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Tours de l’étoile et projet du PAV, Genève
Vers le choix d’un site de projet
La tour et son rapport à la ville
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Stratégie de la ville de Genève Territoire et urbanisme
La ville de Genève, bien que faisant partie des plus grandes villes de Suisse comme Zürich ou Bâle adopte des stratégies de développement urbain différentes. Avec une ville comme Bâle qui produit des tours qui servent les intérêts des grands acteurs ou la ville de Zürich qui produit des tours dans des anciens quartiers industriels proche des voies de chemin de fer, Genève oriente son développement avec la ramification de ses communes alentours et la mise en valeur de sa situation avec un pays frontalier.
Plan directeur cantonal 2030
À cette échelle, le canton a mis en place une stratégie d’intervention visant à «proposer un projet de territoire qui respecte l’équilibre entre le développement des activités humaines et une gestion durable du territoire. Il s’agit d’offrir une réponse aux besoins en logements, activités, mobilité, équipements, services, loisirs et espaces publics, tout en préservant et valorisant patrimoine bâti, paysager et naturel, les terres cultivables et la qualité de vie.»1.
Les nouveaux projets à Genève
Au travers de cette vision, on retrouve des projets de quartiers comme le PAV ou encore les projets Belle-Terre à Thonex et l’écoquartier des Vergers à Meyrin en développement en ce moment même. Très identitaires comme le décident les plans localisés de quartiers associés, ils ont la capacité d’être des centres attractifs pour les habitants et travailleurs et font ainsi l’objet de connexion aux réseaux de communication et de transports de la ville.
1ge.ch, Plan directeur cantonal 2030, paragraphe 3
La tour et son rapport à la ville
SNCF - direction France
CFF - direction Lausanne
Lancy - Pont Rouge Carouge - Bachet
Gare Cornavin
Croquis du réseau de communication du CEVA
Champel - Hôpital
SNCF - direction EVIAN SNCF
Genève - Eaux-vives Chêne-Bourg Annemasse
Stratégie de la ville de Genève Réseaux de communication
Certains aspects et quartiers de la ville de Genève se développent de concert avec le projet de réseau de communication du CEVA. Il a pour objectif de relier les différents quartiers et gares de Genève autour desquels on retrouve des quartiers en fort développement. Appelés dans ce document les nouveaux «îlots d’urbanité». Il relie aussi des villes frontalières comme Annemasse et devient alors un projet de réseau transfrontalié.
La ville se développe aussi de manière importante à l’intérieur de ses frontières avec les réseaux de transport des TPG (transports publics genevois).
Vers une disparition de la voiture?
Le développement se base sur la raréfaction de l’usage exclusif de la voiture dans la ville de Genève. En effet le nombre des usagers se servant uniquement de la voiture à Genève est passé de 21% en 1994 à 8% en 2018. Cette stratégie vise donc une multiplication des réseaux de transports commun.
Le besoin d’appartenance
Sociologiquement, l’homme a besoin de se sentir connecté et d’appartenir à une communauté. C’est ce qui semble se passer avec la multiplication des interactions dans les quartiers d’habitat coopératif et l’utilisation des réseaux sociaux. Les nouveaux quartiers doivent donc garantir un rapport aux environs et voisins important et donc un rapport à la ville.
Il va de soi que les dispositifs architecturaux à mettre en œuvre sont à l’appréciation du projeteur et du site d’intervention.
La tour et son rapport à la ville
Plan de situation
1:10’000
Tours de l’Etoile Données
Date de concours Lieu de concours
Architecte Hauteur Densité
2013-2015 Genève, Suisse Pierre Alain Dupraz Architectes
175 mètres (données concours) très élevée
Les grandes tours de l’Etoile s’inscrivent comme élément majeur du développement du nouveau quartier du PAV (Praille-Acacias-Vernets) à Genève. Défini comme une «nouvelle centralité métropolitaine», le quartier se développe avec le croisement de l’Etoile et se veut devenir «un quartier fonctionnant sur un mode 24h/24h, sept jours sur sept»1
Les tours appelées «tours XL» naissent grâce à une combinaison de morphologies composant ce nouveau quartier. Les tours sont donc composées de socles, corps multiples et couronnements. Elles agissent comme des repères et dialoguent naturellement entre elles et avec leur cinq autres voisines de taille moyenne et petite (voir photographie de maquette p.186).
