LA COULEUR ET L'ESPACE

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ENSAL 2019-20 E642 RAPPORT D’ÉTUDE TUTEUR: CHANTAL DUGAVE

SOUTENANCE : 14 mai 2020

LOU RICOME

la couleur et l’espace


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sommaire Introduction

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I/ l’antiquité grecque et l’époque moderne

A/ L’antiquité grecque et la couleur B/ L’époque moderne et la couleur C/ Les théories de Kandinsky sur la couleur

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II/ Etude de cas: le bleu

A/ La couleur unanime B/ Le bleu à travers le temps C/ L’expérience sensorielle et personnelle de la couleur

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III/ La couleur, un outil spatial

A/ Les règles générales entre la couleur et l’espace B/ La mise en application de ces règles C/ Etude de cas: les travaux d’Emmanuelle Moureaux

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Conclusion

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bibliographie

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ANNEXES

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introduction



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Au cours de ce rapport d’étude, nous allons chercher à comprendre la relation entre la couleur et l’espace. La couleur est un élément dont il est compliqué de parler puisqu’elle est immatérielle, nous pouvons décrire ses effets (brillant, clair, vif, etc…) mais il est difficile de mettre des mots puisqu’elle est de l’ordre du sensible, elle échappe à toute classification. En cherchant la définition du mot « couleur » dans les dictionnaires, nous retrouvons ce caractère intangible et non palpable puisqu’elle est décrite comme une « impression » ou une « sensation »1. Par ailleurs, les dictionnaires ne donnent pas une définition unique de la couleur, celle-ci se décrit de plusieurs façons et selon différents contextes, même si le dictionnaire semble en parler comme d’« une substance que l’on applique sur un objet »2, donc comme un élément bidimensionnel nécessitant un support. Il est donc difficile de la cerner car elle semble être de partout, elle recouvre tout et vient même s’immiscer dans notre langage, comme le montre ces expressions idiomatiques : en faire voir de toutes les couleurs, changer de couleur, couleur locale, des goûts et des couleurs, jouer dans la couleur, la couleur du temps, ne pas en voir la couleur etc… Il nous faudra donc essayer de cerner cet élément immatériel afin de le définir et de comprendre comment il peut être utilisé.

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J’ai choisi de me pencher sur le sujet de la couleur et de l’espace car, tout d’abord, la couleur est un élément visuel et spatial qui me tient à coeur. Ma pratique de la peinture m’a permis de développer une grande sensibilité envers elle, me permettant de la travailler et de constamment essayer d’en apprendre plus sur les combinaisons et les façons dont je pourrais les utiliser. Au cours de cette dernière année, je me concentre sur les couleurs complémentaires du bleu et du orange avec une simplification des formes. Cette démarche m’a montré que la couleur, par ses déclinaisons de teintes, permet de travailler la lumière. En effet, le blanc n’est pas forcément nécessaire lors de la réalisation d’une peinture, il suffit de maitriser les clairs-obscurs d’une couleur afin de créer du volume.

1.Petit Robert, par Paul Robert, 1988, p. 404 2. Ibid 3. Histoire de l’art, E.H Grombrich, 1998, .98


Par la peinture, j’ai pu développer une sensibilité à la couleur de façon générale, que ce soit envers les paysages naturels, les espaces construits, un fruit ou un habit… J’ai donc une forme d’admiration pour celle-ci qui semble constamment me surprendre et me remplir d’émotions. Ainsi, depuis le début de mes études en architecture, j’ai pu remarquer que les constructions colorées avaient le même effet sur moi. Cet intérêt pour les couleurs m’a poussée à faire mon stage de fin de deuxième année de Licence chez Emmanuelle Moureaux, une architecte-artiste travaillant la couleur dans des installations artistiques. Cette expérience m’a permis de me sensibiliser au rapport qu’il y avait entre l’espace et la couleur puisque, dans ses installations, Emmanuelle Moureaux utilisait la couleur afin de créer des mondes englobants. L’essence de son projet même partait de la couleur. Il me semblait donc interessant de comprendre les propriétés physiques qui faisaient que la couleur, un élément souvent considéré comme bidimentionnel, pouvait créer un espace tridimensionnel. Nous savons que notre monde est polychrome; cependant, le rapport à la couleur a tendance à être de l’ordre du décoratif, celleci semble parfois figée. Mon but à travers cette étude est d’enlever ce caractère à la couleur, de démontrer son caractère spatial et d’appliquer le principe de Bridget Riley : « I want to create colour form, not coloured forms »3. Pour cela, il nous faudra tout d’abord comprendre que la couleur a évolué au fil des siècles, tout comme son rapport à l’architecture. La couleur, son utilisation et les points de vue qu’une population lui porte dépendent aussi fortement de la culture dans laquelle nous nous plaçons. C’est pour cela que, au cours de cette étude, nous allons nous concentrer sur la culture européenne. Cela va nous permettre de nous pencher sur deux périodes distinctes, à savoir l’Antiquité grecque et l’époque Moderne. Nous démontrerons l’évolution du statut de la couleur au fil du temps. Une approche chronologique portant sur une couleur précise nous permettra de comprendre que son caractère complexe naît aussi de son histoire et des utilisations que nous avons pu en faire au cours des siècles. Ces deux premières parties nous permettrons donc de bien saisir la notion de

couleur et les enjeux que celle-ci représente, et nous pourrons alors étudier la couleur en tant qu’élément spatial. Lors de cette dernière partie, nous démontrerons les aspects physiques de la couleur, son emprise sur l’espace et comment celle-ci peut être utilisée comme un outil architectural.

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L’antiquité grecque

et l’epoque moderne


LOU RICOME LA COULEUR ET L’ESPACE

Dans cette première partie notre étude va porter sur deux périodes charnières et distinctes dans le temps afin de voir comment la couleur a évolué dans ses utilisations, ses pratiques et son rapport à l’espace. Nous commencerons par nous pencher sur l’Antiquité grecque, cette période et civilisation qui a forgé la culture européenne. Par la suite, l’époque moderne nous permettra de mettre en avant et d’analyser les questions et débats soulevés par la couleur à cette période.

1/ Introduction de la couleur dans l’art par les Grecs L’Antiquité grecque a longtemps été considérée comme une période artistique monochrome, où l’on travaillait la pierre (en architecture et en sculpture) de façon épurée. Cependant, au XVIIIème siècle, nous avons découvert que l’Antiquité grecque était en fait polychrome. Durant cette période, les peintres s’intéressaient à la technicité graphique plutôt qu’aux fins religieuses de leur art, ce qui est une différence majeure avec les Egyptiens. Les Grecs ont donc développé une nouvelle approche à l’art entre le IVéme siècle avant JC et le Ier siècle avant JC, pendant l’époque helléniste. Ils recherchent dans l’art plus de délicatesse et de raffinement, notamment en architecture, en sculpture et en peinture. La couleur était présente sur les nombreux objets utilitaires de la vie courante des Grecs, notamment sur les poteries, souvent des vases ou des amphores contenant le vin ou l’huile. La peinture dans l’art prend un nouveau statut puisque les Grecs portent une approche plus sensible dans leurs regards et dans leurs représentations. Ainsi ils pressentent la perspective et utilisent la couleur pour ses qualités sensibles et sensorielles plutôt que symboliques. C’est une époque où l’art, et les couleurs avec, prend un véritable statut dans la société, les artistes ne sont pas uniquement présents pour représenter des images religieuses, ils ne sont plus des artisans, nous pouvons discuter de leur travail comme nous discutions de textes ou de poèmes.

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A/ L’ANTIQUITÉ GRECQUE ET LA COULEUR

2/ Etude de la rénovation de l’Acropole

4. Histoire de l’art, E.H Gombrich, 1998, p.84 5. Ibid 6. Ibid

C’est suite à la victoire face aux Perses et dans le but de reconstruire ce que l’envahisseur avait détruit que la reconstruction des temples de la colline sacrée d’Athènes, l’Acropole, allait être entreprise et allait demander l’implication d’une grande variété d’artistes et d’artisans. Pour la reconstruction prestigieuse des temples, Périclès confia le plan des nouveaux temples à l’architecte Iktinos et commanda des statues à l’image des dieux à Phidias, c’est-à-dire des statues de taille majeure qui allaient être placées à l’intérieur du temple (à son édifice). Phidias avait aussi été chargé de l’ensemble de la décoration des temples. Il est intéressant de voir que, lors de l’organisation pour la construction des nouveaux temples, la décoration et les sculptures majeures étaient commandées en même temps. Il apparaît donc ici une notion nouvelle quant à la construction d’un édifice, à savoir la relation forte et concomitante entre les matériaux de construction et les éléments esthétiques qui allaient venir finir la construction du temple.


