Le journal du Patient - Tony Morgan

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Le Journal du Patient de Tony Morgan


Désirs de possibles / 1 Notes sur l’impression / 2 The Hospital Edition / 14 Entretiens / 18 Versions originales / 26

Les illustrations du Journal du Patient proviennent de 3 éditions : - The Hospital Edition, 8 gravures ( 78 × 109 cm ), édition numérotée à 10 exemplaires - Non, docteur, je ne suis pas un beefsteak, 8 gravures ( 25 × 35 cm ),

édition numérotée et signée à 30 exemplaires - Sans titre, 8 gravures ( 10.4 × 14.8 cm ), édition numérotée à 30 exemplaires


Désirs de possibles Jacques Bœsch, chargé des affaires culturelles HUG Depuis toujours, à côté des soins, de la recherche et de l’enseignement, l’art et la culture sont présents à l’hôpital. Une étonnante diversité de manifestations en témoigne et contribue à la qualité de la vie hospitalière en humanisant ses espaces. Elle ouvre sur d’autres manières de ressentir, de regarder, de penser et de partager le plus sensible. Elle ose aborder la plupart des questionnements humains, la vie et la mort, la santé et la maladie, la souffrance et la solitude, le bonheur et un sens possible donné à l’existence. Constamment dissidente, la présence d’œuvres, d’auteurs et d’artistes résiste, allège et libère. L’essentiel est de permettre à tout un chacun d’en faire l’expérience. Tony Morgan s’est toujours questionné sur le rôle social de l’artiste. Ses œuvres sont des prises de paroles fortes, jamais gratuites, immensément humaines. Dès 1999, pendant ses séjours aux HUG, il poursuit son travail de créateur. Il prend des notes courtes, simples et fulgurantes, quelques traits, une phrase, un mot. Il consigne dans ses carnets sa souffrance, les propos de ses voisins, les dires des médecins et des soignants. De là naît The Hospital Edition, un ensemble de 3 éditions de gravures et un projet pour l’hôpital, où patient, soignants et proches seraient amenés à un dialogue autour du corps, de l’esprit, de la maladie et de la relation, autour du dehors et du dedans.

En achevant désormais ce journal, en lui donnant une forme graphique, les étudiants ont, à leur tour, TOUT RÉPARÉ, un clin d’œil qu’ils adressent à Tony Morgan en refermant cette publication sur ces mots-image. Autour du Journal du Patient et avec ses images, d’autres actions offrent des espaces pour instaurer la réflexion et des liens, tels que le souhaitait Tony Morgan dans son projet : des stickers rencontrés au hasard des espaces hospitaliers, des sets de table sur les plateaux de la cafétéria du personnel de l’hôpital, deux expositions des œuvres originales à l’Hôpital et à l’École des Arts Appliqués ( EAA ) et des films sur le travail et l’artiste. Cette présence d’œuvres authentiques va surprendre, étonner, et, bien sûr, susciter des discussions comme le quotidien hospitalier nous y invite. Genève, septembre 2007

Longtemps, nous avons différé la présentation du projet à l’hôpital, pariant que, tant qu’entre nous des projets resteraient ouverts, des possibles subsisteraient. Et que Tony pourrait s’y accrocher. Nous pourrions ainsi l’accompagner, être de son côté face à la maladie. Il décède en octobre 2004. Et nous avons poursuivi malgré tout. Les chargés des affaires culturelles des HUG se sont associés à ses proches. Des enseignants et des étudiants de la Haute École d’Art et de Design de Genève ( HEAD ) les ont rejoints. La manifestation The Hospital Edition – Tony Morgan en est le témoignage. Au centre, ce Journal du Patient, des images et des textes que Tony Morgan adresse au patient, en l’invitant à être un acteur de sa maladie. Un journal, aujourd’hui enrichi par le regard des étudiants : les paroles « d’acteurs » de l’hôpital qu’ils ont collectées, et la charte des HUG qu’ils proposent en regard des œuvres et des mots de Tony Morgan et d’Andrea Carlino.

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Notes sur l’impression Tony Morgan Le bonheur de l’impression réside dans la possibilité de partage qu’il offre. En travaillant sur les tirages, chacun d’entre nous, Anja, Urs et moi-même, nous mettions en commun nos connaissances respectives, de la fabrication, du procédé d’impression. Depuis les années soixante, j’interviens comme artiste multimédia et j’aime ce procédé d’insémination transversale entre différents supports, la performance, la photographie, la vidéo et la peinture. Ce qui me fascine dans l’impression, c’est l’utilisation du hasard et le mélange de différentes techniques d’impression ( du vernis mou traditionnel à la PAO en passant par le stencil ) pour réaliser une seule épreuve. J’ai écrit un jour que l’artiste, dans les années soixante et soixante-dix, était devenu le modèle. Il ou elle était devenu le matériau observé. Nous, esprit collectif, contemplions le corps. Cette année, dans The Hospital Edition, le Corps, dans la souffrance, devient une toute autre entité, que l’Esprit observe de tout près. The Hospital Edition a, comme point de départ, des idées et des dessins tirés de cahiers de notes qui datent des trois dernières années. Durant mon hospitalisation, au cours de laquelle j’ai subi une opération importante, j’ai pris conscience de manière précise de la séparation qui existe entre le Corps et l’Esprit. Après l’opération, le choc, ce fut que le Mental ou l’Esprit découvre qu’il possède un nouveau Corps. Un nouveau Corps qui souvent ne fonctionne pas aussi bien que l’ancien. La médecine a réparé le Corps, mais elle n’a donné aucun véritable mode d’emploi quant à son fonctionnement à venir. L’Esprit est abandonné à lui-même, bouillonnant d’interrogations d’ordre psychologique, mais aussi matériel. La prise en charge médicale du Corps est assurée, mais on accorde très peu d’attention à l’Esprit.

