogénique.

Black Sheep Inn 753, chemin Riverside, Wakefield

Voilà un petit joyau du sympathique village de Wakefield, situé au bord

de la rivière Gatineau, pas très loin du fameux pont couvert et à une vingtaine de minutes d’Ottawa. On s’y déplacerait volontiers tous les week-ends tant le Black Sheep Inn est l’une de ces petites salles de spectacles de région qui ont un charme indéniable – pas mal à l’image du village – et une programmation dévouée à la fois au talent local qu’à des artistes plus établis, qui y reviennent par pur plaisir de s’offrir une soirée musicale intime avec un public attentif. Patrick Watson y était encore récemment, à guichets fermés, pour deux soirs, par exemple. Fondé en 1994 et toujours debout, le Black Sheep a réussi à s’ancrer dans la culture de Wakefield.


Saguenay — Lac-Saint-Jean 200 204 208 212 216

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KWE Cocktails Camerises fraîches Québec Forêt boréale Côté-Cour Sur la route


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( à boire ) KWE Cocktails Alma mots Julien Abadie photos Danielle Turcotte

La méthode KWE Vos cocktails méritent mieux qu’un soda de supermarché. C’est avec ce credo que les sirops artisanaux ont bâti leur succès. Mais KWE y a ajouté ce petit goût d’ici qui fait toute la différence: la Boréalie.

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ien de plus personnel que la définition d’un cocktail réussi. Pour votre serviteur, c’est celui dont on peut identifier chaque ingrédient, mais qui vaut mieux que la somme de ses parties. Pas simple. Tout est une question d’équilibre, de complément, de rapport de force. Mais il est un ingrédient de base dont je n’avais jamais vraiment remis en question l’importance: le soda. Un jour, ma rédactrice en chef m’envoie un courriel en guise de sujet: «Connais-tu les sirops artisanaux KWE fabriqués à Alma?» Non, mais je vais corriger ça ce soir, lui réponds-je. Des cinq bouteilles de 375ml disposées sur l’étal du dépanneur, j’opte pour leur Tonic forestier, un nectar d’agrumes aux relents de conifère. Un voyage en soi. Deux onces dans le verre, autant d’un bon gin artisanal, un splash d’eau gazeuse et une gorgée plus tard, je réalise mon erreur. Déboucher un sirop artisanal en général, et un sirop de KWE en particulier, c’est ouvrir la plus délicieuse des boîtes de Pandore: impossible de revenir à un soda normal après ça. Une aventure professionnelle tissée d’amitié Petit retour en arrière. Apparue dans le sillage des microbrasseries,

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la vague des microdistilleries a sorti les sirops artisanaux de leur relatif anonymat. Un classique de l’effet domino. Le temps de faire maturer leurs whiskies et de les mettre sur le marché, toutes les microdistilleries financent leurs activités en créant des gins ou des vodkas de qualité. C’est rapide à produire, propice à expérimenter et rentable. Séduits par ces alcools délicatement balancés, de plus en plus de mixologues et d’amateurs éclairés hésitent à les noyer avec du soda commençant par Schw et finissant par eppes. C’est ici que les sirops artisanaux entrent en scène. En proposant aux consommateurs de créer et doser leurs propres sodas, en variant les arômes et les expériences gustatives, ces produits font mieux que de la figuration dans les cocktails: ils donnent la réplique. Les deux fondatrices de KWE confirment. Pour Jessica Côté, «les gens sont de plus en plus allumés et cherchent de nouvelles saveurs. Ils veulent moins boire, mais mieux boire». Ève-Marie Gravel ajoute: «C’est une mode qui est bien ancrée aux États-Unis depuis longtemps, mais ça s’en vient sérieusement par ici. On est toujours un petit peu en retard au Québec.» KWE est né de l’amitié de ces deux-là. Amatrices de microbrasserie et de mixologie, nos «épicurieuses» se

cherchaient depuis quelque temps un projet entrepreneurial commun, une aventure professionnelle tissée d’amitié. Un soir, elles décident de lancer leur propre marque de sirop. «J’étais employée dans un dépanneur spécialisé en bière, se souvient Ève-Marie. Je voulais développer un coin mixologie parce que je sentais que la mode s’en venait. C’est là que je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas beaucoup de sirops à cocktail au Québec. Et encore moins qui utilisent les ingrédients qui poussent ici…» L’appel de la forêt Cet ancrage local, c’est ce qui fait tout le prix de KWE. Leurs tonics (forestier et boréal houblonné), mais aussi leurs sirops (menthe sauvage, cerise griotte et bleuetlavande), sont autant d’explorations de la forêt boréale et des multiples facettes de sa flore. «Pour nous, cette dimension était essentielle, insiste Jessica. Peut-on s’approvisionner le plus localement possible? Qu’a-t-on dans nos forêts? La majorité de ce qu’on met dans nos bouteilles a été cueillie dans la région du Saguenay et du Lac-SaintJean.» Conscientes de leurs limites en botanique, elles font appel à Fabien Gérard, un biologiste et spécialiste de la forêt boréale qui les aide à sélectionner les plantes

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pour leur sirop. Il leur faudra neuf mois de recherche intensive avant d’embouteiller leur premier produit. Assemblés le plus possible avec des ingrédients locaux, les sirops KWE se veulent très respectueux de l’environnement. C’est pourquoi certains de leurs ingrédients proviennent parfois d’ailleurs au Québec. Prenez le gingembre sauvage qui pourrait faire son apparition dans un futur produit: «On va devoir le cueillir en Beauce, explique Jessica. Il y en a dans notre région, mais pas assez si l’on veut préserver l’équilibre écologique.» En bouche, le résultat est fabuleux. Les arômes de cèdre et d’agrumes du Tonic forestier s’accouplent à merveille, par exemple, avec le profil printanier et vivifiant d’un gin Snowdrop (distillerie Saxton du Vermont). Flanqués d’un rhum généreux, ils deviennent décadents.

«Personnellement, je trouve que le gin boréal KM12 de la Distillerie du Fjord s’accorde très bien avec nos tonics, assure de son côté Ève-Marie. Tout dépend. Parfois, marier des profils de goût différents va fonctionner; parfois, on va plutôt chercher des ingrédients similaires. L’essentiel, c’est d’essayer et d’y aller selon ses goûts.» Pour les moins aventureux, de multiples recettes de cocktails sont disponibles sur le site de KWE et n’attendent que d’être concoctées. Tradition et modernité Reste une question: pourquoi KWE? «C’est un mot de salutation dans plusieurs langues autochtones, explique Ève-Marie. Écrit de cette façon, c’est en huron-wendat.» Ce détail n’en est pas un. Pour les deux jeunes femmes, donner ce nom à leur marque était un moyen de rendre hommage à leurs origines: Jessica est Métis aux

origines Innu, Micmac et Nipissing, alors qu’Ève-Marie a une ancêtre innue. «C’est ce que je suis, c’est ce que je veux valoriser», insiste Jessica. Il y a quelque chose d’inexplicablement touchant dans cette volonté de marier la tradition forestière des Autochtones à la mixologie occidentale. Une manière de construire un pont qui rejaillit indéniablement à la dégustation. «C’est exactement ce qu’on voulait faire, confirme Ève-Marie. Le peuple québécois est un peuple mélangé, nous avons tous des origines autochtones en nous. On est dans une ère moderne de la mixologie et en même temps nos produits vont chercher nos origines ancestrales.» Créer un cocktail de tradition et de modernité: voilà la méthode KWE. KWE Cocktails Saguenay–Lac-Saint-Jean kwecocktails.com

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( terroir ) Camerises fraîches Québec mots Sophie Ginoux photo Samiramay, dreamstime.com

La promesse nordique Encore peu connue du grand public, la camerise, un petit fruit nordique au futur prometteur, suscite dans la région traditionnelle du bleuet un engouement qui mérite que l’on s’y attarde. Rencontre avec le groupe Camerises fraîches Québec, qui nourrit de grands rêves pour cette petite baie.

