L'Officiel Hommes-Levant, November Issue 60

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Levant

Numéro 60 Novembre 2015

N° 60 – 7,500 L.L.

Beyrouth à l’âge d’art Ely Dagher, Youssef Nabil, Marc Baroud, Who Killed Bruce Lee, E ly D a g h e r e n T h e K o o p l e s

Aïshti Foundation.


BERET. THE PERFECT* PRESENT

*BERET ICON

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© 2015 TABBAH, ALL RIGHTS RESERVED.


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LEBANON 225 Foch St., Downtown Beirut Tel. + 961 1 991111 Ext. 480 A誰shti By the Sea, Jal El Dib







Sommaire 38

L’édito

40

News

58

La silhouette

60

Le temps d’une nuit

64

Tod’s tour

65

Sergé de Nîmes

72

Paris 75011

84

Paris 75014

94

Paris 75013

106

Paris 75018

113

Ely Dagher après l’Or

144

Les Prost et la mode, un hommage aux 60’s

146

Bons baisers d’Italie

152

Le camembert de…Renzo Piano

154

Les belles italiennes

160

L’élégance « Al Dente »

172

Et si la mafia avait inventé l’économie moderne ?

176

Oliviero Toscani

178

Ascenseur social

184

L’objet culte

192

Théorie du genre

194

Fashion

206

Corps-à-corps avec la bien-pensance

212

Marc Baroud, barbare futuriste

216

Carrés d’art


etro.com


220

Archicouture

224

Belles boîtes

232

Youssef Nabil et la lumière du temps arrêté

236

Empreintes Daniel Turner

241

Entrée des artistes

263

Tous pour la musique

273

By the Sea

282

Pas si patate

284

Les protéines à la fête chez Meat the fish

288

Who Killed Bruce Lee

290

Natsuko Uchino

296

Gemmayzé alla Napolitana

298

Sursock, le grand retour

300

Aïshti, Temple de L’art

310

Hitlist

312

Play it arty

EN COUVERTURE Ely Dagher : chemise en popeline de coton, The Kooples. photographe Tarek moukaddem, styliste Amine Jreissati.



Levant

Editeur

Tony Salame Group TSG SAL Rédaction Rédactrice en chef

Fifi Abou Dib Rédactrice et Coordinatrice

Stéphanie Nakhlé Département artistique Directrice de création

Mélanie Dagher Directrice artistique

Minja El-Hage Contributeurs Photo

Tony Elieh, Raya Farhat, Tarek Moukaddem Rédaction

Stephanie d’Arc Taylor, Philippine De Clermont-Tonnerre, Christina Tkacik Stylisme

Amine Jreissati Production Directrice

Anne-Marie Tabet Retouche numérique

Fady Maalouf

Publicité et Marketing Directeur général commercial et marketing

Melhem Moussalem Coordinatrice commerciale

Stéphanie Missirian Directrice marketing

Karine Abou Arraj Directeur Responsable

AMINE ABOU KHALED Imprimeur 53 Dots Dar el Kotob

Édité par LES ÉDITIONS JALOU SARL au capital de 606 000 € — Siret 33 532 176 00087 — CCP n° 1 824 62 J Paris 5, rue Bachaumont, 75002 Paris. Téléphone : 01 53 01 10 30 — Fax : 01 53 01 10 40 L’Officiel Hommes is published quarterly in November,March and June — Total: 3 issues by Les Éditions Jalou


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Paris

Direction Gérants, co-présidents des boards exécutif et administratif Marie-José Susskind-Jalou et Maxime Jalou Directeur général, directeur des boards exécutif et administratif Benjamin Eymère (b.eymere@jaloumediagroup.com) Assistante de direction Pascale Savary (p.savary@jaloumediagroup.com)

Publicité Direction commerciale, membres du board exécutif Anne-Marie Disegni (a.mdisegni@jaloumediagroup.com) Christelle Mention (c.mention@jaloumediagroup.com) Marina de Diesbach (m.diesbach@jaloumediagroup.com) Assistante commerciale Sara Schmitt (s.schmitt@jaloumediagroup.com) — Tél. : 01 53 01 88 30

Direction éditoriale Directeur éditorial, membre du board exécutif Emmanuel Rubin (e.rubin@jaloumediagroup.com)

Administration et finances Directeur administratif et financier, membre du board administratif Thierry Leroy (t.leroy@jaloumediagroup.com) Directrice des ressources humaines Emilia Étienne (e.etienne@jaloumediagroup.com) Responsable comptable et fabrication Éric Bessenian (e.bessenian@jaloumediagroup.com) Contrôleur administratif et financier Frédéric Lesiourd (f.lesiourd@jaloumediagroup.com) Diffusion Lahcène Mezouar (l.mezouar@jaloumediagroup.com) Clients Nadia Haouas (n.haouas@jaloumediagroup.com) Facturation Barbara Tanguy (b.tanguy@jaloumediagroup.com)

Abonnements i-Abo, 11, rue Gustave-Madiot, 91070 Bondoufle — Tél. : 01 60 86 03 31 ou www.jalouboutique.com (voir page 241)

Vente au numéro France VIP, Laurent Bouderlique — Tél. : 01 42 36 87 78 International Export Press, Alain Lecour — Tél. : 01 40 29 14 51 Ventes directes diffusion Samia Kisri (s.kisri@jaloumediagroup.com)

International et marketing Management international et marketing Flavia Benda ( f.benda@jaloumediagroup.com) Développement licences Gérard Lacape (g.lacape@gmail.com) International editorial et archive manager Nathalie Ifrah (nathalie@jaloumediagroup.com) Directrice de la publicité internationale Milan Angela Masiero (a.masiero@jaloumediagroup.com) Senior manager publicité internationale Milan Claudia Della Torre (c.dellatorre@jaloumediagroup.com) Manager publicité Milan Monica Traina (m.traina@jaloumediagroup.com) Chef de produit diffusion Jean-François Charlier (jf.charlier@jaloumediagroup.com)

Publications des Éditions Jalou L’Officiel de la Mode, Jalouse, L’Optimum, La Revue des Montres, L’Officiel Voyage, L’Officiel 1000 Modèles, L’Officiel Hommes, L’Officiel Art, L’Officiel Shopping, L’Officiel Chirurgie Esthétique, L’Officiel Allemagne, L’Officiel Hommes Allemagne, L’Officiel Australie L’Officiel Azerbaïdjan, L’Officiel Brésil, L’Officiel Hommes Brésil, L’Officiel Chine, L’Officiel Hommes Chine, L’Officiel Art Chine, L’Officiel Hommes Corée, L’Officiel Espagne, L’Officiel Grèce, L’Officiel Hommes Grèce, L’Officiel Inde, L’Officiel Indonésie, L’Officiel Italie, L’Officiel Hommes Italie, L’Officiel Japon, L’Officiel Kazakhstan, L’Officiel Lettonie, L’Officiel Liban, L’Officiel Hommes Liban, L’Officiel Lituanie, L’Officiel Malaisie, L’Officiel Maroc, L’Officiel Hommes Maroc, L’Officiel Mexique, L’Officiel Moyen-Orient, L’Officiel Hommes Moyen-Orient, L’Officiel Art Moyen-Orient, L’Officiel Pays-Bas, L’Officiel Hommes Pays-Bas, L’Officiel Philippines, L’Officiel Russie, L’Officiel Singapour, L’Officiel Hommes Singapour, L’Officiel Suisse, L’Officiel Hommes Suisse, L’Officiel Voyage Suisse, L’Officiel Thaïlande, L’Officiel Hommes Thaïlande, L’Optimum Thaïlande, L’Officiel Turquie, L’Officiel Hommes Turquie, L’Officiel Ukraine, L’Officiel Hommes Ukraine, L’Officiel Vietnam

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Communication et relations presse Thomas Marko & Associés Céline Braun et Emmanuel Bachellerie — Tél. : 01 44 90 82 60 Dépôt légal à parution — Commission paritaire N° 0419K89063 — ISSN 1777-9375 Impression, suivi de fabrication et papier Group Valpaco, 3, rue du Pont-des-Halles, 94150 Rungis Photogravure Cymagina Distribution MLP

Fondateurs GEORGES, LAURENT et ULLY JALOU †


GG1110/S


ÉDITO Par Fifi Abou Dib

Comme provoqué par un rare alignement d’astres, un foisonnement inouï d’événements culturels drainait vers la capitale libanaise une faune internationale qui n’aurait jamais imaginé s’y rendre, même un jour lointain. Enclavée dans une région en proie à des conflits sanglants, elle-même victime d’une panne de gouvernance sans précédent, souffrant d’une « crise des déchets » à la napolitaine qui ne semble pas trouver d’issue, Beyrouth a pourtant montré, une fois de plus, son incroyable talent de capter la lumière. « Une scène artistique bouillonne au cœur du tumulte » (*1), titre le New York Times. « Nouvelle Vague »(*2), titre Wallpaper. « Résistance festive et artistique à Beyrouth » (*3), titre le Figaro. Autant d’allusions à ce puissant champ magnétique provoqué autour de la ville par l’ouverture, notamment, de la Fondation Aïshti. Quand il a commencé sa collection d’art contemporain, il y a une quinzaine d’années, Tony Salamé, CEO de l’enseigne de luxe Aïshti, n’avait pas imaginé une seconde qu’il en viendrait à créer une fondation pour mettre ses œuvres à la portée du public. Pas plus qu’il n’avait imaginé qu’un architecte de la pointure de David Adjaye en dessinerait les plans, ou que le directeur du New Museum de New York, Massimiliano Gioni, en concevrait l’exposition inaugurale. Mais le résultat est là. Le rêve a pris la forme d’un grand paquebot amarré à Antélias, sous une résille d’acier rouge. Le bâtiment d’Adjaye multiplie les clins d’œil à l’histoire architecturale de la ville, à ses vieux toits de tuiles, ses moucharabieh et ses cours intérieures ; mais aucune comparaison n’est possible tant les effets visuels, les matériaux et les perspectives défient les sens. La Fondation Aïshti prolonge un luxueux département commercial, Aïshti By The Sea. Ce projet pionnier entend placer l’art au cœur du quotidien et transformer une banale expérience de shopping en aventure culturelle. A l’heure où, dans toute la région, la chair et la pierre sont broyées sans distinction par une machine guerrière que rien ne semble pouvoir arrêter, l’affluence à Beyrouth d’une foule immense d’artistes, commissaires, directeurs de musées, journalistes et marchands d’art venus du monde entier, soufflait sur le Liban un air d’optimisme. Dans la foulée, le musée Sursock s’ouvrait au public après huit ans d’absence, brillamment rénové par J-M Wilmotte et Jacques Abou Khaled. La MAS présentait en son palais de la rue Trabaud les abstractions pop sélectionnées par Jeffrey Deitch, l’ancien directeur du MoCa. Le BEC créait l’émotion avec ses « Territoires d’affect » réunissant de grands artistes libanais autour du vécu de l’exil. D’autres visites de nouvelles galeries telle que Marfa’a et des escapades à Baalbeck et Byblos achevaient de convaincre les invités de la vitalité libanaise, envers et contre tout. 1- An art scene stirs amid tumult, Rachel Donadio, The New York Times 26-10-2015. 2- New Wave, Amy Serafin, Wallpaper, Nov 2015. 3- Résistance festive et artistique à Beyrouth, Valérie Duponchelle, Le Figaro 30-10-2015.

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News Par F.AD

TOUTE UNE HISTOIRE Quand on sait que Brooks Brothers, sans doute la plus ancienne maison de prêt-à-porter masculin des Etats-Unis, a habillé 39 présidents américains sur 44 à ce jour, on se demande à quoi pouvaient ressembler les 5 locataires de la Maison Blanche qui n’ont pas adhéré au style souverain de cette enseigne qui affiche fièrement deux-cents ans d’âge. Pour souligner sa présence lumineuse dans les moments les plus importants d’une vie, la Maison a invité des célébrités à participer à une campagne où chacun raconte sa propre histoire avec Brooks Brothers. Geoffrey Arend évoque son costume, à son mariage avec Christina Hendricks ; Tony Goldwin celui qu’il a choisi à la veille de visiter la Maison Blanche. Le magicien Matt McGorry raconte le blazer reçu à 9 ans, qui a déterminé sa carrière. Joshua Sass se souvient de son premier costume et Graham Moore du smoking qu’il a choisi pour les Oscars. Brooks Brothers, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120 Brooks Brothers, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.232

Dinh Van, en vente chez Sylvie Saliba, Achrafieh, Beyrouth, +961 1 33 05 00

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Photos DR

ETAT D’ARRESTATION Comme la plupart des bijoux iconiques créés dans les années 70, les menottes de Dinh Van symbolisent l’engagement amoureux. Ce bracelet fermé par des menottes se décline cette année en un cordon de soie tressée bicolore. Pour le reste, rien n’a changé et le message est le même : une fois attaché autour d’un poignet, il signe un lien indéfectible. Jolie manière de jeter un sort à celui qu’on aime.


L’ÉCHARPE QUI FAIT LA DIFFÉRENCE Où, ailleurs qu’en Ecosse, pays de tradition lainière et du tartan identitaire, Burberry aurait-il fait confectionner ses écharpes ? Nulle part, évidemment, et c’est au cœur de ces landes, dans les manufactures d’Elgin et Ayr, célèbres pour leur savoir-faire unique et la sublime qualité de leurs cachemires, que la maison du 121 Regent Street a filmé le processus de fabrication de son foulard emblématique. Trente nuances de fils et la possibilité de faire broder son monogramme en une, deux ou trois lettres, il suffit d’un accessoire pour relever toute une tenue. A découvrir sur Burberry.com. Burberry, rue Allenby, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.455

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CRAVATE ET BASKETS OBLIGATOIRES L’homme Dior est, cet hiver, un romantique un rien décadent, un adolescent heureux de nouer sa première cravate mais sans renoncer au confort des baskets, ni au jeans indispensable à sa vie trépidante. Son costume de base tout comme son smoking restent affutés, près du corps comme à la grande époque Hedi Slimane. Mais comme c’est Kris Van Assche qui signe les collections masculines de la Maison depuis 2007, on jouera le jeu du minimalisme et des longueurs étranges, des badges à foison et du bijou de col qui viennent détendre une attitude un peu trop rigide. Le motif Prince de Galles, cher à Christian Dior, reste le fil conducteur de cette élégance pure et technique, ajoutant un peu de fantaisie à une tendance conceptuelle où l’inspiration Amish n’est jamais très loin. Dior, 131 rue El Moutran, Centre- Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.592 Dior, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.224

DANDYSSIME L’histoire se passe dans un palazzo vénitien, autour d’un souper feutré, animé de conversations romanesques. Les protagonistes imaginés par Kean Etro, directeur artistique de la ligne masculine de la Maison familiale, sont vêtus de textures précieuses où l’on aperçoit, presque en trompel’œil, l’ombre déclinée ad libitum du motif paisley cher à l’enseigne. Comme retravaillées par un peintre de la Renaissance, les pièces du vestiaire Etro automne hiver 20152016 évoquent par leurs motifs et tissus opulents l’élégance raffinée les grandes époques de la Sérénissime. Les coupes, en revanche, d’une contemporanéité radicale, nous rappellent que la magie du rêve, elle, est intemporelle. Photos DR

Etro, rue Fakhry Bey, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.590

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Photo Raya Farhat

ART MEETS JEANS Aïshti By The Sea, le nouveau bâtiment que vient d’inaugurer l’enseigne de luxe libanaise Aïshti, a lancé sa première activité en accueillant dans son espace Armani Jeans des artistes spécialisés dans la personnalisation du denim. Aïshti By The Sea, qui déploie sur la route côtière d’ Antélias ses 40.000m2 et 90 boutiques, abrite la Fondation Aïshti dédiée à l’art contemporain. L’activité Armani s’est tenue fin octobre dans le cadre époustouflant du bâtiment conçu par l’architecte britannique David Adjaye. Une occasion pour le public d’aborder la mode par le biais de la création, et de découvrir cette île dédiée à l’art de vivre et accessible à tous. La prom enade aménagée au raz des vagues avec ses dunes et ses sculptures vaut à elle seule le détour. Armani Jeans, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.267

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NOUER LA LAVALLIÈRE C’est au bout d’une longue exploration du désir des individus de se distinguer en créant leur style personnel, que la maison Gucci a élaboré cette collection audacieuse, affichant un anticonformisme contemporain. L’hiver 2015-2016 de la prestigieuse enseigne italienne offre à chacun la liberté d’inventer sa propre histoire. Chevalières et lavallières en mousseline de soie, mocassins bordés de vison, contribuent à flouter les lignes entre masculin et féminin en réinventant un romantisme urbain. Gucci souligne qu’il ne s’agissait pas dans cette collection de créer une silhouette, mais une attitude ; une expérience et non une tendance. Gucci,141 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.200 Gucci, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.223

Tumi, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.102 Tumi, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.236

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Photos DR

ÉQUIPÉS POUR « THE GRAND TOUR » Il fut un temps où les malletiers faisaient fortune en adaptant leurs bagages aux équipages élégants qui, au 19e siècle, partaient pour le traditionnel « Grand Tour » à travers l’Europe. Louis Vuitton, Fendi, Gucci, Goyard, pour ne citer que ces maisons, sont ancrées dans cette tradition. A défaut de chevaux, rien n’empêche que les spécialistes de la valise high tech collaborent avec les modes de transport contemporains. Tumi l’a compris, qui crée une ligne Mini en association avec l’une des voitures les plus plébiscitées de sa génération. Marqués de la célèbre bande verticale du capot Mini, avec ses couleurs vives et contrastées, ces nouveaux bagages, taillés dans des fibres techniques et nylon balistique, assurent un rangement impeccable et léger aux adeptes du voyage routier.



L’ÉTÉ AU CŒUR DE L’HIVER Née de la décontraction solaire de la Riviera française, la maison Façonnable est restée fidèle à son ADN. Son code couleur, franc et joyeux, s’affiche depuis toujours sur des chemises inspirées des pavillons tendus en guirlandes sur les plus beaux yachts du monde, amarrés au port de Cannes ou de Saint Tropez. L’hiver, chez Façonnable, s’inscrit de même, dans la palette d’un éternel été et offre un vestiaire complet, adapté aussi bien aux douces températures méditerranéennes qu’au froid mordant des stations de ski. Manteaux en tweed et blousons en peau retournée se déclinent dans des tons pastel. Élégance et décontraction sont servies par un fil imperméabilisé révolutionnaire, le « Facorain ™ ». Pièce maîtresse de la maison, la veste « Aspen » joue les caméléons se déguisant tantôt en chemise, en parka, en blouson ou blazer.

HUMOUR ET TAILORING À L’ANCIENNE L’esprit le plus contemporain se nourrit toujours du passé. Et chez Lanvin, l’histoire du tailoring masculin est ancienne, la maison française ayant lancé son département de sur-mesure en 1926. Pourtant, les vêtements ont beau être d’une haute facture, il n’y a ici aucune trace d’un classicisme soporifique. Une veste grise se porte par-dessus un blouson en cuir d’agneau, des rayures club imprimées sur du satin noir donnent à la silhouette l’élégance d’un luxueux pyjama, avec lequel on pourrait sortir dans la rue. La pré-collection Lanvin Hiver 2015 est un vestiaire dans lequel l’homme pioche selon ses besoins et ses désirs. A chacune de ces pièces, un dénominateur commun: l’envie, chez le créateur Lucas Ossendrijver, de l’aider à mieux s’affirmer, à s’épanouir dans une allure qui lui est sienne. L’Homme Lanvin est surtout plein d’humour, ce qui n’est rien d’autre que la première des élégances. Lanvin, rue Omar Daouk, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 98 22 22

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Photos DR

Façonnable, 149 rue Saad Zaghloul, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.525 Façonnable, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.233


Photo DR

COMME UNE PHOTO DU PASSÉ Milan, années 50. Tandis que la Dolce Vita s’impose dans toute l’Italie, cette capitale industrielle s’apprête à devenir la capitale de la mode, jetant déjà un pont entre tradition et modernité. Dans sa nouvelle collection automne hiver 2015-16,la maison Canali rend hommage à cette ville et précisément à cette décennie fondamentale de son histoire. A un savoir-faire de grande qualité s’associe une mode ample et confortable, pantalons droits, revers très larges, blazers à double boutonnage, rayures, carreaux et jeux de textures. Une promenade dans le temps. Canali, 225 rue Foch, Centre- Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.480 Canali, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.234

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Corneliani, 225 rue Foch, Centre- Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.500 Corneliani, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.217

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L’ART D’ÊTRE PRESSÉ Entre silhouettes affutées et souliers crantés, Corneliani joue avec les volumes et met en avant bomber jackets en agneau, gilets de laine sur chemise et cravate et jeans coupés cigarette avec revers apparents. L’allure, à la fois sportive et citadine, distingue un homme soucieux de sa ligne, libre de ses mouvements, dynamique et efficace, pressé mais courtois.


FLIPPER NOSTALGIA La marque bostonienne de chaussures de sport New Balance lance une collection capsule inspirée du flipper, un jeu populaire jusqu’aux années 90 et que les nouvelles générations n’ont que rarement l’occasion de pratiquer. La console de flipper, longtemps un pôle d’attraction dans les bars et cafés où se tenaient des parties animées, était aussi un support pour une forme de street-art inspirée de l’univers des super-héros de bandes dessinées. New Balance rend hommage aux dernières machines mythiques des années 90 en reprenant dans ses modèles la palette des plateaux des flippers les plus célèbres. On retrouvera dans la sculpture des semelles la forme des petits leviers destinés à relancer la bille.

Photos DR

New Balance, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.140 New Balance, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.272

LE VIDE, CE JOYAU Le temps d’une collection, Dinh Van se fait joailler du vide en encerclant le rien de matières précieuses, sertissant de néant l’or blanc ou jaune incrusté tour à tour de lapis ou de brillants. Entre équilibre et simplicité, JDV crée une ligne de 5 pièces déclinées en or ou argent, bracelet ou pendentif dans lesquels un duo de vides s’oppose ou se complète, ou encore un triple vide inséré dans un cercle parfait évoque le mystère du chiffre trois.

AVEC OU SANS THÉ C’est dans le quartier le plus élégant du centre ville de Beyrouth que la Maison Ladurée a choisi de lover son salon de thé, au rez-de -chaussée de la Villa Zein. Une atmosphère voluptueuse où l’on a envie de se réfugier au milieu d’une journée de travail, et pourquoi pas revenir en soirée. Les omelettes, clubs et salades sont mémorables, quant à la pâtisserie, elle justifie à elle seule le rituel du thé.