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Julian, mon fils de 9 ans, est venu me rendre visite à l’hôpital. Il a le droit d’utiliser mes cahiers de notes et il a dessiné ces deux dessins exceptionnels ( imprimés en vernis mou sur un papier légèrement jaune ). L’un, très drôle, montre un malade entouré de bandages de la tête aux pieds qui fume le cigare et qui claque du doigt pour demander à une infirmière très sexy de lui apporter son whisky. L’autre dessin, Psst !, montre un Superman, qui se dégonfle, tombant, mais avec sur le visage un immense sourire. C’est seulement plus tard que je me rendis compte que le « D » qui remplaçait le « S » signifiait Daddy ( Papa ) et que, bien entendu, Daddy serait plus fort que la maladie puisqu’il est « Superman ». Je fus très ému et très impressionné par la précision avec laquelle Julian avait observé mon environnement et par sa confiance en ma capacité de guérison.

Le fait de ne pas savoir de quoi sera fait le lendemain, dilemme existentiel et chronique de l’artiste, m’a habitué aux adaptations rapides. J’ai donc réussi à continuer à « travailler » tout en restant allongé sur mon lit d’hôpital, ce qui m’a évité de devenir un beefsteak à la merci d’un système hospitalier qui ne considère pas vraiment les patients comme des clients ou même comme des êtres humains ( à qui l’on ne donne RIEN à faire ). Genève, 2001

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Psst ! ( Pfhh ! ) Le dessin de mon fils. Il m’a vu tout ligoté avec des tuyaux et des bandages, incapable de bouger sans pousser des flacons et d’autres tuyaux sur un support à trois pieds pour aller faire pipi. À neuf ans, il était un peu choqué. Son dessin « Pfhh ! » trahit son état d’esprit. Les mains qui tombent, le corps percé, perdant ses forces. Ce n’est que plus tard que j’ai remarqué que c’était un dessin de Superman, sauf qu’à la place de l’habituel « S », il avait dessiné un « D » ( pour Daddy [ ndt : Papa ] ). Ainsi je suis Superman ! PAS DE PROBLÈME.

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What’s left ? ( Que reste-t-il ? ) L’impression de s’être fait dérober quelque chose. Mon moteur était une BMV GT et le chirurgien qui a effectué le travail de réparation m’a rendu une FIAT 500. O.K. Je dois donc apprendre à conduire une FIAT 500. Avec un petit effort, je peux peut-être la pousser jusqu’à une ABARTH 500 GT Sports avec l’aide de mon homéopathe et d’une bonne nourriture.

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Merde ! Un si petit mot. Mais tellement utile. Trois fois merde pour bonne chance. Oh ! Merde ! L’infirmière a lâché le bassin par terre. Ça va ? Ça va ? Non, merde ÇA VA PAS ! Ça fait mal ! Un si petit mot. Prononcer ce terme légèrement irrespectueux éveille chez son usager une certaine révolte. Merde ! c’est surmonter l’obstacle à moitié, dissiper la douleur. Ce n’est pas assez, mais c’est une manière de décharger sa bile.

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Non, Docteur, je ne suis pas un beefsteak Oui, ils étaient là autour de moi, 15 officiels en blouse blanche. Le grand prêtre chirurgien avec une bande d’étudiants légèrement nerveux. Moi, sur le lit, me sentant épuisé, nerveux, inquiet. Je voulais savoir ce qui se manigançait. J’ai attendu. Le grand prêtre a commencé à parler avec sa suite dans une langue étrangère ( le jargon médical ). Sa suite écoutait, en extase, les méditations du grand prêtre. J’en ai eu assez. « Docteur, je ne suis pas un beefsteak. Adressez-vous s’il vous plaît à MOI, dans une langue que je comprends, à propos de CE QUI SE PASSE ». Tous les visages des étudiants sont devenus blancs comme leur blouse.

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Patien ( t ) ce En être un. Un patient. Accepter, jusqu’à un certain point, d’être patient. Se détendre dans ces draps blancs amidonnés, en sûreté, bordé par l’infirmière. Attendre patiemment, patient pour la première visite du médecin. Attendre patiemment pendant que les médecins travaillent au diagnostic de nos problèmes. Avoir la patience de faire un petit peu de rien. Oui, même laisser sa femme s’occuper de son affaire pour quelques semaines. Détends-toi ! Apprécie les bons repas ! Sois un patient patient. Lis un livre. Dessine. Gribouille. Croque. Continue à avancer. Sois un patient. ( HORS D’ICI ). Oui … Aie de la patience.

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No problem ( Pas de problème ) J’avais accroché ce petit dessin derrière mon lit à l’hôpital, juste audessus de ma tête. Les médecins ont souri quand ils ont vu le dessin. Les infirmières ont souri quand elles ont vu le dessin. Les autres patients ont souri quand ils ont vu le dessin. C’est un dessin qui plaît. PAS DE PROBLÈME.

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Ich Habe Keine Lust Mehr ( Je n’ai plus envie de rien ) Quand toute l’énergie est exprimée. Quand il n’y a plus de mots. Quand il semble qu’il n’y a plus rien à faire. Quand l’esprit est trop fatigué pour penser. Quand l’infirmière n’a plus le temps. Quand il n’y a plus de temps. Quand avoir du temps semble être une perte de temps. Quand il n’y a plus de volonté. Peut-être avons-nous atteint le nirvana.