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ls sont tous agriculteurs par passion. Ils n’ont pas grandi dans les champs et travaillent tous dans d’autres secteurs, mais ils ont senti qu’ils pourraient réaliser leur rêve agricole en plantant des plants de camerises sur leur terre jeannoise. Depuis cinq ans, ils contemplent patiemment ces petits arbustes, qui peuvent atteindre quatre à six pieds de hauteur, grandir et se gorger chaque année davantage de petits fruits que l’on associe encore trop souvent aux bleuets. «La camerise est très différente du bleuet, insiste Martine Girard, membre du petit groupe Camerises fraîches Québec. On dit souvent qu’ici, il ne pousse rien d’autre que des bleuets. Mais nous sommes en train de prouver que la camerise peut prendre un bel envol sur notre sol.» Petite présentation Qu’est-ce qu’une camerise, au juste? Il s’agit d’un petit fruit qui poussait déjà à l’état sauvage dans les forêts du nord du Canada, mais qui a généré de l’intérêt en agriculture depuis que l’Université de Saskatchewan a mis au point, grâce à un processus de pollinisation contrôlée, une variété hybride d’arbuste capable de résister à une température de -47 degrés

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Celsius et de produire une bonne quantité de fruits (un kilo par plan en moyenne). Si on prend soin des mauvaises herbes qui l’entourent, cet arbuste est également peu enclin à contracter des maladies et n’a pas vraiment de prédateurs, en dehors des oiseaux lorsque les baies sont mûres. Sa culture se réalise donc la plupart du temps de manière raisonnée ou biologique. Visuellement, la camerise, que l’on nomme aussi «chèvrefeuille comestible», est une grosse baie de forme ovale et allongée. En bouche, son goût est assez unique, rappelant un mélange de cassis, de bleuet, de framboise avec une petite touche de mûre, de nectarine, de prune et de rhubarbe. «Cela permet de la manger fraîche, comme de l’utiliser dans plein de recettes, explique Martine Girard. Confitures, smoothies, alcools, tartes, gâteaux, muffins, chocolat, crèmes glacées, sauces, vinaigrettes. Les possibilités sont multiples!» Addiction santé Il semblerait d’ailleurs que cette baie sucrée et un peu acidulée soit même addictive. «Les enfants l’adorent! C’est magnifique de voir

leurs bouches toutes rouges quand ils viennent faire de l’autocueillette dans nos champs. C’est un signe qui ne trompe pas», dit en riant la productrice. Effectivement, le taux de brix de la camerise est assez important pour attirer des consommateurs de tout âge entre la fin juin et la mi-août, fenêtre annuelle au cours de laquelle ce petit fruit peut être cueilli. La camerise n’est toutefois pas seulement bonne à manger. Composée à 83% d’eau, elle contient, par portion de 100 grammes, 60 calories, 14 grammes de glucides, 3 grammes de fibres alimentaires et 1 gramme de protéines. Elle est également une source d’acides aminés, de vitamines A et C, et de polyphénols, que l’on associe souvent à la prévention contre plusieurs maladies chroniques, certaines formes de cancer, ainsi que les maladies cardiovasculaires et neurodégénératives. «C’est ce qui explique la couleur très vive de la chair de la baie, d’un beau rouge, alors que celle du bleuet est pâle. Certains de nos clients se servent d’ailleurs de camerises pour teinter naturellement la laine qu’ils produisent», ajoute Mme Girard.

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Dmitriy Filin, dreamstime.com


Nadmak2010, dreamstime.com

Petit fruit deviendra grand Sa grande résistance au froid et aux maladies, son intéressant spectre organoleptique, sa polyvalence en cuisine, ses bienfaits pour la santé et sa culture raisonnée font de la camerise un petit fruit nordique auquel notre petit groupe jeannois et 140 autres producteurs à travers le Québec promettent un bel avenir. «Nous avons récolté 400 000 livres de camerises l’an dernier dans la province. Ce n’est pas énorme, mais nos arbustes ne sont pas

encore tout à fait à maturité, et nous voyons que cette culture est en croissance un peu partout», explique Martine Girard. Le Canada compte effectivement déjà deux millions de plants de camerises, et certains États américains commencent à en importer. «Je dirais que l’Amérique du Nord dans son ensemble peut développer cette culture. Mais je crois qu’au Lac-Saint-Jean, nous réunissons tous les éléments pour qu’elle s’y réalise pleinement. Nos sols ne sont pas contaminés,

nous bénéficions de températures adaptées»… «et nous sommes vraiment convaincus», pourrionsnous greffer à cette tirade. Parce que nos fiers pionniers, dont les fruits sont maintenant accessibles en saison chez IGA, souhaitent bien sûr conquérir le cœur de tous les Québécois. «Notre souhait, c’est qu’un jour, les gens mangent des camerises comme ils le font aujourd’hui avec des framboises. Bref, que la camerise rentre dans les mœurs.»

I G A E S T F I È R E D E S O U T E N I R L E S I N I T I AT I V E S L O C A L E S E N M E T TA N T E N V A L E U R L E T R A V A I L D E S P R O D U C T E U R S D E C A M E R I S E S D U Q U É B E C . LO R S D E L A SA I S O N D E C E P E T I T F R U I T VO U S P O U R R E Z V O U S E N P R O C U R E R PA R T O U T A U Q U É B E C C H E Z L E S M A R C H A N D S I G A .

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( territoire ) Forêt boréale mots Patrick Simard

Le sentier des défricheurs C’est l’histoire du gars qui est rentré dans le bois, comprends-tu? et pis que c’est finalement le bois qui lui est rentré dedans.

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n montant vers le p’tit parc de la Galette en partant de La Baie, y a la route 381 qui passe rapidement à travers la forêt sans qu’on s’y attarde vraiment. La première montée spectaculaire du petit lac Ha! Ha! est pas encore faite; il y a une route sinueuse qui longe la rivière du Bras d’Hamel et un mur de peupliers faux-trembles qui empêche de voir plus loin. Assez discrète en fait, la place. Tellement discrète qu’elle est fondue dans le décor quand on passe par la grand-route pour se rendre à Saint-Urbain. La place vit d’elle-même, elle ne demande rien. La forêt boréale est juste plantée là où c’qu’à devrait être, à l’abri des regards des voyageurs qui font les allers-retours entre le Saguenay et le fleuve Saint-Laurent. C’est en se perdant un peu à droite, un peu à gauche, jusqu’au bout du bitume, juste avant que les rangs ne se transforment en trail de quatre-roues, que l’on pénètre à la lisière entre Boilleau, dernier bastion humain avant le prochain «poste à gaz», et le parc des Laurentides; ses montagnes, ses vallées, ses ours, pis ses écureuils.

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En tournant vers l’ouest sur une route de terre battue, on s’enfonce dans le Nitassinan et on rencontre à première vue rien de nouveau sinon des sapins, des parcelles défrichées ou des vieux gréements de roulottes montées sur des cages en bois. La forêt bouge pas plus et le monde semble s’accorder sur le long terme avec ce que la vente de bois de poêle et de fourrures peut bien vouloir leur rapporter. En montant la route de terre dans le premier rang de montagne, on remonte subtilement dans le temps à une époque où les premiers colons se bâtirent des camps en bois rond à travers les mouches pis les ruisseaux.

– l’équivalent de 200 ans de bois de poêle –, on arrive sur les ruines des fondations de la maison d’Abel. Il faut fouiller un peu pour la trouver, mais elle est bien là, gisant entre les tiges d’érable rouge et de bouleau blanc. Avec du temps pis ben d’la patience, on trouverait peut-être des vestiges du légendaire sentier des Jésuites qui reliait GrandeAnse et La Malbaie – sentier connu des Amérindiens depuis des temps archaïques, à l’époque postglaciaire, avant même que la forêt boréale ne prenne racine.

Bien avant que leur trail soit aujourd’hui un rang à leur nom, les Abel Tremblay de ce monde défrichèrent des lots, semèrent des champs, érigèrent leur paroisse. Ils se seront battu un chemin à travers les aulnes pis les ours noirs; dans le bois, à l’année, jour et nuit, en famille.