La tour et son rapport à la ville
Figure 48_Vue du croisement de l’Etoile

Figure 49_Skyline de la ville de Genève

Vision territoriale
La morphologie lauréate propose un premier gabarit composé de quatre îlots de 30 mètres de hauteur reprenant la géométrie des routes et des rues et au passage le PLQ (plan localisé de quartier). L’ensemble est articulé par un total de sept tours de hauteurs très différentes qui signalent les voies principales (la route des Acacias, l’avenue de la Praille et les voies ferroviaires au sud). Chaque îlot est composé au nord par une tour de 76 mètres. Cela permet d’éviter les nuisances causées par les ombrages excessifs des tours.

Les grandes tours ont été placées selon les études d’ensoleillement du quartier. Leur gabarit est si imposant qu’il est nécessaire d’étudier l’ensoleillement de chaque période.
En étant les plus grandes tours du canton, elles cherchent à établir un rapport indirect avec le jet d’eau de Genève: les derniers décrochés s’effectuent à 138m, hauteur du jet d’eau.
Le quartier devient très dense, à tel point que l’on semble pouvoir ressentir la densité depuis la pointe sud ou la pointe nord du PAV. L’ambition est claire et son impact territorial important. Ces tours marqueront un nouveau centre depuis toutes les routes qui mènent à Genève, depuis toutes les montagnes alentours. Nous les verrons tout de suite depuis le Salève et même depuis le Jura. Sont-elles trop ambitieuses?
La tour et son rapport à la ville
Figure 50_Les 7 règles d’’urbanisme



Socle et rapport direct à la ville
Les grandes tours de l’Etoile s’implantent avec tout un ensemble d’îlots et de plus petites tours à l’aide de règles que la ville et le lauréat ont établi.
Les 7 règles d’urbanisme
Le rapport direct au quartier de l’Etoile, à la route des Acacias et à la route des Jeunes est assuré par quatre îlots d’une hauteur de 29 mètres. Ce gabarit correspond à celui du tissu existant de la ville et assure des liaisons pratiques et visuelles. Des fronts de rue sont garantis par ces parties basses et assurent cette continuité avec laquelle les villes comme Genève se construisent.
Le quartier est ensuite rythmé par des tours de petites tailles agissant donc à une échelle intermédiaire. Avec une hauteur de 76 mètres, elles correspondent plus en proportions aux tours que l’on connaît à Genève (on peut dire qu’elles sont des intermédiaires entre la tour de la RTS de 60 mètres et les tours du Lignon de 91 mètres).
Le projet composé de ces îlots et de ces tours est lié avec les espaces publics existants de la ville par la création de la voie verte et de la remise à jour du cours d’eau de la Drize.
L’ensemble présentant une densité élevée, une place centrale est aménagée au sud de l’avenue de la Praille.
Enfin, les tours mixtes de grande hauteur (175 mètres) s’implantent de manière indépendante le long de la route des Jeunes.
La tour et son rapport à la ville
Figure 51_Plan du rez-de-chaussée sans échelle
Programme et typologie
Le projet lauréat a choisi de répartir les affectations par juxtaposition plus que par superposition. Ce qui selon le jury «facilite la rationalité économique et offre une souplesse programmatique, tout en assurant une bonne mixité à l’échelle de l’îlot»1 . Cette mixité par juxtaposition est tout de même composée avec une mixité par superposition. Avec des tours qui sont composées de bas en haut par des équipements publics et privés divers et variés, des logements dans les deux tiers supérieurs de la tour et enfin d’un belvédère accessible par tous dans le dernier niveau de la tour (donnée imposée par la ville de Genève).