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Take your time ( Prends ton temps ) Chacun de nous a Un Temps. Le Sien. Ce qui croise mon chemin, que ce soit organisé, manipulé, hasardeux, EST MON TEMPS. C’est rude parfois, mais personne d’autre ne vit dans ce corps qui est le mien. Je dois faire ce que je peux pour qu’il continue à tourner au ralenti, même essayer et aider à le faire fonctionner. Peutêtre que d’autres peuvent améliorer ma navigation, réparer le moteur, ajuster le carburateur, changer les batteries, acheter quelque nouveau logiciel. Mais finalement, c’est moi qui passe à travers mon temps. Oui, nous pouvons parfois partager du temps, mais mon temps n’est pas le tien. PRENDS TON TEMPS.

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The Hospital Edition Andrea Carlino La relation médecin – patient n’est pas seulement un corps à corps. C’est plutôt la rencontre, en un lieu imaginaire, entre deux subjectivités ; c’est un échange d’expériences, un croisement de locutions, un partage de savoirs, une négociation de sens, un jeu délicat de confiance mutuelle et d’émotions livrées, libérées, soulagées. Tout au moins c’est ce qui est souhaité, c’est ce qui est attendu, c’est ce que les fondements humanistes de la médecine prescrivent. Néanmoins, la maladie est une condition de frustration, donc de sujétion et de soumission. Les défaillances du corps se reflètent sur l’âme, et ces mécaniques du corps détériorées se muent en état d’esprit : le sentiment d’être mal fichu. Affaibli dans le corps et dans la psyché, le malade est souvent démuni, inévitablement demandeur et brusquement, la relation thérapeutique est déséquilibrée par la disparité des positions réciproques : le patient demande, a besoin de soutien, de soins, de sens ; alors que le médecin offre son jugement, sa compréhension, son aide, son savoir. La relation idyllique dont on pourrait rêver est chancelante dans son essence, gâchée par cette logique d’échange.

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Cette contradiction propre à l’économie de la relation thérapeutique devient sérieuse et dramatique quand le malade est hospitalisé. Un sentiment de prostration s’enracine, avec un sentiment de désorientation : l’hospitalisation implique la perte de son environnement quotidien, l’instauration d’une nouvelle routine, l’altération des rapports interpersonnels, enfin une perception de soi et du monde inhabituelle, parfois bizarre et toujours instable. Pour compliquer les choses, l’institution hospitalière brise le noyau de la relation thérapeutique dans une panoplie de rapports éphémères, passagers et impersonnels qui détruisent la structure de la vie intime du malade.


Tony Morgan dans The Hospital Edition offre un témoignage incarné de l’aventure secrète et silencieuse du patient hospitalisé. Mais il ne condamne pas. En fait, il n’y a rien à condamner, à une exception près : l’ontologie d’une condition le plus souvent insoutenable et indicible. Au contraire, Tony exprime le souvenir de sa souffrance, il nous raconte un moment de sa propre vie. En tant qu’artiste, il nous propose d’examiner, simultanément, les intersections entre son expérience singulière et les contradictions constantes qui semblent gouverner l’environnement relationnel du patient.

Ouch ! ( Aïe ! ) Un autre petit mot. Beaucoup plus inquiétant que Merde. Derrière « Aïe ! » il y a la douleur. Et la douleur parfois ne peut être évitée. Elle vient comme ça. Parfois à petites doses. Parfois comme un éclair qui pénètre votre monde, modifie le paysage. Le vieux monsieur en face de moi a roulé hors du lit en criant « Je n’y crois juste pas ! Je n’y crois juste pas ! ». Sa femme, à ses côtés, ne pouvait l’aider. C’était SA douleur. Il n’y a qu’un chemin. C’est un moment sombre, un paysage abrupt sans soleil. Le seul moyen c’est de passer au travers du gros temps. Les infirmières et les médecins font tout ce qu’ils peuvent.

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Pendant son séjour à l’hôpital, Tony Morgan prenait des notes. Elles sont courtes, simples, essentielles, exprimées dans un croquis ou, très souvent, résumées en une seule phrase, voire en un mot. Dans ses carnets, il a enregistré les sons de sa douleur, les paroles de ses voisins de chambre, la voix des médecins et des infirmières. C’est ce matériau enregistré, consciemment élaboré, que nous trouvons dans The Hospital Edition. L’expérience et le sens de la maladie, tout comme les souvenirs de l’hôpital, sont réduits à leurs squelettes par les images et les mots de Julian et Tony Morgan. Nous n’avons pas un grand éventail de possibilités pour partager ce type d’expérience. Nous n’avons que le langage pour communiquer entre patients, entre patients et proches, entre patients et médecins. Néanmoins, ces mots transfigurés en images, avec leur banalité et leur extrême simplicité, sont brutaux. Des exclamations comme OUCH ou des petits bouts de phrase comme ON ATTAQUE DEMAIN sont lourds, en dépit des limites du langage. Et quand il n’y a pas de mots, un signe simple en assume la valeur sémantique, comme une fenêtre minimaliste qui sépare le dehors et le dedans. Ce signe indique à la fois le désir de partir et son impossibilité, le regard projeté et le repli sur soi-même, l’isolement du monde extérieur et l’enceinte de l’hôpital. Les visions de Julian sont assorties à ces mots et ces signes simples, partageant la même subtilité, commentant la banalité du mal, le dégonflement imaginaire du corps souffrant de « Superdaddy » et la vie quotidienne absurde que l’on a dans un hôpital.