En tournant vers le nord, des écriteaux indiquent: «Terre noire à vendre», «Mécanique générale», «Jardin des défricheurs». Entre les caniveaux de quenouilles, on partage la route avec le club de quatre-roues; les chiens nous accueillent en jappant dans le milieu du chemin, les gens de la place s’arrêtent sur leur tracteur pour nous saluer de la tête, sans que l’on se connaisse.

On roule jusqu’au pied du deuxième rang de montagnes, au coin de la trail à Edmour Lavoie. En 15 minutes

On remonte tranquillement entre les plantations d’épinette blanche et de pin gris en passant des panneaux

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de signalisation troués de balles de .22. Le rythme de vie dans le coin semble être paisible et venir avec l’air pur. Probablement que le peu de souci se résume à la météo que le bon Dieu nous donne et la grosseur de la lune qui éclaire des fois le soir dans le bois.

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En quête d’aventures, une jeune famille du Saguenay prenait la route pour Québec en passant par Charlevoix. En empruntant la 381, un arrêt s’imposait au promontoire du petit lac Ha! Ha!, où la vue est majestueuse. On peut voir au loin une montagne façonnée par les

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glaciers, une forêt à perte de vue et une route qui s’élance au gré des rivières et de la topographie. Charmés par la rusticité de l’endroit, les jeunes gens décidèrent de s’approprier un lopin de terre à bois à quelques kilomètres à vol

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de quatre-roues en amont du grand lac Ha! Ha!. En suivant leurs instincts primitifs de retour à la terre, ces néoruraux ont dès lors sans le savoir décidé de s’établir le long d’un sentier datant de plusieurs milliers d’années. Aujourd’hui encore, armés de leur scie mécanique et d’un gallon de gaz mixé, à dos de rutilante motoneige à deux layes, ils redécouvrent à leur façon le sentier des défricheurs, tout en hochant de la tête en guise de salutation aux voyageurs qui font des allers-retours sur la grand-route.


«Le public est de qualité. Il sait quand participer et quand écouter. C’était comme ça il y a 25 ans et c’est la même chose aujourd’hui.» — Daniel Côté


( culture ) Côté-Cour Jonquière mots Max-Antoine Guérin photos Eli Chamberland

Histoire matérielle et immatérielle Par où commencer pour raconter la singulière histoire du Côté-Cour? Une histoire centenaire et fascinante.

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n bâtiment construit en 1911 par un architecte qui a marqué l’époque à travers le Québec, un lieu qui avait déjà connu toutes les vocations, tantôt chapelle, tantôt salle paroissiale, maison des scouts, première Caisse populaire, première bibliothèque ou première radio communautaire de Jonquière. Puis, après les difficultés du café culturel Chez l’Bedeau qui occupait le rez-de-chaussée et qui a notamment vu naître le Groupe sanguin qui réunissait entre autres Dany Turcotte, Marie-Lise Pilote et Émile Gaudreault, une nouvelle vague de mobilisation a affirmé la vocation culturelle du lieu. La vague contre-culturelle Alors qu’en 1974, au Québec et ailleurs, la mouvance contreculturelle balaie les manières de faire et de vivre, un groupe d’une trentaine de personnes décrit par le poète et artiste Alain-Arthur Painchaud comme les «forces indépendantes du communautaire et du culturel de Jonquière» s’allient et, «sous l’influence des gens de théâtre et de la gang de La Rubrique», décident en assemblée générale de faire un café-théâtre pour la diffusion

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culturelle. Ils y organisent des corvées communautaires et rénovent le lieu qui deviendra ce lieu bien connu du public. Modernité et futur En 1998, le bâtiment devient la Maison d’animation sociale et culturelle (MASC) et consolide son importance pour la communauté. Sa salle principale héberge toujours le Café-Théâtre Côté-Cour, mais avec ses autres locaux le MASC est un véritable incubateur à organismes qui a notamment vu naître ou grandir le Théâtre La Rubrique, le Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean, le Patro de Jonquière ou le Festival des musiques de création. Plus récemment, la MASC et le CôtéCour ont été intégrés et des projets de rénovation sont présentement en phase de développement. Mais comme le souligne son directeur général actuel Dario Larouche, «l’aspect patrimonial et le cœur du Côté-Cour seront conservés». L’histoire immatérielle Mais pour réellement raconter le Côté-Cour, il faut dépasser son histoire matérielle et écrire avec l’encre invisible des mémoires

affectives. Il faut raviver souvenirs, premières fois, moments uniques et illuminations. Pour Philippe Brach, c’est le lieu de son éclosion comme artiste. «J’ai fait près de quatre ans d’impro là-bas pendant mon cégep [...]. On allait aussi aux Jam ATM tous les mois, c’était comme un talent show. Ça brassait beaucoup.» C’est aussi le lieu de sa première chance. Comme il le souligne, «dès notre premier show, on s’est fait accueillir. Sonya nous a passé la salle... trop smatte, parce qu’elle savait qu’on n’avait pas une cenne». En se rappelant cette époque, il ajoute: «Je trouve ça rassurant. J’ai toujours vu le Côté-Cour comme une source de lumière érigée contre la routine et devant l’érosion de la Saint-Dominique à cette époque.» Dans la même vague, l’auteur-compositeurinterprète Dumas nous raconte ceci: «Ce fut un des premiers endroits au Québec où j’ai senti que j’avais un public qui se développait. Comme jeune artiste, c’était tout un feeling. Faire des centaines de kilomètres et arriver dans un endroit où l’on est compris, attendu et chaleureusement accueilli, c’était comme un rêve qui devenait réalité.»

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Pour Daniel Côté, journaliste culturel et mémoire vivante des dernières décennies dans la région, c’est le lieu ou Edgar Bori a pour la première fois dévoilé son visage au public, lui qui performait alors à l’ombre ou derrière un rideau: «Il m’avait dit qu’il le ferait en entrevue. Il voulait le faire au CôtéCour parce que c’était un public qu’il connaissait bien. Cette soirée a été un des moments forts de sa carrière. Si ça n’avait pas fonctionné, il aurait peut-être continué de protéger son identité. Pour lui, ça va toujours rester magique.» Autre moment marquant dans la mémoire du directeur général actuel du lieu, le metteur en scène Dario Larouche: «Je venais y voir du

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théâtre depuis longtemps. Puis, à un moment, le Théâtre 100 Masques a fait un cabaret érotico-théâtral. On l’avait présenté au Côté-Cour.» Pour Claude Bouchard, auteure, pilier culturel et administratrice du Côté-Cour, c’est aussi la poésie. «On y a organisé quatre nuits de la poésie avec 60 auteurs chaque fois. Malgré ses contraintes physiques, c’est vraiment le lieu de tous les possibles.» Elle se souvient encore de sa première fois. «Je devais avoir 17 ans. Je faisais de la radio communautaire. Il y avait aussi beaucoup de théâtre, c’est d’ailleurs là que j’ai vu les premières pièces de Guylaine Rivard.»

«C’était pour une audition pour le Festival de la chanson de Granby. Je devais avoir 21-22 ans. Puis, je suis devenu un habitué. On a joué sous plein de formes, dont en solo, avec Gros Mené, Galaxie ou Mara Tremblay. Ça a toujours été un lieu spécial, comme une cathédrale de la musique.» Sur une note moins sérieuse, il se rappelle ce moment unique où sa mère et ses tantes sont montées sur scène pour faire une chanson à répondre: «C’était génial. Après, on avait toute la gang de femmes dans la loge. Elles étaient plus sur le party que nous autres!»