Les logements proposés dans les socles varient du 2 pièces au 6 pièces, assurant une diversité sociologique importante. Les tours, quant à elles sont vouées à offrir des appartements plus généreux et plus onéreux accueillant une classe plus aisée mais toujours dans des configurations très différentes.
Structure et environnement
Les tours et le quartier sont pensés conjointement à la remise à jour de l’ancien cours d’eau du quartier: la Drize. Ce cordon devient alors l’élément vert principal du développement de ce quartier avec un effet positif sur l’îlot de chaleur urbain.
1Rapport du collège d’experts, mandats d’étude parallèles, Etoile, p.47
La tour et son rapport à la ville

Le projet du quartier de l’Etoile tient ses forces des rapports d’échelles variés qu’il entretient avec la ville. Petite, moyenne et grande échelle lui donne une légitimité.
Les grandes tours de l’Etoile composent une nouvelle skyline de la ville de Genève quand les plus petites composent le nouveau quartier dans un rapport direct.
L’approche du quartier est cohérente avec le tissu de Genève et les tours marquent plusieurs niveaux de ville.
Zölly Tower
Vision territoriale un repère et une centralité
Socle et rapport direct à la ville un îlot d’urbanité
Programme & Typologie mixité et diversité
Structure simple et cohérente
Environnement réflexion globale
La tour et son rapport à la ville
Figure 53_Plan de situation PAV sans échelle
PAV Données
Date du concours Date du masterplan Lieu du concours Architecte Densité
2005 2007 Genève, Suissefaible à élevée
«Le projet Praille Acacias Vernets (PAV) représente le plus grand potentiel de logements du canton et une opportunité de développement unique en plein cœur de la ville.»1
Le projet se situe dans ce que l’on pourrait appeler le point de départ de la périphérie de la ville de Genève. Au delà de ce quartier se trouvent les communes de la ville de Genève comme Lancy, Onex ou Plan-les-Ouates qui représentent des parties de ville moyennement denses dont le développement et la densification sont également des sujets d’urbanisme importants.
Le projet est basé sur les anciennes activités industrielles du site et est caractérisé par des voies de communication fortes comme la route des Jeunes, la route des Acacias ou les voies de chemin de fer. Les axes de développement principaux sont la structuration des futurs quartiers par des espaces publics généreux ainsi que la conservation de la diversité et des caractéristiques des lieux de Genève. Ainsi les quartiers conserveront un caractère identitaire fort comme c’est aujourd’hui le cas pour des quartiers comme Carouge, les Acacias ou bien le nouveau quartier de la Chapelle au-delà de la pointe sud du PAV.
Les pages suivantes proposent un entretien avec Stephen Griek et permettent d’établir des liens entre les tours d’habitations et le quartier du PAV.
1ge.ch_Département du territoire (DT), le 22 septembre 2020
La tour et son rapport à la ville discussion avec
Griek chef de projet pour le développement du PAV
Stephen Griek
Doctorat en architecture (UP8/IAUG), Master en philosophie (Sorbonne), il travaille notamment chez Rem Koolhaas à Rotterdam, fut assistant de projet à l’EPFL et à l’IAUG en urbanisme et aménagement du territoire ainsi qu’enseignant à l’ESA de Paris, l’EAV de Versailles et l’ENSA de Marseille ; depuis 2010, il est urbaniste au département du territoire du canton de Genève (Direction Praille Acacias Vernets), et enseigne depuis 2021 également la philosophie de l’architecture en bachelor à l’HEPIA1
«Pourquoi a-t-on tant de mal à construire des tours en Suisse ? Les tours ont l’air d’être mal interprétées dans l’imaginaire des habitants.»