Dinh Van, en vente chez Sylvie Saliba, Achrafieh, Beyrouth, +961 1 33 05 00

La Durée, Villa Zein, rue Omar Daouk, Bab Idriss Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 29 22

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RECHERCHÉ Chacun sa religion, et elles sont nombreuses en ce bas monde. Mais le jeans, lui, est pour tous, ce qui en fait un culte à part entière, ordonné par la marque californienne True Religion. Les jeans, chemises et blousons masculins et féminins de cette griffe sont reconnaissables à leurs surpiqûres sellières très visibles et au motif de fer à cheval mis en évidence au niveau des poches. Réputée pour ses coupes infaillibles, qui vont immédiatement à n’importe quelle silhouette, True Religion célèbre cet hiver la grand-messe de l’Outlaw, figure mythique du Far West dont les portraits étaient placardés sur les façades sous la mention « Wanted ». Imprimés fauves et délavages savants à base de procédés artisanaux apportent un regard neuf sur la toile indigo, visiblement l’un des rares éléments fédérateurs de l’humanité.

ORAGES DÉSIRÉS Entre subtilité et radicalité, la nouvelle collection Balenciaga pour l’homme associe volumes extrêmes et détails minutieux. Austère, par fidélité aux constructions techniques du fondateur Cristobal Balenciaga, le directeur artistique de cette ligne, Alexander Wang, a pris le parti de célébrer la force et la beauté des grands éléments naturels. La mer et le ciel, la glace et l’eau, la pierre et la flore s’interprètent dans une palette minimale et des matériaux luxueux qui soulignent des silhouettes graphiques et des accessoires aux lignes strictes. Balenciaga, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120

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True Religion, rue Souk el Tawlieh, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.585 True Religion, Beirut City Center, L1, +961 1 29 19 91 True Religion, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.264


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AFFINÉ, ADAPTÉ, CONNECTÉ Vivier des plus grandes marques de jeans au monde, la Californie poursuit son monopole sur le denim sexy avec la marque Joes Jeans. Montée en flèche en très peu de temps, cette griffe doit son succès aux dizaines de coupes qu’elle propose, adaptées à toutes sortes de silhouettes et jouant les trompe l’œil pour flatter la morphologie de chacun. Le denim est lui-même torturé au point de faire « des allers retours en enfer » pour accuser une usure naturelle et surtout un confort inégalé. Cerise sur le gâteau, les nouvelles lignes sont équipées d’une poche spéciale pour téléphone mobile et d’une batterie ultramince pour charger l’appareil. Joe’s Jeans, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.130

VIVRE, OSER, USER On oublie le dressing méticuleux, les pièces assorties et cet air endimanché, amidonné, trop raide que confèrent les vêtements trop neufs. Cet hiver, Bottega Veneta fait place à la nonchalance, à cette attitude souverainement élégante des belles matières qui ont l’air d’avoir vécu. On n’est pas né de la veille, on a déjà une histoire à soi, on tourne le dos au conformisme, mais pas au confort. Une collection taillée dans des cachemires somptueux et des peaux précieuses, parfois usées. La palette est sombre et mystérieuse entre bleus, verts et gris profonds, parfois traversés d’un éclair rose, pourpre ou safran. Une nouvelle manière d’affirmer son style au masculin. Bottega Veneta, rue Allenby, Centre-Ville,

+961 4 71 77 16 ext.211

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Photos DR

Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.565

Bottega Veneta, Aïshti by the sea, Jal el dib,


ÉLOGE DE LA CARESSE Voilà six générations que cette famille d’industriels textiles transmet ses valeurs sans concession. Chez Loro Piana, il ne s’agit ni de mode ni de tendances. Ici prévalent l’authenticité et le traitement des meilleures fibres au monde à travers des liens ancestraux avec des producteurs du Pérou, d’Australie, de Nouvelle Zélande ou de Mongolie. A cela s’ajoute une parfaite connaissance du mode de vie d’une clientèle d’élite, souvent passionnée d’équitation comme de sports alpins et nautiques, que pratiquent également les membres de la famille Loro Piana. Et si le cachemire traité par l’enseigne est à la production mondiale ce que « Château d’Yquem est au Sauternes », cela ne signifie pas qu’il est réservé au connaisseur. Ici, la qualité ne s’explique pas, elle se révèle au toucher. Il ne s’agit pas de mode, il s’agit de plaisir. Loro Piana, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120

Photo DR

TOUT-TERRAIN L’enduro, c’est cette moto de cross adaptée aux contraintes de la route et de ses codes, ce qui, en plus des célèbres compétitions dont elle est la vedette, en fait un engin mythique. C’est aussi la nouvelle chaussure casual chic dessinée par le chausseur espagnol Camper dans un esprit futuriste. Ligne impeccable, palette et textures imitant le sol gelé, c’est l’accessoire incontournable de cet hiver. Camper, rue Souk el Tawlieh, Beirut Souks, Centre-Ville, +961 1 99 11 11 ext.568 Camper, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.271 Camper, Beirut City Center, Hazmieh, L1, +961 1 28 71 87

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Pal Zileri, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120 Pal Zileri, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.235

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Photo Ignacio Alegre Garcia

LE POP CHIC C’est la griffe de mode masculine la plus ancrée dans les années 70 et leur transition extravagante d’un vestiaire endimanché vers les excès délurés de la culture pop. Cols pelle à tarte et pantalons flare, soit, mais avec style, textiles exclusifs, belles coupes et belles matières, avaient décidé Gianfranco Barizza et Aronne Miola, deux entrepreneurs de Vicence qui refusaient de voir sacrifier le savoir-faire italien à l’autel des tendances américaines. C’est donc dans leur ville de Vicence que ces deux visionnaires ont fondé en 1970 leur société Forall Confezzioni Spa. Forall comme « pour tous », un concept qui vise à démocratiser la qualité de la confection sur mesure. En guise de clin d’œil à la Vénétie dont ils sont originaires, ils baptisent leur marque Pal Zileri, comme « Palazzo Zileri », un palais du 18e siècle d’une surprenante modernité architecturale. Fidèle à ses principes fondateurs, Pal Zileri continue à confectionner en Italie, avec une prédilection naturelle pour la Vénétie.


Photo DR

UN CLASSIQUE HIGH TECH Chez Zegna, on est surtout dans les textures, car la grande Maison italienne de couture masculine possède ses propres filatures et ses laboratoires de recherche. La ligne décontractée Z Zegna, qui associe le sportswear au savoir-faire couturier, est équipée du fil « Techmerino, un drap de laine naturelle performant. Extrêmement léger, issu de l’agriculture durable, il sèche rapidement, s’adapte confortablement à la silhouette, respire en évacuant l’humidité du corps et tient au chaud sans encombrer. La collection complète décline costumes ou vestes et pantalons dépareillés, blousons, doudounes, sweats, polos et baskets dans le classicisme sans un pli de la marque, mais avec une élégante nonchalance qui résume sa philosophie. Suivez le pentagone, badge distinctif de cette ligne qui bouge avec celui qui la porte et l’invite à inventer son style : www.zzegna.com Ermenegildo Zegna, 62 rue Abdel Malek, Centre- Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.222 Ermenegildo Zegna, Aïshti by the sea, Jal el dib, +961 4 71 77 16 ext.218

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LEBANON 225 Foch St., Downtown Beirut Tel. + 961 1 991111 Ext. 480 A誰shti By the Sea, Jal El Dib



LA SILHOUETTE focus Photographe LARA GILIBERTO Styliste LOYC FALQUE

Loulou, un film de Maurice Pialat, avec Gérard Depardieu, Isabelle Huppert, Guy Marchand… Sorti en 1980.

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Photo Gaumont

Nelly s’ennuie avec André et préfère la passion avec Loulou. Dit ainsi, on jurerait un vaudeville, une comédie romantique vue et revue. On en est loin, très loin. Sentiments intenses, confusion des cœurs, violence du drame : chez Pialat, le cinéma se fait à l’os, au plus près des corps et de ce qui les agite. Nelly et Loulou, couple brûlant, si beau – mais voué à la combustion spontanée.


Perfecto en cuir et chemise en coton Saint Laurent par Hedi Slimane. T-shirt en coton, Maison Kitsuné. Jean en denim, Levi’s.

Perfecto en cuir, Dsquared2. Chemise en coton, Saint Laurent par Hedi Slimane. T-shirt en coton, Maison Kitsuné. Jean en denim, Levi’s.

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Le temps d’une nuit Photographe Tony Elieh Réalisation Mélanie Dagher Direction artistique Minja el-hage


Dans le sens des aiguilles d’une montre: Montre “Octo Velocissimo”, réserve de marche de 50 heures. Boîtier 41 mm en or rose 18 carats. Cadran laqué et bracelet en alligator intégré avec boucle déployante en or rose 18 carats, Bvlgari. Montre “OCTO SOLOTEMPO”, mouvement mécanique à remontage automatique et date. Réserve de marche de 50 heures. Boîtier 41 mm en acier. Bracelet en alligator caoutchouté, Bvlgari. Montre “Diagono”, réserve de marche de 42 heures. Boîtier 42 mm en or rose 18 carats avec lunette en céramique noire. Bracelet en caoutchouc et or rose 18 carats, Bvlgari.


De gauche à droite: Montre “DIAGONO”, mouvement mécanique à remontage automatique et date, calibre B77. Réserve de marche de 42 heures. Boîtier 42 mm en acier et lunette en céramique noire. Bracelet en caoutchouc et acier, BVLGARI. Montre “BVLGARI BVLGARI VELOCISSIMO”. Chronographe de manufacture mécanique à haute fréquence, remontage automatique et date. Réserve de marche de 50 heures. Boîtier 41 mm en acier à fond transparent, Bvlgari.


Montre “BVLGARI ROMA”, mouvement mécanique à remontage manuel. Double barillet, réserve de marche de 72 heures. Boîtier 39 mm en or rose 18 carats à fond transparent. Bracelet en alligator avec boucle ardillon en or rose 18 carats. Édition limitée à 130 exemplaires avec numéro de série limitée gravé sur le côté du boîtier, BVLGARI.


TOD’S TOUR L’experience Par Anne Gaffié

La marque Tod’s lance début octobre un guide digital baptisé « Italian Notes » destiné aux hommes. L’idée est de proposer à sa clientèle masculine la plus avertie, celle qu’elle appelle les « style-insiders », une sorte de city guide pratique et ludique, mêlant voyage, mode et lifestyle, dans lequel un habitant de la ville révèle ses bonnes adresses et ses bons plans. L’expérience commence bien évidemment sur le sol italien, et dans sa capitale mode, Milan. Elle sera bientôt suivie de huit autres villes transalpines d’exception, de Venise à Côme en passant par Naples, Rome, Portofino, Florence... Tout ce que la destination compte d’actualité culturelle, gastronomique, etc., y sera répertorié et actualisé, sans oublier bien sûr quelques références mode de la saison pour aller avec. Ici, on dit avoir dépassé le simple concept de guide « touristique ». C’est 64

plutôt une affaire de style, vue à travers l’œil d’un « gentleman insider ». L’homme Tod’s en quelque sorte. On parle beaucoup de cette « élégance à l’italienne », parfois sans vraiment la connaître. Ce site est un outil qui aide à mieux le comprendre. Depuis longtemps déjà, et ce bien avant que l’obsession du « brand content » ne s’empare du monde du luxe, Tod’s fait partie du petit cercle très fermé de ces maisons de mode qui ont su distiller auprès du grand public un lifestyle de marque qui va bien au-delà de simples produits. Les meilleurs créas, avec les meilleures équipes et sur les meilleurs supports, ont véhiculé l’ADN premium de l’institution italienne. La « Tod’s Touch » existe bel et bien, c’est d’ailleurs l’intitulé du premier onglet à visiter sur son site officiel. www.tods.com

Photo DR.

À chaque clic, sa nouvelle expérience digitale. Parfois même pensée juste pour l’homme.


sERGé dE NÎMES Par Adrian Forlan Photographe Charly Gosp Styliste Loyc Falque

\də.nim\ : deux syllabes chargées d’histoire(s) et de malentendus. Reprenons : peu de vêtements peuvent se flatter d’être associés à l’histoire d’un pays et d’avoir façonné sa mythologie. Vu sur les cow-boys, sur James Dean et Jack Kerouac, le jean est intrinsèquement américain. Ou le serait : la serge “de Nîmes”, alors mélange de laine et de soie, sera revue par l’industrie américaine en un solide tissu de coton, propre aux activités en plein air (élevage de vaches, auto-stop ou pilotage de bolide). Alors qu’aujourd’hui sa production, de la Turquie au Japon en passant par le Portugal, a conféré à son passeport assez de coups de tampon pour diluer ses origines et que de grands créateurs et monomaniaques en donnent leur version, le jean a gagné le droit d’être apatride, en ayant partout droit de cité.


DSquared2


Faรงonnable



Aïshti’s newest lifestyle destination for art, WELLNESS, food and fashion

WWW.AISHTIBLOG.COM


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Paris 75011 25.07.2015 M. MATTHIEU VILLOT

Photographe JOACHIM MUELLER-RUCHhOLTZ Styliste EMIL REBEK


Blouson en laine, T-shirt en coton et boucle d’oreille, Louis VuittoN. Chemise en georgette de soie satin, GuccI. Pantalon en laine et ceinture, Lanvin.


Chemise en coton, Prada. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Pantalon en coton et laine, Lemaire. Boucle d’oreille, Louis Vuitton. Ceinture, Ermenegildo Zegna Couture.


Trench en veau velours et cachemire, plastron en cuir et pantalon en jersey de laine, Balenciaga. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Boucle d’oreille, Louis Vuitton. Bague, Maison Margiela. Anneau, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Veste en laine, manteau en python et chemise en voile de coton, Lanvin. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Pantalon en laine et tweed Harris, Ermenegildo Zegna Couture. Boucle d’oreille, Louis Vuitton. Bottes, Santoni. à droite : caban en cachemire, Canali. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Combinaison en flanelle de laine, Hermès. Boucle d’oreille, Louis Vuitton.



Veste en flanelle de laine, LemairE. Chemise en georgette de soie satin, GuccI. Pantalon en laine et mohair, Alexander McQueeN. Boucle d’oreille, Louis VuittoN. Bague, Maison MargielA. Anneau, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Pull en cachemire, Guglielmo Capone. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Pantalon en laine, Canali. Boucle d’oreille, Louis Vuitton. Bracelets, Saint Laurent par Hedi Slimane.


Manteau en laine, Joseph. Chemise en soie, Brioni. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Pantalon en cuir d’agneau, Dior HommE. Boucle d’oreille, Louis VuittoN. Modèle Matthieu Villot chez Success Grooming Kazuko Kitaoka Assistant photographe Mathieu Boutignon Retouches numériques Colin Hume Assistants styliste Nicolò Andreoni, Thibault Marais


Chemise en soie et pantalon en laine, Dries Van Noten. Chemise en georgette de soie satin, Gucci. Boucle d’oreille, Louis VuittoN. Ceinture, Maison MargielA.




Paris 75014 Photographes FREDERIK VERCRUYSSE, RAYA FARHAT Styliste Vanessa Giudici


Pochette en cuir, FENDI. Richelieus en cuir, PAL ZILERI.



Loafers en velours et cuir verni, CANALI.



Sac shopping en cuir, DSQUARED2.



Basket en cuir, LOUIS VUITTON.

Assistante styliste Guilia Querenghi Production Initials LA Post-production Pixelsound




Paris 75013 M. JACKSON HALE Photographe Paolo Di Lucente Styliste Benoît Béthume


Pull sans manche en laine, Gucci. Chemise en crêpe de satin et cravate, Saint Laurent PAR HEDI SLIMANE. Pantalon en velours côtelé, Fendi.


Manteau en gabardine de nylon, Prada. Pantalon en velours c么tel茅, FendI. Mocassins, Loewe.


Chemise en crĂŞpe de satin, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Chemise en crĂŞpe de satin, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Chemise en gabardine de nylon, Prada. Cravate, Saint Laurent PAR Hedi SlimanE. Pantalon en laine, Gucci.


Chemise en crĂŞpe de satin et cravate, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Chemise en triacĂŠtate, J.W. Anderson. Chemise en crĂŞpe de satin et cravate, Saint Laurent PAR Hedi Slimane.


Blouson en cuir de veau naturel, Louis Vuitton. Costume en velours côtelé, Bottega Veneta. Chemise en crêpe de satin, Saint Laurent PAR Hedi Slimane. Chevalière vintage.


Manteau en laine d’agneau et chemise en laine et cachemire, Louis Vuitton.


Pull en laine mohair, Giorgio Armani. Chemise en crêpe de satin, Saint Laurent PAR Hedi Slimane. Pantalon en laine et cupro, Dries Van Noten. Modèle Jackson Hale chez Success Grooming Sébastien Le Corroller Assistant photo Aurèle Ferrero Assistants styliste Marine Lescieux, Hugo Willemin


A誰 s ht iByt heSe a , J a le lDi ba nda l lA誰 s ht is t or e s-www. br une l l oc uc i ne l l i . c om


Mihai, à gauche : manteau en laine, Raf Simons. Pantalon en laine, Marni. Sven : manteau en laine bouillie et pantalon en laine, Canali. Chemise en popeline de coton, Fendi.


Paris 75018 16.07.2015 MM. Mihai Bran ET Sven De VRIES Photographe Matthieu Lavanchy Styliste Jérôme André



Sven et Mihai : vestes en laine et chemises en popeline de coton, Marni. Maillots de cycliste vintage.


Mihai, au centre : manteau en laine, Raf Simons. Pantalon en laine, Marni. Sven : manteau en maille technique de laine et polyester, Dior Homme. Chemise en coton, Fendi. Pantalon en laine, Marni.



Mihai, au premier plan : chemise en popeline de ­coton, Fendi. Pull sans manche en cachemire, ­Joseph. Pantalon en laine, Valentino. Sven : chemise en popeline de coton, Fendi. Pull sans manche en laine mélangée, Joseph. Pantalon en laine, Marni. Modèles Sven De Vries chez MGM, Mihai Bran chez Success Grooming Henry Olivier Assistant photo Matthieu Gadoin Assistant styliste Loyc Falque


ELY DAGHER APRÈS L’OR Par F.A.D Photographe Tarek moukaddem Styliste Amine Jreissati Réalisation Mélanie Dagher Direction artistique Minja El-Hage Lieu HAYETE GUEST HOUSE

Éminemment oniriques, souvent sombres, dépressifs mais avec esprit, érotiques mais subtils, désespérés mais souriants, les films d’Ely Dagher reflètent l’esprit d’une jeune génération libanaise marquée par l’instabilité, blasée par les fêtes excessives, la consommation fébrile et une overdose de paillettes. Avec une formation en arts graphiques, illustration et BD, et une autre en animation 2D/3D, entre Beyrouth et Londres, Ely Dagher choisit à un moment de sa jeune carrière de vivre entre sa ville natale et Bruxelles, pour les besoins de son travail. Lequel travail est essentiellement centré sur la création de vidéos et clips publicitaires et musicaux,

bidouillés avec une foultitude de techniques, à la manière de collages animés, véritable signature de son studio baptisé BeaverAndBeaver (beaverandbeaver.com). Il semble loin et pourtant si proche, ce jour de mai 2015 où, pendant le festival de Cannes, en smoking et noeud pap’, Ely Dagher quittait sa chambre d’hôtel pour se rendre à la

remise des trophées. Son court-métrage, sélectionné parmi 4550 propositions du monde entier, avait-il une chance de remporter quelque récompense ? A 29 ans, il s’estimait heureux d’avoir accédé à cette étape finale et n’osait en espérer davantage. Et ce fut l’or. Le Liban en pavoise encore. Le point, six mois après ce moment magique.


Où avez-vous posé votre trophée ?

Cette récompense vous a-t-elle ouvert des portes ? Lesquelles ?

Avez-vous dit tout ce que vous aviez sur le cœur à propos de Beyrouth ou bien vous reste-t-il de la matière pour un autre projet ?

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

A 29 ans, vous obteniez la plus haute récompense du cinéma français et l’une des plus hautes du cinéma mondial pour un court-métrage. Était-ce trop tôt, à votre avis? Cela change-t-il quelque chose à votre manière de travailler ?

Que voudriez-vous pour vos 30 ans ?


Chemise, Saint laurent.


Extrait vidĂŠo.



Chemise, Dior homme. Pull, zadig & voltaire.


Serie “Stardust Afterall”, Manifest A.


A quoi reconnaît-on aujourd’hui la signature d’Ely Dagher dans un court- métrage, publicitaire ou autre ?

Vous sentez-vous davantage un illustrateur/animateur qu’un cinéaste, ou était-ce un hasard ?

Aujourd’hui, que changeriez-vous dans Waves’98 ?

Quelle est la vocation de votre société BeaverAndBeaver?

Quels sont les thèmes qui reviennent le plus souvent dans votre travail ?


INTRODUZIONE

Chemise, The Kooples. 121


De quelle manière abordez-vous ces thèmes pour leur donner plus d’impact, plus d’universalité ?

Vous mélangez fiction et réalité, vidéo, photo et animation. C’est un vocabulaire complexe qui vous est propre. Pourquoi avez-vous choisi cette pluridisciplinarité au lieu de vous concentrer sur une seule technique ?

Vous réalisez par ailleurs des installations artistiques. Existe-t-il une relation entre votre travail cinématographique et votre travail conceptuel ?

L’art prendra-t-il un jour l’avantage sur le cinéma, ou inversement, dans votre carrière?


De haut en bas: Extraits vidéo, “Holiday Inn apologue”.


Extrait vidĂŠo.



De haut en bas: Extrait vidéo SHD. Extrait et matière “Holiday Inn apologue”.


Pull, hermĂˆs.


De quoi êtes-vous le plus fier ?

Qu’est-ce que vous ne supporteriez pas ?

Qu’est-ce qui vous ferait honte ?

Dans quelles situations prendriez-vous vos jambes à votre cou ?

Quel est votre auteur préféré ?

Votre musique ?

Où vous trouve-t-on en hiver ?

Et l’été ?



Chemise, The Kooples.


Dessin.


Chemise, Valentino. Veste, The Kooples.



Extrait vidĂŠo SHD.


Pull, The Kooples.



“ Waves ‘98 “ affiche alternative.