Fred Fortin se rappelle aussi de sa première fois au Côté-Cour:

Un autre ingrédient essentiel au Côté-Cour, selon le journaliste

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Un public en or


Daniel Côté, est son public: «Le public est de qualité. C’est difficile à définir. Il sait quand participer et quand écouter. C’était comme ça il y a 25 ans et c’est la même chose aujourd’hui. Le Côté-Cour leur offre quelque chose d’unique. Une magie. Les artistes sont chez eux.» C’est un aspect que souligne aussi Marie-Ève Madgin, professeure et habituée de la faune musicale: «Le public est toujours attentif. Je me souviens d’un show de Mara Tremblay. On pouvait entendre une mouche voler. J’avais rarement vu une salle aussi silencieuse et respectueuse.» Elle se souvient aussi d’un fameux soir: «Le spec­ tacle de Galaxie le jour de ma fête avec une grosse gang de filles a été

mon souvenir le plus marquant. Ils ont tassé les tables et ça a dérapé. J’y ai aussi récemment fait des découvertes, notamment dans le domaine de la musique punk au festival Le Délüge.» Avec une capacité de 150 places, la salle installe une proximité unique entre artistes et public. Le Côté-Cour offre de rares moments de symbiose dans un monde où, comme le disait déjà Gramsci, «il n’y a plus d’humains, que d’étranges machines qui s’entrechoquent».

«L’année dernière, on m’a proposé de faire le Théâtre Banque Nationale, mais j’ai préféré faire trois soirs au Côté-Cour.» – Philippe Brach «Même les erreurs techniques ne sont jamais un problème, l’artiste n’a qu’à réagir un peu et les gens vont l’appuyer.» – Daniel Côté Côté-Cour Saguenay–Lac-Saint-Jean 4014, rue de la Fabrique, Jonquière 418 542-1376 cotecour.ca

Quelques confessions en terminant: «Des fois, j’y vais deux fois par tournée!» – Fred Fortin

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

L’Île du Repos  photo Louise Larouche

L’île du Repos 105, chemin de l’Île-du-Repos, Péribonka

À trois heures au nord de Québec, l’île du Repos est un beau coin de pays pour se détendre, bien manger et profiter de multiples activités. Bordée par les 150 kilomètres de la rivière Péribonka, toute proche du

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Parc national de la Pointe-Taillon et du fameux lac Saint-Jean, elle offre à ses visiteurs tranquillité et beauté des paysages. Sur l’île, on peut aussi s’essayer aux saveurs typiques en dégustant des produits locaux, sur une terrasse qui surplombe la baie et les pêcheurs de la rivière. Pour les plus motivés, de multiples activités

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sont offertes: kayak, surf à pagaie, sentiers pédestres, plages de sable blond, pêche... Enfin, une salle de spectacles offre de nombreux concerts chaque année. L’an dernier ont été accueilli Diane Tell, Caracol, Mara Tremblay, Orloge Simard, Lou-Adriane Cassidy ou encore Mon Doux Saigneur.


Microbrasserie Lion Bleu 45, rue Saint-Joseph, Alma

Festival de la gourgane d’Albanel

La Noce 49, rue Lafontaine, Chicoutimi

311, rue de l’Église, Albanel

C’est en 2013 que les deux passionnés de bière Pierre Harvey et David Otis se rencontrent dans une formation de brassage. Tous deux originaires du Saguenay– Lac-Saint-Lac, ils décident de lancer leur propre microbrasserie à Alma, en 2015. Au Lion bleu, on peut tester la gamme classique, faite pour plaire à tous types d’amateurs. Dans la gamme expérience, on trouve une gose au citron dont l’acidité se mélange à quelques pincées de sel rose de l’Himalaya, de la coriandre de l’Inde et beaucoup de zeste de citron, ou encore une IPA sauvage, mélange de bières sauvages maturées en barriques de chêne et de IPA très aromatiques. Enfin, la gamme locale laisse place aux bières conçues avec des produits de la région. Pour accompagner la boisson, le Lion bleu propose un menu bistro fait de poutines, ailes de poulet et autres classiques.

Événement au nom d’une légumineuse peu connue, le Festival de la gourgane d’Albanel propose une belle programmation musicale gratuite sur quatre jours. Pour sa 45e édition du 25 au 28 juillet, le festival accueillera notamment Vie de quartier et sa musique bluegrass rock, le folk de Joe Robicho, le franc-parler sensible de Philippe Brach ou encore les airs country d’Irvin Blais. En plus de la musique, les festivaliers pourront participer à des courses de mud drag, à un tournoi de balle lente et s’offrir un tour de montgolfière. Les plus jeunes pourront s’amuser dans les jeux gonflables et assister à des spectacles pour enfants. Un souper «fesse de bœuf et porc» au profit du festival est aussi prévu pour les gourmands. Spectacle de lutte et soirée dansante clôtureront le festival.

Il y en a des festivals au Québec pendant la saison estivale, mais celui-ci, basé à Saguenay et parrainé par le chanteur Philippe Brach, a vraiment réussi à se tailler une place de choix dans le cœur des mélomanes en raison de sa solide programmation et de ses surprises innombrables. Parmi les folies proposées, il y a déjà eu des «mariages à 10 piasses». Et l’événement est aussi connu pour ses excellentes prises musicales. L’an dernier, La Noce avait eu l’exclusivité du retour de Karkwa et en cette troisième année d’existence, le festival réunit le trio bien-aimé La Patère rose. Vincent Vallières viendra présenter deux albums de début de carrière avec son band original. Le Néo-Zélandais Connan Mockasin sera aussi de la partie. Ça se passe du 5 au 7 juillet à Saguenay.

Microbrasserie Lion Bleu  photo Sophie Lavoie

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La Noce  photo Marc Étienne Mongrain


Région de la CapitaleNationale 220 224 228 232 237

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Fromagerie des Grondines Forêt Montmorency La Vallée Bras-du-Nord Origine boréale (ORJN) Sur la route


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( terroir ) Fromagerie des Grondines Grondines mots Amélie Tendland photos Isabel Zimmer

Crus, bios et fermiers Deschambault-Grondines. À 500 mètres de la 138, une ferme transforme son lait biologique en fromages fermiers au lait cru depuis 2007. Bienvenue à la Fromagerie des Grondines, qui fabrique 12 fromages artisanaux de lait de vache, de chèvre et de brebis.

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los des Roches, Grondines, Grand 2, Tomme de la Chevrotière, Tomme des Galets, Cap-Lauzon, etc. Les fromages de la Fromagerie des Grondines sont tous fabriqués avec le lait cru de trois troupeaux. Celui de vache provient de la ferme sur place, un troupeau d’une cinquantaine de suisses brunes. Les laits de chèvre et de brebis proviennent d’une ferme située à deux kilomètres de l’endroit.

la transition vers le bio dès 1986. On n’était pas dans l’agriculture industrielle, il était encore possible de changer sans tout remettre en question», raconte Charles. Dans cette ferme certifiée depuis 1998, le bio est une conviction pour Charles et Guylaine. «Ce n’est pas une religion. Je dis souvent que travailler le lait biologique n’est pas une mode, mais bien UN mode de production.» Garder le lait à la ferme

Cette ferme que ses grandsparents ont achetée en 1922, Charles Trottier, aujourd’hui propriétaire avec sa femme Guylaine Rivard, ne s’enlignait pas pour y travailler. En 1986, diplôme en communication en main, Charles avait été engagé par Radio-Canada quand son père a été victime d’un infarctus. Il est donc allé donner un coup de main à la ferme. «Au début, je ne pensais pas rester. Mais finalement, j’ai choisi le patrimoine familial plutôt que RadioCanada», se souvient-il en riant. Agriculture bio «Dès mon arrivée, j’ai dit à mon père que si je revenais pour de bon, c’était pour faire de l’agriculture biologique. Heureusement, mon père était assez ouvert pour l’époque et nous avons commencé