À vrai dire, The Hospital Edition est un projet plus large qui aspire à faire rayonner l’expérience individuelle dans le domaine public et à provoquer un débat sur les contradictions d’une vie d’hôpital, suspendue. Si la simplicité du langage est une composante essentielle de la réussite du projet, le choix du support en est une autre : la feuille imprimée. Depuis plus de cinq siècles, l’imprimé a fourni les moyens pour faire circuler l’information, les idées, la culture, les certitudes aussi bien que les doutes. Grâce à l’imprimé, le savoir, quel que soit ce savoir ( à la fois populaire ou d’élite, technique ou intellectuel, individuel ou politique ) a été littéralement jeté dans l’arène publique. Recourant à différentes formes – textes et estampes, libelles et pamphlets, journaux et essais – le processus d’impression offre du savoir à la libre appropriation des lecteurs. C’est là que repose le principe de la communication, des expériences et de l’échange, sur lesquels est fondé le jugement critique. Pour transmettre son jugement critique, pour accélérer la circulation et toucher un large public, Tony Morgan a choisi des formats différents – de grandes estampes, le A4, la carte postale et le journal. C’est un choix qui transforme la simplicité de son langage en une force critique, et le mot imprimé devient aussi lourd que du plomb. Le monde de l’art contemporain et de l’hôpital sont des mondes clos que nous risquons toutefois de rencontrer un jour ou l’autre. Ils déploient un langage à eux qui est souvent singulier et qui s’adresse d’abord à leurs « membres internes ». The Hospital Edition, au travers des moyens que Tony Morgan a utilisés, brise la logique qui est commune à chacun de ces mondes apparemment incommensurables. 2001

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Entretiens Philippe, 50 ans, infirmier et Sophie, 48 ans, infirmière Nous aurions quelques anecdotes à vous raconter : « Un jour, un patient, dont le taux de fer augmentait anormalement dans le sang, est arrivé pour faire une prise de sang. L’infirmière, désirant le détendre en blaguant, a alors dit : “ Allez, ça y est, voilà le vampire qui arrive ”. Ce genre d’injonction part habituellement d’un bon sentiment, mais n’est pas toujours bien ressenti par les patients. Un médecin a dit un jour à un infirmier ( à propos d’un patient traité pour un cancer ) : “ On va lui faire un petit coup de Vinorelbine ” ( médicament pour les chimiothérapies ). Le traitement est souvent trop banalisé, du moins dans les paroles. Il avait dit ça comme s’il lui proposait d’aller boire un coup. Un traitement par chimiothérapie se déroule généralement en plusieurs étapes. Un jour, alors qu’un patient venait pour subir l’ultime étape de son traitement, l’infirmière en le voyant arriver lui a dit : “ Ça y est, c’est la fin ! ”. Évidemment, le patient l’a mal pris. L’infirmière, qui s’était rendu compte de sa maladresse, a été bouleversée pendant longtemps. Une autre fois, alors que j’étais avec un patient dans sa chambre, le grand chirurgien est arrivé et lui a dit : “ Demain on vous fait une buccopharyngectomie transmandibulaire ”. Puis il est parti sans lui donner d’autre explication. Le patient inquiet a posé de nombreuses questions à l’infirmière, qui a tenté tant bien que mal de lui répondre. Elle lui a alors précisé quelques-unes des conséquences de cet acte : disparition de la faculté de parler, nécessité de subir ensuite, peut-être, une radiothérapie, des rayons, une chimiothérapie, etc. Le patient s’est alors effondré, ce qui est compréhensible ! Sous prétexte de manque de temps, on néglige trop souvent la relation patient-soignant. Mais il n’y a pas que ça … Les médecins sont mal préparés à l’annonce du diagnostic et au suivi des patients. On en fait des savants, pas des communicants. Très souvent, on constate qu’il s’agit d’omissions par ignorance. C’est-à-dire que si les soignants n’ont jamais été confrontés euxmêmes à ce genre de situation, ils ne savent pas, ils ne se rendent pas compte. 18

Le problème du vocabulaire est également fréquent : l’explication n’est pas toujours bien comprise par le patient. De plus, les soignants ont parfois du mal à se mettre à la place de leurs patients. Certaines choses qui leur paraissent anodines vont sembler très graves aux yeux de leurs patients. Il est toujours difficile de comprendre l’autre, car les différences de références sont souvent importantes. J’ai moi aussi vécu plusieurs fois ce genre de situation, en tant que patient. » « Si je pouvais dessiner, je dessinerais moi aussi “ j’en ai marre ” ! »


Heder, 26 ans, patient Je suis Brésilien. J’ai rencontré ma femme là-bas mais elle est venue en Suisse avec son père, tandis que je suis resté au Brésil. Au même moment, j’ai découvert que j’avais une tumeur très rare, appelée angiofibrome juvénile, qui touche habituellement les adolescents de 10 à 15 ans. Il s’agit d’une tumeur bénigne, se développant dans la cavité nasale et poussant tout autour d’elle, mais il est très rare qu’elle se déclare si tardivement (  j’avais 22 ans  ) et elle était déjà dans une zone très proche de mon cerveau. Au Brésil, la chirurgie n’était malheureusement pas adaptée à ce genre de cas. Je suis allé voir de nombreux médecins, mais aucun n’a voulu m’opérer, à cause de la rareté de mon cas. De son côté, ma femme s’est rendue à l’hôpital universitaire pour montrer mon dossier médical à un médecin du service ORL. Il a été très surpris par mon âge et la rareté du cas et lui a conseillé que je vienne le voir dès que possible ( dès le lendemain !  ). Or, j’étais encore au Brésil et n’avais pas beaucoup d’argent pour faire le voyage. J’ai tout de même réussi à venir rapidement pour rencontrer ce médecin. C’était seulement la deuxième fois de ma vie que je venais et je ne parlais pas du tout le français. Il a donc fallu qu’on me traduise ce qu’il avait à me dire et cela n’a pas été évident, car la langue constituait un véritable barrage. Il n’a pas pesé ses mots, et en me tapant dans le dos il m’a dit qu’il fallait m’opérer avant un mois, sinon il ne me resterait pas plus de six mois à vivre. Il a ajouté que je devais réfléchir, car l’opération devait être précédée de trois examens obligatoires très risqués, voire fatals. Enfin, il m’a dit de bien profiter du temps qu’il me restait. J’ai opté pour l’opération. Il me restait à résoudre le problème de la prise en charge financière de cette intervention, de l’hospitalisation et des soins à venir. J’ai pu bénéficier d’une prise en charge totale. Durant mon hospitalisation, le barrage de la langue restait un problème. Heureusement, j’ai souvent trouvé des infirmières ou aidessoignantes portugaises pour m’aider. J’ai été obligé de rester car cette opération demande un suivi très régulier sur une période de 4 ans.