Serie “Stardust Afterall”, Manifest C.


Chemise, The Kooples.


Vidéo SHD.


Chemise, Valentino Veste, The Kooples


L’Officiel Levant Hommes, November

CMYK

22.4 cm wide x 29.7 cm high

Bleed 23.4 cm wide x 30.7 cm high (.5 cm)


Les Prost et la mode, un hommage aux 60’s Par F.A.D

Photo DR

C’est l’histoire d’une famille marquée par l’âge d’or de la Formule 1. Pouvait-il en être autrement des enfants du coureur légendaire Alain Prost ? Son fils Sacha, célèbre à sa manière l’esprit de ce sport mythique à ses débuts, dans les années 60.


Avec la complicité de sa belle-sœur Delphine Prost, Sacha ressuscite l’élégance et la nonchalance de toute une époque à travers la marque 8Js. Le vestiaire de cette griffe rend hommage à 8 grands champions de la F1 dont les noms commencent par « J »: John Surtees, Jochen Rindt, James Hunt, Jack Brabham, Jackie Stewart, Jim Clark, Jody Scheckter et bien sûr Juan Manuel Fangio. Il fallait un Prost pour y penser. Ce sera Sacha. Il raconte.

Qu’est-ce qui vous a attiré vers la mode, un univers totalement différent de celui dans lequel vous avez grandi ?

Quelle sorte d’enfance avez-vous eue à l’ombre d’un père, Alain Prost, champion mythique de F1 ?

Avez-vous connu quelques uns des 8Js ?

Je suis né en Suisse où j’ai grandi. Je n’ai pris conscience de la notoriété de mon père que beaucoup plus tard. Bien que le kart et la moto occupaient la plupart de nos après-midi avec Nicolas, mon frère, et que la F1 faisait souvent partie des discussions à la maison, le « monde » de notre père était très loin de nous. C’était vraiment la volonté de nos parents. Quel est votre souvenir le plus marquant des championnats ? Mon souvenir le plus marquant est très récent. Il s’agit de la victoire de Nicolas en Formule E à Miami. Nous étions tous ensemble pour cette course qui s’est soldée par une victoire. Un super moment en famille. Comment s’est créée la marque 8Js ? C’est parti d’une conversation avec mon frère Nicolas et sa femme Delphine qui est la designer de la marque. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas réellement de marque inspirée de la course qui ait une place à part entière dans la mode. Certes, il y a des marques « merchandising » mais qui restent superficielles quant à leur inspiration. Nous pensions avoir la légitimité et la connaissance nécessaire pour créer des collections plus réfléchies. L’idée a plu autour de nous. Deux semaines plus tard la marque était créée.

Le monde de la mode est passionnant car il est constamment en évolution. Il faut être très dynamique et toujours se remettre en question. L’impression que l’on peut imposer notre propre style si l’on apporte quelque chose de nouveau et de cohérent est pour moi très séduisante.

Oui j’ai eu la chance d’en rencontrer et côtoyer quelques uns! On comprend pourquoi les années 60-70 s’imposent comme étant « l’âge d’or de la Formule 1 ». Ce sont des personnalités avec un charisme incomparable aujourd’hui. Que cherchez vous à restituer/ressusciter de la grande époque F1 ? Nous ne sommes pas une marque vintage ou héritage, mais contemporaine. Notre inspiration elle, est basée sur ces années qui ont donné à la Formule 1 ses lettres de noblesse, mais le résultat est résolument contemporain. Plus que le style, c’est le caractère, la nonchalance de cette époque que nous nous efforçons de transmettre à travers nos collections. Comment s’organise votre collaboration avec votre belle-sœur Delphine Prost, styliste de la marque, et quel est le rôle de votre frère dans cette entreprise ? Nicolas et Delphine se sont rencontrés lorsque j’avais seulement 12 ans. Elle a toujours été comme une grande sœur pour moi. Nicolas est bien sûr pilote professionnel et a beaucoup de courses en perspective. Donc 8Js n’est pas son métier principal mais il est tout de même très impliqué. Delphine et moi nous occupons de la marque à plein temps. Auparavant, Delphine faisait des créations pour des maisons prestigieuses à l’instar de Louis Vuitton et a reçu des prix tel que le 145

Wallpaper Design Award. Elle s’occupe donc naturellement de la direction artistique. De mon côté, j’ai toujours eu une âme commerciale ! Nous sommes tous les trois très complémentaires. A qui s’adressent vos créations ? Elles s’adressent bien sûr aux personnes qui comprennent l’histoire derrière chaque détail, et qui reconnaissent leur source d’inspiration, mais pas seulement. 8Js s’adresse aux hommes qui ont tout d’abord le goût du style et de la mode. C’est un sportswear urbain. Quels sont vos loisirs préférés ? Le sport est très important pour moi, ça doit être de famille. J’ai toujours pratiqué beaucoup de sports extrêmes. Là j’oublie vraiment tout. J’ai maintenant hâte que la neige arrive ! Votre destination préférée ? Je dois dire que je suis très attaché à mon pays, donc un endroit comme Gstaad reste toujours parmi mes destinations préférées. Cependant j’adore voyager et découvrir de nouveaux horizons. Je ne suis jamais allé au Liban mais j’ai maintenant une très bonne raison d’y venir vite ! Votre univers : musique, lectures, spectacles, films ? Définitivement la musique! Elle a toujours été source de motivation et d’inspiration. J’écoute plein de choses différentes avec des univers complètement opposés. J’adore le rock n’ roll avec des groupes comme Kings of Leon, Jimi Hendrix, Slash ou Jack White par exemple. Mais j’écoute aussi beaucoup de Hip/Hop avec des artistes comme Kendrick Lamar, ASAP Rocky, ou Jay-Z. Je ne suis pas un grand fan de musique électro en revanche. En vente chez Aïzone.


Bons baisers d’Italie

Lunettes de vue « Manhattan » en acétate tricolore Dsquared2.

Illustrations Studio L’Etiquette Styliste Romain Vallos

C’en est presque énervant : l’Italie est bonne en tout. Design, food, solaires, accessoires de moto, elle ne rate rien, réussit tout. En toute élégance nonchalante.

Lunettes de soleil en acétate collection « Frames of Life » Giorgio Armani .

Lunettes de vue en acétate et métal collection « Journal » Prada.


Lunettes de vue en acétate Gucci.

Lunettes de soleil « 8M1P » en acier gainé de cuir italien, verre minéral ultraplat Ottomila.

Lunettes de soleil en acétate Ermenegildo Zegna.


Derby cuir noir, semelle gomme jaune, Dior.

Papillon, Hermès.


Broche, Dior.

Sac Ă dos, Ermenegildo Zegna.


Portefeuille cuir bordeaux et rouge, Dior.

Baskets en cuir, Camper.


Chapeau en feutre, Hermès.

Sac en cuir, Gucci.


le camembert de… RENZO PIANO mode Par Baptiste Piégay Illustrations Rude

25 % d’honneurs Il a reçu en 1998 le Pritzker Prize, prix Nobel de l’architecture, doté de 100 000 dollars. Officier de la Légion d’honneur en 2000, depuis 2008, il est citoyen d’honneur de la ville de Sarajevo. En 2013, le président italien, Giorgio Napolitano, a fait de lui un « sénateur à vie ». 30 % bâtisseur On ne voudrait pas le taxer de mégalomanie, mais Piano aime les œuvres marquantes : le siège du New York Times, c’est lui; la London Bridge Tower, aussi, l’aéroport de Kansai (Osaka), encore lui. On l’imagine bien en grand constructeur de l’Empire romain…

20 % entrepreneur Ouvert en 1981, son bureau Renzo Piano Building Workshop emploie 150 personnes. Il ne dédaigne pas non plus les projets plus modestes, telle la montre Jelly Piano (GZ159) dessinée en 1999 pour Swatch. 15 % mondialisation Avec 53 projets sur quatre continents, il n’est pas un paresseux. Ses sujets de prédilection ? Les musées, les groupes de presse ou des institutions culturelles privées, telle la récente Fondation Jérôme Seydoux-Pathé à Paris. 10 % moqué Avec 422 M$ de budget, son 152

Whitney Museum réinstallé en plein Meatpacking a connu un accueil tiède : « On dirait un réfrigérateur ». « C’est sympa d’avoir installé une distillerie en pleine ville », aurait dit Robert Mitchum passant devant le Centre Pompidou. Précurseur dans sa radicalité esthétique, il est aujourd’hui reconnu comme l’un des plus beaux musées au monde. Quant aux punks à chiens sur le parvis, Piano n’y est pour rien. *« La méthode Piano », du 11 novembre 2015 au 29 février 2016. A la Cité de l’architecture et du patrimoine : 45, avenue du Président-Wilson, Paris XVIe. www.citechaillot.fr

© RPBW, Stefano Goldberg / PUBLIFOTO Genova/ Bernstein & Andriulli

L’architecte et designer italien fera bientôt l’objet d’une exposition* à Paris, où le Centre Pompidou (réalisé avec Richard Rogers) a fait de lui une star.



Les belles italiennes Horlogerie Par Bertrand Waldbillig Photos Florent Tanet

Qui a dit que les Italiens ne pensaient qu’au foot et aux grosses cylindrées ? Un œil averti, en tribune ou sur la route, remarquera que les poignets des ragazzi trahissent une autre addiction : celle des belles montres. Pas étonnant que l’industrie horlogère leur fasse de l’œil. Voici notre sélection aux accents italiens.

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Raffinato • Gucci • « G-Timeless » Avec son boîtier de 40 mm de diamètre pour seulement 6 mm d’épaisseur, cette « G-Timeless » tout acier mise sur des proportions proches de la perfection. Son cadran bleu foncé reprend le célèbre motif diamants apparu dans les années 1930 sur les bagages en toile de la maison Gucci et qui se décline aujourd’hui à l’infini dans les collections de la griffe italienne. 155


Tecnicamente sono o, hanno in comune con cui riescono a sottolineare l’importanza della

Uomo vero • Panerai • « Luminor Submersible 1950 3 Days Automatic Titanio » La plus suisse des marques italiennes a présenté en début d’année cette nouvelle submersible, équipée d’un chronographe avec fonction flyback. Elle se distingue par son épaisse lunette tournante en titane satiné. Le fameux pont protège-couronne typique de Panerai est évidemment de la partie et l’ensemble, à la fois élégant et viril, affiche un diamètre respectable de 47 mm. 156


Acque profonde • Bottega Veneta • « BV Diver » Après une première incursion dans l’horlogerie en 2010 avec la « BVX », la marque italienne dévoile cette année une montre de plongée en titane. Animée par un calibre Girard-Perregaux, la « BV Diver » se distingue par son design très affirmé, signé Tomas Maier, directeur artistique de Bottega Veneta depuis 2001. Le bracelet est en caoutchouc – montre de plongée oblige – mais son motif évoque le cuir tressé, signature de la maison. 157


Elegantissimo • Bvlgari • « Octo Solotempo » Si la réputation horlogère de Bvlgari n’est plus à faire, « l’Octo » y est pour beaucoup. Cette montre à la forte personnalité revendique l’héritage de Gérald Genta, père de la « Royal Oak » entre autres. L’air de famille est indéniable dans cette version tout acier avec cadran bleu, équipée d’un mouvement maison à remontage automatique. Le géant du luxe transalpin possède en effet sa propre manufacture horlogère en Suisse. 158


MAKE A RIDE OUT OF ANY DRIVE. THE ALL-NEW NISSAN MAXIMA 2016. FEEL AGAIN.

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L’ÉLÉGANCE « AL DENTE » Le détail qui tue Par Anne Gaffié Photo Jeremias Morandell Stylisme Romain Vallos

Recette en sept ingrédients traditionnels mais ultra-frais de cette fameuse « élégance à l’italienne » qui fait recette depuis toujours chez les hommes du monde entier.

LA MONTRE Les Italiens sont, semble-t-il, les plus gros consommateurs de montres suisses en Europe. Malgré la récession, et contrairement à leurs voisins européens, ils continuent à faire exploser la banque, avec pas moins d’un milliard de francs suisses dépensés dans l’affaire en 2014. Les plus mordus sont connus pour hanter les grosses ventes mondiales aux enchères. L’Italien collectionne les montres

comme d’autres les cravates, et il est de tradition de s’en faire offrir une à chaque moment important de sa vie. Surtout, détail qui ne trompe pas, il aime la montrer, d’où son amour pour les volumes conséquents, alliant design et haute technologie. A l’image des productions de la célébrissime maison Officine Panerai, entreprise familiale créée à Florence en 1850, devenue fournisseur officiel de la marine royale italienne, avant de conquérir le cœur des amateurs de montres sportives de luxe. 160


Costume droit trois boutons en laine Z Zegna, montre « Radiomir Black Seal 8 Days Acciaio », 45 mm, mouvement manufacture Panerai à remontage manuel P5000, Panerai.

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LA TOUCHE SPORTSWEAR Il semblerait que ce soit leur amour du sport, le football et la Formule 1 en particulier, qui leur ait donné ce don qu’ils ont de mixer des pièces de sportswear avec leur costume. Il est vrai que lorsqu’il s’agit de passer directement du bureau au stade, les Italiens sont champions toutes catégories. De vrais supporters dans l’âme. Alors il n’est pas rare de voir le nylon

tutoyer l’alpaga, et l’alchimie fonctionne si bien qu’elle est devenue un style à part entière, « hybride », typique des rues affairées de Milan. Certaines marques comme Fay ou Moncler l’ont très rapidement compris, en approvisionnant ces troupes de soldats urbains avec des doudounes ultra-light et autres parkas matelassées. Un détournement réussi pouvant aller jusqu’au manteau carrément oversize, telle une cuirasse, exagérément estampillé d’un écusson XXL qui n’est pas sans rappeler ceux des clubs sportifs. 162


Manteau croisÊ oversize en laine Moncler A. Cravate en soie DSquared.

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LE MANTEAU CAMEL Vigogne, guanaco, alpaga, cachemire Colombo…La région de Biella, à moins de 100 km de Milan, est depuis les années 1960 passée maître dans le tissage de ces fibres précieuses, avec parfois même encore un cardage (brossage) au chardon végétal. Toutes les grandes maisons de luxe se fournissent là-bas. Il n’est donc pas étonnant que le fameux manteau couleur camel soit l’un

des essentiels du dressing de nos amis transalpins, ils en sont les spécialistes. Porté l’hiver sur un costume sombre, ou en mode plus casual (parfait avec un denim), il a l’avantage de tenir chaud tout en restant extrêmement élégant. Pas une marque de luxe qui n’ait le sien, comme Prada qui en a fait un intemporel de ses collections masculines, qu’elle revisite cette saison en version croisée, avec revers et faux plis volontairement marqués pour lui redonner un petit coup de jeune, même quand il n’en a pas besoin. 164


Manteau croisé six boutons en laine à faux plis et revers marqués, costume en laine et chemise en coton, le tout Prada. Cravate en soie DSquared.

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Blazer en sergé extensible gansé, pull à col roulé en poil de chameau à côtes plates et lunettes de vue en acétate, le tout Gucci.

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L’AMOUR DU DÉTAIL

Une surenchère permanente de basiques indispensables qui n’a d’égal que l’épaisseur du catalogue de références proposées par les marques. On retiendra ici le détail du petit pin’s attaché à la boutonnière telle une décoration et les lunettes de vue au charme rétro. Une intelligente façon de personnaliser son style sans en faire trop, à coups de petits clins d’œil, et un moyen de dynamiser régulièrement une base de dressing classique à laquelle vous resterez fidèle.

On touche ici à ce que les Italiens appellent la « sprezzatura », ce mélange de nonchalance et d’audace jusque dans le moindre petit détail et qui en fait, depuis des générations, les maîtres incontestés dans l’usage plus ou moins raisonnable de l’accessoire. Les gants, le parapluie, le chapeau, le sac, l’attaché-case, la ceinture, la montre, le bijou, la pochette, les boutons de manchettes, les lunettes… 167


Costume droit trois boutons « Tokyo Navy » non doublé en laine et soie, chemise en coton et cravate en soie, le tout DSquared. Porte-documents en toile et cuir Prada.

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LA CRAVATE NOIRE

est ces dernières années par la moulinette des créateurs. Pas un podium italien qui n’ait omis de célébrer ce tiercé gagnant, à l’élégance si facile. Chemise (au col italien, bien sûr) en popeline fraîchement amidonnée, cravate en soie tissée plutôt étroite au nœud discret demi-Windsor ou tout au plus Windsor, costume droit tout aussi effilé mais aux proportions courtes comme ceux de chez DSquared. Un grand classique à l’extrême limite de l’uniforme, qui se frotte même parfois au bleu marine.

Ou plutôt son trio costume noir-chemise blanche-cravate noire. Celui que l’on croise à toute cérémonie officielle, une fois passée la plaine du Pô. Obsèques, mariage, remise de coupe… De la sortie d’église à celle du stade, c’est la panoplie historiquement emblématique de tout bon Italien qui se respecte, dans la joie comme dans la peine. Une référence iconique, passée qui plus 169


Costume trois-pièces en laine reliefée et chemise en coton Dolce & Gabbana. Grooming : Loriane Leger Nous remercions l’Unesco d’avoir permis de faire ce sujet mode dans les espaces et jardins de son siège parisien.

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LE COSTUME TROIS-PIÈCES

Florence déverse chaque année quelques-uns des plus beaux spécimens en la matière, que ce soit en janvier par moins cinq degrés comme en juin par 35. Force est de constater qu’il a traversé toutes les météos, les modes et les générations sans jamais abdiquer, avec même un certain regain d’activité ces dernières saisons. Maître incontesté en la matière, Dolce & Gabbana en propose parmi les plus beaux, à la ligne affûtée comme un couteau. De quoi vous faire marcher droit.

S’il ne date pas d’hier et qu’il n’est pas uniquement l’apanage des Transalpins, le costume trois-pièces reste néanmoins l’un des signes distinctifs de l’élégance à l’italienne, sans doute parce qu’il confirme à lui seul cette volonté de « fare figura » (faire de l’effet, en VF), si chère aux hommes du pays. Baromètre incontesté du style local, le salon de mode masculine Pitti Uomo de 171


et si la mafia avait inventé l’économie moderne ? Par Hubert Artus Illustration Berto Martinez

Globalisation des moyens, mondialisation agressive, low cost et violence des échanges économiques à tous les étages : les exactions de la mafia racontent l’évolution ultralibérale. Première entreprise à lancer des OPA en milieu hostile, elle serait même soupçonnée d’avoir initié un modèle de gestion… Un carrosse noir, couronné de fleurs et tiré par six chevaux. Une paroi vitrée transparente pour laisser voir à la foule le catafalque recouvert d’or où repose le chef, un ensemble de cuivres jouant la musique du Parrain, et un hélicoptère larguant des roses durant la procession : une scène de film ? Non, les obsèques kitschissimes de Vittorio Casamonica, leader de l’un des clans mafieux les plus importants de la région, le 20 août dernier à Rome. « Un spectacle débridé du pouvoir de la mafia », s’est insurgée immédiatement Rosy Bindi, présidente de la commission parlementaire antimafia au sujet de l’enterrement bling-bling. Spécialisé dans la fraude, l’extorsion de fonds et le trafic de drogues dans la périphérie de la Ville éternelle, souvent arrêté mais jamais condamné, le défunt va échapper

au « maxi-procès » (59 accusés, dont le clan Casamonica) qui s’ouvrira le 5 novembre à la suite de l’enquête sur les réseaux mafieux infiltrés dans la mairie de la capitale. Le clan Casamonica reproduit un modèle ancestral, mais éternel. Celui d’une activité criminelle qui a appliqué avant l’heure les lois du capitalisme: éliminer la concurrence, établir des rapports de force avec les élus et les politiques, produire à bas coût et vendre à taux gonflé, accumuler les richesses. La mafia aurait-elle aussi inventé le modèle économique contemporain ? Une question qui raconte la transformation du modèle capitaliste global. 60 000 affiliés à la ‘Ndrangheta Avec plus de 300 gangs familiaux, la

‘Ndrangheta – le terme vient du grec et signifie courage et loyauté – est encore plus crainte que ses consœurs Cosa Nostra (Sicile) et Camorra (Naples). Présente dans 30 pays, dont l’Australie, le Togo, l’Allemagne ou la Thaïlande, la ‘Ndrangheta compterait jusqu’à 60 000 « affiliés », selon l’institut Demoskopika. Pour Frédéric Ploquin, grand reporter à Marianne : « L’organisation clanique, familiale et villageoise de la mafia est une survivance de l’économie traditionnelle. La famille est la base, comme elle était le principe fondateur des grandes fortunes de l’industrie, de la banque, etc., qui ont été à l’origine du modèle français. » L’enquêteur, spécialisé dans les affaires de banditisme et de renseignement, poursuit : « Pour eux [les mafieux, ndlr],


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“La mafia est à la fois le passé et le présent du capitalisme”