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Quant à l’idée de fabriquer du fromage, elle a germé dans l’esprit de Charles et Guylaine bien des années avant de voir la Fromagerie des Grondines s’ériger sur la ferme. «En 1990, j’ai fait la promesse à mon père qu’un jour le lait resterait à la ferme», se souvient Charles. En 1992, le couple avait déjà un plan d’affaires avec quelques agriculteurs des environs afin de lancer une fruitière (une fromagerie commune à plusieurs producteurs). Finalement, l’idée a été abandonnée. D’autres plans d’affaires pour une fromagerie ont été montés, mis sur glace, puis ressortis. C’est l’arrivée d’un ami du couple en 2004, Louis Arseneault, qui a relancé l’affaire. Issu du monde financier à Montréal et fromager amateur, Louis s’est associé avec le couple

d’agriculteurs. La fromagerie fut construite en 2006. Les premières meules de fromage au lait cru ont été produites en 2007. Lait cru Comme pour le lait bio, le lait cru allait de soi pour la fabrication des fromages de la jeune fromagerie de Portneuf. «À l’époque, il y avait Mailloux dans notre coin qui a beaucoup fait avancer les choses pour le lait cru. Mais même avant lui, j’y étais vendu», se rappelle Charles. Une Française qui tenait boutique lorsqu’il était au cégep à Québec l’a initié au fromage au lait cru. «Elle tenait 200 fromages dans son commerce. J’en goûtais un nouveau chaque semaine. Quand tu commences à goûter à cela, ça donne envie d’en faire.» Le Fromagerie des Grondines a ainsi lancé plus d’une dizaine de fromages au lait cru bio depuis ses débuts: des pâtes fermes de vache comme le Grondines aux pâtes fermes de lait mixte comme la Tomme des Galets (brebis et chèvre), en passant par des pâtes fermes pressées cuites de 20 kg comme le Clos-des-Roches. Un des derniers-nés, le Festin, est une pâte molle de type reblochon et il est vieilli moins de 60 jours (une rareté au Québec dans le lait cru).

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Travail d’équipe En 2017, 10 ans après la fabrication des premières meules du Grondines, Louis Arseneault quittait l’aventure et le couple devenu seul actionnaire en profitait pour modifier l’organisation de la fromagerie. Un comité de gestion a été créé afin d’impliquer davantage les employés dans l’entreprise. Agathe, la fromagère principale, Marjorie, responsable de direction et du volet agro-touristique, Jonathan le cuisinier, aussi chargé du développement des activités, et Marie-Ève, responsable du développement des affaires et de leur boutique dans le quartier Saint-Roch à Québec. La plus vieille des quatre enfants du couple s’est aussi jointe au comité. En comptant les temps plein et temps partiel de Québec et DeschambaultGrondines, la fromagerie emploie 22 personnes. «On voulait faire plus de place à tout le monde dans l’entreprise, que la fromagerie grandisse et qu’elle continue. On ne veut pas qu’elle finisse avec nous, mais plutôt qu’elle soit un milieu de vie pour nos employés. L’avenir, c’est Marie-Ève!», explique Charles. Avenir et pédagogie L’avenir pour Marie-Ève, responsable du développement des affaires, passe par un travail de terrain qui consiste autant à faire connaître leurs fromages qu’à expliquer leur manière de les fabriquer. «Nous travaillons beaucoup avec les restaurateurs, les boutiques et les distributeurs. Pour nous faire voir

et connaître, mais aussi et surtout pour démocratiser les fromages qu’on dit de luxe comme les nôtres. On les convainc qu’ils peuvent les travailler dans leurs restos, qu’on peut en consommer tous les jours», raconte-t-elle. Que ce soit derrière le comptoir de fromages à Québec (où sont vendus plusieurs fromages et charcuteries artisanaux du Québec) ou directement à la ferme, MarieÈve explique que la pédagogie importe beaucoup à l’équipe. Le développement touristique est d’ailleurs axé là-dessus. «On veut décrire ce que l’on fait, ce que la vache mange, pourquoi un fromage ressemble à ceci ou à cela, pourquoi il goûte différemment selon les saisons.» Si la Fromagerie des Grondines travaille à faire connaître ses fromages et ses façons de faire à travers la province, elle n’en est pas

moins bien ancrée dans Portneuf. Impliquée dans plusieurs comités qui voient au développement de l’agrotourisme dans la région, elle organise également le Festin dans le champ depuis quelques années. Souper champêtre qui a lieu à l’extérieur, l’événement réunit des chefs qui cuisinent les produits de Portneuf. Les profits recueillis sont ensuite remis à un organisme différent chaque année. La prochaine édition aura lieu en juillet. Pour déguster les fromages des Grondines et autres produits du terroir portneuvois, on peut aussi se rendre non loin de la fromagerie, au Bistro La Ferme, sur le chemin du Roy, à Deschambault-Grondines. Bon appétit! Fromagerie des Grondines Région de la Capitale-Nationale 274, rang 2 Est, Grondines 418 268-4969 fromageriedesgrondines.com

PA RTO UT AU Q UÉ B E C , I G A E ST F I È R E D E M E T T R E E N VALE UR LE S PROD UITS LOCAUX E T LE TRAVAIL D E S ARTISA NS D’ ICI. N OS M A R C H A N D S S ON T E N G AG É S DA NS LEUR C OM M UNAUTÉ EN M ETTA NT EN V ED ETTE D ES PRO DUI T S DE L E UR RÉG I ON , C O M M E L E F R O M AG E A RT I SA N LES GR ON D IN ES, D E LA FR OM AGER IE D ES GR OND IN ES.

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( territoire ) Forêt Montmorency Québec mots Maxime Bilodeau photos Julie Moffet

La forêt boréale autrement La Forêt Montmorency fournit la preuve par l’exemple qu’il est possible d’exploiter la forêt boréale de manière durable et responsable, au plus grand plaisir des amateurs de plein air.

A

ux premiers abords, rien ne permet de croire que la Forêt Montmorency détient le titre de plus grande forêt d’enseignement et de recherche au monde. Sa porte d’entrée, un panneau aux couleurs de l’Université Laval planté en bordure du kilomètre 103 de la route du parc des Laurentides, ne paie franchement pas de mine. Rien, en tout cas, pour concurrencer l’affiche criarde de moineau rôti se trouvant quelques bornes plus loin, à L’Étape. «Tiens, la Forêt Montmorency», se disent quantité d’automobilistes qui filent à toute allure sur la 175, sans toutefois prendre le temps de s’arrêter. Pourtant, la mention «ouvert au public», elle aussi bien visible, devrait leur mettre la puce à l’oreille. Virage à droite: on s’engage sur le chemin forestier qui mène au pavillon principal, en pleine Boréalie. Le bâtiment à l’architecture audacieuse en forme d’hémicycle et au charme rétro a été construit peu après la fondation de la Forêt Montmorency, en 1964. Encore aujourd’hui, il est au cœur de sa mission; c’est de ce camp de base que se déploient toutes les activités de plein air, éducatives et

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de recherche sur les 412 kilomètres carrés de territoire. On y trouve notamment 56 chambres avec salles de bain partagées, une cafétéria qui sert 45 000 repas par année et des employés affairés, dont Hugues Sansregret, directeur des opérations de la Forêt Montmorency. «Notre quotidien est dicté par les saisons: il y a toujours quelque chose à faire», indique le biologiste de formation. L’été, la Forêt Montmorency voit défiler son lot d’adeptes de grands espaces. Ils sont bien servis: on y retrouve sept sentiers de randonnée pédestre de 1,7 à 12,1 kilomètres, dont celui vers la chute de la rivière Noire, haute de 28 mètres. On peut également pratiquer la pêche en lac ou en rivière, s’initier à la pêche à la mouche en compagnie d’un guide-instructeur ou participer aux activités sur le thème «De la forêt à l’assiette», qui combinent plein air, apprentissage et gastronomie boréale. La cerise sur le sapin baumier? Les Concerts fauniques, des spectacles d’une heure et demie interprétés par des musiciens installés dans des canots sur le lac Bédard, sorte d’amphithéâtre naturel à l’acoustique

exceptionnelle. La lueur des étoiles, de la lune et de quelques chandelles fait office d’éclairage. Difficile conciliation L’offre récréative n’est pourtant que la pointe de l’iceberg. «J’aime dire que c’est la vitrine, le premier contact avec la Forêt Montmorency et sa mission unique en son genre», souligne Hugues Sansregret. Celle-ci se résume en bien peu de mots: promouvoir un modèle d’aménagement durable et responsable de la forêt boréale et de ses ressources nombreuses. Cela signifie de gérer le territoire de manière à concilier la faune, la flore et la présence humaine, sous la forme de pleinairistes, mais aussi de chercheurs. En tout, plus de 80 projets de recherche et d’enseignement se déroulent simultanément à la Forêt Montmorency, dans des domaines comme les sciences forestières, la géomatique, les changements climatiques, le marketing, le tourisme et même l’archéologie. «Nous sommes véritablement un gigantesque laboratoire à ciel ouvert. La seule différence:

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des visiteurs s’y baladent en toute liberté!», affirme Évelyne Thiffault, présidente du comité scientifique et d’aménagement de la Forêt Montmorency. Ces derniers sont d’ailleurs considérés comme partie prenante de la recherche. Par exemple, un randonneur peut se voir demander, au détour d’un sentier, de répondre à un questionnaire sur la beauté d’un paysage aménagé. Plus loin, on peut l’interroger sur sa perception d’une coupe forestière récente et le sensibiliser du même coup à ses bien-fondés. «On ne dissimule pas nos travaux. Au contraire: nous les mettons de l’avant, les expliquons, afin d’éduquer les gens», dit-elle. Les barbaries mises en scène

dans le documentaire-choc L’erreur boréale il y a 20 ans appartiennent, selon elle, au passé. Il a néanmoins fallu attendre la fin des années 1980 avant que la Forêt Montmorency ouvre ses portes au grand public. À ses débuts, elle était la chasse gardée des forestiers de la Faculté d’arpentage et de génie forestier. André Demers se souvient bien de cette époque; il a servi comme ingénieur résident à la Forêt Montmorency de 1966 à 1971 avant de faire carrière dans la fonction publique. «Il faut se replacer dans le contexte: le Québec était en pleine Révolution tranquille. Les fondateurs de la

Forêt étaient des visionnaires qui ont su voir loin dans le temps. Ils ont de quoi être fiers», fait-il valoir. À l’occasion du 50e anniversaire de la Forêt Montmorency, André Demers a d’ailleurs remis le casque de sécurité blanc d’ingénieur forestier qu’il arborait jadis. L’objet signé par les membres de l’équipe d’alors se retrouve derrière une vitrine du pavillon principal. Une autre bonne raison de signaler à droite sur la 175. Forêt Montmorency Québec Kilomètre 103 de la route 175 foretmontmorency.ca

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( territoire ) La Vallée Bras-du-Nord Saint-Raymond mots Maxime Bilodeau photos Philippe Jobin

La vallée aux grandes ambitions La Vallée Bras-du-Nord est une adresse incontournable pour jouer dehors au Québec. La faute à un Daniel Boone postmoderne, un modèle coopératif novateur et de jeunes poqués.

C

ertaines ruptures amoureuses sont plus brutales que d’autres. Celle vécue par Frédéric Asselin au tournant du millénaire se classe dans la catégorie poids lourds. «Je travaillais alors comme guide en tourisme d’aventure au Saguenay, où je filais le parfait bonheur. Puis, l’impensable survient», raconte celui que Le Soleil a déjà qualifié de Daniel Boone postmoderne. Exsangue, le jeune homme de 27 ans renoue avec Danielle Larose, une visionnaire sociotouristique de Saint-Raymond de Portneuf qu’il a côtoyée par le passé. Coïncidence: celle-ci lui annonce la création d’une coopérative de solidarité pour développer l’écotourisme dans la région. «On se cherche un directeur général. Intéressé?» La coopérative de solidarité la Vallée Bras-du-Nord voit le jour à la fin de l’été 2002 avec Frédéric à sa tête. Son mandat est pour le moins ambitieux: la capitale québécoise de la motoneige, durement éprouvée par la crise du bois d’œuvre qui oppose le Canada aux États-Unis, souhaite diversifier son économie moribonde. Pour ce faire, elle mise sur une de ses forces: la nature. «Portneuf est un coin reconnu pour ses pourvoiries fréquentées historiquement par de riches

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Américains. La vision de la coopérative était novatrice, dans le sens où elle rompait avec l’idée du territoire comme pourvoyeur de richesses naturelles», explique Frédéric Asselin. Le choix du modèle coopératif n’est d’ailleurs pas fortuit. Il est le véhicule utilisé pour que les propriétaires riverains, les entreprises de services récréotouristiques, les travailleurs récréoforestiers et récréotouristiques, de même que les intervenants en tourisme de Saint-Raymond de Portneuf aient voix au chapitre. Bref, pour regrouper sous une même entité tous ceux qui sont concernés par la mise en valeur des environs de la rivière Bras-du-Nord, une vallée glaciaire au potentiel insoupçonné. «Nous avions un diamant brut en main, tout en falaises vertigineuses, en chutes imposantes et en cascades mélodieuses. Notre but: le polir», résume-t-il. Déluge d’activités Dix-sept ans plus tard, son équipe et lui peuvent dire mission accomplie: VBN, pour les intimes, totalise 100 000 jours-visites par année. De ce nombre, 40% sont dus uniquement au vélo de montagne, LE produit phare de la Vallée

Bras-du-Nord. On vient d’aussi loin que la France pour rouler les 100 kilomètres de singletracks de la mecque du vélo cramponné au Québec. Certains sentiers ont même acquis une renommée internationale. C’est le cas de la Neilson, un spectaculaire sentier signature de 24 kilomètres qui épouse les courbes de la rivière du même nom. C’est à Gilles Morneau, spécialiste de vélo de montagne de la région de Québec, qu’on doit le tracé de ce chef-d’œuvre. «Je l’ai conçu dans l’idée de faire vivre une expérience, de créer un effet wow!», souligne-t-il. Avec ses 85 kilomètres de sentiers, la Vallée Bras-du-Nord se revendique en outre comme l’un des réseaux de randonnée pédestre les plus colorés au Québec. Les bons plans en la matière ne manquent pas. Il y a le classique aller-retour de 8 kilomètres jusqu’à la superbe chute Delaney, à partir de l’accueil du secteur de Shannahan. Pour les mollets plus dégourdis, on recommande le sentier des Falaises, faisant 17 kilomètres et dont le point culminant, le cap Bédard, domine toute la vallée. Amateurs de longue randonnée, la Traversée du Philosore, une aventure de 30 bornes à réaliser en trois jours, est pour vous.

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«Comme le réseau est parsemé de refuges, il est possible de s’aligner plusieurs jours de rando», note Frédéric Asselin. À bon entendeur. Puis, il y a... tout le reste. Descente de rivière en canot, via ferrata sur les falaises de la vallée, canyoning dans les cascades des Anges: les hyperactifs y trouveront leur compte. Les plus sages pourront quant à eux tuer le temps devant le poêle d’un des nombreux chalets disséminés sur tout le territoire. Des séjours en yourte et sous la tente sont aussi possibles. En fin de journée, tout ce beau monde se retrouvera devant une bière de la microbrasserie du Roquemont – on vous recommande la Singletrack, une IPA inspirée des sentiers de vélo de montagne de la Vallée Bras-du-Nord. «Une belle synergie s’est développée avec le milieu au fil des années. Des commerces ont ouvert leurs portes pour répondre aux besoins sans cesse grandissants des visiteurs», indique Frédéric Asselin.