Chapiteau corinthien 300 av J.C, découvert à Epidaure

La couleur n’était pas inconnue aux Grecs et ils utilisaient aussi les matériaux pour leurs qualités esthétiques lors des décorations. Dans l’ouvrage Histoire de l’art de E.H Gombrich, il est mentionné les versets de Jérémie (X, 3-5) expliquant que, pour les travaux de Phidias, le matériau brut est « embelli avec de l’argent et de l’or »4 . D’après ce même document, les statues grecques ne sont pas, selon l’opinion largement répandue, en « manque de vie, froid et inexpressif, […] un regard absent »5 . Celles ci étaient plutôt décrites comme de « gigantesque image de bois […] entièrement recouverte de matières précieuses; l’armure et les vêtements étaient d’or, l’épiderme d’ivoire. L’écu et certaines parties de l’armure étaient rehaussés de couleurs éclatantes »6. Nous observons donc la diversité des ressources que les Grecs pouvaient utiliser afin de varier les couleurs et leurs intensités lors des décorations de ces statues. Cette citation donne aussi un caractère précieux aux couleurs, qui portaient une valeur importante aux yeux des Grecs par l’intermédiaire de ces pierres ou matériaux rares. Les deux ouvrages les plus connus de Phidias sont l’Athéna que nous venons de décrire et le Zeus Olympien. Même si ces deux statues ont été perdues, les temples qui les abritaient sont toujours présents, et nous pouvons y retrouver des parties des décorations en lien avec cellesci. C’est pourquoi nous pouvons, à partir des éléments restants, imaginer l’ampleur des décorations et du travail fourni pour la réalisation de la statue principale du temple. De plus, pour revenir sur l’idée que nous avons exprimée un peu plus tôt, la construction des temples est en relation étroite avec les éléments décoratifs puisque, non seulement l’intérieur était décoré et ornementé, mais également l’extérieur. Il y avait donc la nécessité de la représentation graphique qui se trouvait principalement sur les temples avec les frises, qui permettaient de conter des légendes ou des mythes liés en général au dieu du temple. Les éléments de la frise du Parthénon, qui sont aujourd’hui conservés en grande partie au British Museum à Londres, étaient à l’origine couverts de couleurs, tout comme les statues.

Achille et Ajax jouant aux dames, 540 av J.C par Exekias

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Une couleur vive était utilisée en arrière plan des figures sculptées afin de créer du contraste et de les mettre en exergue. Les couleurs permettaient d’amener une nouvelle couche de détails mais aussi de mettre en valeur le matériau utilisé pour la sculpture. En effet, les contrastes des couleurs utilisées, par leurs teintes ou leurs intensités, permettaient d’augmenter l’effet creux dans la pierre ou d’accentuer l’impact de la lumière sur ce relief. Ces couleurs permettaient aussi de rendre les éléments sculpturaux plus visibles et plus vivants pour les fidèles qui venaient se rendre sur les lieux du temple et qui observaient ces décorations vues d’en bas. Un niveau de détails plus important était apporté par la peinture, certains éléments de la frise n’étaient pas forcément sculptés mais représentés en dessin. L’utilisation de la couleur n’avait donc pas uniquement une fin décorative mais aussi un rôle d’informer et d’accentuer l’identité des objets ou des éléments. Les jeux de couleurs pouvaient également faire fondre le relief sculpté dans la pierre, ce qui offrait un élément sculptural uni.

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D’après un reportage intitulé Le Parthénon retrouve ses couleurs de 2017, les écrits anciens mentionnent que tous les éléments au dessus des chapiteaux et colonnes étaient également colorés. Tout l’entablement du Panthéon était peint. Le rouge et le bleu était utilisés pour peindre les moulages doriques. La couleur était essentielle dans ces réalisations architecturales, puisqu’elles rendaient plus visibles les éléments des frises qui se situaient en hauteur et attirer l’oeil des visiteurs. La couleur intense (souvent bleu ou rouge) permettait de définir visuellement les éléments architecturaux qui se situaient en hauteur, tout en donnant un caractère visible et imposant : le rouge est une couleur qui ne se cache pas, elle apporte donc un ton affirmé et autoritaire au temple. La fonction des couleurs n’était donc pas uniquement décorative puisqu’elles apportaient une nouvelle dimension au temple en lui apportant une force visuelle et spirituelle. Nous savons aujourd’hui que l’intégralité des temples de l’Acropole était peinte, il reste cependant des débats sur les couleurs utilisées pendant l’Antiquité même si les reproductions de frises réalisées suite à des études de restes de pigments affirment que les couleurs primaires (bleu, jaune et rouge) étaient utilisés, en plus du vert, du blanc et du noir et des gradations de ces teintes. L’organisation de la construction des temples du Parthénon pose cependant la question de la séparation des fonctions, puisque même si Iktinos et Phidias travaillaient ensemble « sculptors, architecte and painters worked hand in hand »7 ce n’était pas une seule et même personne qui concevait la partie architecturale, structurelle et l’ésthétisme créée par les éléments picturaux. Dans l’idée que ces travaux devraient partir d’un seul et même concepteur, Nicolas le Camus de Mézires, architecte et théoricien du XVIIIème siècle, « Held the view that it was the architect who was responsible for the overall appearance in the sense of a holistic room impression, and not the decorative painters »8. Il défend l’idée que l’artiste et l’architecte devraient être une seule et même personne afin que les éléments picturaux soient décidés pour des fins appuyant le concept et les ambiances recherchés par l’architecte.

7. Thinking color in space, 2018, p.39 8. Ibid

Ce lien, que nous trouvons au cours de l’Antiquité grecque entre la construction architecturale et les éléments picturaux qui l’accompagne, ne se retrouve pas constamment au fil des siècles. Nous allons maintenant étudier comment l’époque moderne se positionne face à ce questionnement.


Aurige, 440 av J.C, détail de la frise en marbre du Parthénon

Jeune fille cueillant des fleurs, 1er siècle ap J.C, peinture murale de Stabies

Reconstitution virtuelle du Parthénon en couleur, capture du reportage Le Parthénon retrouve ses couleurs

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LA COULEUR ET L’ESPACE

A partir du XIXème siècle il y a la découverte des pigments synthétiques qui permet une nouvelle utilisation de la couleur, moins couteuse et plus accessible à tous. C’est aussi une période artistique où les intellectuels de l’époque moderne questionnent les savoirs et pratiques, notamment les connaissances et les utilisations de la couleur, sujet qui deviendra un des principaux domaines d’études de l’école du Bauhaus. 1/ De Stijl : 1917

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B/ L’EPOQUE MODERNE ET LA COULEUR

9. De Stijl in Conrads, 1975, p.66 10. Ibid, p.80 11. Thinking color in space, 2018, p.50

Au cours du XXème siècle, les artistes recherchaient de nouveaux moyens d’expressions et de nouveaux concepts architecturaux, ce qui amena à de nouvelles combinaisons entre la couleur, la forme, les matériaux et l’espace. Le mouvement de De Stijl, fondé par Théo Van Doesburg aux Pays-bas, avait comme maximes principales clarté, facilité et pertinence dans son but. Des membres de ce mouvement deviendront aussi fondateurs de l’école du Bauhaus en 1919. Pour Théo Van Doesburg, les éléments tri-dimensionnels fondamentaux étaient : la masse, le plan, le temps, l’espace, la lumière et la couleur. Ces éléments étaient utilisés à des fins fonctionnelles et avec modération. Les moyens d’expression étaient combinés au spectre de couleurs basé sur le travail de Piet Mondrian. Ce dernier était composé des couleurs primaires bleu, jaune et rouge ainsi que le noir, le blanc et le gris, qui n’étaient pas considérés comme des couleurs. Ce mouvement artistique nous amène à nous intéresser à un article dans le magazine belge La Cité, publié par Theo van Doesburg en mai 1924 qui s’intitulait The significance of Color in Architecture. Les idées qu’il exprime à travers cet article bouleverse le statut même de la couleur tel que nous le connaissions et la place que nous lui donnions. En effet Van Doesburg explique que la couleur est un élément essentiel à l’architecture et qu’elle est l’élément architectural nécessaire afin d’établir la relation entre l’objet et l’espace. « We have given colour its rightful place in architecture and we assert that painting separated from the architectonic construction has no right to exist. »9. Ces propos radicaux permettent de donner une réelle place à la couleur au sein de la conception et de la construction architecturale ; celle-ci devient essentielle à la notion d’espace. En effet, Van Doesburg écrit un an plus tard : « The new architecture permits colour organically as a direct means of expressing its relationships within space and time. Without colour, these relationships are not real but invisible. »10. Il semble donc que la couleur permet de donner du sens et concrétise l’espace et le temps dans l’architecture. La couleur prend un rôle essentiel en devenant un élément de composition architecturale par l’équilibre qui se crée entre les couleurs et les plans. Van Doesburg pose comme principe que la couleur devrait être reconnue comme un moyen d’expression et un outil architectural aussi important que les matériaux. De plus, il distingue l’utilisation de la couleur comme matière recouvrant un matériau pour des fins décoratives et la couleur comme un élément créant de l’espace. Cela indique donc que celle-ci, suivant son utilisation, peut être considérée comme un élément bi-dimensionnel ou tri-dimensionnel. L’utilisation bi-dimensionnel étant plus fréquente et plus connue, il était essentiel pour Van Doesburg de prouver son caractère tri-dimensionnel. L’exemple de la Maison particulière où Van Doesburg travailla avec l’architecte Cornelis van Eesteren, montre la première application dans l’espace des théo-


Composition II en rouge, bleu et jaune, 1929, Piet Mondrian

-ries de Van Doesburg. Les superficies colorées étaient composées volontairement dans le but de décomposer et dissoudre les surfaces ou les éléments qui contiennent l’espace. Dans cet exemple, nous comprenons que l’organisation des couleurs influence notre vision des volumes dans l’espace, de façon telle que la maison semble être à plan ouvert, sans cloison, même si le bâtiment fut conçu en suivant les principes traditionnels de construction. Van Doesburg traduit ce principe par des mots dans un article du magazine de De Stijl: « Architecture should create a constructed, closed sculpture, which is reopened by the paintwork using unmodulated colors in balanced and proportions. The role of the architect is to stabilize, that of the painter is to destabilize. »11 Van Doesburg revient sur cette relation entre l’artiste et l’architecte pour démontrer une nouvelle complémentarité. Le terme de « paintwork » est intéressant dans cette citation puisque la peinture devient une étape à part entière dans le processus de construction, ou « deconstruction » d’après la citation, du bâtiment. Cette citation soulève aussi la question de la stabilité de l’espace et ce qui peut venir créer ou détruire cette stabilité. La stabilité peut se comprendre d’un point de vue structurel : le bâtiment tient debout. Cependant, en cherchant à comprendre cet équilibre entre stabilité et instabilité, nous pouvons faire intervenir les couleurs puisque celles-ci ont la capacité de rompre la stabilité du bâtiment. Elles peuvent accomplir cela par les effets : - de perspective: les contrastes entre couleurs claires ou sombres peuvent soit augmenter la perspective soit l’écraser - de dissolution des plans : une couleur unie utilisée sur plusieurs plans annulera les angles ou les courbes si la lumière ne rentre pas en jeu ou alors si les couleurs sont choisies pour fonctionner avec la lumière - de création d’espaces complètement nouveaux par des mouvements créés par la combinaison de couleurs et motifs.