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la meilleure, voire la seule, façon d’éliminer un concurrent, c’est de le tuer. Or le capitalisme repose aussi sur l’élimination du concurrent… » Tuer la concurrence Journaliste et auteur spécialisé dans le grand banditisme, Jérôme Pierrat a enquêté sur bien des types d’organisations criminelles (les cartels mexicains, les yakusas au Japon, la mafia en Italie, en Russie et en Europe de l’Est). « La mafia est à la fois le passé et le présent du capitalisme, avance-t-il. La première caractéristique du capitalisme à l’état brut, c’est d’être sauvage. Avant qu’il ne se régule, le capitalisme était parfaitement adapté au fonctionnement de la mafia : je viens, je fais sauter ton affaire et je te prends le marché. Pas de règles. Une économie mafieuse est souvent le premier stade par lequel passe un pays quand il se convertit à l’économie de marché : voir la Russie par exemple, dans les années 1990. » Ce modèle – celui du chef de clan ou

d’entreprise, du capitalisme à visage réel, estampillé XXe siècle – est-il soluble dans l’ultralibéralisme du XXIe siècle (bulles spéculatives, profits vers les actionnaires, évasion fiscale, cours des Bourses pouvant mettre un Etat à terre) ? Selon Ploquin : « A côté de ce vieux schéma, on retrouve une sorte d’optimisation de ce que sont devenus les milieux financiers au fil du temps : des services efficaces et discrets. C’est pourquoi l’économie criminelle est devenue très forte pour gangréner et cannibaliser les canaux de l’économie légale, qui ont de plus en plus besoin de cash. » C’est la thèse de l’auteur de Gomorra, Roberto Saviano. Il développe cette théorie dans Extra pure – Voyage dans l’économie de la cocaïne (Gallimard 2014), qui s’appuie sur des rapports du FMI et de l’ONU : en 2008, les liquidités devinrent le principal problème des banques, et les organisations narcocriminelles y ont placé et blanchi des dizaines de milliards de dollars, ce qui a permis au système financier de rester debout. « Les mafias ont compris que leur cash était 173

essentiel au bon fonctionnement de la machine financière globale », conclut Ploquin. Dans un ouvrage paru l’an dernier en France (France Mafia Export, Actes Sud), l’ancien président de la commission parlementaire anti-mafia Francesco Forgione témoignait : « Les trois organisation du crime de la péninsule – Cosa Nostra, ‘Ndrangheta et Camorra – n’ont jamais atteint une telle puissance. Si elles réinvestissent 40 à 50 % de leurs richesses dans les activités traditionnelles comme la drogue, les armes ou le paiement des salaires aux “affiliés”, elles reversent le reste de cette manne dans l’économie légale. » Dans sa ligne de mire : les myriades d’avocats, traders, experts en droit international, directeurs de banques, fonctionnaires et politiques qui permettent ce blanchiment d’argent. Auteur en février dernier de Coca ! Une enquête dans les Andes (Actes Sud), Frédéric Faux est correspondant du Figaro en Amérique latine, continent qu’il a sillonné. « Auparavant, les cartels se faisaient la guerre à coups d’attentats. Aujourd’hui, ils ne veulent plus faire de


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“ La mafia est une menace criminelle réelle qui conditionne l’existence de nombreuses personnes, ne serait-ce que dans les territoires où elle exerce une véritable souveraineté. ” bruit et préfèrent s’arranger… Comme des hommes d’affaires. Comme les pays partenaires de l’économie de marché », remarque-t-il. Familles globalisées, crime réorganisé Pierrat décortique ainsi les nouvelles « familles » criminelles d’un monde où les mafias, comme les échanges et comme les guerres, se sont globalisées : « Avec l’ultra-libéralisme, le mafieux est passé du statut d’homme de main à celui d’homme d’affaires. Une figure hybride, impossible à repérer car rien ne le distingue de l’homme d’affaires“légal”. Mais sur le terrain, cet homme-là est devenu si riche qu’il prête de l’argent ! Là où avant il rackettait, maintenant il est une banque ! » Alors, dans ce schéma global, quid de la place de la mafia à l’ancienne – à l’italienne ? Au printemps 2014, l’institut italien Demoskopika publiait une étude démontrant que la ‘Ndrangheta (organisation calabraise considérée comme la plus puissante des mafias italiennes) pesait autant que… la Deutsche Bank et McDonald’s réunis ! Réalisée sur la base d’une série de documents émanant du ministère italien de l’Intérieur, des forces de l’ordre, de la Commission parlementaire antimafia et de la Direction des enquêtes antimafia, l’étude estimait à 53 milliards d’euros le chiffre d’affaires de la mafia calabraise, et le décomposait ainsi : trafic de stupéfiants (24,2 milliards d’euros), secteur du recyclage illégal (19,6 milliards), racket et extorsion (2,9 milliards), détournements de fonds publics (2,4 milliards), jeux de hasard (1,3 milliard), vente d’armes, prostitution, immigration illégale et contrefaçon complétant le palmarès. Ou comment faire du neuf (immigration, traitement du recyclage) avec des méthodes ancestrales (stupéfiants, détournements). Pour ainsi dire, un mélange de capitalisme à la Taylor et d’ultralibéralisme où le mafieux se décriminalise… en criminalisant l’économie.

« La mafia sait tirer partie du libéralisme » Clotilde Champeyrache est économiste et spécialiste de la mafia. Elle a publié Sociétés du crime. Un tour du monde des mafias (CNRS Editions, 2011). L’Officiel : La mafia est-elle un véritable modèle économique ? Clotilde Champeyrache : elle est surtout un modèle d’adaptabilité. Elle existait du temps du féodalisme, elle a parfaitement géré la transition vers le capitalisme. A chaque système économique, elle sait trouver un positionnement proche des sphères de profit et de pouvoir, et exploiter de nouvelles opportunités. Aujourd’hui, la mondialisation, l’accélération et la fluidification des échanges, la tendance à la dérèglementation accompagnant le libéralisme sont autant d’éléments dont la mafia sait tirer partie. La mafia a-t-elle inventé le modèle économique contemporain ? La mafia est une menace criminelle réelle qui conditionne l’existence de nombreuses personnes, ne serait-ce que dans les territoires où elle exerce une véritable souveraineté. Pour autant, il ne faut pas lui prêter des compétences et des pouvoirs qui ne sont pas les siens. La mafia n’a pas réellement de modèle à proposer. On ne peut donc pas dire que la mafia ait inventéla globalisation, le libéralisme ou la mondialisation. Elle en est incapable. Est-elle plus proche du capitalisme d’antan ou de l’ultralibéralisme actuel ? La mafia représente plutôt un fonctionnement perverti du modèle économique libéral existant. Elle peut aussi fonctionner dans un système protégé par un Etat interventionniste. En revanche, dans sa manière de fonctionner, elle perturbe le système de diverses façons. Elle crée une économie grise où légalité et illégalité ne sont plus clairement distinctes et qui 175

s’étend au détriment de l’économie légale. Elle crée également une incitation à un moindre respect des règles. Enfin, la mafia n’agit en aucun cas dans le sens du bien commun. Elle draine des ressources en sa propre faveur et en faveur de ses membres. En ce sens, l’expansion mafieuse s’accompagne d’une dégradation du bien-être des populations. Extension du domaine de la pieuvre L’imbrication des réseaux mafieux dans l’économie légale est aujourd’hui tellement prégnante qu’elle est devenue un sujet d’étude universitaire. Clotilde Champeyrache lui a aussi consacré de nombreux articles, ainsi qu’une thèse conséquente. Son livre L’Infiltration mafieuse dans l’économie légale se termine sur une conclusion qui laisse songeur : « Le phénomène de l’infiltration mafieuse dans l’économie légale, sous sa forme productive, apparaît alors comme un processus cumulatif, durable et difficilement réversible sans une intervention ciblée des pouvoirs publics. » (éditions L’Harmattan, 196 pages, 2005). On signalera aussi le laboratoire italien d’études économiques, le Censis, qui consacre de nombreuses parutions à l’économie mafieuse (www. censis.it). la stratégie d’implantation des nouveaux mafieux

- 1 -Une première incursion faite de braquages et de pillages. Nouveaux sur le territoire, ces groupes ne disposent pas de réseaux pour corrompre élites et élus. Ils braquent pour renvoyer l’argent au parrain qui, resté au pays, corrompt chez lui. Il s’enrichit et grossit. - 2 - Devenu plus riche, le « mafieux » revient en France et s’y installe. Il peut désormais acquérir des biens immobiliers et des affaires légales. Il dépend encore du parrain. - 3 - La « succursale » devient indépendante, et voilà une mafia installée.


OLIVIERO TOSCANI Dans le cerveau de... Par Hélène Brunet-Rivaillon Illustrations Damien Weighill

Il est le photographe italien le plus connu au monde. Et son talent pour provoquer la controverse y est pour beaucoup. Ses faits d’armes les plus médiatisés remontent aux années 1990. A l’époque, il élabore les campagnes de pub pour les vêtements Benetton depuis déjà quelques années. Mais l’image de la jeunesse « United Colors » épanouie s’essouffle. Il faut construire un discours plus fort. Dans quel but ? Eveiller les consciences (l’argument officiel). Et vendre, surtout. Il opte pour des messages

plus « shocking » – homophobie, peine de mort, religion, handicap, etc. – et traite les nouvelles campagnes d’affichage en s’inspirant de celles des ONG. Le logo de la marque est par exemple inscrit sur la photo d’un homme séropositif (David Kirby), allongé sur son lit de mort et entouré de sa famille. Ou encore sur un cliché réunissant les vêtements maculés de sang d’un soldat croate. Un mélange des genres jugé courageux pour certains et d’un goût douteux pour d’autres. Sa collaboration 176

avec Benetton cesse en 2000. En 2013, la marque a par ailleurs reconnu avoir sous-traité une partie de sa production aux usines insalubres du Rana Plaza, au Bangladesh, dont l’effondrement a entraîné la mort de plus d’un millier de travailleurs. Pas très raccord avec les leçons de morale pro droits de l’homme de l’ère Toscani. De son côté, le photographe continue ses activités militantes aux quatre coins du monde, pour des projets philanthropiques ou pour des marques.

Illustration JellyLondon.

C’est le « nonno » (papy) le plus pop de toute l’Italie. A 73 ans, le photographe d’origine milanaise continue de shooter des clichés qui embrasent les discussions devant les machines à café du monde entier.


isabelle caro le ciel toscan

votre voisine

En 2015, il caste 1000 femmes « comme tout le monde » (ni trop jeunes, trop minces, trop grandes) pour la marque Balsamik. Les 15 « girls next door » sélectionées ont fait l’objet d’une exposition sur le thème « anti-clichés ».

Le septuagénaire est installé en Toscane (ça ne s’invente pas !), où il produit par ailleurs de l’huile d’olive vierge (un comble !) et du vin.

Il shoote cette jeune comédienne marseillaise victime d’anorexie (31 kg pour 1,64 m), nue, en 2007, dans le cadre de la campagne de sensibilisation « No Anoressia ». Les photos, exposées pendant la semaine de la mode à Milan, sont au cœur d’une vive polémique. La jeune femme est décédée en 2010.

clichés chocs

des étrons

Mathieu kassovitz des zizis

Il est l’auteur de l’affiche superpolémique du film Amen réalisé par Costa-Gavras (2002), sur laquelle la croix catholique « s’imbrique » dans la croix gammée des nazis. L’acteur et réalisateur français (La Haine, etc.) y interprète un jeune prêtre résistant.

En 2011, il lance un étonnant calendrier : tous les mois sont illustrés par des photos de sexes féminins en gros plan. L’année suivante, il récidive avec des pénis. But (facile) recherché: le buzz. Objectif atteint.

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En 1991, il fonde la revue internationale bimensuelle Colors avec le designer Tibor Kalman. Leur plus gros coup ? Un spécial excréments, sobrement intitulé Colors Cacas et sous-titré « A Coffee Table Book ».

De 1980 à 2000, il signe les campagnes chocs de Benetton. Dès les 90s, les vêtements s'en vont, les images alertent sur les ravages du sida ou l’horreur de la guerre.


ASCENSEUR SOCIAL Le détail qui tue Par Anne Gaffié

Ce n’est pas tous les jours que l’on vous ouvre la voie royale. Dolce & Gabbana l’a fait pour vous en lançant sa première collection joaillière placée sous le signe de l’Eglise et de l’Etat, avec de sacrés modèles. Amène.

la subtilité

Les boutons de manchettes en forme de couronne sont les pièces maîtresses de la ligne « King ». Ils existent en deux tailles, en or jaune ou blanc. Ils sont ponctués de jaspe rouge ou verte, ou encore du bleu lapis-lazuli, le tout sur une base de minuscules rubis, saphirs et diamants noirs. Le travail de l’or, artisanal, est d’une finesse exceptionnelle. Les gravures, reliefs et dentelles sont réalisés à la main.

Une fois passée la première impression un peu formelle du concept, le travail de l’objet est d’une telle délicatesse qu’il fait de ces boutons de manchettes un bijou à part entière. Des ornements extrêmement légers et subtils, qu’il faut savoir regarder… et garder.

le chainon manquant

Même si le bijou fantaisie a fait les riches heures de Dolce & Gabbana, cette collection joaillière, la première des créateurs italiens, vient à point nommé pour compléter sa ligne de haute horlogerie lancée fin 2014.

la collection

Pour hommes et femmes, elle décline toutes les icônes historiques de la tradition sicilienne, si chères à la maison. La Trinacrie (symbole de l’île), le rosaire, l’amulette, la couronne... L’imagerie complète est là, réinterprétée par les meilleurs artisans, qui taillent, tressent, gravent et facettent à tout-va. 178

COME SI FA 90 h de travail sur une paire de boutons de manchettes

20 artisans à la tâche

3 750 € les boutons de manchettes

Photos Cymagina.

le clou du spectacle


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L’OBJET CULTE focus Photographe RAYA FARHAT Styliste MINJA EL-HAGE

Le Mocassin Confortable et stylé le mocassin trouve ses racines dans l’histoire. Il convient aux pieds de tout élégant qui se respecte et ne cesse d’être réinterprété, mais reste inimitable. Imaginez : le moccassin, tel que nous le connaissons, mis à la mode à la fin des années 40, devait obéir à un impératif de confort, être chaussé et déchaussé facilement grâce son empeigne courte. Le voyageur devait y être à l’aise sans enlaidir sa silhouette. Mais il est temps de faire un bref flashback : il n’est pas né de la dernière pluie, mais bien avant, dans les forêts canadiennes au XIXe siècle. Dans Atala, Chateaubriand évoque les “mocassines”, des peaux

de rat cousues à la façon de petits sacs (les makasens) pour protéger les pieds des chasseurs des grands froids. Cependant, on pourrait remonter sa généalogie bien plus loin, puisqu’un soulier vieux de 5 500 ans qui y ressemblait fort a été retrouvé dans une cave arménienne. L’histoire du mocassin prend des tournures d’épopée. A Paris, du Drugstore aux petites frappes soucieuses de leur allure, il conquit les vestiaires avec aisance, jouant de ses charmes protéiformes, en croco ou en veau, voire en requin pour les commandes spéciales, pour épouser toutes les tenues. Sa vitalité contemporaine, il la doit aussi à des regards extérieurs. Et c’est bien le propre des mythes que d’être réinterprétés, selon l’inclination et l’esprit de chacun. 184

Mocassin en cuir et pantalon en laine, Dolce & Gabbana. Assistante photo Amandine Crozat Assistant styliste Loyc Falque


BLEU BLANC ROUGE focus Par Adrian Forlan Photographe LARA GILIBERTO Styliste JéRôME ANDRé

Si l’Italien Remo Ruffini préside aux destinées de la maison Moncler depuis 2003, celle-ci reste ancrée, profondément, dans l’imaginaire français. Née près de Grenoble, elle adresse bien volontiers des clins d’œil malicieux et sincères, à ses origines. Pour sa nouvelle gamme Bleu (oui, au masculin), le designer Thom Browne apporte sa touche très couture au naturel sportswear impeccable qui fait l’ADN de Moncler. Ce blazer à trois boutons en nylon, mac et velours en atteste. Avec ce twist inattendu, Thom

Browne fait sortir un classique absolu des sentiers battus, pour lui faire prendre un chemin de traverse, autrement plus excitant.

Veste en patchwork nylon, mac et velours, chemise en popeline de coton, cravate soie et pantalon en twill, Moncler Gamme Bleu. Assistante photo Amandine Crozat Assistant styliste Loyc Falque 185


LE NEW BLACK focus Par F.A.D Photographe RAYA FARHAT Styliste MINJA EL-HAGE

Manteau et chaussures, Burberry. Pull EN LAINE, Canali. Pantalon en laine, Loro Piana. 186


LE NEW BLACK Le noir n’a pas toujours été une couleur fédératrice. Il a ce côté, au mieux uniforme de fonctionnaire ou de pensionnaire, au pire tenue de deuil, de croque-mort ou de clergyman. Sa popularité est revenue en force avec la vague japonaise qui a inondé Paris dans les années 80. Après de longues années hippies qui proposaient un vestiaire parfois clownesque, la nouvelle esthétique nippone s’attachait à effacer la couleur au profit des volumes, de l’architecture, de la silhouette. Très vite,

on a compris l’intérêt de mettre en avant la personnalité plutôt que le vêtement. Les visages émergeant d’une structure sombre étaient plus expressifs, voire plus intelligents. On gagnait en charme ce qu’on perdait en visibilité. Pour obtenir un beau noir, comme pour toute couleur d’ailleurs, il faut de belles textures. Moiré de brun, de vert ou de bleu, le noir tissé avec les plus beaux fils se fait subtil, mystérieux. Il y a du Soulages, du Hartung dans les noirs des grands faiseurs. On retrouve cette profondeur chez Zegna, Dolce&Gabbana, et même dans les cirages artisanaux de Santoni. 187

Manteau et Pull, Zegna. Pantalon, Dolce & gabbana. Chaussures, Santoni. Modèle Charbel Chalhoub


LA TENDANCE focus Par Adrian Forlan Photographe LARA GILIBERTO Styliste JéRôME ANDRé

Le pantalon de velours côtelé n’a sans doute pas eu le destin qu’il méritait. Cela arrive. Reprenons : synonyme d’élégance très mâle, adulte, on le voyait sur les personnages de Claude Sautet, un peu fêlés, mais toujours dignes. Serge Reggiani le portait avec superbe, Michel Piccoli le rendait aussi chic qu’un smoking. Que lui est-il arrivé ? Uniforme conventionnel d’une génération d’enfants, résistant à leurs glissades, chutes et diverses cascades, au fil des années, il perdait de son charisme, jusqu’à ce qu’une nouvelle génération de créateurs – de Christopher Bailey (Burberry Prorsum) à Silvia Fendi en passant par Tomas Maier (Bottega Veneta) – ne lui offre une nouvelle vie, en un mot, une renaissance. Pour être honnête, nous n’attendions que ça.

De gauche à droite : Pantalon en velours côtelé, Bottega Veneta. Pantalon en velours côtelé, Fendi. Pantalon en velours côtelé, Burberry Prorsum.

Assistante photo Amandine Crozat Assistant styliste Loyc Falque 188


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Théorie du genre

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mode Par Jessica Michault

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L’industrie du luxe au masculin a connu un sacré bouleversement ces dernières saisons. Le marché a explosé en termes de ventes, avec une croissance dépassant nettement celle de la mode féminine. Et pourtant, le secteur n’a jamais connu de telles fluctuations. Sur le plan stylistique, l’évolution touche tous les aspects du design, et nous sommes à une des périodes les plus créatives, innovatrices et révolutionnaires de mémoire récente. Le compartimentage en usage dans l’industrie (qui différenciait la confection sophistiquée, le sportswear décontracté et le sportif urbain) s’est effondré. Sur ses décombres, de nouveaux designs hybrides mêlant matières ultramodernes et coupes traditionnelles ont pris la première place. L’assouplissement des codes vestimentaires n’a fait qu’accélérer cette évolution des

styles. Le casual friday ne se limite plus à un seul jour de la semaine. Des créateurs tels qu’Alexander Wang, ­Stefano Pilati, chez Ermenegildo Zegna, et Kim Jones, chez Louis Vuitton, ont trouvé l’équilibre idéal cette saison en mêlant élégance et modernité. Non seulement dans cette association de matières high-tech et d’exécution à l’ancienne, mais aussi par l’intro­duction audacieuse de motifs et une attention au détail privilégiant le confort. Mais la barrière entre les styles bien définis de la mode masculine n’est pas la seule à tomber. Grâce à la récente nomination d’Alessandro Michele au poste de directeur artistique de Gucci, le concept de fluidité des genres dans la mode masculine provoque un débat qui agite le secteur. La première collection de Michele pour 192

Gucci (créée en une semaine seulement) opérait un virage à 180 degrés par rapport au travail effectué par son prédécesseur. Son défilé séminal automne-hiver 2015 mélangeait des modèles hommes et femmes sur le podium. Tous portaient des pièces qui floutaient les frontières entre les genres. Mais il n’est pas le seul à explorer ce nouveau territoire. J.W. Anderson a emprunté cette piste, à la fois avec sa propre griffe et chez Loewe, où il est directeur artistique. Même Christopher Bailey, chez Burberry, a flirté avec la féminité dans sa collection homme. Cette représentation féerique de la masculinité peut sembler inédite sur les podiums, mais c’est un style qui a déjà fait ses preuves dans l’industrie musicale. De Mick Jagger et David Bowie jusqu’à


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Photo DR.

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Les frontières entre les modes masculine et féminine se brouillent. Hommes et femmes défilent et s’habillent ensemble

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l’ Emo de Tokyo Hotel en passant par la vague glam des années 1980, la porosité des genres a fait son chemin dans notre psyché collective. Reste à voir jusqu’à quel point ce type de vêtements va s’ancrer dans le dressing de Monsieur Tout-le-Monde. Si quelqu’un continue de pousser le concept d’androgynie à l’extrême, c’est bien Hedi ­Slimane. Sa collection homme pour Saint Laurent signe l’engouement de cette saison pour les silhouettes inspirées des années 1970. Et son obsession durable pour les mannequins efflanqués confère une dimension asexuée à ses créations. En évitant de mettre clairement en avant l’un ou l’autre sexe, Slimane ouvre ses collections à l’imagination des femmes qui peuvent rêver de posséder et de porter tout ce qu’elles voient dans les défilés masculins – comme avec les créations de Michele pour Gucci. La mode est arrivée à un stade où les femmes qui, autrefois, n’auraient emprunté qu’un ou deux vêtements dans le placard de leur homme, peuvent désormais sans hésiter ­s’approprier l’intégralité de sa garde-robe. Les frontières se brouillent, c’est le cas de le dire.

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1. Louis Vuitton 2. Ermenegildo Zegna 3. Alexander Wang 4. Saint Laurent PAR HEDI SLIMANE 5. Burberry Prorsum 6. Loewe 7. Gucci 8. J.W. Anderson

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FASHION

Après la fin des défilés automne-hiver 2015/16 à Paris, notre spécialiste maison revient pour nous sur les moments phares. Désirable, hyper chic, androgyne... la mode masculine sous toutes les coutures.

mode Par PAQUITA PAQUIN Dessins JEAN JULLIEN

Un hiver marqué par la quasi-disparition du sportswear dont certaines pièces comme le pantalon de survêtement s’intègrent désormais à la panoplie citadine ; une palette de couleurs réduite où dominent le gris et le noir ; des manteaux et costumes classiques à peine revisités... Dans ce

contexte, comment la signature d’un designer réussit-elle à se perpétuer alors que ses modèles servent les envies de la saison ? Et comment certaines collections en rupture réussissent-elles à contredire la tendance générale marquant ce temps d’avance qui fait évoluer nos goûts ?