Toutes ces épreuves m’ont permis d’acquérir une plus grande sensibilité et surtout, une immense gratitude envers les personnes, comme ce médecin et la famille de ma compagne, qui ne me connaissaient même pas et m’ont tant soutenu. Enfin, je ne remercierai jamais assez celle qui est devenue ma femme, qui n’avait pas encore 18 ans, mais qui a assumé cette énorme responsabilité au nom de l’amour.

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Odette, 67 ans, patiente « J’ai dû séjourner à l’hôpital à différentes reprises cette année. Évidemment, ce n’était pas facile d’être seule, de devoir attendre alors que je souffrais, mais si je devais dresser un bilan, il serait plutôt positif. À chaque fois, tout s’est vraiment très bien passé, du début à la fin. En général, j’ai un bon contact avec les infirmières, elles sont très gentilles. Cette fois-ci par exemple, elles savent que je vais fumer une cigarette avant le repas de midi, donc elles me font toujours mon pansement avant pour que je puisse y aller. Les médecins aussi sont très bien. » « À mon arrivée à l’hôpital en mai, j’ai croisé une dame dans l’ascenseur, très aimable, qui m’a dit se souvenir de moi. Je ne l’ai pas reconnue. C’était une anesthésiste qui s’était occupée de moi en février, et que je n’avais vu que quelques instants ! Ça m’a beaucoup touchée car je me suis rendu compte qu’elle avait fait attention à moi, puisqu’elle se souvenait de moi et de mon opération passée. »

Mélanie, 26 ans et Roland, 28 ans, neuropsychologues « Nous voyons les patients seulement deux ou trois heures pour un bilan. Ils débarquent sans trop savoir où ils sont – en général ils sont un peu perdus, ils ne parlent pas beaucoup. Nous faisons des entretiens très structurés et touchons à quelque chose de très intime – presque aussi intime que la sexualité – à savoir ce qu’on appelle communément “ l’intelligence ”. Nous appelons ça les fonctions cognitives. Nous utilisons des tests pour les évaluer. Mesurer, et parfois remettre en question, ces capacités mentales est une intrusion dans la sphère personnelle. Il faut toujours mettre le patient en confiance, le traiter d’égal à égal. Quand les patients arrivent, ils pensent que tout va très bien, mais les tests leur permettent souvent de prendre conscience de leurs problèmes, c’est parfois difficile, il faut les rassurer. Rares sont les médecins qui voient leurs patients durant une aussi longue séance que nous. Nous pouvons le faire car cela fait partie du bilan, et cela favorise une meilleure écoute. Il nous est sûrement plus facile de comprendre l’origine du comportement de nos patients. Les médecins et les infirmières sont débordés – ils n’ont pas le temps. En fait, on pourrait dire que nous faisons le lien entre la partie médicale ( diagnostic ) et la vie quotidienne des patients. Nous traitons d’aspects concrets de leur vie, en nous intéressant notamment à leur devenir à la sortie de l’hôpital. Notre rôle auprès des patients est important, même si on ne s’en rend pas toujours compte. Parfois, des séances sont organisées avec une trentaine de soignants autour d’un seul patient, pour observer son cas ( hôpital universitaire oblige ) – c’est un peu le désordre. Nous nous mettons à la place du patient, ça doit être difficile pour lui d’être observé ainsi. Cela nous met réellement mal à l’aise ! Mais nous nous disons qu’en contrepartie, il a la chance d’être soigné dans un hôpital universitaire, disposant de traitements de pointe. »

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Dominique, 51 ans, patiente « Avec le personnel cela se passe bien. Le problème, c’est plutôt avec les patients qui souffrent. Dans les grandes chambres, il y a un peu un manque de tranquillité. Le personnel pourrait prendre l’initiative de changer les gens de place quand ça ne se passe pas bien. Moi, j’étais dans une chambre avec des patients difficiles, je ne parvenais pas à me reposer. J’en ai parlé avec l’équipe, et elle a pu me changer de chambre. En fait, les soignants sont assez ouverts. Je pense qu’ils font leur maximum ! »

Céline, 25 ans, patiente

Samia, 32 ans, patiente « Je suis passée par des moments très difficiles, mais il n’en ressort finalement que du positif! J’admire le travail de cet artiste – Tony Morgan – moi je n’aurais jamais pu ! Ses mots sont comme des stigmates que l’on garde, je ne veux pas cacher mes cicatrices, elles font partie de ma vie. Ses œuvres sont très directes, à la fois naïves et très fortes, il a certainement pu atténuer sa souffrance ainsi. J’aurais voulu écrire de telles choses, ça m’aurait peut-être aidée, mais il faut avoir beaucoup de courage pour poser les mots sur ce que l’on ressent. J’ai eu des médecins pendant très longtemps, et je n’ai jamais eu de problèmes. Cependant, ce n’est pas évident de dire ce que l’on ressent, je n’arrivais pas toujours à “ laisser entrer les médecins dans la maladie ”. Souvent, j’en ai eu envie, mais de là à le faire, il y a un grand pas ! Je suis persuadée que pour que la relation fonctionne, ça doit se passer dans les deux sens … »