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Il semble donc que la structure permettant au bâtiment de tenir debout et dans lequel nous pouvons nous déplacer physiquement, ne garantit pas une stabilité visuelle de celui-ci puisque la couleur peut venir modifier visuellement les volumes présents. 2/ L’école du Bauhaus L’école du Bauhaus, fondée par Walter Gropuis à Weimar en 1919, a pour but de rassembler les connaissances artistiques et techniques, de ne plus distinguer l’artisan de l’artiste. C’est dans les années 20 que de nombreuses discussions ont pris place pour débattre de la place et de l’importance de la couleur dans l’architecture. Cette école est le résultat d’une fusion entre une école d’art appliqué et une école des beaux arts. Le but pour Gropuis est de réformer la forme de l’enseignement artistique. De nombreux nouveaux cours sont ainsi introduits et des professeurs avec des techniques et des idées avant-gardistes sont recrutés par l’école. Le programme est pragmatique et se doit de former des élèves qui pourront devenir des artistes capables de réaliser des modèles pour la production industrielle. Pour réaliser cela, Gropuis se doit de réformer l’enseignement artistique, qu’il module selon trois étapes essentielles : l’étude des matériaux, la théorie des couleurs et le dessin. Les architectes du mouvement de De Stijl, du Bauhaus et Le Corbusier faisaient souvent des analogies entre l’architecture et l’art avec leurs réalisations. L’architecture moderne se veut de mettre à profit les créations possibles lors de la symbiose de différents arts.

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Gropuis a donc rassemblé un groupe des représentants principaux de l’Expressionnisme, avec pour but de lier l’architecture aux autres arts. Selon les professeurs, les méthodes d’enseignement et les approches (liées à des variations points de vues) de leurs cours en lien avec la forme et la couleur étaient très différentes. A l’ouverture de l’école du Bauhaus, l’apprentissage autour de la couleur était très influencé par les théories de Johannes Itten, un représentant important du Constructivisme International. En tant qu’artiste peintre, il a dédié une grande partie de sa carrière à la relation entre la forme et la couleur. Il associait certaines couleurs non seulement à des formes de base (triangle, rond, carré) mais aussi à des humeurs et des températures. C’est dans ses cours que les étudiants devaient développer des études sur la juxtaposition des couleurs et les contrastes entre celles-ci. La classe de Lyonel Feininger, peintre germano-américain, se spécialisait dans l’utilisation de la couleur pour créer de la profondeur dans la composition graphique d’une image. En parallèle de ces classes, nous pouvions trouver au sein de l’école des workshops, notamment ceux de peintures murales organisées par Wassily Kandinsky et Oskar Schlemmer. Kandinsky donnait aussi des cours où il enseignait la théorie de la forme qui demandait une compréhension de la théorie de la couleur.

12. Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, 1912, p. 13. Ibid, p. 14. Ibid, p.

Par ailleurs, les matériaux et leur utilisation prenaient aussi une place essentielle dans l’enseignement du Bauhaus. Les membres fondateurs de l’école considéraient que des connaissances précises sur ceux-ci étaient nécessaires autant pour leur mise en forme que pour leur valorisation lors de la réalisation de projets. L’utilisation de la couleur par les artistes et les architectes à cette époque était codifiée et normalisée. Elle était souvent employée dans les tons primaires (rouge, bleu et jaune) et les compositions suivaient des structures géométriques.


Le mobilier vient prendre un nouveau statut durant cette période moderne puisqu’il vient contribuer à la qualité des espaces créés par l’architecture. Il est considéré comme un élément architectural modulable et nécessite donc un travail important sur les formes, les matériaux et les couleurs qui sont utilisés. Les meubles offraient une connexion importante entre la couleur, l’espace et l’art.

C/ LES THÉORIES DE KANDINSKY SUR LA COULEUR

En nous penchant plus particulièrement sur l’approche de Kandinsky, nous allons nous intéresser à ses écrits dans son ouvrage Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier qui va nous permettre de comprendre de plus près ses théories sur la couleur. Ses écrits développent les effets de la couleur sur notre corps et nos émotions. Même si son approche est factuelle, Kandinsky nous le rappelle lui même que les sentiments évoqués par les couleurs sont des « états matériels de l’âme »12 mais, qu’en vérité, les variations subtiles des impressions et ressentis de chacun ne peuvent pas être expliqués entièrement par des mots : « C’est pourquoi les mots sont et resteront simplement des indications, des marques assez extérieurs des couleurs »13. Nous pouvons associer son approche à celle de l’artiste et du scientifique puisqu’elle doit se baser sur des expériences et des observations, autant sur soi même que sur autrui. Tout d’abord, Kandinsky explique, dans la première partie de son livre, que la couleur a un double effet. Le premier est un effet purement physique, un effet de courte durée qu’il compare au toucher de la glace ou du feu, qui peut générer une impression d’apaisement, de joie ou autre. Il y a, par la suite, un deuxième effet, un effet plus profond qui entraîne une émotion de l’âme. Par la suite, nous comprenons par plusieurs exemples, que les couleurs sont liées de façon inséparable aux autres sens. Nous pouvons, en fonction de nos sensibilités, associer les couleurs à des goûts, des textures etc. Prenons l’exemple de la chromatothérapie qui témoigne de l’impact de la couleur sur le psychique et sur le corps puisque c’est une méthode qui consiste à utiliser l’action de lumière colorée comme thérapie pour soigner certaines maladies nerveuses. Cette utilisation des faisceaux lumineux colorés a prouvé que le rouge aurait un effet tonifiant et excitant sur le coeur, alors que, au contraire, le bleu pourrait entraîner un paralysie temporaire. Dans la deuxième partie de son livre, Kandinsky se penche sur la question du langage des formes et des couleurs. Nous pouvons commencer par étudier la couleur d’un point de vue objectif, en « laissant agir sur soi la couleur seule »14, nous nous trouvons donc en tant qu’acteur passif afin d’observer les effets de la couleur sur notre corps ou notre perception. Il y a tout d’abord deux grandes divisions qui nous sont visibles : la chaleur ou la froideur et la clarté ou l’obscurité. En ce qui concerne le premier grand contraste de la chaleur ou froideur, il est perçu par le spectateur comme un mouvement horizontal, avec un plan allant vers nous pour le chaud alors que le plan s’éloigne pour le froid. Le deuxième grand contraste, qui peut se généraliser à la différence entre le blanc et le noir, est la tendance de la couleur à être claire ou foncée. Ces teintes d’une même couleur conservent donc un même mouvement (se rapprochant ou s’éloignant du spectateur en fonction de leur chaleur ou froideur) mais les variations se font à des vitesses différentes, selon un mouvement dynamique ou plus statique. Une couleur de teinte chaude plus claire aura un effet décuplé, un mouvement dynamique tout comme une couleur de teinte froide et sombre alors qu’une couleur chaude foncée aura tendance à être figée tout comme une couleur froide et claire. Un autre type de mouvement entre en jeu que nous pouvons spécialement comprendre avec l’exemple d’un cercle jaune ou bleu, c’est un mouvement concentrique ou excentrique. En effet le cercle jaune déborde du contour du cercle, alors que le cercle bleu s’éloigne de l’homme par un mouvement concentrique, il semble rentrer vers le milieu du cercle.

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Si nous reprenons l’idée du mouvement, nous pouvons observer avec ces exemples que l’effet du jaune augmente quand on l’éclaircit alors que celui du bleu augmente quand on l’assombrit. Il y a donc une parenté entre le jaune et le blanc et entre le bleu et le noir.

Si nous essayons de donner au jaune une teinte plus froide, il va prendre un ton verdâtre et va perdre son effet de mouvement horizontal et excentrique mais va tendre vers un aspect maladif.

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D’après Kandinsky, nous pouvons généraliser les influences de la couleur sur nos corps et nos émotions, ce qui affirmerait que des effets universels se trouvent dans chaque couleur, même si les ressentis sont personnels. En effet, le jaune possède un caractère violent, d’excitation qui demeure cependant une couleur superficielle. Le jaune ne devient jamais très profond, Kandinsky, le compare à des états de l’âme et le lie à la folie, une notion de rage, de « délire aveugle, folie furieuse »15 mais ne pourrait pas être synonyme de mélancolie ou autre émotion plus profonde. Le contraste physique que nous observons entre le bleu et le jaune se comprend aussi dans leur caractère. En effet, le bleu a un aspect intense lorsqu’il s’assombrit, il devient plus profond et attire l’homme; il serait synonyme d’apaisement et, en s’assombrissant, il réveille un sentiment de « nostalgie du pur et de l’ultime »16. Les teintes claires ou sombres du bleu changent son caractère, mais le lien symbolique à la dimension céleste demeure constant dans le bleu, il est synonyme de calme. En s’éclaircissant, il devient plus optimiste, l’infinité du ciel s’éloigne, il nous paraît plus loin, moins accessible. 15. Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, 1912, p. 16. Ibid, p. 17. Ibid, p. 18. Ibid, p.

