L'Officiel- Hommes, November-Levant Issue 80

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QUAND LE FOOT NOUS REND CHÈVRES Par SABYL GHOUSSOUB

12 juin 1998. 21H27. Sur un corner rentrant d’Emmanuel Petit, Zidane s’élève au-dessus des autres joueurs et prolonge de la tête la trajectoire de la balle vers le fond des filets. Je me lève, il se lève, on se lève. En fait, je ne sais plus très bien qui se lève. Je gueule comme un buffle. Ma voix se mêle à celle de millions de Français qui hurlent en même temps. La France est devenu un immense stade. Je reconnais mon frère. Une derbouka à la main, il file sur le balcon et commence à en jouer de toutes ses forces. Ma mère se tape les cuisses de joie. Même mon père a déposé son livre sur la table basse et esquissé un sourire. Nos copains ont renversé tous les meubles du salon. La France mène 1-0 face au Brésil en finale de la Coupe du monde. La France, j’ai souvent du mal avec, mais là, je suis Français. Je l’aime et je ne la quitte pas. Deux mois plus tard, le 23 août 2006, la France et le Liban s’affrontent sur un terrain de basket. Devant la télévision du salon, je n’ai d’yeux que pour les Libanais. Je veux que l’on batte ces Français. Qu’on les lamine, les extirpe, les ridiculise. Elle est peut-être là la réponse à ma question identitaire. Devant un match

Khaled Jarrar, Concrete 3, Galerie Polari, Paris, 2012 250

Photos Hans Van Der Meer & Daniele Segre

Un parcours de 90 minutes, la durée réglementaire d’un match. C’est ce que propose le Musée des Civilisations-Europe et Méditerranée de Marseille pour l’exposition « Nous sommes foot ». Une invitation à « oublier nos a priori sur le football », ce sport symptôme qui nous rend schizophrènes.


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