« Je suis ici depuis hier, et tout se passe bien. C’est vrai que nous ne sommes pas seuls, et que nous ne pouvons pas tout avoir tout de suite “ en claquant des doigts ”.Il y a beaucoup de monde, je me mets à la place des soignants. Il faut que les patients prennent leur mal en patience, il faut qu’ils comprennent ça ! Ça pourrait être pire ! En fait, tout dépend de la raison pour laquelle on est là, de la durée de l’hospitalisation, et de la douleur … C’est vrai que nous aimerions parfois que ça aille plus vite, mais je ne suis pas ici pour quelque chose de grave, donc ça va, je peux attendre. Je pense que le problème de communication ne se situe pas entre les soignants et les patients, mais plutôt entre les différents soignants. Je trouve qu’ils ne parlent pas assez entre-eux – ils ne savent pas toujours ce que les autres nous ont dit ou fait, il peut donc parfois y avoir des confusions. »

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Josiane, 50 ans, infirmière « Pour avoir déjà été de l’autre côté de la barrière, il est vrai que parfois on réagit vivement. Cet artiste a dit des choses vraies, qui lui ont permis de décrire sa souffrance. Son message est négatif par rapport à l’hôpital, qui ne comporte cependant pas que du négatif. C’est difficile de dire les choses comme ça … Beaucoup de gens placent une grande confiance en nous. C’est très enrichissant de pouvoir parler avec les patients, de leur expérience, de leur vie. Parfois le contact est très bon, parfois pas, c’est comme “ dans la vraie vie ”, ça ne s’explique pas. Un jour, un patient américain a été hospitalisé aux HUG pour une pathologie très grave. Comme de nombreux patients, il a été confronté à l’isolement affectif, car il était seul ici, loin de son pays, et ne parlait pas bien le français. Sa vie à l’hôpital était très difficile, car il ne pouvait plus du tout bouger. Ce handicap le rendait d’ailleurs très exigeant, mais les soignants avaient réussi à faire en sorte qu’aller s’occuper de lui ne soit pas une contrainte. Toute l’équipe avait établi de très bons contacts avec lui. Dans ce genre de cas notamment, le travail d’équipe est très important. La complicité entre collègues, et avec le patient, est essentielle, et aide au bon déroulement du séjour. »

Professeur Arnaud Perrier, médecin - chef de service, médecine interne « Je m’occupe de toutes sortes de patients qui sont touchés par divers maux. Quand je regarde les œuvres de Tony Morgan, je reconnais des réactions légitimes que l’on rencontre chez de nombreux patients. Cependant, la plupart de ces émotions sont relatives au vécu des patients eux-mêmes, et ne dépendent pas des soignants. Selon moi, toute cette souffrance est principalement liée à la maladie. La relation entre patient et soignants peut effectivement améliorer ou empirer le vécu psychologique du patient, mais c’est avant tout la maladie qui le conditionne. » « La maladie est une expérience intime. Chaque patient la vit différemment, en fonction de ce qu’il est, de son vécu, etc. C’est pourquoi il y a une part de l’expérience du patient que nous, soignants, ne pouvons pas comprendre. Certaines émotions du patient sont difficiles à recevoir et à gérer, notamment la colère, qui peut se traduire par de l’impatience. Certains soignants ont du mal à le supporter. Il y a même dans le jargon médical des termes spécifiques à ces problèmes : on parle alors d’un patient “ oppositionnel ”, “ non-coopérant ”, ou encore “ non-collaborant ”. Ce genre de problèmes s’explique et se comprend assez facilement : le patient est dépendant de nous, ce qui rend difficile la relation, qui est alors déséquilibrée. Les soignants devraient être formés à ça, mais ne le sont pas durant leurs études. Nous faisons cependant de gros efforts d’éducation pour leur apprendre à décoder les sentiments des patients. » « Un autre reproche qui nous est régulièrement fait : Les patients se sentent déshumanisés ( pas forcément de manière brutale, ni irrespectueuse, mais plutôt de façon automatique ). Ils ont trop souvent l’impression de n’être qu’un numéro parmi d’autres. Mais ce n’est pas tout à fait vrai. Nous y prêtons attention, mais il est incontestable que l’hôpital est un univers dur, de par ce qu’on y subit. De plus, le fait qu’il s’agisse d’un hôpital universitaire oblige les patients à voir défiler de nombreuses “ blouses blanches ” chaque jour, sans toujours savoir exactement qui sont ces soignants, pour qui il est difficile de développer des soins personnels et des relations particulières. Le grand nombre de personnes se trouvant dans l’hôpital constitue également un frein à ce type de relations. »

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« Je pourrais vous raconter de nombreuses anecdotes pour illustrer mes propos. Récemment, un patient très âgé a été hospitalisé. Sa femme, plus jeune que lui d’une vingtaine d’années, était constamment présente à ses côtés. Elle constituait une sorte de filtre entre son mari et les soignants. L’équipe a très mal vécu cette situation. Le patient était plutôt passif, mais son épouse faisait preuve d’une exigence démesurée, et d’une insatisfaction permanente. Nous faisons régulièrement des réunions de personnel, durant lesquelles nous parlons notamment de ce type de problèmes. Mais dans ce cas précis, ça n’a rien pu changer, et la fin du séjour s’est aussi mal passée que le début. J’ai d’ailleurs récemment reçu une lettre de plainte de cette personne. Je reçois régulièrement des lettres de gens insatisfaits de leur séjour hospitalier. Certaines, dont celle-là, sont prévisibles. À la lecture de ces lettres, je me rends souvent compte que la perception de leurs auteurs a été totalement différente de celle que nous avons eue de la situation évoquée. Dans ce cas, nous n’avons pas su répondre à ses attentes. Nous ne sommes pas parvenus à décoder cette réelle agression, qui cachait en réalité une grande inquiétude. »