En mélangeant le bleu et le jaune, nous nous rendons compte que l’un et l’autre, par leurs mouvements opposés, vont finir par s’annuler, et vont produire une immobilité totale qui apparaît avec le vert que ces deux couleurs ont formé. Les mouvements horizontaux disparaissent, tout comme les mouvements concentriques ou excentriques. Le vert absolu est la couleur la plus reposante, elle ne génère ni joie, ni tristesse, ni passion. Elle peut cependant rapidement tourner à l’ennui par son caractère passif, et peut même en devenir hautaine.


couleurs. Ainsi les cours de Kandinsky stimuleraient des expérimentations pour travailler les combinaisons des couleurs et les variations de teintes dans différents milieux.

Son effet peut être mis en parallèle avec le caractère du blanc, qui, troublé par le noir, va perdre de son caractère et de sa constance : le gris apparaît. C’est une couleur que l’on associe facilement au vert par sa similarité dans les valeurs morales. Cependant, le vert contient une possibilité vivante qu’on ne trouve pas dans le gris, puisque celui ci peut rapidement être réactivé dans son mouvement par des rajouts de jaune pour devenir vivant et de bleu pour devenir plus sérieux. Nous pouvons ainsi continuer à énumérer les couleurs et leurs caractères mais les exemples étudiés nous ont permis d’étudier l’ensemble des mouvements et des effets physiques des couleurs dans l’espace. Ce livre nous permet de réfléchir sur la notion d’équilibre et de mouvement par les couleurs, nous comprenons qu’elles n’ont pas le même type de présence ni le même effet sur notre psychique. L’association de deux couleurs peut atteindre un équilibre, ou au contraire, tout faire basculer et rompre l’équilibre présent. Kandinsky pouvait ainsi transmettre aux élèves du Bauhaus l’importance des connaissances des caractères des couleurs afin de les utiliser en comprenant leurs propriétés et leurs effets sur le psychique d’un spectateur. De plus, Kandinsky explique l’importance de cet apprentissage qui, par la connaissance, engendre une liberté de l’artiste lors de la réalisation ou des modifications de formes par des combinaisons de couleurs « Cette liberté est liée à la sensibilité de l’artiste et donc l’importance de cultiver cette sensibilité »17. Cette citation accentue d’autant plus le fait qu’il est essentiel de travailler notre sensibilité afin d’enrichir nos connaissances sur le caractère changeant des

Pour développer l’idée de combinaisons des couleurs, il nous faut relever le fait que les couleurs existent en binôme complémentaires, ce qui signifie dans le domaine de la physique que, par synthèse additive, deux couleurs complémentaires vont former du blanc et, par synthèse soustractive, elles formeront du noir. La lumière blanche est en effet le résultat de l’addition de toutes les longueurs d’onde. Cependant, les couleurs primaires ne sont pas les mêmes dans le domaine de la physique que dans le domaine de la peinture. Pour cette étude, nous définirons les couleurs primaires par celles de la peinture, c’est à dire le bleu, le jaune et le rouge. Par l’expérience de la peinture, nous observons que deux couleurs complémentaires mélangées nous permettent de créer une teinte proche du noir. Les trois grands rapports de couleurs complémentaires sont donc bleu/orange, rouge/vert et jaune/violet. Suite à mes expériences personnelles de réalisations plastiques en utilisant la peinture, des professeurs m’ont souvent dit qu’il était intéressant de travailler avec des couleurs complémentaires puisque, avec deux couleurs, nous représentons en fait l’intégralité du spectre chromatique, ce qui génère une sensation de plénitude pour le spectateur, qui rejoint la sensation de calme et de silence généré par le blanc et le noir. D’après Kandinsky ces deux silences créés sont les silences « de la mort et celui de la naissance »18.

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Par la lecture du livre de Kandinsky, il s’avère que les couleurs ont un lien avec les formes, ces éléments pouvant avoir des effets les uns sur les autres. Après cette étude de la période du Bauhaus et du groupe de De Stijl, il ne faut pas oublier que certains membres continuaient à percevoir et concevoir l’architecture comme blanche, notamment Walter Gropuis, qui, pour l’extérieur de ses bâtiments, optait pour une enveloppe blanche comme symbole de clarté et pureté.

Cette première partie nous a donc permis de comparer l’évolution du statut de la couleur et son rapport à l’architecture et à l’espace, mais aussi de constater que l’utilisation de celle-ci dans la vie courante remonte à plusieurs milliers d’années. L’ouvrage de Kandinsky rationalise le lien naturel et instinctif qu’il y a entre les couleurs et les sens tout en traduisant les phénomènes physiques qu’elles génèrent.


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ÉTUDE DE CAS : LE BLEU


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La deuxième partie de notre étude portera sur une étude de cas autour de la couleur bleue afin de comprendre l’évolution historique de la couleur et de se saisir plus précisément des capacités d’une couleur quand elle est utilisée comme élément tri-dimensionnel.

Dans cette deuxième partie, nous allons nous pencher sur l’étude de cas d’une couleur précise et de sa perception à travers les époques. J’ai fait le choix de la couleur bleue : inconnue du paléolithique et du néolithique, elle a traversé les époques en évoluant dans son rapport à l’espace et son utilisation pour devenir aujourd’hui la couleur préférée des Européens depuis le XVIIIe siècle. J’ai dû me concentrer sur une seule couleur car s’intéresser à toutes les couleurs aurait demandé un travail trop conséquent dans le cas de cette étude. Par ailleurs, le bleu est une des deux couleurs que j’affectionne le plus et que j’utilise majoritairement dans mes travaux artistiques. La deuxième couleur est le orange mais l’étude ne pouvait pas porter sur celle-ci car c’est une couleur moins étudiée, les ressources sont donc limitées. De plus, la couleur bleue reste aujourd’hui la couleur consensuelle dans le sens physique et moral. Nous pouvons appuyer cette affirmation par les exemples des logos ou drapeaux des organismes européens et internationaux Union Européenne, ONU, International Telecommunication Union, International Criminal court En effet, cette couleur semble être, par élimination, celle qui fait consensus. Les couleurs comme le rouge ou le vert peuvent avoir des symboliques trop fortes, trop connotées pour être choisies à l’unanimité, notamment pour des organisations politiques internationales. En effet, d’après Michel Pastoureau, le rouge est très associé au feu, au sang, à la passion ou à la colère : « Le rouge, lui, est une couleur orgueilleuse, pétrie d’ambition et assoiffée de pouvoir, une couleur qui veut se faire voir »19. L’autre exemple est celui du vert, souvent mal aimé à cause de son caractère instable, infidèle et sa symbolique lié au hasard : « Nous ferions mieux de nous méfier, car, contrairement aux apparences, le vert n’est pas une couleur honnête […] un fourbe responsable de plus d’un mauvais coup, un hypocrite […] une couleur dangereuse dont la vraie nature est l’instabilité! »20.

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A/ LE BLEU, LA COULEUR UNANIME

19. Le petit livre des couleurs, 2005, p.29 20. Ibid, p.61 21. Ibid, p.17

En se penchant sur l’évolution d’une couleur à travers les époques, nous allons voir à quel point celle-ci a évolué en fonction des croyances, des représentations ou même des évènements. Nous allons pouvoir comprendre ce qui fait qu’aujourd’hui nous connaissons les couleurs d’une certaine façon et qui justifie leur utilisation. Il ne faut pas oublier que, depuis le XIXème siècle, les couleurs nous sont beaucoup plus accessibles puisque nous savons les créer de façon synthétique, ce qui offre un accès moins coûteux et plus abondant. Cette étude va donc continuer à développer le caractère complexe de la couleur et nous apprend aussi que connaitre l’histoire des couleurs nous permet de mieux les comprendre afin de mieux nous les approprier et les utiliser. Sachant que la création d’espaces pour un architecte est fortement liée aux ambiances, atmosphères ou représentations qui vont être générées, nous comprenons l’importance de se saisir de la complexité des couleurs afin d’exploiter leur potentiel maximum.


ONU

International Criminal court

International Telecommunication Union

Union Européenne

B/ LE BLEU À TRAVERS LE TEMPS

Le bleu, avant les pigments synthétiques, était une couleur difficile à fabriquer et à maîtriser, cela expliquerait le fait qu’elle était peu utilisée chez les Romains. Par son étymologie, nous retrouvons cet aspect instable dans le lexique romain puisque, pour la majorité des couleurs, les Romains ont forgé leur langue, mais, pour le bleu, ils ont dû aller chercher dans les mots germaniques « blau » et arabe « azraq ». En effet, le bleu n’avait pas de véritable présence dans le monde romain que ce soit dans la vie sociale ou religieuse. C’était une couleur appréciée des peuples du Nord, comme les Germains, et qui représentait donc pour les Romains l’étranger et les barbares. Des témoignages auraient même affirmé qu’ « avoir les yeux bleus, pour une femme, c’est un signe d’une mauvaise vie. Pour un homme, un marque de ridicule. »21 Un grand tournant s’effectue au cours du XIIème et XIIIème siècles où l’on promeut le bleu grâce à un changement profond des idées religieuses. Les anciens textes bibliques en hébreu n’utilisaient pas de mots pour les couleurs, c’est seulement lors des traductions en latin que le « riche » se transforma en « rouge », le « sale » en gris etc. Cependant, le bleu était peu présent dans la Bible, à l’exception de la présence de pierre de saphir. A partir du XIIème siècle, le Dieu chrétien prend le statut de Dieu de lumière et nous savons que la lumière la plus forte, avec la plus grande intensité, est la lumière bleue. En conséquence, les ciels sont enfin peints en bleu sur les tableaux, alors qu’avant le noir, le rouge, les teintes de blancs ou de dorés étaient les couleurs principales pour les représenter. En parallèle, nous avons aussi l’extension du Culte Marial, qui est la vénération que les Catholiques et les Orthodoxes portent à Marie. Sachant que la Vierge habite le ciel, elle est désormais représentée en peinture revêtue d’un manteau ou d’une robe bleue. Ces deux siècles constituent donc une transition où la couleur bleue passe d’un statut barbare, peu utilisée, peu appréciée et évincée par d’autres couleurs dominantes (rouge), à un statut divin.