«Je pense que cela fait partie de l’exception de la Suisse, ils ont une vision de l’économie et de la modernité. Ils tiennent beaucoup à l’exception. Ce côté de prendre plus de recul et plus de distance, de ne pas se précipiter et de voir qu’avec des moyens plus simples, plus modestes et moins tape à l’oeil. C’est peut être même mieux pour eux de créer une identité autour d’une mentalité de retenue. Ce qui diffère aussi entre les germaniques, les latins, etc... Cette idée de retenue est assez convainquante même particulièrement à Genève. Il existe aujourd’hui cette image, par exemple à Bâle avec les industries pharmaceutiques de montrer la richesse et de la symboliser, ce qui n’est pas partagé par tout le monde.
«Justement, à Bâle il existe cette stratégie un peu différente. Les tours sont des éléments privés qui sont presque des objets qui au final ne valorisent pas le territoire comme ça pourrait être le cas à Zürich ou cela tend à le devenir à Genève».
«Il y a aussi un peu plus de confiance dans la qualité de l’aménagement du territoire. Je note que entre Genève, Bâle et Zürich, il y a une grande différence de culture de l’aménagement du territoire et de la ville. C’est beaucoup plus ouvert, discuté, montré, illustré dans la culture suisse alémanique qu’ici. Où souvent on fait un petit peu comme dans une boîte noire, c’est à dire qu’il n’y a pas une spontanéité de sortir de concerter, de montrer. Par exemple, il n’existe aucune maquette du canton, de la ville qui est exposé en permanence comme c’est le cas à Zürich avec la maquette accessible publiquement qui est toujours actualisée avec tous les projets et les aménagements. Vous avez la même chose à Bâle avec des conférences, toujours un échange aussi avec l’ETHZ, avec un échange, avec des expositions... Toute une culture autour des concours d’architecture qui ne sont valorisés que depuis récemment à Genève. Il y avait une certaine frilosité à l’époque, ce n’était pas du tout naturel pour toutes les opérations emblématiques d’organiser des grands concours.»
«Justement, je me demande si cette aversion générale de la tour que ça soit en suisse romande ou alémanique était dû à la production des années 60-70. Avec plusieurs temps de construction des tours, années 30 quelques tours, ensuite beaucoup de tours avec la production de masse des logements puis plus grand chose et maintenant on retombe à nouveau dans la production de tours avec toujours cette image de la tour «ghetto» et de grand ensemble des années 60-70 qui a beaucoup marqué».
«Je suis complètement d’accord avec ça, c’est vraiment l’idée qu’on associe une certaine stratégie d’exclusion sociale qui est liée à ces modèles notamment en France et aux Etats-Unis. Ca a été souvent mal utilisé par la politique. Dans le sens de l’exclusion, une grande partie de la population n’a plus un droit à la ville très naturel comme le revendique Lefebvre. Ce sont des discussions sociaux-philosophiques assez importantes.
On a aussi l’impression aujourd’hui que la tour est datée. Puisque l’on est dans une phase de transition écologique, on a de la peine à voir dans la tour une société en transition. Les tours, notamment à Genève et de manière générale devraient faire l’objet d’exemplarité losrque l’on prend en compte l’énergie grise et pas seulement une image verte.»
«Oui, ce n’est plus qu’une question d’image au final,c’est ce que la population voit. On s’arrête à la surface sans regarder vraiment le programme et en quoi elle est exemplaire. Cette exemplarité elle se formule donc au niveau de l’écologie puis j’imagine qu’elle se formule aussi avec la question programmatique ?»
«Oui, je pense qu’aujourd’hui, on devrait presque dire, en tenant compte des auteurs comme la rentabilité économiques que l’on devrait d’emblée être dans la catégorie d’exemplarité environnementale qui est la carte d’entrée qui devrait être partagée par toute opération de tour aujourd’hui et notamment à Genève. Après l’exemplarité peut se jouer et s’exprimer dans d’autres domaines, notamment programmatique. En effet, je pense qu’aujourd’hui, la programmation, l’accessibilité culturelle, publique, avoir un vrai évènement urbanistique partagé par l’ensemble de la population devrait être un prérequis. Après, elle peut être dans d’autres thématiques, au niveau de la mobilité ou de l’expression architecturale ou d’autres
La tour et son rapport à la ville évènements. Par exemple, une tour d’habitations avec l’idée d’un village vertical avec une mixité exemplaire.»