« Je visualise souvent deux visages qui se font face. L’un serait un patient, et l’autre un soignant ( représentant l’ensemble des soignants ). Entre les deux, il y aurait une barrière. Cette barrière symboliserait la maladie. C’est en effet une expérience qui isole. Les patients ont souvent plus d’attentes que ce que nous pouvons leur donner. Par exemple, nous ne pouvons pas soigner le cœur de nos patients. Nous pouvons accompagner leurs révoltes et leurs colères, mais nous ne pouvons pas les vivre à leur place. Cette barrière génère de temps en temps des tensions et des malentendus. La relation se trouve souvent détériorée, car elle est construite sur la base d’une souffrance. Elle est nécessairement difficile à mettre en place puisqu’elle n’existe qu’à cause de l’expérience perturbante de la maladie, qu’à cause de quelque chose de difficile à vivre pour le patient. »

« Les anecdotes sont cependant loin d’être toutes négatives. Il est assez fréquent que l’équipe soignante soit très investie, ce qui peut tout de même rendre une expérience de maladie un peu moins éprouvante. Je pense à une histoire parmi beaucoup d’autres, une situation de fin de vie. Le patient est resté dans le service pendant cinq mois ( c’est l’hospitalisation la plus longue que j’ai connue ) et a fait complication sur complication. L’hôpital était véritablement devenu son lieu de vie. Il avait la “ chance ” d’être seul dans sa chambre, qu’il avait décorée de façon personnelle. Lorsque nous entrions dans celle-ci, nous ressentions une atmosphère différente, c’était comme si nous entrions chez quelqu’un. Il y avait une certaine “ familiarité ” avec l’ensemble des soignants. L’attachement était réciproque. Tout le monde appréciait cette personne et toute sa famille. Lorsqu’il est décédé, tout le service s’est mis en deuil pendant une journée. Cette hospitalisation difficile a été vécue de manière plus sereine par le patient, en grande partie probablement grâce à cette humanité qui l’entourait. » 23


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Oh ! No ! Les Microbes !

Window ( Fenêtre )

Nous étions en convalescence. C’était le week-end. Une femme à notre table au restaurant était tombée et s’était fait mal au genou. Son médecin n’était pas là durant ce week-end. Une infirmière lui avait dit qu’elle devrait attendre pour son traitement jusqu’au lundi. Nous lui avons suggéré de prendre un bain pour soulager la douleur. Elle a violemment secoué la tête en disant « Oh ! No ! Les microbes ! ». Elle ne plaisantait pas. Elle était sérieuse.

Oui... je suis sorti depuis 3 ou 4 jours. Je ne peux me souvenir que d’avoir rêvé d’une bouteille de Guiness. Je pouvais lire parfaitement l’écriture sur l’étiquette ovale. La bouteille n’était pas ouverte. Je crois que le désir d’ouvrir la bouteille et de boire la bière était pour quelque chose dans le fait de me tirer hors de trois jours de soins intensifs. Je me suis réveillé pour apercevoir un triangle de soleil brillant dans le coin d’une des fenêtres de l’hôpital. Je me suis promis que je n’aurais besoin de rien de plus.

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Versions originales

Psst ! ( 4 )

What’s Left ? ( 5 )

Merde ( 7 )

Non, Docteur, je ne suis pas un beefsteak ( 8 )

My son’s drawing. He saw me all trussed up with tubes and bandages, not being able to move without pushing bottles and more tubes on a three legged stand to go take a pee. At nine years old he was a little shocked. His drawing Psst ! catches his mood. Hands falling off, the body punctured, loosing strength. It wasn’t till later I noticed it was a drawing of Superman, except that in the place of the usual « S » he had drawn a « D » ( for Daddy ). So I’m Superman ! NO PROBLEM.

The feeling of having something stolen. My motor used to be a BMV GT and the surgeon, who was doing the repair job, gave me back a 500 Fiat. O.K. So I have to learn drive a 500 Fiat. With a little bit of effort I can maybe hype it up to an ABARTH 500 GT Sports with the help of my homeopathist and some good food.

Such a little word. but so very useful. Trois fois merde for success. Oh ! Merde ! The nurse drops the bedpan on the floor. Ça va ? Ça va ? Non, merde ÇA VA PAS ! Ça fait mal ! Such a little word. Uttering the slightly disrespectful terminology awakens a certain revolt in its user. Merde ! is halfway to overcoming an obstruction, of dissipating a pain, it’s not enough but it is a way of letting off steam.

Yes, they stood round me, 15 white uniformed officials. The high priest surgeon with a slightly nervous bunch of student doctors. I, on the bed, feeling exhausted, nervous and anxious. I wanted to know what was up. I waited. The high priest started talking with his followers in a foreign language ( medical jargon ). The followers listened, raptured, to the high priest’s contemplations. I had had enough. « Doctor I am not a beefsteak. Please talk to ME, in a language I understand, about WHAT’S HAPPENING. » All the students faces went as white as their uniforms.

Patien ( t ) ce ( 10 )

No Problem ( 11 )

Ich Habe Keine Lust Mehr ( 12 )

Take Your Time ( 13 )

To be one. A patient. To accept, to a degree, to be a patient. To relax in those starched white sheets, safely tucked in by the nurse. To wait patiently, patient for the doctors first visit. To wait patiently, while the doctors work on a diagnosis of your troubles. To have the patience to do a little bit of nothing. Yes, even to let your wife run your business for a couple of weeks. Relax ! Enjoy the good food ! Be a patient patient. Read a book. Draw. Scribble. Scratch. Keep moving. Be a patient. ( I WANT THE HELL OUT OF HERE ).

I had hung up this little drawing behind my bed in the hospital, just above my head. The doctors smiled when they saw the drawing. The nurses smiled when they saw the drawing. The other patients smiled when they saw the drawing. It is a drawing that pleases. No problem.