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Saint Laurent

Le rock’n’roll contiendra-t-il suffisamment d’épisodes et de particularités pour que Hedi Slimane continue d’y puiser ses références pour Saint Laurent ? Sauvage, contestataire, romantique, élégant, le rock présente un prisme infini, un gisement d’énergie pure. Le designer convoque cette fois-ci, ceux qui de 1973 à 1977 furent mes héros. Les chanteurs du punk français : Henri Flesh d’Angel Face, Patrick Eudeline d’Asphalt Jungle, Jacno des

Stinky Toys… et les rock krïtiks, Yves Adrien et Pacadis. Slimane sublime ces silhouettes déjà improbables, les rétrécit au maximum, les étire par la magie de boots à talons de 8 centimètres, l’étroitesse des pantalons de cuir, blousons, vestes de smoking. Une somptueuse capacité à contraindre les corps, à imposer des proportions de folie digne des couturiers visionnaires. Et pour mieux évoquer la french touch, le designer choisit la marinière et le béret.

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Hermès Véronique Nichanian – en charge du prêt-à-porter masculin d’Hermès depuis vingt-huit ans – peut sortir des tas de foulards de sa manche. L’intelligence de son savoir-faire consiste à traiter le luxe inhérent à la marque avec l’air de ne pas y toucher. Elle travaille les matières les plus sophistiquées et les dédramatise avec une désinvolture qui les rend plus chic encore. Le choix des couleurs sombres – violine, carbone, prune, marine, taupe – est époustouflant. Véronique

Nichanian tempère ses costumes prince-de-Galles avec un simple cache-nez, elle place sous une veste, un pantalon de survêtement, ce dernier en vison rasé ! Le sweat-shirt avec ses empiècements maille, lui, est en croco “chiffon” et se porte les manches remontées. Dans le hall de la Maison de la radio, face aux lumières de la ville, les tenues du défilé relèvent plus de l’urban wear que des sports de grand air chers à la maison du 24, Faubourg.

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Raf Simons Raf Simons nous donne rendez-vous en banlieue, dans un décor brut de décoffrage, nous laissant nous placer debout, à notre gré, le long d’un podium très en hauteur. Avec lui, l’inconfort laisse toujours présager du meilleur : un retour à l’énergie de ses débuts. Comme pour un rituel de bizutage, ses héros – une bande de kids – portent des blouses de potaches maculées de dessins et slogans. D’allure dégingandée, ils défilent

bras nus sous de longs manteaux ou trenchs sans manches qui leur battent le mollet. C’était justement avec des vêtements rétrécis sur le corps, mais plus structurés que Raf Simons a révolutionné la mode, au milieu des années 1990. Cette présentation plus libre, d’une décontraction nouvelle et ces vêtements parfois inachevés renvoient aux créations des beaux jours de Martin Margiela.

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J.W. Anderson Sa figure de nouveau venu captivant a valu à Jonathan Anderson d’être nommé en 2013 directeur artistique de Loewe. Il livre à Londres, pour son propre label, J.W. Anderson, une collection en rupture, mélangeant Moyen Âge, fin XIXe siècle et années 1970, avec une aisance qui rend ses sources indatables. Une collection portée par un jeune homme coquet, au physique de Pee-wee Herman, autodidacte de l’habillement. Ennemi du vêtement

conventionnel, il affiche un style bricolé main. Manteaux en velours lisse, larges cols mous, absence d’épaules, pantalons ouverts et flottants sur chevilles nues. Pure fantaisie soulignée par des boutons sculptures, une lourde écharpe frangée, très Folies Bergère. Ces libres penseurs de la mode sont les nouveaux dandys. Une collection inspirée de la pataphysique d’Alfred Jarry, Anderson endosse le rôle du trublion. Et, d’une certaine façon, redistribue les cartes.

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Lanvin

J’aime cette façon qu’ont Lucas Ossendrijver et Alber Elbaz pour les collections homme Lanvin de n’exclure personne. De faire se côtoyer les jeunes dreamers avec les adeptes d’une mode réaliste. À ces deux ingrédients s’en ajoute cette saison un troisième : des propositions de vêtements futuristes uniformément noirs. Mettre le tout

dans un shaker et laisser défiler. Chaque entité succède à l’autre sans souci de cohérence et pourtant le cocktail prend bien, il ressemble à la vie. Est-ce dû au casting, à la coiffure, à la démarche ? Le duo semble éprouver une tendresse évidente pour les fautes de goût des adolescents à la recherche de leur look.

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Dior Homme Assis sous un rideau de scène suspendu au-dessus de leur tête, trente-deux musiciens, alignés à la queue-leu-leu, couvrent les 80 mètres du podium. Cordes, cuivres, instruments à vent, et percussions jouent un morceau de Koudlam, The Lands Apes. Et c’est beau ! Sur cette ambiance opéra, défile une flopée d’hommes en habit. Cela faisait longtemps que les propositions de grand soir n’étaient plus à la une dans la mode masculine, pourtant, la veille, déjà, c’est la maison

Berluti qui renouait avec la queue-de-pie. Cet orchestre classique interprétant de la musique contemporaine illustre le propos de Kris Van Assche pour la collection Dior Homme. Costumes noirs, gris, à motif prince-de-Galles, chemises blanches, fines cravates : c’est sur la base du conventionnel que le designer va trouver sa modernité. “L’éclectisme, dit-il, est porté comme une valeur pour une élégance confiante et dynamique.”

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no military experience required


Corps-à-corps avec la bien-pensance Ils s’enchaînent aux grilles des entreprises polluantes, interposent leurs modestes canots face aux cargos. Ils imposent aux regards leurs corps parfois dénudés, grimés, automutilés... Armes pacifistes face aux différents visages de l’injustice. Faire rempart en un geste éclatant. Tel est le point commun entre les militants du Rainbow Warrior et les artistes de l’après-guerre : un corps qui entre en action pour dénoncer un état de fait, rejeter une culture dominante. Il y a 40 ans, la geste activiste et l’artperformance s’affirmaient. Pour changer le monde. Des cadavres de loutres, le tympan crevé, échoués sur le rivage de l’île d’Amchitka, au large de l’Alaska. Nous sommes en 1971. Ce sinistre spectacle, résultant d’essais nucléaires américains, choque profondément le couple d’Américains Irwing et Dorothy Stowe, engagés dans le mouvement pacifiste “Don’t Make a Wave Committee” (Ne Faites pas de Vagues), à Vancouver (Colombie-Britannique). Avec d’autres militants pacifistes (dont Jim Bohlen, Bob Hunter et Ben Metcalfe), ils décident de placer leur bateau, le

Phillys Cormack, au centre de la zone d’essais nucléaires. Greenpeace était née. L’acte est radical, fondateur d’un “rituel activiste” qui verra les bateaux des militants investir des zones reculées, d’exclusion, pour dénoncer le nucléaire, la pollution, la déforestation, les OGM… Chaque occurrence donne lieu à la même scénographie : interposition physique, non-violence, médiatisation par des photos marquantes. Une photographie, justement, montre le groupe écologiste, en 2010, déversant un colorant vert dans 206

la rivière Riachuelo à Buenos Aires pour en dénoncer la pollution. Clin d’œil à l’artiste argentin Nicolas Uriburu qui colorait le Grand Canal de Venise en 1968. Même geste, même combat. Par cette action, les militants verts assument leur appropriation du processus de la performance. Sur le Phillys Cormack, en 1971, c’est Bob Hunter, photoreporter au Sun canadien qui se charge d’informer efficacement le monde entier, car il faut marquer visuellement les esprits : “La

Photo Courtesy Yayoi Kusama Studio, Tokyo. © Pierre Gleizes/ Greenpeace. © Nick Cobbing/ Greenpeace.

Geste activiste et performance artistique Par Julie Chaizemartin


Au premier plan, Yayoi Kusama, Anatomic Explosion-Anti-War Happening, 1968, Pont de Brooklyn, New York. En arrière-plan, l’artiste John Quigley et les membres d’équipage du briseglace de Greenpeace Arctic Sunrise, recréent le croquis de Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve, à l’aide de fils de cuivre sur la banquise Arctique. L’artiste dénonce ainsi les impacts du changement climatique qui “mangent le corps de notre civilisation”, 2011.

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“La communication chez Greenpeace est une composante spécifique pour exprimer un témoignage à travers l’image et la photographie. Nous avons toujours été à l’avant-garde pour véhiculer notre message.”

communication chez Greenpeace est une composante spécifique pour exprimer un témoignage à travers l’image et la photographie. Nous avons toujours été à l’avant-garde pour véhiculer notre message. Au regard du contexte dans lequel naît Greenpeace : les années 1970, la guerre du Vietnam, il y a une appropriation des codes socio-culturels. L’art et la performance en font partie”, rappelle Hugo Duchesne, responsable photo et vidéo chez Greenpeace France. Le contexte politique et social des années 1960-70 dans lequel émerge la conscience écologique est particulièrement exacerbé par les luttes contre les idéologies politiques et la société de consommation. Il y a une volonté, à différentes échelles, d’émancipation de la part des artistes, des femmes et des Noirs américains pour protester contre les horreurs de la guerre, le puritanisme bourgeois et la ségrégation raciale. “Faire rhizome” diront Deleuze et Guattari, à savoir briser l’organisation préétablie des choses. On voit, tour à tour, Rosa Parks, la première debout en 1955, avec son corps comme seule arme pour dire non à la ségrégation dans les bus de Montgomery en Alabama, Jackson Pollock, à New York, penché debout, déversant avec vigueur des pots de peinture sur ses toiles à même le sol. Le corps en action, ils posent les prémices d’un esprit libertaire. Martin Luther King, imposant de charisme lors de son discours de 1963 (“I have a dream”), devant 250 000 personnes : l’année suivante est adopté le Civil Rights Act interdisant toute forme de ségrégation dans les lieux publics. Il faudra, toutefois, attendre 1967 pour que la Cour Suprême déclare anticonstitutionnelle l’interdiction

des mariages mixtes. King sera assassiné l’année suivante par un adepte de la suprématie blanche. Six mois après sa mort, dans le ciel des J.O de Mexico se détachent les deux gants noirs des athlètes afro-américains Tommy Smith et John Carlos. Debout, la tête inclinée en signe de deuil, leurs corps parlant à leur place, rempart face au racisme atavique des Blancs. En France, entre 1958 et 1961, Yves Klein faisait rouler le corps de femmes nues sur ses monochromes bleus (“anthropométries”) : empreintes de corps, mais surtout paraboles des morts d’Hiroshima qui l’ont traumatisé. Car ce sont bien les stigmates de la Seconde Guerre Mondiale qui perturbent toute une génération. Les esprits subversifs – dans la lignée de Duchamp et Dada – et le militantisme de tous ordres ne peuvent trouver meilleur porte-voix que l’acte performatif, qui adopte plusieurs formes pour dénoncer et choquer. Clamer une contre-culture, nouvelle, underground, hippie. C’est l’heure pour l’artiste d’exprimer au monde l’assimilation insupportable qu’il a fait des tragédies de la guerre et de la Shoah. Expérimenter et transgresser. Aux EtatsUnis, un bouillonnement d’électrons libres, constitué du croisement de Fluxus, Yoko Ono, les musiciens John Cage et La Monte Young, brouille les codes artistiques, organise des performances-concerts. Simultanément, Allan Kaprow fait ses premiers happenings impliquant le public, et le corps se libère dans les “bed-in” pour la paix orhestrés par Yoko Ono et John Lennon. Dénonciateurs non-violents de la guerre en cours, celle du Vietman. De leur côté, les écologistes poursuivent leurs actions et tissent leur réseau. En 1975, le 208

monde s’émeut de l’épisode du capitaine Watson, qui croise le regard d’une baleine mourante, blessée par un harpon, alors que les militants tentent de s’opposer à la chasse baleinière de la flotte soviétique, sur de simples canots pneumatiques. En 1981, la photographie d’une traînée de sang d’un bébé phoque sur la banquise immaculée émeut l’opinion internationale. Est-on si loin des Tirs de Niki de SaintPhalle, au tout début des années 1960, qui du plâtre blanc font échapper des larmes de couleur rouge ? C’est aussi le rouge sang de la guerre d’Algérie et de l’usage de la torture, dénoncés à la même période par Jean-Jacques Lebel (L’AntiProcès, 1960), précurseur des happenings européens. Il estimera que la plus aboutie des performances est Mai 68. On est encore à plusieurs décennies de l’Internet et des réseaux sociaux, Greenpeace doit attirer l’attention pour expliquer sa démarche et alerter le public. La dimension épique est consommée lors de l’attentat meurtrier du Rainbow Warrior en 1985 par les services secrets français. Le scandale politique éclate. Il y a 30 ans, les militants entraient dans la légende, de provocation exacerbée pour les uns, d’héroïsme pour les autres. Comme des performeurs sur le fil – ou sur les barricades, dirait Jean-Jacques Lebel – les combattants de l’environnement défient les gouvernements. En 1995, ils se font repousser à coups de canons à eau alors qu’ils tentent de monter sur la plateforme pétrolière Brent Spar en mer du Nord, et se livrent à ce que certains qualifieront de “bataille navale” avec la marine française dans l’atoll de Mururoa tandis que la France effectue une dernière campagne d’essais nucléaires.


© Rex Weyler/Greenpeace. Courtesy the artist and Lisson Gallery. DR. © Pierre Gleizes/ Greenpeace. Copyright Gérard Rancinan. , © Greenpeace.

1. Des militants de Greenpeace protestent à la poupe du navire-usine baleinier, 1975. 2. Marina Abramovic et Ulay, AAA-AAA, 1978, vidéo noir et blanc, 9 min 54 sec. 3. Niki de Saint Phalle réalisant un des tableaux de la série Les Tirs en 1961. 4. Activistes de Greenpeace tenant une banderole. Au sol des coquillages forment les mots “Thank You” à Brighton, Royaume-Uni, lors d’une réunion de la Commission baleinière internationale. 5. Portrait de Paul McCarthy par Gérard Rancinan, 2002. 6. Le Rainbow Warrior dans le port d’Auckland après l’attentat orchestré par les agents des services secrets français, 1985.

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© Pierre Gleizes / Greenpeace

Un iceberg gonflable est placé par des militants de Greenpeace sur la Seine afin de démontrer l’impact du changement climatique, un jour avant le début du sommet du G8, 2009, Paris.

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“Otto Muehl, Hermann Nitsch, Günter Brus érigent le dégoût en norme artistique et exhument le passé nazi non assumé de leur nation.” Corps à corps provocateur. A l’instar de la féministe japonaise Yayoi Kusama qui s’interroge – “Suis-je un objet ou suis-je un sujet ?” – tandis qu’elle pose nue sur le pont de Brooklyn pour dénoncer la guerre du Vietnam (Anti-war naked happening and flap at Brooklyn Bridge, 1968). Une manière aussi de revendiquer sa liberté sexuelle, ce que feront plusieurs féministes dans des performances au cours des années 1970 (Martha Rosler, Carolee Schneemann, Valie Export). Au même moment, la provocation est à l’extrême dans les performances extrêmes de l’Actionnisme viennois. Otto Muehl, Hermann Nitsch, Günter Brus et Rudolf Schwarzkogler érigent le dégoût en norme artistique et exhument le passé nazi non assumé de leur nation. Le but de l’activisme écologique et des artistes est bien de créer une prise de conscience collective. Le tournant de la décennie 1990 est couronné de combats remportés comme avec le moratoire sur la chasse commerciale des baleines (1986) ou l’arrêt des essais nucléaires français (1996). Pendant ce temps, les 700 chênes, plantés en 1982 près de Cassel en Allemagne par Joseph Beuys croissent, et les installations de Christian Boltanski portent à réflexion sur la mort, l’oubli, la mémoire…Dans les années 2000, comme une chorégraphie en duo, art-performance et geste activiste se synchronisent. Les actions de Greenpeace se font plus théâtrales : comment ne pas évoquer les performances d’un Paul McCarthy devant cet iceberg gonflable au pied de la Tour Eiffel destiné à alerter sur la fonte des glaces, ou face à Barbie frappant un tigre pour dénoncer l’utilisation par Mattel de bois de forêts tropicales ? Greenpeace décide de faire appel à des artistes pour composer ses messages visuels, véritables performances photographiques : “on peut parler d’artivisme, qui symbolise l’utilisation de l’art pour une cause”, précise Hugo Duchesne. C’est le cas en 2009 avec la photographie de Spencer

Tunick représentant 700 personnes nues dans un vignoble avec pour objectif d’alerter sur les terroirs menacés et, en 2011, avec L’Homme de Vitruve de John Quingley, réalisé au pôle Nord sur le thème du changement climatique. Mais la performance artistique estt-elle toujours aussi subversive ? Où sont Yoko Ono et Fluxus semble se demander Jean-Jacques Lebel dans son exposition “Soulèvements” (La Maison Rouge, 2010). Qu’est-il advenu de la Marina Abramovic des années 1970 ? Celle qui mettait son corps à l’épreuve dans des performances risquées, mais ne semble plus présenter que des citations contenues de ses performances passées ou des collaborations commerciales avec Lady Gaga ou Jay-Z pour se rappeler au bon souvenir du public. Manque d’imagination ? Allégeance à la bienpensance contagieuse ? La société de consommation que combattaient les performeurs d’avant-garde n’auraitelle pas rattrapé l’art ? Gageons, comme l’espère Alice Audouin, fondatrice d’Art of Change 21 (association regroupant 21 artistes, entrepreneurs sociaux, accélérateurs du changement “post carbone” et jeunes leaders de la mobilisation contre le réchauffement climatique) que la Cop21 (conférence internationale des Nations-Unies sur le Climat tenue à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015) sera “un moment où les autorités vont repérer la culture comme un levier important. Mais les écologistes ne voient parfois pas l’intérêt de passer par la culture. Ils ont trop tendance à réduire le rôle de l’art dans l’écologie à un militantisme”, souligne-t-elle. Une chose est sûre, l’engouement artistique en France pour l’écologie est une réalité, ce dont témoigne ArtCop21, manifestation citoyenne et artistique qui aura lieu en Ile-de France cet automne, mise en place par Cape Farewell et l’association Coal elle remettra un prix Art et Environnement et un prix Spécial Océan en septembre, 211

en partenariat avec Tara Expéditions, le bateau d’Agnès B., qui accueillera le lauréat pour une expédition dans le Pacifique. Tara a déjà embarqué des artistes (Xavier Veilhan, Pierre Huyghe, Sebastiao Salgado) et aura un Pavillon lors de la Cop21 avec des manifestations et des performances artistiques. Mais les autorités seront-elles prêtes à entendre les artistes ? Le témoignage du Britannique Michael Pinsky sur son œuvre Plunge (installation de marqueurs bleus sur les monuments de Londres en 2012 indiquant le futur niveau de l’eau en 3111) qu’il souhaite installer à Paris, peut nous en faire douter : “Il y a un profond déni sur les questions de réchauffement climatique. Mon œuvre a porté à controverse chez beaucoup de politiques londoniens. Je suis dans la contestation pour faire émerger des questionnements critiques”. L’esprit de contestation devrait être là, au vu des événements qui déchirent le monde : guerres, attentats… et ce mauvais goût du passé tellement présent avec la mise en cause de la police dans les récents meurtres de deux jeunes Noirs à Ferguson et à Baltimore, entraînant des émeutes, en août 2014 et en avril 2015. Crispation, injustices. Regardons du côté des pays émergents, la Chine par exemple, où Liu Bolin réalise des performances photographiques sur la question de l’identité chinoise et les problèmes sociétaux ; vers Cuba, où la performeuse Tania Bruguera est une incarnation de l’artiste militante. Vers la jeune génération aussi – où une artiste comme Yaël Bartana, Israélienne, à l’origine du Mouvement de la renaissance juive en Pologne, tente une démarche de recréation historique fictive et s’interroge sur les épisodes qui jalonnent l’histoire politique d’Israël, questionne le passé, le sionisme, les rapports avec la Palestine. Une jeune génération peut-être plus disposée à marcher du côté sauvage… Walk on the wild side, chantait Lou Reed en 1972.


MARC BAROUD, BARBARE FUTURISTE Texte par F.A.D. Photographe RAYA FARHAT

Unité, dimension et structure sont les trois principaux outils de ce designer rigoureux au parcours éclectique, à la fois architecte, architecte d’intérieur et concepteur d’objets. Marc Baroud, né de la rencontre sur une table de dissection entre l’artisanat et l’informatique, a appris les bases de son métier entre l’A LBA et Paris. Depuis, il dirige l’école de design de son Alma Mater et s’expose dans les espaces les plus prestigieux, de la Milan Design Week aux Dubai Design Days, la London Design Week et Design Miami.

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Il y a exactement un an, Marc Baroud faisait l’événement au Beirut Art Center avec une série d’objets baptisés « 1:0 », conçus à partir du module basique du moucharabieh. C’était sa manière de conjuguer savoir-faire artisanal et tradition avec le langage informatique et son système binaire. Prenez un cube ou une sphère en bois, ajoutez-y des trous, imbriquez-les. Avec ce Lego de son cru, le designer a inventé une texture à la fois souple et rigide qui lui permet de composer tout un vocabulaire de formes en trois dimensions, une multitude d’objets du quotidien auxquels une touche de feuille d’or ou d’argent, ou un trait de couleur vive, confèrent un caractère tour à tour classique, futuriste ou pop. Ce n’est là qu’une facette de sa démarche signature. Mieux qu’un « créateur », attribut gigogne qui recouvre le meilleur et le pire de toute une foule de rêveurs farfelus, Marc Baroud est un inventeur qui s’appuie sur des processus rigoureux où la batterie des sciences humaines n’est jamais loin de la technologie pour donner corps à ses visions. Homme de méthode, il est de fait homme de transmission.

Vous avez été étudiant à l’ALBA, vous enseignez à l’ALBA. Hasard ou difficulté à couper le cordon ? Il y a sans doute quelque chose d’ombilical ou même d’Oedipien dans la relation entre L‘ALBA et ses (anciens) étudiants. Cette surcharge affective que l’étudiant constitue durant son cursus se traduit parfois par une rupture totale des liens, mais le plus souvent, certains d’entre nous ont du mal à s’en détacher. Le plus grand challenge aujourd’hui est de préserver l’essence de cette relation, tout en s’inscrivant dans l’évolution de l’enseignement dans le contexte actuel. Que voudriez-vous transmettre, par dessus tout, à vos étudiants ? Je pense que j’essaie surtout de leur transmettre des valeurs humaines communes. En effet, le Design est une pratique centrée sur l’humain. La pratique du Design est basée sur l’empathie, l’expérience de l’autre. En ce sens, il faut commencer par développer chez eux deux notions essentielles qui doivent devenir des réflexes : la responsabilité et la confiance (la confiance en eux et 213


Photos Joe Kesserwani .