«Dans le développement des tours du quartier de l’Etoile, comment avez-vous pensé cette liaison entre la tour et le sol? Est-ce que la question du programme était véritablement importante?»
«Oui, elle était importante dans le sens où on est parti à l’origine d’une tour monofonctionelle. Au début, on croyait que le seul moyen de les réaliser était de faire des tours d’activité et d’équipement public. Aujourd’hui on a complètement renversé le propos et on fait des tours mixtes et même à majorité de logements. On pensait notamment qu’avec les tours d’habitations, l’appropriation de cet élément architectural est plus facile parce que par définition les gens y habitent et ce ne sont pas des choses qui font seulement référence à la représentation d’un pouvoir, d’une entreprise comme à Bâle ou ailleurs. La tour de logements à une autre perception parmi la population. Ici, les classes qui vivront dans ces tours seront plus des classes aisées. Mais c’est grâce à ces tours et aux revenus économiques pour les collectivités publiques dans ce secteur que l’on pourra financer les logements sociaux dans le reste du PAV.» «Favoriser cette mixité dans la tour, dans les mêmes volumes, ça permet de rejoindre ce que vous avez dit hier, c’est à dire de travailler avec un modèle de quartier qui fonctionne 24h/24. Donc les gens habitent, travaillent, se recontrent et se croisent. Puis j’imagine que l’espace public est pensé, qu’il n’y a pas de résidus»
«Oui, on essaie toujours de s’éloigner le plus possible des modèles de downtown comme aux Etats-Unis ou la Défense à Paris qui sont des contreexemples qu’on essaie d’éviter»
«Pensez-vous, avec du recul, qu’au carrefour de l’Etoile, les tours étaient la seule solution pour travailler avec ce tissu, ce morceau de ville ? Ou est-ce que Genève aurait pu se passer de tours ici ?»
«Oui, Genève aurait pu se passer des tours ici, parce qu’on a toujours identifié ce lieu comme un lieu emblématique et, le côté emblématique n’est pas forcément lié à la tour. Par exemple, ce que l’on veut c’est comme la thématique des gares du Léman Express. C’est clair que la configuration, le rapport modal, les interfaces entre les différents modes de transport font que c’est un lieu destiné à la densité exeptionnelle. Mais on sait que même sans les très grandes tours, on aurait pu atteindre une densité très élevée sans ces trois tours majeures. Et d’ailleurs, une des raisons du choix du lauréat était dû à l’argument que le projet urbain proposé marche avec comme sans tour. On avait conscience que cette probématique de la tour allait peut être se terminer avec un référundum. Si jamais les tours étaient rejetées, il n’y a pas tout le projet qui s’écroule et cela tient quand même la route. Ce qui fait que par rapport à votre question du lien de ces éléments au quartier, on les a volontairement dissociés de la couture urbaine avec les voisins et ces éléments sont le long de la route de jeunes pour justement faire référence à une autre échelle, celle de l’agglomération. Elles limitent aussi symboliquement l’expansion de la ville dense».
«Donc on peut dire qu’il y a une première partie du quartier qui existe à une échelle un peu directe qui va venir tisser les liens avec la vie des autres quartiers et il y a un jeu a une deuxième échelle qui est celle du territoire.»
«Exactement, c’est ce jeu des deux échelles. Et si la grande échelle avec les tours ne marche pas, pour moi ça serait en quelque sorte dommage parce que je trouve que c’est un élément qui en terme d’orientation donne une compréhension de la ville qui pour moi est plutôt enrichissante. Mais si on a pas cet élément supplémentaire, c’est pas non plus une catastrophe. C’est l’idée de point de repère urbain, j’ai toujours trouvé ça intéressant dans la perception de la ville.»
«Je trouve que c’est justement un point fort pour la ville de ne pas se passer de ces éléments hauts. J’ai l’impression qu’il existe cette stratégie de développement avec le CEVA où on a tendance à retrouver des tours près des gares.»