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Le bleu a ainsi réellement sa place dans la palette des couleurs, et il continue à être valorisé par la religion. En effet, en 1130, nous avons la reconstruction de l’église abbatiale de Saint-Denis. Lors de cette reconstruction, le but était aussi de dissiper les ténèbres sachant que c’était un lieu accueillant des reliques. C’était grâce aux couleurs que cela pouvait se faire, principalement par le bleu; c’est pourquoi de grandes ouvertures ont été placées afin d’accueillir des vitraux teintés majoritairement en bleu. Nous retrouvons dans cet exemple le rapport entre la lumière et les couleurs, car les vitraux prennent toute leur valeur et leur puissance lorsqu’ils sont traversés par des faisceaux lumineux. Le support du verre pour la couleur lui donne une nouvelle dimension physique puisque celle ci, étant fixée sur un matériau plat à des fins décoratives, vient remplir l’intérieur de l’église par les reflets. Son caractère immatériel et son lien étroit avec la lumière se comprend davantage puisque celle-ci lui donne la possibilité de remplir l’espace. La combinaison de la couleur et de la lumière peut donc recouvrir l’entièreté de l’espace de façon visible: nous remarquons une lumière bleu, rouge ou verte alors que la lumière blanche (naturelle) n’est presque pas vue tant nous y sommes habitués. La couleur nous permet donc de remarquer la lumière. Cela joue bien sur le statut du Dieu de lumière dans une église, dans la mesure où il vient tout recouvrir sans être présent de façon matérielle. Il est toujours remarquable d’être dans une église lorsque la lumière du jour est zénithale puisque l’effet des vitraux est décuplé et une force surnaturelle semble envahir le lieu. Voici l’exemple de la Sagrada Familia de Gaudi que j’ai pu visiter vers 17 heures au mois d’avril en 2018


Suite à la rénovation de l’église abbatiale de Saint Denis, l’utilisation de la couleur bleue se répand autant dans les vitraux pour les constructions religieuses que dans l’art et dans le reste de la société. C’est ainsi que le Roi de France s’approprie le bleu pour son caractère divin. Le bleu était alors interdit à toute personne ne faisant pas partie de la famille royale, une personne lambda portant un habit bleu pouvait être arrêtée pour cette raison. Par la suite, les seigneurs se sont aussi appropriés cette couleur, et c’est en l’espace de trois générations que la couleur bleue devient une mode aristocratique.

Vierge à l’enfant, XVème siècle, Fra Angelico

De plus, c’est au cours de cette période que nous passons à un système à six couleurs, et non plus à trois couleurs. En effet, pendant longtemps les couleurs principalement utilisées étaient le blanc, le rouge, et le noir; nous pouvons dater ce code couleur à la préhistoire puisque les peintures rupestres étaient réalisées uniquement avec cette palette. Cependant, durant cette période du Moyen-Age, un besoin de hiérarchiser les individus en donnant des signes identitaires tel que le nom de famille, les armoiries, les insignes de fonction, demandent une plus grande variation possible des couleurs, ce qui explique le passage à un système à six couleurs, permettant ainsi d’avoir un nombre de combinaisons plus élevé. Une deuxième vague au XVIIIème siècle continue à valoriser le bleu aux yeux des Européens lorsque l’évolution des techniques permettent une création plus facile et plus accessible de ce pigment. Il devient à la mode, d’autant plus que le Jean arrive en 1850 et, avec l’effet de mode, le bleu se généralise dans les habitudes vestimentaires. Il a donc aujourd’hui perdu de sa force symbolique qu’il pouvait avoir au Moyenâge mais il s’est popularisé et a pris le statut de couleur préférée des Européens.

Arbre de Jessé, XIIème siècle, vitraux Basilique St Denis

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Après avoir vu l’exemple des drapeaux et symboles d’organismes internationaux, puis de la symbolique religieuse chrétienne liée à Marie, nous pouvons étudier des utilisations dans l’architecture. 1/ Etude de cas : salle des départs, Ettore Spalletti Prenons comme exemple l’hôpital Raymond Poincaré à Garche avec la salle des départs de Ettore Spalletti qui est aujourd’hui menacé de destruction à cause de la fermeture de l’hôpital et qui pose la question de son statut en tant qu’oeuvre d’art. Le but de l’intervention artistique de Spalletti était de créer un espace chargé de poésie et de métaphysique afin d’accompagner les personnes en deuil. Cette pièce, oeuvre de Ettore Spalletti réalisée en 1996, entièrement recouverte d’un camaïeu de bleu azur et d’éléments ponctuels en marbre blanc et noir, renvoie à la symbolique céleste du bleu en écho avec une idée d’éternité. Ettore Spalletti explique « L’azur dématérialise tout ce qui l’entoure, ôte au temps l’idée même de sa durée […]. L’azur contient et fige son essence intangible et perpétuellement renouvelée, l’espace exprimé dans son soupir éternel. […] On ne peut échapper à la réalité de la mort que par le truchement de la légèreté pure et fragile de la beauté. »22. Cette citation fait écho à la symbolique croyante du Moyen-Age, mais nous observons aussi simplement une approche sensorielle de la couleur puisque son choix se fait sur des ressentis plus que sur des symboliques, même si il y a une analogie avec un élément naturel: le ciel. Ce travail nous montre aussi comment l’artiste parvient à appuyer sa réalisation sur une architecture existante tout en la dématérialisant, notion en écho avec celle de Van Doesburg. L’artiste utilise des teintes de bleu azur spécifiques pour différentes parties de l’espace: les murs sont composés de deux teintes, une azur clair et l’autre azur. Les murs sont de couleur azur clair excepté un de couleur azur auquel l’artiste superpose un autre matériau teinté azur clair. Le plafond est bleu azur et le sol bleu saphir. Une continuité se crée donc entre un pan de mur et le plafond permettant de dématérialiser la limite de celui-ci qui apparaît comme une continuité verticale du mur. Les éléments azur clair permettent de dilater l’espace, de l’agrandir et sont synonymes de légèreté, alors que le sol bleu saphir (la teinte la plus sombre des trois) s’alourdit et, par cette lourdeur, se détache du reste de la pièce qui semble s’étirer vers le ciel. Il est donc interessant à travers cet exemple de voir qu’une certaine couleur, et son camaïeu, peut jouer un rôle essentiel puisqu’il s’agit ici de créer un lieu accompagnant les personnes traversant l’épreuve de la perte d’un proche.

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C/ L’EXPERIENCE SENSORIELLE ET PERSONNELLE DE LA COULEUR

22. article en ligne de Valérie Da Costa, Artnewspaper, 2018

L’artiste ici a un but et un projet précis qui semble être nait de la couleur azur elle même. Le pouvoir de son oeuvre se transmet donc ainsi par celle-ci et par la notion d’équilibre et de stabilité qu’il a réussi à établir. Sachant que nous avons tous des sensibilités au monde différentes, je suis persuadée qu’il est impossible pour une personne de pénétrer le genre d’espace créer par Ettore Spalletti sans rien ressentir.


Salle des départs, 1926, Ettore Spalletti

2/ La couleur: une expérience unique et personnelle La couleur porte un aspect personnel par la vision unique que nous pouvons en avoir. Le dernier exemple montre bien que l’artiste Ettore Spalletti se base sur nos sens et nos ressentis pour la création de cet espace. C’est dans cette mesure que je parle de personnel, du fait que ce que nous vivons face à des couleurs sont des sentiments, des sensations, que nous pouvons certes cerner par des mots mais nous ne pouvons pas entièrement partager cette expérience. Le travail de l’artiste ou de l’architecte est d’arriver à faire en sorte que chaque spectateur ou visiteur vive une expérience personnelle et unique. Concernant l’unicité de l’expérience, nous avons, en plus du sensoriel, l’aspect biologique puisque chaque oeil est fait différemment. Nous avons tous la même composition de l’oeil avec un cristallin, une rétine, des bâtonnets, des cônes, le nerf optique et les connecteurs au niveau du cerveau. Cependant, rien ne nous garantit que chaque partie a la même sensibilité selon les personnes. La rétine est la membrane interne de l’oeil qui est composée de cellules sensorielles de la vision appelées photorécepteurs. Ces photorécepteurs sont séparés en deux types: les cônes et les bâtonnets. Les

bâtonnets sont plus nombreux et se trouvent sur la périphérie de la rétine, ils permettent la vision dans des conditions où l’intensité lumineuse est faible mais avec une mauvaise acuité et sans perception des couleurs. Les cônes eux se trouvent principalement dans la partie centrale de la rétine. Le fonctionnement de ceux-ci nécessite une luminosité importante et permet la vision avec une grande acuité. Il existe trois types de cônes avec des sensibilités soit au bleu, au vert ou au rouge.