De haut en bas, de gauche à droite: Flesh Toys, brochettes en laiton plaquées or. House of Today 2013. Table Basse Tessera, piétement en acier, finition canon de fusil, pièces de noyer massif montées sur cuir. Lampe 1:0, base en acier laqué, modules en aluminium massif.

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“Pour tout objet, même le plus petit, j’ai un incontournable besoin de construire une démarche intellectuelle convaincante.” la confiance en l’autre). Ce n’est pas toujours très évident dans la société dans laquelle nous vivons, mais c’est pour moi une mission prioritaire ; le reste est relativement facile. Qu’avez-vous gardé de plus précieux de vos propres années d’études ? Des rencontres. Les personnes qui m’ont donné l’envie et les moyens de faire ce que je fais, d’observer, de réfléchir, de transmettre. Directeur de la section design, vous invitez vos étudiants à rester « en état de veille créative ». C’est une très belle injonction. Comment se traduit cet état de veille dans votre propre vie de créateur ? Nous sommes dans un paradigme qui a changé radicalement. Le designer n’apprend plus la pratique d’un métier, mais une démarche qui lui permet de trouver des solutions innovantes à des problématiques très diverses. Si nous ne restons pas à l’affut des changements, qu’ils soient sociaux, technologiques ou autres, et que nous n’accueillons pas ces changements de manière créative, nous sommes très vite dépassés. Personnellement, j’essaie de mettre en oeuvre cette veille créative dans ma vie de tous les jours, et dans un certain nombre de projets. C‘est notamment le cas de la mise en place d’une pédagogie spécifique à l’enseignement du design à l’ALBA. Vous considérez-vous davantage un architecte ou un designer ? La différence est-elle une simple question d’échelle ? Je suis designer. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de clarifier un malentendu, puisqu’on m’a attribué à plusieurs reprises le titre d’architecte à tort. C’est sans doute dû au fait que j’ai codirigé un cabinet d’architecture pendant plusieurs

années et me suis occupé de projets divers, notamment de bâtiments. La différence entre l’architecture et le design n’est pas nécessairement liée à l’échelle, mais à l’approche. Si nous parlons plus spécifiquement de design de produits, il y a souvent une différence d’échelle, mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple un Airbus A380 comporte 2 ponts passagers qui font plus de 550m2, mais sa conception relève du design. Donc la différence est plutôt dans le fait qu’une architecture est construite dans un espace déterminé, alors qu’un produit est fabriqué / assemblé dans un lieu qui n’est pas sa destination finale. Une deuxième différence réside dans le fait que l’outil du designer est le prototype, et non le plan ou le dessin. Qu’est ce qui donne de l’âme à un objet, à un bâtiment ? Son utilisateur De tous les objets que vous avez créés, quel est celui auquel vous êtes le plus attaché ? C’est sans aucun doute un jouet à trainer, en bois, que j’ai conçu et fabriqué lorsque j’étais encore étudiant. Il a une histoire assez particulière qui me lie d’ailleurs à deux merveilleux designers pour qui j’ai beaucoup d’admiration et d’affection : Nada Debs et Karim Chaya. Mais ce serait une trop longue histoire à raconter. Comment définissez-vous votre style ? Pensez-vous appartenir à une mouvance particulière du design contemporain ? Vous inscrire dans une histoire, une évolution, révolution, ou régression ? Sans aucune hésitation, je peux vous répondre que je ne revendique aucun style particulier. Je m’inscris dans une démarche qui m’amène à explorer de nouveaux processus à chaque projet. Cela me mène 215

à passer par des matériaux, des formes, des techniques ou des registres sémantiques très différents à chaque projet. Pour moi, l’intérêt réside dans l’opportunité de cette exploration. L’objet final n’est jamais une fin en soi. Cette affirmation ne concerne pas bien entendu les produits destinés à la grande consommation. Qu’est- ce qui vous « déclenche » à la veille d’un processus de création ? L’urgence. Nous sommes dans un monde où nous n’avons malheureusement plus le luxe du temps. Pouvez-vous décrire la conception d’un objet particulier, de sa genèse à sa finition ? Pour tout objet, même le plus petit, j’ai un incontournable besoin de construire une démarche intellectuelle convaincante. Une fois que je suis satisfait de l’idée, je la mets à plat dans mon cahier, toujours à la mine bleue. Je refais les mêmes dessins de manière frénétique, avec parfois de petites variations. Cet exercice peut durer plusieurs semaines, le temps d’apprivoiser totalement l’idée. C’est à ce stade que je dois faire face à la mine désemparée des artisans et que je dois négocier un premier essai. Vient ensuite le travail d’itération, puis un autre round de conviction pour une nouvelle tentative… ce cycle ne s’arrête généralement qu’à la veille de la livraison, avec une bonne dose de frustration de ma part. Je fais souvent des objets plutôt brutalistes, si j’ose dire, en tous cas sans aspect décoratif, mais ce n’est pas pour autant que la réalisation en est plus simple. Si vous aviez eu la chance de travailler pour un grand maître, lequel auriez-vous choisi ? J’aurai voulu être le disciple du croisement entre Andrea Branzi et Jean Prouvé !


Carrés d’art iconique Par Baptiste Piégay Carré, il l’est. Et pourtant, les 1 500 modèles du foulard – pierre angulaire (mais voluptueuse) de l’ADN de la maison Hermès – peuvent tous le jurer : ils sont libres. Libres d’être portés selon le désir de leur propriétaire (en ceinture, en cravate, etc. Ils autorisent autant de fantaisies qu’il y a d’esprits affranchis) ; libres aussi d’être interprétés par des générations d’artistes invités. Cassandre (génial affichiste et typographe qui signa les modèles “Perspectives” et “Littérature”), Dimitri Rybaltchenko ou Hugo Grygkar (auteur

de l’historique carré “Brides de gala” en 1957), ont apposé leur sceau sur un des accessoires classiques ayant rejoint le patrimoine culturel français. Patrimonial, oui, mais vivant. Ses métamorphoses disent beaucoup de l’histoire d’Hermès, de sa qualité de ­conteur, de sa capacité à s’inventer une identité mobile, sans rien renier de sa ligne de fuite esthétique. Elles suivent aussi les progrès des techniques – si l’artisanat est un art, l’accompagner des dernières évolutions lui donne un élan supplémentaire : ainsi

Photos Studio des Fleurs

Hermès décline aujourd’ hui son foulard devenu légendaire en convoquant le génial sémiologue, Roland Barthes, et ses “Fragments d’un discours amoureux”. Le typographe Philippe Apeloig s’est chargé de la mise en scène et succède à de nombreux artistes invités depuis 1937 à exprimer leur infinie créativité.

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le carré parfumé “Flacons de parfum”, qui libère des effluves subtils de Calèche, ou le phosphorescent “La Voie lactée”… Les matières jouent aussi un rôle décisif dans son charme éternel : soie roulottée, cachemire, peau extra-souple, zibeline, ­mousseline bordée de fourrure (celle-là, on l’aurait bien vue au cou de Jacqueline Delubac dans un film de Sacha Guitry)… On comprend que dessinateurs et artistes y aient vu un terrain d’expression à leur mesure. Du tout premier, édité en 1937 par Robert Dumas, “Jeu des omnibus et Dames blanches”, pour saluer

l’inauguration de la ligne parisienne de voitures publiques Madeleine-Bastille, jusqu’au carré intitulé ­“Fragments d’un discours amoureux”, ce foulard s’offre à la créativité, sans restriction. Ainsi, le champ des couleurs possibles est infini, sachant que 75 000 teintes sont disponibles et qu’elles se mélangent dans des proportions ajustables au millième près… S’ils consacrent volontiers un des univers fétiches de la maison, le monde équestre, ils s’aventurent loin, bien loin, dans l’exploration d’autres imaginaires : on

pense au ­“Beloved India” (2008) honorant l’éléphant indien, symbole de la force et de l’intelligence. Et lorsqu’ils mettent en scène le terreau parisien, c’est en l’observant après un pas de côté. La poésie de leurs noms évoque le grand ­Raymond Queneau : “Le Médecin à la maison”, “Traîneaux et Glissades”… Le carré joue avec la palette chromatique, part à la conquête de motifs, avec la grâce que l’écri­vain mettait à ouvrir la grande malle aux mots. Ce n’est pas un hasard si le dernier-né rend hommage à Roland Barthes, immense auteur des Fragments d’un discours amoureux, un des plus beaux livres jamais consacrés à ce sentiment dans la littérature. Barthes, sémiologue précis, avait lui-même composé la mise en page de son ouvrage ; le typographe Philippe Apeloig dispose d’un magnifique matelas sur lequel rebondir : “Cette mise en page, dit-il, m’est apparue comme une architecture sophistiquée, faite de fragments de textes qui pourraient faire penser à un assemblage de papiers collés”. Transformant les mots en blocs opaques, il a libéré des espaces de res­piration inattendus. De même que Barthes nous ­apprenait à lire entre les lignes, Apeloig laisse le souffle s’infiltrer entre les phrases. Ce tour de force s’inscrit sur un carré de soie de 140 par 140 cm. C’est maintenant l’heure de réviser sa mythologie : si l’on sait que ­Hermès est le messager des dieux, il est aussi, et surtout, la personnification de l’ingéniosité. Ci-dessus, de gauche à droite : “Minuit au Faubourg” (2014), dessin de Dimitri ­Rybaltchenko. “Boîte au carré” (2005), dessin de Bali Barret. “Les Toits de Paris” (2006), dessin de Dimitri Rybaltchenko. Ci-contre : “Jeu des omnibus et Dames blanches” (1937), le premier carré Hermès. Page de gauche : “Fragments d’un discours amoureux” (2015), dessin de Philippe Apeloig.

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EMMA & JACK EN COUPLE DEPUIS 1 AN

148 SAAD ZAGHLOUL STREET - DOWNTOWN BEIRUT



Archicouture Christian de Portzamparc signe la nouvelle boutique Dior à Séoul

C’est à Séoul, dans le quartier de Gangnam-gu, que s’élève une toute nouvelle boutique Dior : un bâtiment aux ondulations douces et à la blancheur éclatante, fruit de la rencontre entre la maison de couture et l’architecte Christian de Portzamparc. Celui qui fut le premier architecte français à recevoir le prix Pritzker nous ouvre les portes de son atelier parisien et revisite ses croquis.

L’Officiel : Vous avez travaillé quatre ans (de 2011 à 2015) sur le projet de la nouvelle boutique Dior de Séoul. Le cahier des charges qui vous a été fourni constituait-il une source de contraintes ou, au contraire, de liberté ? Christian De Portzamparc : Plutôt de liberté. La vraie contrainte, ou plutôt la donnée avec laquelle je devais composer était la ville de Séoul et le site sélectionné : une avenue régulière, un peu incurvée, mais bordée de

boutiques de luxe, grands immeubles quadrangulaires qui se différencient uniquement par des graphismes et des couleurs. En référence au site, je suis donc parti de l’idée d’un immeuble qui soit un peu comme une boîte de laquelle s’échapperaient des voiles. Puisque j’avais une certaine liberté de forme, j’ai voulu créer un bâtiment qui soit très différent des autres, plus visible, sans pour autant introduire un chaos. En tant qu’urbaniste, je veux que les villes aient une cohérence et que les rues se 220

lisent. Si tout le monde fait en sorte d’être le plus visible, la rue devient une sorte de zoo bruyant avec des animaux tous différents. Ça peut être amusant dans certains endroits et je pense que les lieux de mode peuvent supporter ça. Il est d’ailleurs possible que d’autres maisons se mettent à faire des boutiques exubérantes à la suite de celle-là. Peutêtre que cela sera très joyeux… mais je n’en ferai jamais une théorie de la ville. Quoi qu’il en soit, ici, l’environnement était déjà lisible et on pouvait se

Photo Courtesy Yayoi Kusama Studio, Tokyo. © Pierre Gleizes/ Greenpeace. © Nick Cobbing/ Greenpeace.

Propos recueillis par Sabrina Françon


Une des étapes de la conception des “voiles” destinées à habiller la nouvelle boutique Dior à Séoul.

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“Architecture et haute couture ont toujours un peu la même nécessité d’usage de vie mais doivent néanmoins apporter une vision neuve. Dans les deux disciplines, il y a un travail sur l’espace, qui a des formes, des couleurs et des matières.” permettre une sorte de sculpture. A quel moment vous êtes-vous plongé dans les archives de Christian Dior et dans les ateliers du 30, Avenue Montaigne ? J’ai fait mes premiers croquis à partir de l’impression que j’avais de Dior. Il me semblait qu’il sculptait l’étoffe, qu’il la laissait parler. Selon moi il s’intéressait à la manière très naturelle qu’une toile, ou un drapé, a de retomber, dans une certaine pesanteur. C’est seulement après une première série de croquis que j’ai ouvert des livres de Christian Dior. D’ailleurs, dire que la boutique est semblable à un vêtement serait faux, un travail aussi littéral aurait donné quelque chose de trop kitch. La boutique, sa coque blanche, s’ouvre sur le ciel dans une dynamique propre à l’architecture, c’est d’ailleurs presque le contraire d’une jupe. Vous préférez éviter un rapprochement trop évident entre la haute couture et l’architecture ? On peut facilement voir des relations entre les deux. Architecture et haute couture ont toujours un peu la même nécessité d’usage et de vie mais doivent néanmoins apporter une vision neuve. Dans les deux disciplines, il y a un travail sur l’espace, qui a des formes, des couleurs et des matières. Mais l’architecture a une présence dans la ville, c’est un art public, permanent. Dans le cas présent, il est vrai qu’on retrouve la haute couture dans la

dissymétrie, la matière, les ondulations et la douceur que peut avoir une surface, sans beaucoup d’ajouts décoratifs, en faisant juste parler l’étoffe. Cette idée d’étoffe était donc présente depuis vos premiers croquis. Comment avez-vous procédé pour rendre cette impression de tissu à travers des matériaux rigides ? Au début j’ai dessiné des coques assez libres qui n’allaient pas forcément dans le sens du vêtement. C’est notamment en me plongeant dans le travail de Christian Dior que j’ai évolué d’un assemblage de pièces fragmentées vers un grand pli. Après des hésitations sur les matériaux, j’ai choisi de développer l’idée d’un tissage de résine et fibre de verre, assemblage que je n’avais jamais utilisé auparavant mais dont la finesse et la précision permettent de créer des formes rigides. Lorsqu’on s’approche du bâtiment, à 10 mètres environ, cette matière tissée, cette sorte de grain, rend sensible cette notion de toile. Ces différentes formes, hautes de 25 mètres, sont fixées les unes aux autres. Sur la façade on voit bien leurs lignes de jonction, mais on voit aussi des lignes qui ne sont rien du tout ! La jonction devient elle-même un fait de dessin, un motif, c’est là où la couture et l’architecture se rejoignent. Les mouvements de cette immense toile blanche semblent jouer avec la luminosité du lieu. Tout à fait, la coque joue beaucoup avec 222

la lumière qui s’exprime dans ce modelé de façon très subtile. Ça ne se fait plus en école mais, au cours de mes études, je dessinais des plâtres antiques, c’était une épreuve en douze heures au cours de laquelle il fallait faire dix grandes statues classiques grecques. On apprend alors ce qu’un modelé peut exprimer comme lumière. Dans la boutique Dior, on a, le matin et le soir, des lumières très différentes : parfois c’est la lumière réfléchie qui compte le plus, parfois la lumière naturelle, c’est très variable. Dans l’univers de la haute couture, la griffe concentre tous les fantasmes. Or, on ne peut s’empêcher de remarquer que vous avez parcimonieusement placé les vitrines au pied de cette grande étendue blanche. Le nom de la Maison Dior se fait également assez discret. Cela m’embêtait beaucoup d’inscrire “Dior” en gros, en haut de la coque. Je n’osais pas le dire à Sidney Toledano, le PDG de Christian Dior Couture, car je savais qu’il était indispensable de trouver une place au nom de la marque. Finalement c’est lui qui a suggéré de le placer juste au-dessus des vitrines, car ça accompagne, non pas tout le bâtiment, mais la vitrine, comme la couverture d’un livre. Je vous assure que, dans la rue, l’œil est focalisé sur le bâtiment, on ne voit que lui. Les vitrines peuvent donc être très étonnantes, très belles, comme des tableaux en relief. Elles peuvent être très simples aussi et ne présenter qu’une robe lorsque, dans les autres magasins, il y en a quatre, et cette robe-là, elle donne envie et les gens


Façade de la boutique Dior à Séoul et portrait de Christian de Portzamparc lors de l’inauguration en juin 2015.

©kyungsub shin pour dior photo hasisi park pour dior.

Double-page suivante, la boutique Dior installée dans le quartier de Gangnam-gu, à Séoul.

vont entrer. La discrétion, ici, est une immense concentration sur la vitrine et le nom.

les intérieurs Dior à travers le monde et qui a imaginé les espaces de la boutique coréenne ?

Pierre Hermé. Ça peut devenir un petit rendez-vous pour les habitants de Séoul.

Donc cette grande voilure est une véritable invitation à s’engouffrer dans le magasin ?

Peter Marino m’a confié s’être inspiré de l’entrée, sorte d’ogive placée au coin du bâtiment, et avoir recherché une sorte de continuité. Petit à petit le visiteur va rentrer dans une série de découvertes: d’abord une façade très unifiée, puis un autre monde, un voyage avec beaucoup de variété. Sans vouloir manipuler les visiteurs, on souhaite qu’ils passent du temps à découvrir la boutique : il y a un lieu d’exposition d’art, en haut une très belle terrasse abritant le Café Dior, des gâteaux délicieux faits par le pâtissier français

Cette boutique a-t-elle inspiré d’autres projets en cours de développement ?

Je crois. Cette voilure fait penser qu’il y a un voyageur dans la base d’un bateau, un voyageur qu’on voit, un marin ou une femme qui marche. Elle est habitée à l’échelle humaine, à l’échelle de la vitrine, de l’entrée. C’est un effet que vous avez recherché en collaboration avec l’architecte américain Peter Marino qui conçoit tous

En Asie, je travaille actuellement sur un centre culturel à Suzhou, en Chine. Ce projet titanesque s’étend sur 202 000 m² et rassemble un opéra, un musée, des cafés, des restaurants, des cinémas et 14 000 m² de galeries commerciales. On y retrouvera une certaine douceur et un travail sur les formes qui sont comme des rubans. 464, Apgujeong-ro, Gangnam-gu, Séoul, Corée, dior.com


BELLES BOÎTES Le détail qui tue Par Anne Gaffié

Bureau, showroom, manufacture, auditorium, restaurant... Les grandes maisons de luxe italiennes se tirent la bourre, sur le thème de : « Qui aura les plus beaux sièges sociaux ? » Rien que de très normal, en fait. Ici, avoir de fantastiques « headquarters » relève de la tradition.

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TOD’S

Année de création : 1998 Architecte : Barbara Pistilli Adresse : via Bernardo della Valle 1, Sant’Elpidio a Mare, région des Marches Le petit + : une ville dans la ville, avec sa crèche, son restaurant, sa salle de sport, son auditorium...

Photo DR.

Superficie: 85000m2

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FENDI

Année de création : 1940 Architecte : Giovanni Guerrini, Ernesto Bruno Lapadula et Mario Romano Adresse : Quadrato della Concordia, Rome Le petit + : le Palazzo della Civilta Italiana est resté dans son jus et a été loué pour une durée de quinze ans à la marque, conservant toutefois une zone d’exposition Superficie: 8400m2

Photo DR.

Tecnicamente sono o, hanno in comune con cui riescono a sottolineare l’importanza della

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SALVATORE FERRAGAMO

Année de création : 1289 Architecte : Arnolfo di Cambio et Lapo Tedesco (entre autres) Adresse : via Tornabuoni 2, Florence Le petit + : c’est l’ancien hôtel de ville de Florence

Photo DR.

Superficie: 2500m2

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GIORGIO ARMANI

Année de création : 2001 Architecte : Tadao Andō. Adresse : via Bergognone 59, Milan Le petit + : ce fut, à Milan, la première réhabilitation d’un lieu industriel à vocation culturelle, qui a donné naissance à tout un nouveau quartier Superficie: 12000m2

Photo DR.

Tecnicamente sono o, hanno in comune con cui riescono a sottolineare l’importanza della

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Tecnicamente sono o, hanno in comune con cui riescono a sottolineare l’importanza della

Ermenegildo ZEGNA

Photo DR.

Année de création : réhabilité en 2008 Architecte : Antonio Citterio & Partners avec le Studio Beretta Adresse : via Savona 56, Milan Le petit + : la « passerelle » suspendue, rappelant le design des couloirs 1910 du « Lanificio », siège historique à Trivero Superficie: 8400m2 229


DSQUARED2

Année de création : réhabilité en 2010 Architecte : Storage Studio. Adresse : via Ceresio 9, Milan Petite histoire : réhabilitation du siège historique de l’ENEL, l’EDF italien

Photo DR.

Le petit + : son toit, avec le restaurant Ceresio 7 et ses deux piscines Superficie: 5000m2

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RIFERIMENTO COLORI STAMPA LITO

Pantone 146 C

Pantone 2767 C

Pantone 711 C

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YOUSSEF NABIL ET LA LUMIÈRE DU TEMPS ARRÊTÉ Par F.A.D

Né au Caire, Youssef Nabil est resté attaché à la culture cosmopolite, à la « salade méditerranéenne » de l’Egypte antirévolutionnaire. Tout en regard, ce jeune quadragénaire n’a de cesse de ressusciter ce passé lumineux à travers une technique qui le touche : la colorisation artisanale des tirages argentiques. A défaut d’accéder aux Beaux-Arts du Caire, il écume l’Egypte à la recherche de ces vieux photographes de studio qui pratiquent encore cet art suranné, et se lie d’amitié avec Leon Boyadjian qui signe ses portraits Van Leo. Ensuite, il tâtonne, réalise des portraits de ses amis, se fait la main. David LaChapelle passait par là. Il l’engage comme assistant et lui offre une nouvelle vie à New York, en 1993. A peine rentré, il est à nouveau happé, cette fois par Mario Testino qui l’embarque à Paris en 1997. Mais au début des années 2000, arrive pour lui le temps de s’occuper de sa propre carrière. De Paris à New York et d’une relation l’autre, il réalise les portraits des plus grandes icônes de notre temps avant de se lancer, en 2010, dans le tournage du premier film marqué de son empreinte particulière. Ce sera « You Never left » avec Fanny Ardent et Tahar Rahim. Son œuvre est célébrée dans le monde entier. Musées et galeries majeures se l’arrachent. A la veille de la sortie de son nouveau film « I saved my belly dancer » avec Salma Hayek et Tahar Rahim, il répond à nos questions et apporte un éclairage émouvant à sa belle histoire.