Les jeunes poqués Les projets ne manquent pas dans les prochaines années à la Vallée Bras-du-Nord. L’accueil Shannahan sera réaménagé, de nouvelles unités d’hébergement sortiront de terre et une quarantaine de kilomètres de sentiers de vélo de montagne seront sculptés, dont un nouveau sentier signature d’environ 6 kilomètres qui en mettra plein la vue, littéralement. Si tout va bien, l’achalandage devrait augmenter de 50% d’ici 2022, ce qui représente 150 000 jours-visites par année. Ce qui pose la question: VBN sera-t-elle victime de son succès? «Je ne crois pas», répond sans hésiter Frédéric. «Parce que nous restons fidèles à nos valeurs et à qui nous sommes.» La preuve: malgré les dizaines de prix et reconnaissances récoltés au fil des années, la plus grande fierté du directeur général demeure le projet En marche. Chaque année

depuis les débuts de la coopérative, 10 jeunes de la région qui traversent diverses épreuves (décrochage, toxicomanie, délinquance...) sont recrutés afin de développer et d’entretenir les sentiers de la Vallée Bras-du-Nord durant près de six mois, entre mai et novembre. Au fil des ans, c’est environ 250 jeunes poqués qui ont ainsi goûté à une trop rare occasion de succès. Surtout, ce sont les trois quarts d’entre eux qui ont réintégré les études ou le marché du travail à la fin de ce projet, qui a depuis été immortalisé sous la forme d’un documentaire. De quoi recoller les cœurs les plus salement amochés. La Vallée Bras-du-Nord Région de la Capitale-Nationale 107, Grande Ligne Saint-Raymond 418 337-2900 valleebrasdunord.com

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( terroir ) Origine boréale (ORJN) mots Sophie Ginoux photos Origine boréale

Retour aux origines Lorsque deux amoureux du bois et de ses richesses se rencontrent, la magie qui opère se traduit en un projet. Origine boréale (ORJN) est à la fois l’incarnation d’un terroir, d’un hommage aux peuples qui ont su l’exploiter et d’une vision moderne pour le mettre en lumière.

M

axime Lizotte a grandi comme de nombreux petits Québécois. Il a suivi son primaire et son secondaire dans le coin de Québec. Il a parlé français à la maison, a appris à sacrer, s’est fait des amis. Il est né loin des traditions de ses ancêtres à Cacouna, la toute petite réserve malécite située près de Rivière-du-Loup. De cette nation fractionnée au fil du temps, il n’a gardé que quelques souvenirs. Celui par exemple de son grandpère, qui avait bataillé pour se faire reconnaître et aller chercher ses cartes lorsqu’il avait 10 ou 12 ans. Ou bien ces groupes Facebook, destinés à retisser virtuellement un lien entre les membres d’une communauté semée aux quatre vents par les aléas de l’Histoire. Maxime n’a pas vraiment souffert de la distance entre son éducation à la québécoise et ses origines. Il a cependant eu un déclic quand il a étudié la cuisine à l’École hôtelière de la Capitale. «Au cours de mon cursus en cuisine du marché, puis lors de ma spécialisation en pâtisserie contemporaine, j’ai eu la chance de rencontrer le chef Éric Fontaine, pionnier dans le domaine des produits sauvages au Québec...» L’enseignant a amené

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Maxime à se poser des questions. Pourquoi cuisine-t-on tant de plantes et de légumes différents, mais pas ceux qui constituent l’ADN de notre territoire? Et pourquoi une bonne partie des trésors naturels dont nous disposons sont-ils si méconnus, voire oubliés, alors qu’ils ont constitué pendant des millénaires la base de l’alimentation de peuples entiers de chasseurs, cueilleurs et pêcheurs? Maxime a alors pris une décision: «J’ai voulu renouer avec mes racines. En savoir plus sur tous ces produits sauvages et les intégrer à ma cuisine. Je sentais déjà qu’un éventail infini de saveurs et de textures serait à ma disposition.» Parallèlement à ses études, le jeune homme a donc commencé à acheter des livres traitant de mycologie et de botanique, les a parcourus, dévorés, en essayant d’en mémoriser tout le contenu. Puis il est parti de plus en plus souvent dans les bois, sac au dos, pour donner vie à ses connaissances. «C’est simple, je prenais tout ce que je trouvais! Je le regardais attentivement, je le touchais, je le sentais. Et ensuite, je sortais un livre de mon sac pour trouver ce dont il s’agissait et savoir si c’était comestible.»

De la table aux produits Au bout d’un an et demi de recherches assidues et de tests tous azimuts, le désormais cuisinier et passionné de cueillette pouvait passer à la prochaine étape, celle d’intégrer ses découvertes à son savoir-faire. Attiré par la fine gastronomie, il s’est d’ailleurs perfectionné dans plusieurs établissements de Québec, dont le bistro Fin Gourmet, le Château Bonne Entente et le Saint-Amour. Mais comme Maxime a aussi une âme d’entrepreneur, il a tout de suite vu du potentiel dans sa rencontre avec Bryan Gélinas, dont la petite entreprise de mélanges d’épices sauvages Les Bois dans la tête vivotait. Ils ont donc fondé fin 2016 Origine boréale. Le duo, avec Maxime aux commandes des recettes et Bryan à l’administration, a commencé à produire une gamme assez étoffée d’épices, confitures, gelées et moutardes à base d’herbes, d’aromates et de petits fruits nordiques. «Nous avons été un peu à la pêche, avoue le cuisinier, en testant un certain nombre de produits.» Effectivement, si certaines créations ont immédiatement été

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populaires, comme les mélanges d’épices pour le BBQ et le gravlax, d’autres ont fait chou blanc, à l’image des mélanges concentrés. Ce tri naturel a permis aux deux entrepreneurs de trouver leur signature, qui se décline à présent autour d’une sélection de produits phares. Parmi eux, une intrigante confiture aux pommes et aux nards des pinèdes (le bourgeon de la comptonie voyageuse), ainsi qu’une moutarde aux pousses de conifères ou une autre, surprenante (elle est rose), aux petits fruits nordiques. Au fil des saisons Au terme de deux ans d’activité, Origine boréale est encore au stade artisanal. «Ça ne me dérange pas, dit Maxime. Bryan et moi travaillons chacun de notre côté dans des sphères différentes – Maxime est aujourd’hui chef de partie au

restaurant Légende par La Tanière –, et nous priorisons la qualité à la quantité.» Tout s’organise donc au gré des approvisionnements, qui ne sont pas continus dans le monde sauvage, et du temps de production par la Conserverie Limoilou qui dispose d’installations certifiées par le MAPAQ. Certains produits peuvent être épuisés un temps jusqu’à un nouvel arrivage. Qu’importe. «Notre objectif est avant tout de mettre en lumière les richesses sauvages du Québec et d’assurer leur pérennité. Nous travaillons donc avec des petits cueilleurs de confiance qui ont la même vision que nous.» Maxime indique que la majorité des éléments qui constituent ses recettes peuvent être dénichés dans la région de Portneuf, qu’il a parcourue de long en large depuis quatre ans pour réaliser ses propres

découvertes. «Maintenant, lorsque je cherche quelque chose, je m’en vais sur Google Map, je repère selon mes besoins une étendue forestière ou des rivières, je prends ma voiture et je pars à l’aventure pour essayer de le trouver.» C’est ainsi qu’il a débusqué de la menthe sauvage au bas de falaises, de l’épinette comestible dans une zone de conifères, ou encore 17 kilos de raisins sauvages au milieu de nulle part. L’art de la cueillette n’a pas tant changé que ça depuis des millénaires, après tout. Encore faut-il des passionnés comme les jeunes Maxime et Bryan pour la perpétuer et la réinventer. Origine boréale (ORJN) origineboreale.ca

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Sur la route Activités et événements à mettre à l’agenda

Kombucha du Mont-Ferréol  photo Stéphane Bourgeois

Kombucha du Mont-Ferréol 140, rue du Mont-Ferréol, Saint-Ferréol-les-Neiges

C’est dans le petit village de Saint-Ferréol-les-Neiges qu’est brassé le délicieux et rafraîchissant kombucha du Mont-Ferréol, une boisson boréale faite avec des fruits

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locaux, de l’eau de source et, tenez-vous bien, des feuilles d’argousier (l’ingrédient secret!). Une expérience gustative unique et raffinée pour les amateurs de cette boisson aux propriétés vertueuses, fruit d’un travail artisanal orchestré par Léandre Saindon il y a cinq ans, qui cultive

avec passion son argousier sur un lopin de terre tout près du mont Sainte-Anne. Des boissons aux saveurs simples, créées à partir d’ingrédients locaux, qui régénèrent le système immunitaire et qui pourraient devenir votre meilleur allié le lendemain de soirées arrosées.