C’est donc grâce au système des cônes que nous pouvons percevoir les couleurs. Il se peut que mes cônes ne captent pas la lumière de la même façon que ceux de mon voisin. Nous avons typiquement le cas des daltoniens car,

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même s’ils sont conscients de ne pas percevoir toutes les couleurs, ils ne peuvent pas s’en rendre compte par eux-mêmes. Cela apporte donc forcément des nuances dans ce que nous percevons puisque chaque individu est unique, nous pouvons donc supposer que chaque vision est unique. Nous nous regroupons et partageons la vision uniquement par les mots, nous ne pouvons pas réellement permettre à quelqu’un de voir ce que nous voyons à travers nos yeux. Cela pourrait expliquer des variations de sensibilité. Cela pourrait aussi sous entendre que potentiellement nous voyons tous les couleurs d’une façon différente mais, comme nous avons appris à mettre certains noms sur certaines couleurs, nous ne pouvons pas justifier ces différences dues au caractère immatériel de la couleur qui ne peut être ressenti autrement que par la vision. J’ai réalisé une expérience pour analyser comment les gens réagissent à la couleur et à certaines associations. J’ai donc généré des dessins avec les murs soit d’une même couleur mais avec des teintes différentes soit par la combinaison de couleurs complémentaires.

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Cela m’a ensuite permis de faire un sondage pour savoir dans quelle pièce la personne préférerait entrer, dans l’idée de savoir où spontanément se porte son regard. Ce sondage a été réalisé par le biais des réseaux sociaux dans des groupes de discussions auprès de cinquante personnes (amis et proches). Pièce choisit

appréciée car ce sont des teintes que nous trouvons facilement dans notre environnement, ce qui est plus rare avec le violet par exemple. Ce serait cet équilibre connu qui crée donc une confiance dans le spectateur puisqu’il est face à un évènement qui lui semble familier, contrairement au scénario numéro 12; en effet, nous nous retrouvons rarement entourés de vert sur le sol avec un fond rouge.

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Cette étude aurait pu être réalisée sur une palette de couleurs encore plus grande. Elle aurait peut-être apporté plus de finesse dans les résultats mais aurait nécessité un sondage auprès d’un plus grand nombre de personnes. La question du choix de ces personnes se serait également posée.

Cette partie nous a donc permis de voir que la couleur a vécu et traversé les époques avec différents statuts, son cheminement n’a pas été linéaire. Je pense que c’est ce qui a contribué à la richesse et à la complexité que chaque couleur porte. De plus, nous avons aussi pu comprendre qu’une poésie est liée aux couleurs puisque celles-ci sont indissociables des mots, ces mots que chaque individu utilise pour la décrire, pour en parler, pour arriver à partager une sensation et un ressenti individuel.

Cette expérience me permet principalement de déduire que certaines combinaisons de couleurs n’attirent absolument pas alors que d’autres semblent plébiscitées un peu plus unanimement. Il est cependant intéressant de voir que, sur seulement une cinquantaine de personnes, on observe que les choix sont relativement répartis, même si le bleu et le orange semblent avantagés. Dans cette expérience, c’est donc le scénario numéro 7 qui a été le plus souvent choisi : un sol et un fond orangé dans un encadrement bleu peut renvoyer à l’image que nous avons lorsque nous nous trouvons en extérieur: le bleu pour le ciel, les rivières, la mer… et le orange pour la terre, les champs, les couchers de soleil, les fruits, les légume... La combinaison orange et bleu est probablement la combinaison de couleurs complémentaires la plus vécue et la plus

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La couleur, un outil spatial


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Enfin, dans cette troisième et dernière partie, nous allons déterminer les qualités spatiales de la couleur et donc développer l’enjeu de son utilisation pour ensuite étudier plusieurs cas concrets d’architecture ou de création d’espace par des architectes ou artistes du XXème et XXIème siècle.

La couleur développe des effets et des qualités spécifiques dans l’espace. Nous allons nous pencher sur les méthodes et techniques développées afin d’exploiter leur potentiel pour des compositions en deux dimensions. La couleur peut être utilisée pour développer des systèmes équilibrés, des processus dynamiques, ou des relations de pouvoir. Les artistes se penchant sur ces techniques de couleurs ont tendance à planifier de façon organisée les relations entre les éléments 2D et l’espace, la forme et la couleur lors de son utilisation. Les relations entre ces éléments peuvent permettre à l‘artiste d’appréhender si les espaces bidimensionnels vont se stabiliser l’un l’autre, si les couleurs se déplacent entre elles pour créer des associations spéciales ou si l’espace coloré semble dissoudre. Des expérimentations et des tests suivants des études de formes et de gradients colorés permettent à l’artiste d’appréhender les effets perçus de l’image réalisée par les couleurs. Cependant, l’artiste ne peut pas entièrement prévoir les mécanismes pouvant se mettre en place lors de la réalisation et de l’interaction de certaines couleurs entre elles, entraînant de nouveaux phénomènes. Cela nous renvoie aux écrits de Kandinsky lorsqu’il explique qu’il faut continuer à nourrir son savoir et son rapport aux couleurs par les lectures et l’expérimentation. Les artistes Josef Albers, peintre allemand et membre du Bauhaus, et Bridget Riley peintre anglaise du XXème siècle, sont des exemples pour leur utilisation de la couleur dans des structures géométriques 2D pour créer des impressions 3D. L’effet spatial des espaces de couleur 2D sont basés sur « contrast, parallelism, offsetting, intersection, repetition, interlacing or inversion »23. Ces principes permettent de créer de l’espace en mouvement, qui se dilate, se rétracte, s’avance ou se recule. Ces sept principes sont essentiels à connaitre pour un artiste souhaitant travailler la couleur en relation avec l’espace.

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A/ LES RÈGLES GÉNÉRALES ENTRE LA COULEUR ET L’ESPACE

L’étude du chapitre « units of color and surface » de Thinking color in space de K. Schultz, H. Wiedemann-Tokarz, E.M. Herrmann, nous apprend que, même en se posant sur une structure tri-dimensionnelle, celle-ci peut apparaître plate ou plus rayonnante en fonction d’une seule couleur. L’intensité de la couleur peut être utilisée afin de créer plus de profondeur et de densité, ou bien même pour créer des solides colorés non matériels. L’emploi de la lumière permet de créer des effets d’espace, ce qui est rendu possible par l’utilisation de teintes plus ou moins claires d’une couleur afin de venir générer de l’espace sur une surface plan. La relation entre la couleur et l’espace présent ou entre plusieurs couleurs peut générer des ambiances calmes et équilibrées, denses et complexes ou encore suivant un rythme et créant du mouvement. 23. Thinking color in space, 2018, p.99

Des relations de pouvoir viennent se créer entre des couleurs, basées sur des


Nataraja, 1993, Bridget Riley

Contrast, offsetting, repetition

proportions numériques ou intuitives, mais aussi sur leurs intensités et leurs contrastes. Les couleurs sont donc en échange avec celles qui les entourent et cela dépend aussi de leurs positions, de leur tailles qui vont influencer le développement de plus d’intensité. Nous savons donc que, de façon plutôt inévitable, la couleur dans l’espace va venir jouer avec la notion de profondeur. La couleur peut venir visuellement effacer les contours et délimitations d’une pièce. Elle peut aussi venir jouer sur les proportions et les effets de perspective. Dans une utilisation voulue et réfléchie, la couleur peut venir changer ou faire disparaître les lois physiques de l’espace. En optant pour une approche plus structurelle, nous pouvons commencer par observer l’interaction simple entre une architecture et une couleur. En effet, une couleur simple dans une structure simple ne va pas nous apparaître comme une couleur monochrome puisque des jeux d’ombre et de lumière vont venir se créer par la structure, ce qui va donner au plan monochrome un aspect polychrome. Nous pouvons aussi prendre le cas des anamorphoses, où la couleur est utilisée dans un espace en trois dimensions et nous permet clairement de nous rendre compte que, en fonction de notre position, la couleur n’évolue pas de la même façon.

Elapse, 1982, Bridget Riley

Contrast, repetition, parallelism

Interaction of colour, 1963, Josef Albers

Intersection, inversion, offsetting

Anamorphose, 2003, George Rousse

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Nous pouvons généraliser cela en expliquant que le mouvement du spectateur vient prendre un rôle à part entière et que la perception du celui-ci s’agrandit par le facteur du temps qui englobe son mouvement dans l’espace tri-dimensionnel. La profondeur de la structure en relief peut donc être vécue spatialement; elle change en fonction de la position du spectateur et de la situation lumineuse: « it is possible that even surfaces painted in the same color appears different and thereby lead to a multifaceted color perception. » et « the viewer becomes part of the art »24. Nous comprenons par ces citations que la présence du spectateur est à la fois essentielle par sa capacité à voir la couleur (ce que nous avons évoqué plus tôt) mais aussi par sa capacité à se déplacer et à vivre l’expérience de la couleur qui a un caractère changeant en fonction des espaces et du rapport à la lumière.

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La couleur entre en interaction avec l’espace et l’architecture, à partir du moment où celle-ci recouvre des surfaces d’une pièce et devient un élément englobant de l’espace tri-dimensionnel. Comme nous l’avons dit, la superposition de la couleur à un espace peut créer un phénomène spatial entièrement nouveau. Dans un cas extrême, le résultat peut être l’apparition d’une image complètement abstraite. Si nous prenons l’exemple de l’artiste Dutch Jan van der Ploeg, nous pouvons observer son approche graphique avec l’utilisation de couleurs vives et contrastées qui lui permettent de créer un dialogue avec l’espace présent. Son but est de dissoudre les limites entre l’image murale et l’architecture.