Quelle est votre formation de départ ? Adolescent, mon rêve le plus cher était d’entrer aux Beaux Arts du Caire. Malheureusement (ou heureusement, avec le recul) je n’ai jamais pu y arriver. Les places étant rares, seuls ceux qui ont un bon piston peuvent y accéder. Donc je n’ai étudié ni l’art ni le cinéma. Ce fut une période très triste. Je me suis quand même inscrit en littérature française, à défaut. Comment avez-vous été initié à la colorisation sur tirage argentique ? Comme j’étais fasciné par le grand cinéma égyptien et hollywoodien des années 40 à 60, et surtout par les grandes affiches de films qui, jusque dans les années 80, au Caire, étaient encore peintes à la main, j’ai fait le tour de l’Egypte à la recherche des retoucheurs et coloristes manuels qui pratiquaient cette technique, surtout les photographes de studio qui colorisaient les portraits en noir et blanc, et j’ai rencontré Léon. En ce temps-là je ne connaissais personne, il n’y avait pas d’internet, pas de satellites pour capter les chaînes étrangères. Je n’avais pas d’argent pour acheter des livres d’art, je n’avais accès à aucune œuvre de grand photographe, je n’avais aucune idée de la direction à prendre. J’ai suivi mon instinct. Je prenais des photos de mes amis et je les retravaillais 232

Utilisez-vous des techniques classiques ou des « trucs » de votre invention, et dans ce cas, lesquels ? Sur les tirages argentiques, je travaille surtout l’aquarelle, en transparence, et la peinture à l’huile quand j’ai besoin de plus d’opacité. Bien sûr, par la suite, j’ai développé mes propres outils. J’ajoute parfois des crayons de couleur, du charbon… Vous sentez-vous davantage un photographe ou un peintre ? Quand je suis allé à Paris, la première fois, mes amis m’ont demandé à mon retour si j’avais visité des galeries de photo, des musées de photo. Mais non. J’ai préféré me perdre au musée d’Orsay, au Louvre. Ce que j’aime dans la photo, c’est la rencontre avec une personne, l’instant qu’on saisit. C’est important pour moi de travailler avec l’image. Je suis un introverti doublé d’un « visuel ». Enfant, je parlais vraiment très peu, mais je regardais beaucoup, j’écoutais, j’écoutais même avec les yeux. J’ai développé une relation visuelle avec les gens. Donc, photographe ou peintre ? Sans doute les deux, mais avec un penchant pour la peinture. Quel est votre plus beau souvenir de l’Egypte de votre enfance ? L’atmosphère de ce temps-là. Nous étions une société ouverte, cosmopolite.


Photos DR.

Quand la YBA Tracey Emin découvre au Caire le travail de Youssef Nabil, elle le désigne dans un article du Harper’s Bazar comme son propre choix de « Future Top Artist ». Paradoxalement, cet artiste singulier, « colorisateur » à l’ancienne de photos en noir et blanc, n’a qu’une obsession : donner vie au passé à travers son œuvre.

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J’ai grandi dans une famille qui reflète cette époque, d’un père mi Libanais, mi Grec, et d’une mère Egyptienne. Toutes les communautés, toutes les cultures se mélangeaient. Les trois religions monothéistes étaient représentées dans notre famille. Je regrette cette simplicité. Et le pire ? Probablement ma souffrance quand je ne parvenais pas, malgré mes tentatives répétées, à m’inscrire aux Beaux-Arts. Ca m’a marqué. L’Egypte, mère-patrie ou mère « partie » ? Mère-patrie, toujours. Qu’est ce qui vous séduit encore dans l’Egypte d’avant la révolution ? La liberté, surtout. Toutes les nationalité, toutes les communautés vivant ensemble. L’élégance des gens, même en djellaba dans les villages, la célébration de la culture, une époque en noir et blanc que j’essaye de sauvegarder à travers mon travail. Quelle grande figure de cette époque auriezvous aimé être ?

Être, je ne sais pas. Mais je suis très attaché au souvenir de Samia Gamal. C’était un phénomène, l’incarnation de l’Egypte de son temps. En même temps, c’était quelqu’un de très naturel, de très simple, ce qui la rendait très touchante, émouvante. Elle était authentique et pure, et pour une danseuse du ventre, jamais vulgaire. Son histoire est triste. Elle est morte si pauvre que sa famille n’avait pas de quoi payer ses funérailles. C’est une autre danseuse, Fifi Abdou, qui a tout payé. J’aime aussi beaucoup Faten Hamama. Je l’ai connue, j’ai travaillé avec elle. C’était une grande actrice. Ce sont des gens qui nous ont rendus heureux. A quel moment votre travail a-t-il été vraiment reconnu ? C’est venu naturellement, presque sans que je ne m’en rende compte. En 1999, j’exposais au Caire pour la première fois. L’ambassadeur belge en poste au Caire a aimé mon travail et acheté mes œuvres. Par la suite, il a été muté au Mexique où il m’a invité. Il savait que j’adorais Frida Kahlo car j’avais réalisé, en 1996, un portrait d’elle d’après son propre autoportrait. Il m’a donc organisé une grande réception 234

au siège de l’ambassade dès mon arrivée. Ensuite, tout s’est précipité. J’ai eu droit, l’année suivante, à une exposition en solo au Centro de la Imagen de Mexico City, et mon portrait de Frida a été publié dans toute la presse mexicaine. Comment faites-vous pour mettre vos sujets dans tel état d’abandon ? Tout mon travail est finalement autobiographique. Mes personnages sont des reflets de moi-même. Quand je photographie quelqu’un, je ne suis pas conscient de ce qui se passe entre nous. C’est seulement quand j’examine les épreuves, en cherchant les images qui correspondent le mieux à ma vision, qui reflètent le mieux ce que je suis, que je prends conscience que je viens de photographier Deneuve ou Ardjani ou d’autres. Mais l’ensemble de mes portraits constitue au final une même famille. Que leur dites-vous pour qu’ils acceptent un shoot avec vous ? Je contacte chacun personnellement, je passe par des amis communs, jamais par un agent. L’approche personnelle est indispensable.


Quel est le sujet de votre film, « I Saved My Belly dancer », avec Salma Hayek ? Je dirais que c’est encore un autoportrait, au cœur d’une Egypte qui n’existe plus mais que je veux encore maintenir en vie. C’est l’histoire d’un homme qui serait moi, incarné par Tahar Rahim, qui dort dans sa djellaba et rêve de son Egypte des années 50, de toutes ces danseuses du ventre sublimes, aujourd’hui disparues, sauf une seule, jouée par Salma Hayek, qui vient essuyer ses larmes et danser pour lui une dernière danse. Alors, en rêve, il l’emporte sur son cheval dans le désert américain où il vit désormais, sauvant ainsi, dans une scène qui évoque les westerns hollywoodiens, la dernière trace et la mémoire d’un art unique, éminemment moyen-oriental. C’est mon histoire personnelle, ma relation avec l’Egypte – pays natal, aimé mais quitté. Je convoque tout ce qui, du passé, continue à vivre dans ma mémoire au-delà d’une réalité qui n’en garde aucune trace. Quand et où sera-t-il projeté pour la première fois ? Le 6 novembre prochain à la galerie Nathalie Obadia, à Paris, et ensuite à Dubaï, à la Third Line Gallery. Qu’est-ce qui vous fascine dans la danse du ventre ?

Salma danse-t-elle vraiment dans le film ? Oui ! Elle a quand même pris des cours durant plusieurs semaines avant le tournage, mais elle danse sublimement. Que représentent pour vous les villes où vous vivez aujourd’hui ? C’est un cliché, mais New York apporte une énergie pour le travail qu’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est aussi ma ville de citoyenneté, puisque j’ai obtenu récemment mon passeport américain. Paris est la ville de mon cœur. C’est là où j’ai voyagé pour la première fois, et où j’ai séjourné trois ans d’affilée à la Cité Internationale des Arts. Je m’y sens dans mon élément, sans compter que, géographiquement, elle me

Photos DR.

Cette sensualité qui est en même temps

spiritualité. Le corps s’accorde au rythme de la tabla et devient lui-même un instrument de musique. Pour mesurer l’importance de la danse du ventre dans notre culture, il n’y a qu’à constater la manière dont chaque révolution a fait des danseuses ses premières cibles, les jetant en prison ou pire. Laisser à la femme, dans nos sociétés, la liberté de danser sans l’obliger à cacher son corps, et mieux, d’en faire un support artistique, résume tout notre combat. Pour la liberté de choisir et de penser, pour la prise de conscience que le corps de chacun lui appartient, pour l’égalité.

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rapproche de l’Egypte. Miami est mon nouvel endroit. Je n’y suis installé que depuis deux ans. Cette ville me rappelle le soleil de mon pays. La nature y est très présente. Elle a ce côté hispanique qui nous rapproche, culturellement, du Moyen-Orient. On y vit au calme, à seulement deux heures et vingt minutes de la folie newyorkaise. Qu’est-ce qui vous rend heureux ? Ce moment, quinze minutes à peine avant le crépuscule, au Caire, où la lumière est étrange et si belle, où les oiseaux d’Egypte deviennent fous et se mettent à chanter à mesure que le soleil décline. On est transporté, je n’ai jamais connu ça ailleurs. Alors oui, ça c’est quelque chose qui me rend très heureux, même en souvenir. Quelle sera pour vous la prochaine étape ? Terminer ma nouvelle vidéo « I Saved My Belly Dancer » sur laquelle je travaille depuis trois ans. Cela représente, pour 12 minutes de film, 25 acteurs en plus des deux acteurs principaux et 30 talents derrière la caméra (C’est la maison de production RSA de Ridley Scott, à Londres, qui a produit ma vidéo). Mais j’écris le scénario d’un long-métrage et me prépare, après avoir si longtemps rêvé cinéma, à franchir ce grand pas.


Empreintes Daniel Turner

Daniel Turner (né en 1983 à Portsmouth, Virginie, vit et travaille à New York) débute avec la création de toiles monumentales. A la fin de ses études à l’Art Institute de San Francisco (20012006), l’artiste prend peu à peu ses distances avec ce médium, sa pratique évoluant vers le relief, la sculpture et les installations. En 2006, la rupture est consommée avec son geste “Burning an Entire Body of Work” : il met littéralement le feu à la totalité de ses toiles produites au cours de la décennie écoulée. De nouvelles interrogations prennent alors corps dans son travail, autour des notions de temporalité, d’éphémère, de dissolution et de transformation de la matière provoquée par la combustion, la corrosion et l’oxydation. Il est notamment fasciné par les traces laissées par les visiteurs sur les murs et sols des galeries d’art contemporain. Dans ces white cubes, elles matérialisent la rencontre de 236

l’espace avec les corps de passage. De cette expérience sensible il tirera toute une série de frottements muraux réalisés à l’aide de laine d’acier, évoquant de mystérieux dessins de fumées. Traces du temps, à l’image de l’empreinte de l’éducation reçue par son père, marchand de ferraille, que Daniel aidait sur les chantiers. L’utilisation de matériaux industriels est d’ailleurs devenue systématique dans son œuvre – kérosène, charbon de bois, suie, rouille… Depuis quelques années, Turner utilise également des objets domestiques abandonnés, tels que des éviers qu’il détourne, oxyde, dégrade. Sentiments ambigus face à cette austérité simultanément clinique et poétique. “Lorsqu’une exposition s’achève, mon travail est généralement recouvert d’une couche de peinture, ou balayé par la porte, et la vie continue. Mon action n’est que temporaire, tout comme la peinture finalement”, confie l’artiste.

Photo Courtesy Yayoi Kusama Studio, Tokyo. © Pierre Gleizes/ Greenpeace. © Nick Cobbing/ Greenpeace.

Par Pierre de Sélène


Daniel Turner, Britannica, 2012, (dĂŠtail), formica, acier inoxydable, technique mixte, 91 x 366 x 86 cm.

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Daniel Turner, Untitled RH 1, 2012, polyéthylène, aluminum, acier inoxydable, 23 x 15 x 5 cm.

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1. Daniel Turner, Untitled, 2011, traces de frottage à la laine d’acier, dimensions variables. 2. Daniel Turner, Untitled 6/5/14, 2014, verre anti-UV, caoutchouc, 152 x 244 x 8 cm. 3. Daniel Turner, Untitled, 2014, traces de frottage à la laine de bronze, dimensions variables.

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ENTRÉE DES ARTISTES Photographe Jimmy Dabbagh

Á une époque où Beyrouth affirme sa vocation artistique en multipliant expositions et ouvertures de musées, les caméras de L’Officiel se sont faufilées dans ces lieux moins clinquants où l’art prend le temps de mûrir. Dans ces anciennes zones industrielles peu familières au grand public, des artistes travaillent et exposent dans le silence monacal nécessaire à leur inspiration. A la fondation Ashkal Alwan, nous avons croisé en plein processus la créatrice libano-américaine Tala Worell. A la Beirut Art Residency, Sara Naim et Athier présentaient fin octobre l’aboutissement de leur travail et Cherbel proposait sa performance. 24 1


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Tala Worrell

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Charbel Haber

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Sara Naim

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Athier

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TOUS POUR LA MUSIQUE Musique Par F.A.D Photographe Tony Elieh

Pour certains c’est un métier à plein temps ; pour d’autres c’est un dédoublement nocturne, le côté Hyde d’une personnalité qui subit, de jour, la commune routine. DJ ou organisateurs de festivals sauvages, la nuit libanaise leur doit une partie de sa folle réputation.

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Rami O. Designer, papa et DJ Quelle est la chanson ou le morceau que vous écoutez en boucle, en ce moment ? Le classique éthio jazz de Hailu Mergia and The Walias Band “Tche Belew” Quelle est selon vous la meilleure révélation musicale de l’année ? Vic Vem, l’artiste hip hop suédois est génial. A ecouter: “Jag vill bara dansa” (I just want to dance) Quel est l’instrument que vous auriez rêvé pouvoir jouer ? Le piano Si vous deviez réaliser un remix d’un morceau, lequel choisiriez-vous ? “Platoon” de Jungle Si vous deviez jouer sur scène avec un chanteur ou un groupe, quel serait-il ? Antibalas Afrobeat Orchestra Quel est selon vous le groupe qui monte, libanais ou étranger, qu’il faudrait suivre absolument ? A mon avis, il n’y a pas qu’un seul groupe libanais qui monte, il y a toute une scène musicale émergente au Liban et de nombreux groupes talentueux. Nous devons les encourager tous, assister à leurs concerts, acheter leurs albums et les promouvoir aussi bien ici qu’à l’étranger. Quelle est la chanson qui vous représente le mieux ? “So What Cha Want” des Beastie Boys Quel a été jusqu’à présent votre meilleur moment de DJ ? L’événement Redbull “2 Nights Underground” “ avec Daddy G, Nickodemus et Captain Planet

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Blouson, 7 for all mankind. T-shirt, Rag & Bone. Pantalon, Diesel. Chaussures, New Balance.

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Blouson, Dolce & Gabbana. T-shirt, Saint laurent. Jeans, Z.Zegna. Chaussures, Prada. Écharpe, Dolce & Gabbana. 266


Elias Maroun Fondateur de Beirut open stage Quelle est la chanson ou le morceau que vous écoutez en boucle, en ce moment ? Je t’aime... moi non plus de Serge Gainsbourg Quelle est, selon vous, la meilleure révélation musicale de l’année (ou du moment)?

 James Blake, Chet Faker et The War on Drugs.
 Quel est l’instrument dont vous auriez rêvé pouvoir jouer ? Du Piano Si vous deviez réaliser un remix d’un morceau, lequel choisiriez-vous ?

 Je remixerais volontiers “ Satisfaction ” des The Rolling Stones
 Si vous deviez jouer sur scène avec un chanteur ou un groupe, quel serait-il ?

 Bertrand Cantat Quel est selon vous le groupe qui monte, libanais ou étranger, qu’il faudrait suivre absolument ? 
 Who Killed Bruce Lee Quelle est la chanson qui vous représente le mieux ? Je me retrouve dans “ Tostaky “ de Noir Désir. Quel a été jusqu’à présent le meilleur moment de votre carrière musicale ? Beirut Wave One

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Junior Daou Producteur de concerts et festivals. Quelle est la chanson ou le morceau que vous écoutez en boucle, en ce moment ?
 Sonnerie de Sainte Geneviève du Mont-de-Paris (Marin Marais). Quelle est selon vous la meilleure révélation musicale de l’année (ou du moment) ? L’album Carrie & Lowell de Sufjan Stevens. Quel est l’instrument dont vous auriez rêvé pouvoir jouer ? 
 Le Piano. 
 Si vous deviez réaliser un remix d’un morceau, lequel choisiriez-vous ?
 Un claasique oriental: Balash Itab (Abed El Halim Hafez)

 Si vous deviez jouer sur scène avec un chanteur ou un groupe, quel serait-il ?
 ce serait Belle and Sebastian. 

 Quel est selon vous le groupe qui monte, libanais ou étranger, qu’il faudrait suivre absolument ? 
 Timber Timbre. 
 Quelle est la chanson qui vous représente le mieux ? 
 It’s alright, Ma, I’m only bleeding de Bob Dylan. Quel a été jusqu’à présent votre meilleur moment de DJ ? 
 Wickerpark 2011, l’arrivée des gens, c’était notre
première édition et je ne m’attendais pas à ce que ça marche.

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Manteau et pull-over, Vince. Jeans, Diesel. Chaussures, Dsquared2.

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Total look, The kooples. Écharpe, Nour Hage.

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Rabih Salloum Auteur, musicien Quelle est la chanson ou le morceau que vous écoutez en boucle, en ce moment ? Blasphemous Rumours de Depeche Mode. Quelle est selon vous meilleure révélation musicale de l’année (ou du moment) ? Tame Impala « Currents » Quel est l’instrument dont vous auriez rêvé pouvoir jouer ? Le Piano Si vous deviez réaliser un remix d’un morceau, lequel choisiriez-vous ? Un beau morceau ne gagne rien à être remixé. Si vous deviez jouer sur scène avec un chanteur ou un groupe, quel serait-il ? Depeche Mode. Quel est selon vous le groupe qui monte, libanais ou étranger, qu’il faudrait suivre absolument ? Mon ancien groupe Slutterhouse faisait partie de tout un mouvement des années 2000, dont tout le monde pensait qu’il allait dominer l’industrie musicale. Des groupes comme Slutterhouse, Playground ou Fritz Helder and the Phantoms ont malheureusement disparu, mais je pense surtout à des artistes en lesquels je n’ai pas arrêté de croire: Dan Black et Pop Noir. Quelle est la chanson qui vous représente le mieux ? Gimme Shelter des Rolling Stones. Quel a été jusqu’à présent votre meilleur moment de DJ ? J’étais derrière les platines avec Andreas Kleerup pendant la Stockholm Fashion Week en 2008. Nous avions tellement bu que nous avons commencé à jouer des morceaux de notre adolescence, du style Motley Crue. Les gens sont devenus fous.

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By the Sea Photographe Tony Elieh Réalisation Mélanie Dagher Direction artistique Minja el-hage

Baskets en cuir, Comme des garÇons. Lunettes de soleil, Dior. Parfum “Acqua Di Gio”, Giorgio Armani.


Bottines, Bottega veneta. Gants, valentino.



Baskets en cuir, Prada. Eau de parfum “vétiver bleu”, Cartier.

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Baskets en cuir, Alexander McQueen. Eau de Toilette “Luna Rossa Sport”, Prada. Lunettes de soleil, Dior.

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Bottes en cuir, Burberry. Eau de Toilette “Kouros Silver”, Saint Laurent.

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Mocassins imprimés, Car shoe. Lunettes de soleil, GuccI. Parfum “CH men prive”, Carolina Herrera. Page de droite: Bottines, Burberry. Eau de toilette “Kouros Silver”, Saint Laurent. 280



PAS SI PATATE… Street art Par F.A.D

Quand Potatoe Nose vient au monde, en 2012, c’est au De Prague, à Hamra, qu’il montre le bout de son drôle de nez. Depuis, il ne cesse de s’agglutiner à d’autres Potatoe Noses, formant avec eux une foule drolatique et improbable, constituée de bonshommes évoluant au milieu d’une faune et d’une flore également issues de la patate. L’univers particulier de Jad el Khoury envahit subrepticement les rues de Beyrouth.

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verticales. Sa démarche consistait clairement à attirer de nouveau l’attention sur les ravages occasionnés par les guerres en soulignant à sa manière des blessures que par la force de l’habitude, les gens ne voyaient plus. Poussant plus loin cette dénonciation de la violence, Potatoe Nose qui s’identifie désormais à ses créatures et signe son œuvre du nom qu’il leur a donné, exposait jusqu’à la mi-octobre, à la galerie Cynthia Nouhra, une œuvre tout aussi singulière. Après avoir tiré à balles réelles sur des plaques d’acier, il a simplement orné les impacts de sa petite foule de protestataires imaginaires. Ce gribouilleur au sens noble a décidément de la suite dans les idées. Des idées de révolution pacifique défendues à la bombe, et pour lesquelles un pschitt vaut un boum.

Photos DR.

