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Cumulus

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questions À UN Contrôleur CFF

Yann Giuliani vérifie les billets des passagers des trains suisses. Mais pas seulement. Il assure aussi leur sécurité, gère les accidents de personne et s’efforce de mettre une bonne ambiance dans les wagons.

Texte: Pierre Wuthrich Photo: Niels Ackermann / Lundi13

1 Yann Giuliani, qu’est-ce qui rend votre métier intéressant? Il y a tout d’abord le contact avec les gens. J’aime cela. En tant que chef de train, je suis aussi chargé de la sécurité des passagers et dois prendre rapidement des décisions en cas d’imprévus. Les horaires irréguliers sont aussi un avantage. Si je commence très tôt, j’ai mon après-midi de libre. 2 Avez-vous vécu des accidents de personne? Oui. Trois ont concerné directement mon train. Je dois au début gérer seul la situation. Je vais voir le pilote afin de savoir dans quel état il est, puis descends sur les voies et appelle la police, les secouristes et notre centrale à Berne. Je dois aussi m’occuper de l’évacuation de mon train. Ce sont des moments intenses et à chaque fois j’appelle par la suite mon fils. Entendre sa voix me rassure et me réconforte. 3 Vous arrive-t-il d’avoir peur? Non, mais il est vrai qu’on est toujours en face de gens avec qui il peut se passer n’importe quoi. En cas d’agression verbale ou physique, on est un peu livrés à nous-mêmes, même si durant notre formation on nous apprend les techniques pour éviter les conflits. De plus, avec l’expérience, on arrive à repérer les passagers à problèmes. Malgré tout, il m’est déjà arrivé de recevoir une gifle d’un resquilleur. 4 Vous est-il difficile de mettre des amendes? Au début, cela me dérangeait un peu. Maintenant, je me dis que ce n’est pas moi qui suis en tort. Cela étant, les amendes sont plutôt rares. Ce matin, j’ai fait Genève-Berne avec 800 passagers. Je n’en ai mis que trois. 5 Le métier n’est-il pas répétitif? Nos clients changent chaque jour car, s’il y a des pendulaires, il y a toujours des touristes. Nous avons aussi plus de liberté qu’à mes débuts au niveau des contrôles. Nous disposons d’un appareil qui nous indique quelles voitures n’ont pas été contrôlées les derniers jours. Je commence par celles-ci et sais aussi que je ne dois pas passer tout le train en revue. Par ailleurs, j’essaie de me montrer créatif dans les annonces et d’ajouter un peu d’humour. Cela participe à une meilleure ambiance dans le train. 6 N’est-ce pas frustrant d’être en face de passagers qui vous considèrent à peine? Tout dépend de la manière dont vous effectuez le contrôle. J’y mets de la bonne humeur et j’en suis récompensé. La plupart des passagers me sourient en retour. 7 Faut-il une bonne mémoire? Disons qu’être physionomiste aide. On a aussi nos trucs pour se rappeler les gens: on se souvient d’un sourire ou d’un vêtement. Il faut aussi savoir qu’on a le droit de contrôler les passagers après chaque gare. Donc demander deux fois un billet à un client n’est pas en soi une erreur.

«On est toujours en face de gens avec qui il peut se passer n’importe quoi»

8 Pourquoi les contrôleurs disparaissent-ils en cas de retard? Il y a effectivement des contrôleurs qui se disent qu’ils ne pourront rien changer et n’ont pas envie d’aller se faire engueuler. Mais la consigne des CFF est claire: il faut dans ces cas-là passer dans le train au cas où certains n’auraient pas compris ou entendu les annonces. Il faut montrer que nous sommes là pour eux. 9 Les retards vous énervent-ils aussi? Bio express

Le Genevois Yann Giuliani, 48 ans, travaille en tant qu’assistantclientèle CFF (le terme officiel pour parler des contrôleurs) depuis 2010, et en tant que chef de train, formateur et examinateur depuis 2013. Yann Giuliani est aussi auteur-compositeurinterprète et donne plusieurs dizaines de concerts par an sous le nom de Giul.

S’il est dû à un problème de communication entre contrôleurs et que nous partons en retard d’une

12 Avez-vous moins de travail avec le contrôle par smartphone?

Le métier a évolué et nous poinçonnons moins. Mais la lecture automatique par smartphone ne signifie pas que nous ne devons rien faire. Nous contrôlons l’identité du passager, le parcours, la date, la validité des réductions, etc.

gare, je suis alors plus énervé que les passagers car cela n’est pas excusable. En cas de pannes techniques, je me montre plus philosophe. 10 Les contrôleurs semblent parfois ne plus savoir entre quelles gares ils sont. Comment est-ce possible? Cela peut arriver, c’est humain. On est dans le contrôle et on ne sait plus exactement où l’on se trouve. La journée, on essaie de trouver des points de repère dans le paysage, mais c’est plus compliqué de nuit. Et puis, il y a aussi du personnel nouvellement engagé qui ne connaît, au début, pas encore assez bien la géographie suisse. Donc soyez indulgents. 11 À qui déconseillez-vous de faire ce métier? Si quelqu’un ne sait pas prendre rapidement une décision ou dire non à un client, il ne lui faut pas faire ce métier. Il y a aussi des gens qui n’ont aucun sens de l’orientation et se perdent dans un train. Ils ne feront pas de bons contrôleurs. MM

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