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La Lichée

Librairie Hannenorak

Tourisme Wendake

2051, rue Saint-Jean-Baptiste,

24, rue Chef-Ovide-Sioui, Wendake

5, place de la Rencontre, Wendake

L’Ancienne-Lorette

TABLE D’HÔTE, LUNCH AND DINNER - RENOWNED WINE LIST

TABLE D’HÔTE MIDI ET SOIR CARTE DES VINS RÉPUTÉE

Hannenorak est la première librairie ouverte dans une Une recette de grand-mère communauté autochtone au des Îles-de-la-Madeleine, Québec. Elle a été fondée en 2009 un caramel vachement décadent par Daniel Sioui dans l’ancienne et un triumvirat de jeunes maison de son grand-père afin de entrepreneurs aux grandes idées: promouvoir et d’encourager les voilà les trois ingrédients qui se littératures des Premières Nations. cachent derrière La Lichée. La librairie propose aujourd’hui Cette entreprise, qui a pignon le plus grand choix de littérature sur rue à L’Ancienne-Lorette, autochtone au Québec, en français aiguillonne les papilles gustatives principalement – même si certains depuis son ouverture l’année titres sont aussi édités en anglais dernière avec sa variété épatante ou dans une langue autochtone. de six caramels (érable, fleur de Daniel Sioui et son père, l’écrivain sel, chocolat, chocolat et fleur Jean Sioui, tous deux Wendats, de sel, café et beurre), tous plus ont aussi fondé en 2010 les éditions délectables les uns que les autres. Hannenorak afin de prolonger leur Outre ces mythiques trésors en démarche de soutien aux auteurs pot, la boutique propose plusieurs autochtones. Avec en outre la produits gourmands et raffinés, tenue annuelle du Salon du livre dont des bières de microbrasserie, des Premières Nations depuis des cidres, des épices et des 2011, Wendake s’impose comme le chocolats. Un must à avoir sur notre centre névralgique de4:09 la littérature GPS ou dans le garde-manger si PAP_Échaudé_AnnonceGuideTourQuébec7x5.pdf 1 2018-09-25 PM autochtone au Québec. l’envie du sucré nous guette…

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C’est une expérience complète qui vous attend à la réserve huronne-wendate de Wendake. On peut déjà passer plusieurs heures dans le Musée des Premières Nations à découvrir les expositions, ou encore à visiter une maison longue traditionnelle – où l’on peut aussi passer une nuit. Les guides, tous huronswendats, ont plein d’anecdotes et d’informations historiques à partager. Pour le souper, le restaurant La Traite propose une cuisine gastronomique qui met en valeur les ingrédients de la forêt boréale et les recettes wendates (thé du Labrador, pain banique, viande de gibier…). Enfin, on passe la nuit dans le superbe hôtel quatre étoiles des Premières Nations, dont les chambres sont décorées d’objets issus de l’artisanat local, avec vue sur la rivière Akiawenrahk. Un voyage au cœur des traditions.

73, RUE SAULT-AU-MATELOT, VIEUX-PORT QUÉBEC 418 692.1299 ECHAUDE.COM

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Tourisme Wendake


La Ferme des Cantons

La Nougaterie Québec 1367, chemin Royal, Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans

Campée sur le chemin Royal, La Nougaterie de Saint-Pierrede-l’Île-d’Orléans détonne non seulement par ses grands murs colorés, mais aussi par ses délicieux et tendres nougats, qui fondent littéralement en bouche. Citron confit, lavande, pomme verte, miel et amandes: la petite entreprise se distingue avec sa pléthore de saveurs exquises, qui feront certainement plaisir aux amoureux de cette petite confiserie à base de blanc d’œuf, de miel et d’amande.

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En plus de la fabrication artisanale de nougats, on peut trouver à La Nougaterie des lunes de miel, des tartinades, des confitures et des beurres. Et pour les curieux, vous pouvez même voir la confection des nougats sur place… Le paradis du nougat, finalement!

La Ferme des Cantons Stoneham-et-Tewkesbury

La Ferme des Cantons est ce qu’on pourrait qualifier de petit bijou agricole. Initiative de LouisAntoine Gagné et Myriam Renauld, cette entreprise à vocation

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communautaire s’affaire depuis maintenant plusieurs années à produire des légumes frais, sans engrais chimiques ni pesticides, et à élever des poules et des poulets dans un environnement harmonieux. Une ferme de proximité, qui incite le consommateur à devenir un partenaire de sa prospérité, en lui proposant notamment des abonnements à des paniers de légumes vendus selon les saisons et la météo et livrés à un point de chute prédéterminé. Des produits d’ici, d’une qualité et d’une fraîcheur hors pair, développés dans une perspective écoresponsable. Que demander de mieux?


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Il y a des paysages qu’il faut voir sous la pluie. Un ciel gris, nuageux et menaçant, c’est souvent inoubliable. Dans les bois, par temps humide, les couleurs se magnifient. Il y a les sons aussi, le rythme des gouttes d’eau sur la toile de la tente, le chant des rigoles qui se gonflent dans la forêt et celui des gouttières qui s’écoulent.

LE M AGAZINE QUI M E T LE QUÉ BE C E N VE D E T T E

Et les odeurs encore, la terre humide soufflée par le vent, qui se réchauffe lorsque le soleil pointe

TERROI R   TERRI TOI RE   CU LTU RE   À B OI RE   PI GNON SU R RU E

enfin ses rayons à travers les nuages, avec la lumière.

ça se respire, il faut être là, et pas ailleurs, au moment où ça se produit. Au cours des derniers mois, on a beaucoup parlé d’environnement au Québec et partout dans le monde. Or, étonnamment, on parle assez peu… des environs! L’environnement, c’est aussi ce qu’il y a autour de nous et que nous ne voyons parfois presque plus... Les voisins, les amis, ce qu’ils font, les endroits où ils vivent. «Sauver l’environnement», comme on le

NUMÉRO TROIS

Ce sont les couleurs des environs. Tout cela est imprévisible, ça se dessine au hasard du vent,

dit souvent, c’est ainsi préserver un mode de vie, des manières de faire, des coutumes. Dans ce troisième numéro de Tour du Québec, vous trouverez en tout cas Vous pouvez vous y aventurer sans plan précis, beau temps, mauvais temps.

Conquérir la Kinojévis

Bas-Saint-Laurent Cantons-de-l’Est

La Charcuterie du Nord

Jardin des Pèlerins

Ferme du Coq à l’âne de Bury

Savonnerie des Diligences

Centre-du-Québec / Chaudière-Appalaches Charlevoix

Beat & Betterave

Fleuve | Espace danse

Fromagerie Île-aux-Grues

Brasserie de la Contrée de Bellechasse

Ferme des Quatre-Temps

Omerto

Côte-Nord

Les Vagues

Gaspésie / Îles-de-la-Madeleine Funky Art Cartel

Montérégie Outaouais

Ferme Vallée Verte

Palette de bine

Mouton Village

Unifruits

KWE Cocktails

Région de la Capitale-Nationale

Gourmande de nature

Les Pas perdus

Tourisme Manawan

Ferme Grand Duc

Mauricie

La Bezotte

Café Frida

Brasserie et distillerie Champ libre

Brasserie du Bas-Canada

Camerises fraîches Québec Fromagerie des Grondines

La Vallée Bras-du-Nord

Fromagerie St-Fidèle

Microbrasserie St-Pancrace

Laurent Gaudré

Randonnées en Outaouais

Saguenay–Lac-Saint-Jean

Miellerie du cratère

Chantal Harvey

Camp de base Coin-du-Banc

Lanaudière Laurentides

Félix Medawar

La Brûlerie de l’Est

Tour de Maniwaki Forêt boréale

Coté-Cour

Forêt Montmorency

Origine boréale (ORJN)

M I S H M A S H / V O I R / L’A C T U A L I T É

Abitibi-Témiscamingue

TOUR DU QUÉBEC

quelques bonnes pistes pour vous donner le goût d’aller vous balader dans les environs.

L ES C OU L EU RS D E S E N V I R O N S T E R R OI R     T E R R I TO I R E     C U LT U R E   À BOIR E   PIGNON SUR R UE

ISBN 978-2-9817-5102-7

16.99$

3 LES COU LEU R S DES EN VIR ON S


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