Illustrateur, architecte d’intérieur issu de l’Institut National des Beaux-Arts, Jad el Khoury est d’abord un artiste tout-terrain. Littéralement tout terrain puisque son support de prédilection est la rue, précisément les rues de Beyrouth, avec une attirance particulière pour les bâtiments stigmatisés par la guerre. Son œuvre la plus récente culmine sur la façade aveugle de ce bâtiment abandonné, connu de tous les automobilistes qui franchissent le Ring Fouad Chehab d’Ouest en Est, et qui hébergea un jour son escouade de tireurs embusqués. Par une nuit sans lune du mois d’aout 2015, une veille de manifestations, équipé de pied en cap, Jad el Khoury a simplement descendu en rappel l’impressionnante muraille, peuplant chaque impact de balle, chaque fissure du ciment, avec ses personnages faussement naïfs. En rouge, ils donnent de loin l’impression de flaques de sang


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LES PROTÉINES À LA FÊTE CHEZ MEAT THE FISH À table Par Stephanie d’Arc Taylor et F.A.D

Saïfi village. Un quartier tranquille, un peu trop, avec son atmosphère années 20. Elégant, un peu trop pour servir sa vocation de « quartier des arts » et offrir un climat propice au commerce de proximité. Longtemps, à toute heure de la journée, on n’y entendait que le vent dans les platanes et le claquement de ses propres talons sur le pavé. C’était avant Meat The Fish. glace ou une planche en bois, des signes écrits à la main indiquant leur provenance. Le succès est tel, que l’enseigne se prépare à étendre son monopole de la fraîcheur sur les bords d’Antélias où sa nouvelle adresse attend habitués et nouveaux initiés. Meat The Fish ouvre en effet en ce mois de novembre un nouveau restaurant dans le cadre somptueux de Aïshti By The Sea, le navire amiral de l’enseigne de mode et art de vivre, jouxté du musée d’art contemporain de la Aïshti Foundation. «Quand Tony Salamé (CEO et propriétaire de Aïshti) nous a proposé un local dans son nouveau complexe, j’ai été flatté par l’intérêt qu’il nous porte, mais je pensais que nous n’étions pas prêts », se 284

souvient Karim Arakji, l’un des fondateurs de Meat The Fish. « Mais quand je suis allé visiter le nouvel espace, j’ai vu son souci du détail ... et j’ai senti son enthousiasme à l’idée de nous avoir faire partie de ce projet, sans parler du magnifique espace qu’il nous réservait, face à la mer, et de l’incroyable fondation d’art contemporain attachée au centre commercial ajoute Arakji, soulignant que l’occasion était trop belle pour la laisser passer. Le nouveau local de Meat The Fish, affirme Arakji, incarnera le même esprit que celui de Saifi Village : même concept de « marché de primeurs », produits présentés sur des planchettes ou de la glace, dans des bacs de polystyrène, même menu, même petit restaurant avec en plus

Photos DR.

Ce petit restaurant doublé d’un marché de poche dédié aux primeurs, a pour vocation de servir poissons, crustacés, volailles et steaks fraîchement importés. D’où son nom, composé sur un jeu de mots qui en fait un lieu de rencontre entre terre et mer. Depuis l’ouverture de « Meat The Fish » en novembre 2014, c’est carrément une foule qui envahit les lieux entre 11h et 16 h, déversant tout le long du trottoir, face à la porte d’entrée, une animation élégante, joyeuse et bigarrée. Tous sont prêts à attendre, parfois jusqu’à une heure, qui un sandwich inventif, qui une salade. D’autres sont impatients de s’offrir le sashimi le plus frais de Beyrouth. Pour ceux qui seraient tentés de recréer le menu à la maison, poissons, crustacés ou viandes rouges sont joliment présentés sur un lit de


une belle terrasse donnant sur le large. Le concept minimaliste de ce restaurant a mis du temps pour mûrir. Ayant grandi auprès d’un père titulaire d’un doctorat en sciences alimentaires, Arakji qui faisait ses études aux États-Unis est rentré au Liban en 1997 pour fonder « Royal Gourmet », une entreprise spécialisée dans le fumage, notamment du saumon, avec l’intention de vendre son saumon fumé à la Middle East Airlines. Du saumon, il se lance dans la vente en gros aux restaurants et autres clients dans tout le Liban avec d’autres variétés de poissons, élargissant son offre avec du boeuf, du veau et de la volaille. Il passe ensuite à une approche client personnalisée, via un service de livraison, et constate qu’il existe au Liban « de nombreux clients exigeants qui ne sont 285

pas satisfaits de la marchandise proposée dans les supermarchés». Durant la phase où il se contentait de vendre ses produits non préparés, Arakji a invité à bord les chefs Mitch Tonks et Reem Azoury, dans le but de guider les clients et de les conseiller sur la préparation des produits, tout en multipliant les opérations pop-up avec une présentation de repas exclusifs. Le fondateur de Meat The Fish préparait ainsi lentement mais sûrement le concept de son restaurant. Il est clair que dès lors qu’il s’agit de nourriture, les gens sont prêts à payer un peu plus pour des produits sains à la fraîcheur garantie. Au plaisir du goût s’ajoute la tranquillité quant à la sécurité alimentaire, et ça, ça n’a pas de prix.




PERSONNE N’A TUÉ BRUCE LEE Musique Par F.A.D

Leur logo est un poing américain jaune en forme de couronne. Quatre trous et un corps. Violent, mais flamboyant. Ce nom « Who Killed Bruce Lee », vient d’une époque où Bruce Lee, acteur, réalisateur et génie des arts martiaux, est le héros de toute une génération. Un simple hommage et qu’on n’en parle plus. Bruce Lee est mort en 1973 d’un oedème cérébral dû à une allergie. Parlons à présent de ces quatre « Barbus de Beyrouth qui font de la musique» sous l’acronyme WKBL.


Signe distinctif : Barbus (mais pas barbants). Les quatre membres de WKBL inscrivent leur musique « beyrouthine » dans les mouvances électro-punk, dance-rock et indie-rock. Wassim Bou Malham, qui tient la guitare, est la première voix du groupe dont tous les musiciens chantent aussi. Hassib Dergham est au clavier, Malek Rizkallah aux percussions et Pascal Sarkis à la basse. Il ne reste plus qu’à oublier leurs noms pour laisser place à ce monstre à quatre têtes qui incendiait, début novembre, la scène bavaroise de Sonthofen avant d’aller secouer en Autriche la poétique Innsbruck. Oui, les WKBL sont installés en Allemagne depuis le mois de septembre et leur tournée, commencée mi-octobre, les a déjà conduits d’Oldenbourg à Hamelin, de Köln à Düsseldorf et à Hambourg. Mais c’est à Berlin qu’a eu lieu leur finale, le 4 novembre, injectant toujours la même énergie dans les clubs qui les ont accueillis. Qu’il paraît loin le temps où, venant d’enregistrer avec Fady Tabbal (Tunefork Studios), son premier single électronique, le quatuor était invité à défier au sonomètre les désormais mythiques Mashrou’ Leila. C’était en 2013, dans le cadre du RedBull Soundclash qui avait lieu au Forum de Beyrouth, et la foule était invitée à manifester bruyamment son enthousiasme pour faire gagner ses champions. Cependant, mieux que les

cris redbullisés d’un parterre conquis, WKBL a su intéresser le producteur du show, David Gappa qui emmène le groupe à Paris. C’est ensuite Victor Van Vugt, producteur, entre autres, de Kylie Minogue, qui les prend sous son aile. En aout 2015, ils font l’ouverture, à Byblos, du concert des alt-J. Leur tournée allemande commence en septembre, mais s’ils s’installent à Berlin, c’est surtout pour enregistrer leur premier album, Elvis, dont la sortie a été annoncée début novembre. Le morceau qui donne son titre au disque pourrait aussi bien s’appeler « Who Killed The King » : « The King is on the ground at heartbreak hotel I put another round to end his spell » Les WKBL viennent de passer à la vitesse supérieure. 289


Le goût de la brique pilée m’assèche la gorge Natsuko Uchino

Dissémination, fermentation, convivialité, Natsuko Uchino (née au Japon en 1983), tisse des liens entre art, artisanat, agriculture et écologie par le biais d’une approche transversale. Dans un entretien, elle expose pour L’Officiel de quelle manière son expérience de la polyculture l’a amenée à décloisonner les disciplines artistiques. 290

Photos Natsuko Uchino. Max Pitegoff.

Propos recueillis par Julie Higonnet


En arrière-plan, Natsuko Uchino, motif creusois (Tourbière), 2014, sérigraphie sur papier, imprimé à l’atelier Les Michelines de Felletin, 55 x 65 cm. Au premier plan, Natsuko Uchino et Matthew Lutz-Kinoy, Keramikos 2, The traveling dinner party, série “Barbara Kruger”, 2012-2014, service de banquet (plus de 450 pièces), grès émaillé. 291


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Photos Natsuko Uchino. Max Pitegoff.


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1. Natsuko Uchino, Kälen, exposition collective avec Natsuko Uchino, Magni Borgehed et Matthew Lutz-Kinoy (Last Resort Gallery, Copenhague), vue d’installation : vase en grès émaillé 44 x 16 x 16 cm, bois dont l’extrémité a été mangée par un castor (origine Sickas, Suède) 110 x 12 cm, brique émaillée, tige de bois peinte 0,5 x 75 cm, bougie, cire et essence végétale, pigments, corde en coton, flamme, pierres (origine Ôstersund, Suède), bol en grès émaillé 15 x 13 x 7 cm et briques peintes (plage de Malmö, Suède). 2. Natsuko Uchino, vue de l’atelier, 2014, Cité internationale des arts, Montmartre, Paris, 2014, dessin au fusain sur papier 90 x 75 cm, patate douce germée, jonquilles dans vase en grès émaillé (35 x 10 x 10 cm), magnolia dans un vase en céramique (50 x 23 x 23 cm) emballé dans un poster sérigraphié sur newsprint “eco immuno nutrition” (Keramikos Charlottenborg) ; palo santo, coquille d’ormeau, essence végétale. 3. Natsuko Uchino, Sans titre, 2014, assiettes en grès émaillé, produites avec la collaboration amicale de Patrick Galtié pour le façonnage, St Quentin la Poterie, édition : suite de pièces uniques (43 pièces), diamètre 25,5 cm. 294


The Extreme Present Sélection Tony et Elham Salamé de la collection Aïshti Dirigée par Jeffrey Deitch Du 24 Octobre au 29 November Metropolitan Art Society Rue Trabaud Achrafieh, Beyrouth 00961 70 366 969

Image : Nature morte de Ian Cheng, Entropy Wrangler, 2013. Titre inspiré de The Age of Earthquakes : A Guide to the Extreme Present, par Douglas Coupland, Hans Ulrich Obrist, et Shumon Basar. Par courtoisie.


GEMMAYZÉ ALLA NAPOLITANA À table Par Christina Tkacik

Nouvellement ouverte à Gemmayzé, la Pizzaria offre un concept où man’ouché et pizza se donnent la main pour célébrer la galette la plus populaire de la Méditerranée, et finalement du monde entier. passée à enfourner des pizzas.

Fady Abounaoum avait travaillait pour Nestlé, à Dubaï, depuis plusieurs années. Sa mission consistait à superviser la très haute production de chocolat dans le MoyenOrient. Mais au fond de lui, il rêvait d’ouvrir une pizzeria. Après un récent voyage en Italie avec sa femme, il décide enfin de se lancer, pour lui faire plaisir. «L’environnement, la nourriture ... tout cela a réveillé ma passion”, affirme Abounaoum, perché sur un tabouret devant son restaurant, chemise noire et pantalon saupoudrés de farine, résultat d’une longue et saine journée de travail 296

Située rue Gouraud, à Gemmayzé, Pizzaria a une capacité de 20 places et offre une atmosphère chaleureuse et accueillante, mais le restaurant possède aussi un service de livraison. Son originalité ? Elle est ouverte dès 8h30 du matin pour servir des baguettes au Nutella ou une man’ouché fabriquée à partir de la même pâte savoureuse que la pizza (Le zaatar de le man’ouché est d’origine locale, et le fromage provient de la République tchèque). Quand il s’agit des ingrédients, “Nous ne faisons aucun compromis», affirme Abounaoum.

Photos Raya Farhat

Refusant de faire les choses à moitié, Abounaoum est parti pour Naples où il a appris le métier auprès des pizzaolis de la région, pour s’initier aux secrets de l’authentique pizza napolitaine. Contrairement à basique pizza italienne, qui est plate, la pizza napolitaine doit avoir plus de 30 cm de circonférence, avec une bordure de 2 cm de largeur et un centre de 0,4 cm d’épaisseur. Mais comme chaque pizza est fait à la main, chacune finit par être un peu différente. “Comme les humains, elles ont chacune son ADN », dit Abounaoum. Tous les ingrédients, notamment la mozzarella, sont importés directement de Naples, au même titre que le four à bois.



SURSOCK, LE GRAND RETOUR Musée Par Philippine de Clermont-Tonnerre

Bâti en 1912 par Ibrahim Nicolas Sursock, ce manoir familial avait été transformé en musée par la ville de Beyrouth en 1952. A sa fermeture en 2012, deux architectes se lancent dans sa réhabilitation : Jacques Abou-Khaled, fondateur de JA Designs Architects et Jean-Michel Wilmotte, à qui l’on doit la rénovation de nombreux musées, dont celui des Beaux Arts à Paris. En débarquant à Beyrouth, le créateur du concept « d’architecture intérieure de la ville » n’aurait pas pu trouver meilleur écho à ses réflexions. Un lieu public avant tout « Nous avons creusé à plus de 20 mètres de profondeur pour créer en extension 7000 m2 qui sont venus s’ajouter aux 1 500 m2 existants. L’idée était d’agrandir l’espace sans concurrencer la façade principale. A l’extérieur, la boutique et le café ont aussi été conçus dans un style très sobre et épuré”, explique Jacques Abou-Khaled. Cette percée souterraine a ainsi permis l’aménagement sur quatre sous-sols d’une salle d’exposition supplémentaire, d’ateliers de rénovation et de conservation, d’un auditorium de 160 places et enfin d’une médiathèque. Parfaitement équipé, ce projet restitue à Beyrouth une version mise à jour de son

musée d’art moderne et contemporain. « Dans la capitale, on trouve surtout beaucoup de galeries. Les rares musées concernent des sujets bien particuliers comme le musée des Minéraux ou de la Préhistoire », rappelle Jacques Abou-Khaled. Une équipe jeune et dynamique s’est vue livrer les clés de cette infrastructure flambant- neuve. « Ce projet répond à un besoin qui existait depuis longtemps. A Beyrouth, il est toujours très difficile de 298

trouver des espaces pour organiser des évènements autour de l’art », souligne sa directrice Zeina Arida qui affirme vouloir faire de ce lieu avant tout un lieu d’échange et de dialogue. « Il est vraiment important que le musée Sursock joue ce rôle d’espace public qui permette à tout le monde de se rencontrer. Nous défendons une certaine variété dans la programmation culturelle car notre objectif est de créer non pas une mais des audiences »,


Avec de nouvelles fondations à 20 mètres de profondeur, le musée Sursock s’enracine de plein pied dans l’époque actuelle. C’est ce qu’on appelle une greffe réussie. De la légendaire demeure Sursock il ne reste que la façade et quelques boiseries ottomanes. Entièrement modernisé de l’intérieur, l’hôtel particulier de la rue éponyme a également quintuplé sa surface. Pourtant rien n’y paraît. Après huit années de chantier, la somptueuse bâtisse de style mauresque n’a pas perdu une once de son éclat. insiste la jeune femme. Une entrée gratuite et un panel d’activités destinées à un public de tous âges participent de cette volonté de décloisonnement de l’art. Un univers qui, remarque Jacques Abou-Khaled, peut parfois « être intimidant» pour les non initiés. »

Photos Musée Sursock

Quand l’art s’urbanise Décloisonner mais aussi ancrer la production artistique dans la dynamique urbaine. Tel semble être le leitmotiv du musée Sursock. Au rez-de-chaussée, la petite exposition intitulée « The City in The City » donne le ton. A cheval entre photographie, urbanisme et arts graphiques, elle présente les récents travaux d’artistes, designers et chercheurs sur le Beyrouth contemporain. La « ville » est le fil rouge de ce nouveau projet. D’abord parce que Beyrouth, son histoire, sa reconstruction, constitue une source d’inspiration majeure pour la génération actuelle. Ensuite parce que la ville est toujours le premier théâtre de l’effervescence artistique et culturelle d’une société. La nouvelle équipe prévoit ainsi de renouer avec le Salon d’automne, lancé en 1961 par l’ancien conservateur du musée Camille Aboussouan. Un rendez-vous qui a largement contribué à assoir localement le bouillonnement artistique des années 60, considéré comme « l’âge d’or » de l’abstraction au Liban. Cette période prolifique, qui constitue le cœur de la collection Sursock, fut entre autres nourrie des travaux de Saloua Raouda Choucair, Aref el Rayes, Chafic Abboud ou

encore Paul Guiragossian, dont les œuvres sont réunies dans la salle d’exposition permanente du 2e étage.« La plupart des artistes libanais présentés au salon étaient étudiants à l’Académie libanaise des Beaux Arts (ALBA). Ils partageaient un peu tous les mêmes valeurs. Cette université leur offrait l’opportunité d’apprendre l’Histoire de l’Art au Liban sans avoir besoin de partir étudier en France ou ailleurs », relève Yasmine Chemali, responsable des collections du musée. L’exploration du patrimoine urbain libanais est inhérente aux activités organisées en marge des expositions. Un atelier de travaux manuels propose aux enfants de participer à la construction de « leur ville », tandis qu’une découverte des monuments de Beyrouth est animée par l’architecte Rani al Rajj. Il semblait alors tout naturel que l’exposition inaugurale du musée rende hommage à la capitale libanaise. « Regard sur Beyrouth de 1800 à 1960 » retrace à travers 200 photos, peintures et dessins la transformation d’un petit port méditerranéen en une cité bourdonnante et cosmopolite. Alors qu’en 2015, une dizaine de projets dont la Bibliothèque nationale, Beit Beyrouth et plusieurs musées privées et fondations, notamment la monumentale Fondation Aïshti sont en cours, Zeina Arida mise sur un changement d’envergure.« On espère que tous les projets dont on a entendu parler ces derniers mois verront le jour. On peut imaginer un paysage culturel complètement transformé d’ici cinq ans. Je pense que cela est amené à évoluer énormément », conclut la directrice du musée. 299


photo Carl Halal


AÏSHTI, TEMPLE DE L’ART © Rex Weyler/Greenpeace. Courtesy the artist and Lisson Gallery. DR. © Pierre Gleizes/ Greenpeace. Copyright Gérard Rancinan. , © Greenpeace.

Par F.A.D

Lancé en 2012, le projet de la Fondation Aïshti, achevé au nord de Beyrouth en moins de trois ans, accueillait fin octobre le ban et l’arrière ban mondial de l’art contemporain. Ce sont choses qui ne se racontent qu’au superlatif. L’inauguration de la Fondation Aïshti, nouveau temple de l’art érigé tel un paquebot sur les bords d’Antélias, a drainé à Beyrouth des centaines d’invités internationaux. Trois jours de festivités continues, de découvertes et de rencontres, ont achevé de convaincre la communauté artistique de la place éminente qu’occupera ce nouveau lieu dans sa géographie familière. Dès le premier jour, vendredi 23 octobre, l’élégance était de mise avec une table ronde sur le thème « The Skin of Things » et un dîner au Musée Sursock fraîchement rénové, qui offrait une visite privée de ses collections d’art libanais. Le lendemain, les limousines accompagnaient leurs VIP au centre ville de Beyrouth pour découvrir une sélection des « Instagrams » de Richard Prince. Le soir, la planète art convergeait vers la rue Trabaud où s’ouvrait à la Metropolitan Art Society (M.A.S.), dans le cadre féerique de l’ancien palais Abdallah Bustros, l’exposition « Extreme Present » conçue par Jeffrey Deitch. C’est ensuite dans les jardins de la demeure que s’est poursuivie la fête sous des flots de champagne jusque tard dans la nuit. Dimanche matin, une visite au musée national de Beyrouth créait une immersion 301

dans le passé artistique de la ville. Elie et Claudine Saab avaient invité à tour de bras pour un déjeuner dominical dans le jardin de leur maison à Gemmayzé, et l’on sentait monter l’impatience de découvrir quelques heures plus tard, les trésors du monument rouge dessiné par David Adjaye. Mais on ne perdait rien à attendre. En guise d’apéritif, Tony Salamé avait organisé, dans un des dépôts secrets de la fondation, une exposition de Suha Traboulsi autour d’une improvisation de Walid Raad à même les caisses d’emballage des œuvres encore scellées. A 19h était donné le coup d’envoi de l’événement clé de ce week-end : l’inauguration du bâtiment de la fondation et la découverte de l’exposition New Skin conçue par Massimiliano Gioni. Non moins de 200 œuvres, sélectionnées parmi les 2500 que compte actuellement la fondation, faisaient écho à l’architecture d’Adjaye et racontaient en juxtapositions heureuses et en suites fluides l’aventure de l’art contemporain. La nuit, un orage matinal ayant contraint les organisateurs à déplacer la fête à l’intérieur, les présents avaient quitté le belvédère aménagé au bord de la mer pour rejoindre Aziza qui faisait danser les plus rigides aux accents chaleureux de sa voix sur toutes les musiques du Moyen Orient.


photos Carl Halal, Raya Farhat, Nabil Ismail.

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photos Carl Halal, Raya Farhat, Nabil Ismail.

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À LA M.A.S.

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photos Raya Farhat, Nabil Ismail

AU MUSテ右 SURSOCK

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photos Raya Farhat, Nabil Ismail

RICHARD PRINCE AU CENTRE-VILLE


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PLAY IT ARTY Playlist Par LANA DAHER

1 . Echoes, de Leon Thomas - Spirits Known et Unknown 2. Spinning Away, de Brian Eno et John Cale - Wrong Way Up 3. Two Can Win, de J Dilla - Donuts 4. Inner City Blues (Make me Wanna Holler), de Marvin Gaye What’s Going On 5. Tiny Dancer, de Elton John - Madman Across the Water 6. Baby Blue (avec Chance the Rapper), de Action Bronson Mr. Wonderful 7. Vitamin C (2004 Remaster), de Can - Ege Bamyasi (Remasterisé) 8. Der Komissar, de Falco - Einzelhaft 9. Fantastic man, de William Onyeabor Who is William Onyeabor? 10. El Hawa Sultan, de George Wassouf - The Very Best Of 11. Massu (avec Et Jolie Detta), du Grand Maitre Franco et Son Tout Puissant O.K. Jazz - Massu 12. Let it Happen, de Tame Impala - Currents 13. The Creator Has a Master Plan, de Pharaoh Sanders - Karma 312

Photo DR.

Artiste visuelle et graphique, Lana Daher explore aussi les possibilités du son. Dans cette sélection de morceaux qui l’inspirent, elle nous propose d’écouter des images ou de voir une musique, ou les deux à la fois, pourvu qu’on plane.


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