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L’DESIGN L’DESIGN

L’O: Oui, on retrouve tes lignes graphiques, architecturales, très organiques. Quelle en est la signi cation ou l’in uence ?

OI: J’ai toujours été un grand fan de Star Trek, de Star Wars, ou de lms comme de 2001 l’Odyssée de l’espace ou Cosmos 99. Pour cette collection, je souhaitais retranscrire toutes ces in uences futuristes qui me bercent depuis mon enfance. Tout de suite s’est imposée l’idée d’un vaisseau spatial, comme si cette ligne habillait des humains venus du monde de demain. Cette traduction de mon univers est un véritable acte créatif. Je ne pouvais pas faire mes débuts de designer de mode avec une collection quelconque. Il fallait absolument qu’elle symbolise avec force, puissance, une forme d’expression de mon style. Qui se traduit par des vêtements en cachemire. C’est aussi pour cela qu’on y retrouve toutes les in uences qui caractérisent l’ensemble de mon travail dans le design ou l’architecture. Pour autant, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, ce n’est pas la nostalgie rétro-futuriste. Je vois cette collection comme un prolongement de tout ce que j’ai fait avant. C’est très important pour moi de commencer par ce geste avant d’évoluer vers autre chose, vers quelque chose de di érent. Mais il fallait que cette première collection soit vraiment impactante.

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L’O: Carolyn, quels sont les ls qu’on peut tirer entre le travail du designer, de l’architecte et votre propre travail de Directrice Artistique ?

CAROLYN RANDOLFI : Comme je le dis souvent, les meilleurs stylistes ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Les architectes, designers, les artistes, ont une vision du monde esthétique et sont parfois des stylistes qui s’ignorent. Ils arrivent avec des idées complètement inattendues et des points de vue qui sont di érents des nôtres, parce qu’ils ne sont pas noyés par le quotidien. C’est le cas d’Ora Ito qui est quelqu’un d’éminemment créatif et hyper rafraîchissant. J’ai trouvé très intéressant d’entrer dans son univers au fur et à mesure du développement du processus de conception collection. E ectivement, on est allés de l’avant, très vite, puis nous sommes repartis en arrière, puis nous avons accéléré à nouveau. Nous avons tâtonné, cherché et beaucoup échangé d’idées. Pour Ito c’était important que ce projet soit en cohérence avec son univers global. Il nous a testé aussi en nous soumettant pendant plus d’un an à des challenges incroyables. Il nous a demandé des choses qui, d’ordinaire, ne sont pas possibles dans la maille. Et je m’y connais. Ito voulait faire quelque chose de fort. Et de simple en même temps. Ou ne rien faire. Et franchement, c’est la chose la plus di cile au monde. Mais nous avons relevé le dé et je trouve que c’est vraiment réussi. J’adore la courbe qu’il a reprise sur les manches et sur la robe qui se porte très près du corps. On la retrouve dans son travail qui infuse ainsi dans les pulls. Ce n’est pas juste un motif imprimé. Ito était très engagé dans cette collaboration, ça fait très plaisir. Nous y avons tous les deux mis beaucoup de passion et d’investissement. Bien sûr, toute l’équipe qui a travaillé avec nous aussi, parce qu’on ne fait jamais rien de tout cela seul. Donc, je les remercie aussi.

L’O: Ito, de quoi es-tu le plus er et heureux en voyant ce projet aboutir aujourd’hui ?

OI: Il est toujours assez incroyable d’imaginer des produits, des objets, de les penser, de les travailler et de les voir naître. Comme dans le design, la mode est un véritable travail d’équipe. On y retrouve la même organisation complexe, avec les mêmes intervenants : un atelier, une usine, des stylistes, des designers, des prototypistes. Finalement j’ai retrouvé un peu les mêmes étapes que celles que je vis au jour le jour dans mon métier de designer. On passe par une phase de dessin, de protos, de mises au point, par des réunions où on va tout regarder dans les moindres détails. La di érence avec la mode c’est qu’on e ectue des tests au porter, pour voir comment le vêtement se comporte en mouvement. Ça, c’était quelque chose que je n’avais jamais fait. C’est à dire que tout ce que je dessine est statique, à part un lieu qui peut évoluer. Le maximum de mouvement que je peux rencontrer d’ordinaire dans mon travail, c’est un rideau qui prend un coup de vent. Avec Bompard, on est dans le mouvement perpétuel. Il a fallu s’adapter au corps, à plusieurs types de morphologies aussi. Puis donner à l’ensemble une unité comme ça, universelle, qui fonctionne. Ce qui me rend vraiment heureux aujourd’hui, c’est de voir que tout ce qu’on a imaginé il y a quelques mois seulement, existe, est porté, et va se retrouver dans les vitrines des boutiques et dans les pages des magazines ou sur les réseaux sociaux. Cette collection va avoir une vie. Pour moi, cette idée est quelque chose d’assez fou parce que mes objets sont souvent inanimés. Bien sûr, j’ai déjà conçu plusieurs objets de mobilité comme des métros, des tramways, ou un vélo, mais là, il est question d’objets portés qui vont évoluer partout. On va retrouver ces pièces dans l’espace urbain, dans une soirée, un dîner, ou tout simplement dans la rue en bas de chez soi. Et c’est très nouveau pour moi de voir mes pièces vivre autant. J’en suis très er et cela me donne déjà envie de poursuivre ce travail et d’en réaliser d’autres.

L’O: Une des pièces maîtresses que vous avez créées avec Bompard, c’est une robe. Comment on aborde la question d’une robe quand on n’est pas forcément designer de mode ?

OI: Le design, c’est la recherche d’un équilibre. On essaie d’avoir de belles proportions, de trouver une forme juste, de ne pas en mettre trop ou pas assez, de chercher les bonnes couleurs. Mon objectif avec cette robe est de mettre les femmes en valeur. Cette dimension du projet est très importante. D’ailleurs, le choix de ylane Blondeau s’est imposé immédiatement. C’était comme une évidence. Je trouve qu’elle incarne parfaitement ce que j’ai souhaité re éter dans cette collection, à savoir la modernité. Elle est devenue une sorte de muse telle une beauté venue de l’espace. Je suis très heureux qu’elle ait pu participer à ce projet. Cela ne m’a pas empêché de stresser jusqu’au bout. Je n’en ai pas dormi de la nuit. C’est un travail très précis qui demande beaucoup de justesse. Il n’est jamais simple de faire simple. Les choses les plus simples sont les plus compliquées, ce que j’appelle la simplexité, qui est un peu ce mot qui me suit depuis maintenant 25 ans. Là, c’est vraiment l’expression même de la simplexité.

L’O: Nous sommes à la Cité Radieuse, au Centre d’Art le MAMO pour le shooting de la campagne. Peux-tu nous expliquer le lien que tu fais entre l’architecture de Le Corbusier et ta nouvelle collection Bompard ?

OI: Cette collection m’a été inspirée par le corps des femmes et les proportions de l’architecture de Le Corbusier, telles qu’on les retrouve dans le Modulor. Le beige de la maille c’est le béton du MAMO, le jeu des couleurs est une reprise de celles de la Cité Radieuse. L’histoire que j’ai voulu raconter se déroule dans le futur, comme si la Cité Radieuse était un vaisseau spatial et que tout son équipage débarquait en tenue kubrickienne. On retrouve également les lignes uides caractéristiques des dessins de Le Corbusier sur la terrasse. Il y avait aussi et surtout au départ cette envie de faire les choses dans mon environnement, dans mon

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