Wall painting n379, 2016, Jan van der Ploeg

24. Thinking color in space, 2018, p.117

B/ LA MISE EN APPLICATION DE CES RÈGLES

J’ai réalisé un travail d’expérimentation sur le dessin d’une pièce composée de trois murs, le sol et le plafond afin d’analyser certains effets spatiaux créés par la couleurs. Les associations des couleurs bleue et jaune aux propriétés différentes nous permettent de démontrer comment celles-ci peuvent moduler l’espace, créer des ambiances et espaces différents.


De plus, si nous mettons cette expérimentation à l’échelle de la grande palette de couleur existante, nous comprenons la vaste diversité des possibilités d’espaces que nous pouvons créer en tant qu’architecte. Nous observons que, selon les situations, parfois il nous semble que nous regardons simplement un cadre, parfois des parties de la pièce disparaissent, nous nous projetons physiquement plus ou moins bien dans certains espaces et certaines pièces nous semblent être des éléments 2D. Nous comprenons bien que la couleur développe ses propres règles, à travers des teintes et contrastes, qui sont indépendantes des impressions physiques, spatiales et qui peuvent jouer contre ou renforcer la perspective présente. Les surfaces colorées peuvent donner l’impression qu’un espace est plus étroit, plus large, plus profond, plus plat, plus grand ou plus petit. Les couleurs ont donc un impact sur la perspective perçue et les proportions de l’espace. Les zones foncées qui sont en contraste avec un entourage vont en général réduire ou effacer les dimensions perçues de l’espace. Les couleurs transmettent une impression tri-dimensionnelle par la communication entre elles, ce qui signifie qu’une teinte de couleur va être mise en avant ou absorbée, en termes de perspective, en fonction des couleurs voisines. Nous pouvons généraliser une règle sachant que les couleurs claires auront tendance à être mises en avant alors que les couleurs foncées à reculer vers le fond. C’est donc ces effets qui peuvent être utilisés en architecture afin de créer de nouveaux niveaux de perception. L’architecte Krischanitz décrit l’interaction entre les

surfaces colorées et l’architecture . De plus, les expériences personnelles du spectateur vont venir déterminer et impacter ses attentes chromatiques de l’espace. Par exemple, nous nous attendons souvent à ce que le sol soit plus foncé que les murs. Cela peut être relié à l’expérience de la nature, où, pendant la journée, le ciel clair s’étend au dessus du paysage de teinte plus foncée ou moins lumineuse. C’est donc lorsqu’on bouscule ces notions habituelles de la couleur dans l’espace, qu’une sensation d’irritation et d’incompréhension peuvent apparaitre, mais qui génère bien un changement de perception de l’espace. L’espace architectural est généré par des éléments construits qui délimitent un espace ou qui le structurent. Les surfaces colorées d’une pièce créent un événement marquant visuellement, les éléments de la pièce deviennent organisés, zonés par un rythme donné. La couleur, lorsqu’elle est utilisée par application monochrome, a un effet homogénéisant qui unit les espaces. Dans un effet contraire, les changements de couleur peuvent marquer des limites claires. Luis Barragan, architecte mexicain du XXème siècle (1902-1988), travaillait énormément avec la couleur et a réussi à l’employer avec beaucoup de maîtrise dans ses réalisations architecturales. Il composait des interactions de surfaces colorées dans l’espace de façon à ce qu’elles semblent se détacher du volume construit et qu’elles développent une atmosphère nouvelle et complètement indépendante. Luis Barragan utilisait la propriété rayonnante des couleurs

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LA COULEUR ET L’ESPACE

en relation avec l’architecture, tout en modifiant l’effet visuel des éléments architecturaux. Il percevait la couleur « as bringing out the full potential of architecture »25. Il utilise à la fois la couleur pour ses propriétés spatiales, mais aussi pour sa participation à la génération d’atmosphères qui dégagent des messages émotionnels forts : « I Believe in emotional architecture. It is very important for humankind that architecture should move by its beauty »26. Cet architecte combine des espaces muraux minutieusement composés, par leur hauteur, longueur ou position, avec la couleur. Cela permet aux murs de devenir des surfaces colorés abstraites, il réussit à dématérialiser la matière par la couleur. En effet, son but était de faire fondre ensemble la composition de l’espace, la couleur et la lumière. Pour cela, les couleurs fixées sur des matériaux rigides pouvaient s’en séparer et se dissoudre dans l’espace par les effets de lumière et de réflection. Comme résultat, nous avons l’exemple de son studio à Mexico City, qui est un lieu de réflection complètement introverti et détaché de son environnement.

Cuadra San Cristobal, 1968, Luis Barragan

25. Thinking color in space, 2018, p.62 26. Ibid, p.63 27. Caractère chinois de l’écriture japonaise 28. le premier alphabet appris par les enfants japonais

C/ ETUDE DE CAS: LES TRAVAUX D’EMMANUELLE MOUREAUX

Nous trouvons aujourd’hui de nombreux architectes-artistes qui travaillent la notion d’espace par la couleur, sans avoir forcément recours à des matériaux pérennes. C’est en effet le cas d’Emmanuelle Moureaux qui possède un cabinet de design et d’architecture, chez qui j’ai réalisé mon stage à la fin de ma deuxième année d’études d’architecture. Actuellement basée à Tokyo, elle a suivi une formation d’architecte dans l’école nationale d’architecture de Bordeaux. Son travail est basé sur le concept de « shikiri » qui est à l’origine de ses projets. En changeant un des kanji27, elle a pu s’approprier ce terme et en faire émerger une nouvelle signification: diviser l’espace par les couleurs. Elle utilise donc la couleur non pas comme un élément de finition mais comme l’élément qui vient composer l’espace. En échangeant avec elle, j’ai pu comprendre que, pour elle, le plus important dans ses projets est la sensation et les émotions créés lorsqu’une personne entre dans


cet espace. Tout l’enjeu de son travail est de recréer la sensation qu’elle a ressentie en arrivant pour la première fois à Tokyo : elle a été submergée par toutes les couleurs des panneaux principalement et leurs superpositions. Elle utilise plusieurs types de matériaux mais il est interessant de voir qu’elle travaille l’espace avec des matériaux auxquels les architectes ne peuvent pas forcément avoir recours. Au cours de mon stage, j’ai participé à deux projets, qui eux deux utilisaient le papier comme élément principal. Pour le projet auquel j’ai participé à l’installation, il s’agissait de lignes de hiragana28 faites en papier. Elle travaille depuis plusieurs années autour d’une ligne directrice de « 100 colors » qui lui a permis de créer ses propres couleurs et son propre ordre de couleurs qu’elle respecte pour chacune de ses installations. Ces 100 couleurs sont donc utilisées pour différents types de projet. Durant mon stage, j’ai donc participé à l’installation « universe of words » qui m’a permis de voir toutes les étapes de production de ce projet. C’était surprenant de voir à quel point, en 5 jours, nous avions complément transformé et dissous les murs de la salle d’exposition en un monde baignant sous la couleur. La finesse des matériaux (papier et fil de pêche), la quantité (140 000 hiraganas) et la régularité d’alignement permettaient de créer un univers léger qui nous portait, nous faisait flotter. Je connaissais son travail avant de réaliser mon stage dans son cabinet mais j’ai été surprise de la réelle différence entre voir une image de l’installation et la vivre. Nous en revenons donc à la notion d’expérience où seul le spectateur peut faire vivre, donner sens et comprendre par son corps et ses sensations l’expérience qu’il est en train de vivre.

Universe of words, 2019, Emmanuelle Moureaux

Cet exemple nous montre la diversité des matériaux utilisés comme supports à la couleur mais aussi à quel point celle-ci peut devenir englobante. L’étude sur laquelle nous nous sommes penchés nous a permis de justifier l’utilisation de la couleur dans la création d’espace comme une utilisation pertinente puisque la couleur est un des outils que les architectes ou artistes peuvent utiliser pour travailler l’espace autant de façon structurelle que sensorielle ou émotionnelle. Cela engendre donc un travail sur les impressions et ressentis de chacun en tant qu’individu dans la création d’espace.

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CONCLUSION



LOU RICOME LA COULEUR ET L’ESPACE ENSAL 2019-20 E642 RAPPORT D’ÉTUDE TUTEUR: CHANTAL DUGAVE

En conclusion, nous avons comparé dans cette étude, dans un premier temps, deux périodes historiques , l’Antiquité grecque et l’époque Moderne, afin d’étudier son utilisation mais aussi l’évolution de son statut à travers le temps. Cette première partie nous a montré comment la couleur possède non seulement des effets physiques que nous expérimentons tous, mais aussi des aspects sensibles qui génèrent des expériences individuelles uniques. Dans un deuxième temps, l’étude de cas sur la couleur bleue nous a permis de saisir la complexité de son caractère qui a traversé les époques. Ainsi, nous avons montré que la couleur a évolué pour s’enrichir grâce à des pratiques d’utilisation et à des évènements qui ont provoqué sa mutation. Dans une troisième partie, nous avons abordé les principes structurels et spatiaux que les couleurs génèrent. J’ai pu découvrir dans ce travail que la couleur en elle-même pouvait réellement être considérée comme un outil de conception et de construction architecturale. En effet, nous avons pu observer par des exemples et expérimentations que la couleur génère des mouvements dans l’espace en dilatant, écrasant, ouvrant, rapprochant... Nous savons donc maintenant qu’une certaine connaissance et curiosité sur les couleurs nous permettent d’exploiter leurs capacités lors de leur utilisation. Ce savoir est à la fois basé sur des observations concrètes et physiques mais il est aussi le résultat d’enrichissements personnels par l’expérimentation et la recherche. Il nous faut donc être attentif à nos sens et à nos ressentis face à la couleur pour mieux la saisir. Il faut être conscient de sa présence comme élément tri-dimensionnel et non pas comme élément décoratif bi-dimensionnel. Il ne s’agit pas d’un filtre mais bien d’un élément spatial. L’expérience même de la nature nous démontre cela puisque nous sommes englobés par des éléments polychromes qui permettent de créer des ambiances et des atmosphères qui ont des impacts variés sur nos ressentis. En effet, nous n’aurons pas la même expérience de vécu en nous trouvant au coeur d’une forêt dense, au milieu de la mer ou traversant un paysage aride. La couleur devient caractéristique de certains milieux naturels, elle est un élément identitaire. Je pense que nous pouvons apprendre de la nature en architecture puisque la création d’espaces est en interaction avec l’expérience personnelle du spectateur. Des exemples nous montrent que la couleur en architecture peut aussi avoir un effet englobant sans être véritablement contenue. C’est en effet le cas de l’exemple de la place publique « City lounge » réalisée par Pipilotti Rist, plasticienne contemporaine suisse, à St Gallen.