«Oui, quand on voit les autres gares, ce n’est pas la même densité et puis je trouve que même la tour Opale manque presque d’ambition comme repère. C’est déjà pas mal, on la voit quand même mais elle aurait, à mon avis, bien supporté 30 mètres de plus.»
«Une dernière question. Vous parlez des zones dans Genève qui sont très restrictives au niveau des gabarits et de l’élévation des tours. Pensez-vous que Genève devrait être plus ouverte à ces propositions ? Cela devrait être plus facile de construire des tours, un peu comme à Zürich ? »
«Complètement, même les zones de densité devraient être revues. On devrait travailler par projet. Projets qui remettent en question ce zoning contre-productif. Le PAV en est l’exemple suprême, même si on peut dire que c’est l’extension du centre-ville et donc il s’inscrit dans la continuité de cette zone là. Mais rien ne dervait empêcher de faire un PAV à la Zimeysa ou ailleurs si un jour
La tour et son rapport à la ville c’est nécessaire. Pour moi, c’est vraiment une ville pensée par polarité à très grande échelle. Les plans d’aménagement devraient se faire en fonction d’une nécessité territoriale avec pas par rapport à un réglèment en vigueur. »
«J’ai l’impression que la ville de Genève est en train de développer une stratégie autour de la notion d’îlot d’urbanité. Le quartier de l’Etoile ou le quartier de la gare à Chêne-Bourg sont selon moi des îlots d’urbanités. Un quartier, ça se compose mieux avec plusieurs zones et il faudrait éviter l’uniformité.»
«Oui, ou il faudrait prévoir des possiblités plus généreuses d’introduire des exceptions. On pourrait dire qu’on veut une ville ordinaire qui s’inscrit dans une certaine continuité mais qu’elle peut être enrichie par des polarités, des centralités, des exceptions qui confirment la règle qui comme une recherche peuvent mettre en contraste la règle et l’exception. L’instrumentaliser, en faire un vrai thème. Souvent, on a l’impression que l’on ne veut pas d’exceptions, que l’on n’est pas prêt à les défendre jusqu’au bout. Ce sont des a priori qui font que le changement n’est pas à l’ordre du jour.
On a bien vu avec la thématique des surélévations à Genève, ce n’est pas toujours heureux mais souvent cela met en valeur la ville ancienne, le contraste entre quelque chose de très moderne à l’étage et l’histoire qui est en dessous.»
«Je vois, on peut dire qu’il faut être un peu moins conservateur et porter des idées.»
«Il faut faire confiance au projet, il faut faire confiance à l’innovation, il faut la stimuler où on peut.»
Stephen Griek & Loïc Steiner, le 11 janvier 2023.
Résumé
On peut résumer cet échange en quelques points. D’abord que la Suisse a une relation particulière aux Tours qui n’est pas la même dans tout le territoire. Culturellement, la production architecturale de masse a joué un rôle important ainsi que le rapport à l’aménagement du territoire plus communiqué et important en suisse alémanique.
De nos jours et pour les années à venir, la tour doit se justifier et se légitimiser avec une exemplarité écologique en premier lieu puis programmatique dans un second temps.
On peut dire que le quartier du PAV et plus généralement Genève tend à un développement proche des valeurs de mixité d’usages et de programmes, tant dans les volumes bas que dans les tours. Ensuite, le rapport des quartiers entre eux et le jeu d’échelle entre les visions territoriales et directes est très important pour justifier l’implantation d’une tour.
Enfin, on peut dire qu’il faut permettre et pousser l’innovation, tant dans la recherche que dans la production architecturale des tours.
La tour et son rapport à la ville

SNCF - direction France
CFF - direction Lausanne
Lancy - Pont Rouge Carouge - Bachet
Gare Cornavin
Croquis du réseau de communication du CEVA
Champel - Hôpital
SNCF - direction EVIAN SNCF
Genève - Eaux-vives Chêne-Bourg Annemasse
Choix du site la grande échelle
La ville de Genève est très différente de celles des autres cantons de Suisse. Sa proximité avec la France, et son caractère international lui donnent un caractère particulier qui forge des quartiers de natures très différentes.