Par ailleurs, aujourd’hui nous savons que l’architecture contemporaine ne favorise pas forcément l’utilisation de la couleur. Quand celleci est employée, c’est la plupart du temps de façon monochrome. Nous pouvons expliquer cette pratique par le fait que l’utilisation d’une seule couleur est plus facile et moins risquée car cela évite les dialogues qui peuvent se créer entre plusieurs couleurs. Je trouve cependant que la couleur a un rôle à jouer et qu’elle devrait être au coeur des enjeux sur lesquels les architectes doivent se pencher. Par ailleurs, toutes les écoles d’architectures ne proposent pas forcément des cours sur la couleur, ce qui est le cas pour l’ENSAL. Ceci peut expliquer le manque de familiarité et de connaissances de celles-ci de la part de certains architectes alors qu’elle pourrait offrir aux architectures et espaces une plus grande diversité de sensations et de ressentis. Cette étude nous apprend bien que toutes les dimensions, sensorielles et physiques, de la couleur peuvent être employées dans une architecture afin d’en faire ressortir son plein potentiel. Certains architectes ont bel et bien saisi sa valeur et ses capacités ce qui leur a permis de l’utiliser dans leur architecture et d’apporter une dimension parfois absente d’architectures incolores. C’est effet le cas avec certains travaux récents d’agences d’architecture comme nous pouvons le constater dans les références en annexe. La couleur semble parfois complètement absente de la réflexion architecturale alors que celle-ci est indisociablement liée à la lumière, élément fondamental dans la conception d’espaces. Je pense aussi que nous pouvons apprendre à bien faire travailler ensemble les matériaux et la couleur de façon à ce qu’ils deviennent complémentaires et se valorisent l’un l’autre. Je sais que, dans l’architecture d’aujourd’hui, les matériaux sont bien plus privilégiés que les couleurs. Cependant, comme nous l’avons vu avec Théo Van Doesburg, les couleurs sont des outils architecturaux au même niveau que les matériaux. Aors que l’utilisation des couleurs n’est donc pas forcément plus difficile que ceux-ci. Je pense que l’architecture de demain devra porter la même importance à la couleur que celle qu’elle porte aujourd’hui à la lumière et aux matériaux.

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B


Bibliographie Livres

E.H Gombrich, 1950 (édition originale), Histoire de l’art, ,1998, Paris, Gallimard, 688

pages

Wassily Kandinsky, 1988,Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, Paris,

Gallimard, Folio. Essais, 210 pages

Kerstin Schultz, Hedwig Wiedemann-Tokarz, Eva Maria Herrmann, 2018, Thinking color

in space, Birkhauser, 368 pages

articles

Valérie Da Costa, 2018, Rencontre: La salle des départs conçue par Ettore Spalletti à

l’Hôpital Raymond-Pointcaré à Garche, Artnewspaper, 22 novembre 2018

POdcasts

Michel Pastoureau de toutes les couleurs, Augustin Trapenard, France Inter, 21 octobre

2019

La guerre des couleurs (sur Anish Kapoor), Lucille Commeaux, France Culture, 11 janvier

2017

Sonia Delaunay: des couleurs dans les yeux, France Culture, 21 septembre 2019

De la couleur! (en 4 épisodes), Adèle Van Reeth et Philippe Petit, France Culture, 7, 8, 9

et 10 novembre 2013

Autres

Documentaire Des Racines et Des Ailes: Le parthénon retrouve ses couleurs!, France 3,

28 novembre 2017

Série télé : Le Bauhaus à 100 ans! épisode 1, Arte, 2019

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sources images

https://www.patrimoine-histoire.fr/Patrimoine/SaintDenis/Saint-Denis-Basilique-Saint-Denis.htm Image panthéon: https://www.youtube.com/watch?v=7GGa4ZEvtA0 http://kuepperscolor.farbaks.de/fr/farbentheorie/farbenlehre_in_vergangenheit_und_zukunft.html http://art-histoire-litterature.over-blog.com/2015/02/le-bauhaus-1919-1933-de-weimar-a-dessau-1er-partie.html piet mondrian:https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Composition_A_by_Piet_Mondrian_Galleria_Nazionale_d%27Arte_Moderna_e_Contemporanea.jpg https://es.wikipedia.org/wiki/Archivo:Sintesis_ryb_plano.svg couleurs primaires et secondaires :http://www.op-art.co.uk/bridget-riley/ https://www.tate.org.uk/whats-on/tate-modern/talk/on-matisse-talk-bridget-riley https://www.pinterest.fr/pin/526850856412482700/ Barragan : http://www.buro247.mx/cultura/estilodevida/arquitectura/el-ltimo-espacio-disenado-por-luis-barrag-n.html http://www.iamhutton.com/blog/2014/12/5/luis-barragn http://onditmedievalpasmoyenageux.fr/panneaux-de-la-fin-du-moyen-age-a-new-york/ Gaudi:https://www.flickr.com/photos/23074701@N02/35261652373 Bridget Riley: https://www.schirn.de/en/magazine/context/josef_albers_interaction_of_color_peter_halley_color_theory/ Schéma oeil: https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Schéma_œil_humain.svg George rousse: https://www.pixopolitan.com/blog/georges-rousse-magie-de-lanamorphose/ https://clairelommeblog.wordpress. com/2019/05/23/georges-rousse/ Pipilotti Rist : https://amysian.wordpress.com/tag/art/ L’ https://www.theplan.it/eng/magazine/-the-plan-015-7-2006-/els-colors-nursery-school https://www.plataformaarquitectura.cl/cl/02-279342/guarderia-els-colors-rcr-arquitectes/51ecb1abe8e44eff9f0000b2-els-colors-nursery-rcr-arquitectes-elevation http://www.archdaily.com/79913/educational-centre-in-el-chaparral-alejandro-munoz-miranda/arquitecto-9/ https://www.hotelsdeluxevisainfinite.ca/hotel-detail/opposite-house-hotel-beijing https://www.designboom.com/architecture/kengo-kuma-the-opposite-house-hotel-beijing/

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A


ANNEXE

Opposite House, 2008, Kengo Kuma, Beijing, China

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Guarderia ‘Els Colors’, 2004, RCR Arquitectes


Educational Centre in El Chaparral, 2010, Alejandro Muñoz Miranda

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R


Résumé

Dans ce rapport d’étude, nous nous penchons sur le rapport entre la couleur et l’espace, afin de comprendre pourquoi celle-ci est un outil indispensable à la conception architecturale. Nous pourrons, tout d’abord , comparer deux périodes historiques distinctes et charnières, l’Antiquité grecque et l’époque Moderne, afin d’étudier son utilisation mais aussi l’évolution de son statut à travers le temps. Cette première partie nous montrera comment la couleur possède non seulement des effets physiques que nous expérimentons tous, mais aussi des aspects sensibles qui génèrent des expériences individuelles uniques. Par la suite, une étude de cas sur la couleur bleue nous permettra de saisir la complexité de son caractère qui a traversé les époques. On montrera que la couleur a évolué pour s’enrichir grâce à des pratiques d’utilisation et à des évènements qui ont provoqué sa mutation. Après avoir saisi les raisons de la complexité des couleurs dans cet exemple, nous mettrons en avant les principes structurels et spatiaux que celles-ci génèrent. Ces principes sont à apprendre et à maîtriser notamment par l’expérience puisque les couleurs génèrent des espaces faisant appel aux sens et aux ressentis de chacun. Des exemples d’architectes et d’artistes illustreront ces effets structurels et sensoriels pour démontrer l’ampleur des capacités des couleurs.

Throughout this study, we will be focusing on the relationship between colour and space in order to understand why colour is essential to the architectural conception process. Firstly, we will be comparing two different historic periods representing times of transition regarding colour’s status in society. Theses two periods, the greek Antiquity and the moderne times, will show us the ways colour was used as well as the evolution of its status through time. This first approach will also demonstrate the physical effects colour possesses, as well as the sensitive ones that will create individual and unique experiences. We will then follow with a case study on the colour blue in oder to grasp the complexity of its character as it has gone through so many time periods. The variety of ways to use colour and the connotations it holds, increased and enriched its meaning. Once this case study will have shown us the reasons why colour can be perceived as such a complexe element, its structural and spatial capacities will be put forward. Theses principles are to be learnt and mastered through individual experiences in order to use them correctly and to bring out the full potential of colours. Finally, the work of artists and architects will illustrate theses structural and sensitives effects which will demonstrate the extent of their capacities and their effects on our senses and feelings.

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ENSAL 2019-20 E642 RAPPORT D’ÉTUDE TUTEUR: CHANTAL DUGAVE

LA COULEUR ET L’ESPACE

LOU RICOME


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