Les acteurs du nouveau quartier du PAV définissent Genève comme une ville en forte croissance à la population très mixte et cosmopolite. Le canton de Genève s’étendant sur une surface bien moins élevée que les autres cantons romands et suisse-allemands, ce qui donne lieu a une demande en logements de plus en plus forte. On parle même de pénurie de logement au sein de la ville de Genève.
Avec son développement urbain et démographique, la notion d’îlot d’urbanité apparaît dans le portrait de Genève qui se dessine alors une nouvelle image. Il semble que ces îlots sont des nouveaux centres dotés de tours de tailles différentes qui émergent en leur milieu.
Tous ces centres sont fortement liés aux réseaux de mobilité ferroviaire, de voiture et de mobilité douce aujourd’hui en fort développement et à l’avenir encore plus.
La tour et son rapport à la ville
Plan | Détermination du site 1:15’000
Choix du site
La Grande Chelle
Le site a été défini à la pointe sud du projet du PAV. Le quartier se situe à la rencontre des axes parmi les plus empruntés de Genève. La route de Saint-Julien mène directement avec une attitude linéaire jusqu’à la France et au département de la Haute-Savoie. Elle se prolonge jusqu’à Carouge en croisant, au niveau du site d’intervention la route des Jeune et le viaduc de la voie centrale qui disparaît dans une tranchée couverte.
Le site communique fortement avec le centre de la ville et sa périphérie directe et lointaine. Les voies qui le composent sont linéaires et de dimensions importantes.
Le site veut communiquer avec les nouveaux îlots que le projet du PAV dessine. Ainsi, la/les tour(s) présentes sur le site dialogueront avec les projets lauréats de concours de la pointe nord (équipe BleuVert-Blanc) et du croisement de l’étoile mené par Pierre Alain Dupraz Architectes.
Le site s’inscrit dans un quartier à la rencontre de quasiment tous les types de tissus connus à Genève: Des grandes infrastructures comme le stade de Genève ou la prochaine patinoire aux petits quartiers pavillonaires et nouveaux ensembles de densité modérée, il présente une situation complexe dont les enjeux spatiaux et sociologiques sont importants.
La tour et son rapport à la ville
Site de projet Genève
Choix du site la grande échelle
La tour et son rapport à la ville
Choix du site
l’échelle intermédiaire
C’est un lieu déjà en très forte mutation avec des projets divers comme la nouvelle patinoire de Genève (trèfle blanc), les nouveaux logements de Jaccaud & associés ou au sud le quartier de la chapelle et bien sûr la nouvelle gare du CEVA.
Il présente une situation complexe de la ville en confrontant des tissus complètement différents de Genève qu’une simple opération urbanistique horizontale ne semble pas pouvoir régler d’un seul coup. D’une part, une relation aux voies d’entrées de la ville de Genève avec la route de Saint-Julien et d’autre part un rapport direct à la route des Jeunes.
Périmètre d’intervention
Le site définit par le périmètre en rouge est très étendu, il témoigne de l’importance de définir au mieux l’implantation de la tour et de ses sous-parties avec une analyse plus poussée de définition des besoins et des rapports aux quartiers alentours.
Le site tend à disposer avec les projets actuels d’un nombre important d’infrastructures qu’il sera intéressant de lier fortement à la ville par le biais de la création d’une ou de plusieurs tours et de nouveaux espaces publics associés.
Le belvédère
On peut questionner le rôle du belvédère nouvellement créé qui projette la vue sur les arrêts des trams des transports publics genevois. Est-ce vraiment la vocation d’un tel système ? Peut-on offrir quelque chose de plus à ce site ?
La tour et son rapport à la ville
Site de projet Genève
Choix du site
l’échelle intermédiaire
La tour et son rapport à la ville