When all the energy is squeezed out. When there are no more words left. When there seems to be nothing more to do. When the mind is too tired to think. When the nurse has no more time. When there is no more time. When having time seems a waste of time. Where there is no more will. Maybe you’ve reached nirvana.

Each of us has One Time. Our Own. What comes my way, whether it be organised, manipulated, chance, IS MY TIME. It’s sometimes tough but no one else lives in this body of mine. I have to do what I can to keep it ticking over, even try and help to keep it going. Perhaps there are others who can improve my navigation, repair the motor, adjust the carborator, change the batteries, buy some new software. But in the end it’s me who passes through my time. Yes, we can sometimes share time but my time is not your time.

Yea ! Have patience.

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TAKE YOUR TIME.


Ouch ! ( 15 )

Oh ! No ! Les Microbes ! ( 24 )

Window ( 25 / 29 )

Another little word. Much more worrying than Merde. Behind Ouch ! is pain. And pain sometimes cannot be avoided. It just comes. Sometimes in little doses. Sometimes like a flash of lightening that enters your world, changes the landscape. The old man in front of me rolled out of bed, crying « I just don’t believe it ! I just don’t believe it ! ». His wife, at his shoulder, could not help him. It was HIS pain. There is only one way. It is a dark moment, a rough landscape without sun. The only way is to push through the heavy weather. The nurses and doctors help all they can.

We were convalescing. It was the weekend. A lady at our table in the restaurant had fell down and hurt her knee. Her doctor was not there that weekend. A nurse had said she would have to wait until monday for treatment. We suggested that she took a hot bath to relieve the pain. She shook her head violently crying out « Oh ! No ! Les Microbes ! » She wasn’t joking. She was serious.

Yea, I’ve been out for 3 or 4 days. I can only remember dreaming of a bottle of Guiness. I could read perfectly the writing on the oval label. The bottle was unopened. I think that the wish to open the bottle and drink the beer had something to do with pulling me through three days of intensive care. I woke to see a triangle of brilliant sunlight in the corner of one of the hospital windows. I promised myself I didn’t need more.

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Notes on printing ( 2- 3 ) Tony Morgan The joy of printing is that it can be a communal activity. In working on the prints each one of us, Anja, Urs and I, lent our knowledge to the making, the printing. Having been a multimedia artist since the sixties I like the process of cross-insemination between different media ( performance, photo, film video and painting ). In printing I am fascinated by the use of chance and the assimilation of various printing processes ( from the classical aquatint to the use of stencils and computer printing ) that can be put into the making of a single print. I had written that in the sixties and seventies the artist became the model. He or she became the material observed. We, the collective spirit, contemplated the body. In The Hospital Edition of this year the Body, in pain, becomes clearly another entity closely observed by the Spirit. The source of The Hospital Edition has been ideas and images taken from sketch books over the last three years. Having been hospitalised and undergone a serious operation I became very conscious of the separation between the Body and the Spirit. After the operation the shock is that the Mind or the Spirit discovers that it has a new Body. A new Body that often doesn’t work quite as well as the old one. The Body was repaired by the medical world but they gave no real instructions as to its further use. The Spirit is left buzzing with psychological and practical questions. There is medical care for the Body but little care for the Spirit. Julian ( my son of 9 years ) came to visit me at the hospital. He is allowed to use my sketch books and drew these two exceptional drawings ( printed in sugar aquatint on slightly yellow paper ). The one, full of humour, with the patient bound up in bandages from head to foot, smoking a cigar and « finger snapping » for a sexy nurse to bring in the whisky. The other drawing Psst !, a deflating Superman, hands and arms falling off but braving a huge smile. It was not until later that I realised the « D » in the place of the « S » stood for Daddy and naturally Daddy will overcome his illness since he’s a Superman ! I was very touched and impressed by Julian’s acute observation of my environment and his belief in my capacity to overcome. 28

Never knowing what comes next ( the artist’s existential monthly dilemma ) has conditioned me to sudden changes. The fact that I could lie on a hospital bed and still be « working » kept me from becoming a beefsteak at the mercy of a hospital system that does not really consider the patient to be a client or simply a human being ( who has been given NOTHING to do ). Geneva, 2001


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The Hospital Edition of Tony Morgan (14-16) Andrea Carlino The relationship between the doctor and the patient is not just body to body. It is much more the merging of two subjectivities in an imaginary place ; it is an exchange of experiences, a crossing of locutions, a sharing of knowledge, a negotiation of meanings, a delicate game of mutual confidence and of surrendered, released and eased emotions. At least this is what is hoped, this is what is expected, this is what humanist foundations of medicine prescribe. Nevertheles illness is a state of frustration, and consequently one of subjection and submission. The body’s failures are mirrored by the soul, and these worsened body mechanics move towards a state of mind : feeling rotten. As the patient is weakened in both mind and body, he ( or she ) is often destitute, unavoidably becoming the plaintiff and, all of a sudden, the therapeutic exchange between both positions becomes imbalanced : the patient demands and needs support, care and meaning whereas the doctor offers his or her judgement, understanding, help, and knowledge. The idyllic relationship of which one would dream is unsteady to its core, spoiled by the logic of exchange. This contradiction, that is peculiar to the economy of the therapeutic exchange, becomes serious and dramatic when the patient is hospitalised. A sentiment of prostration takes root, with a feeling of disorientation : being hospitalised implies the loss of one’s usual environment, the setting up of a new routine, the distortion of interpersonal relationships and, finally, a perception of oneself and of the world which is unusual, sometimes bizarre and always unstable. To complicate things, the hospital institution shatters the nucleus of the therapeutic exchange into a display of fleeting, transient and cold encounters which destroy the texture of the patient’s innermost life. In The Hospital Edition, Tony Morgan offers an incarnate witness of the secret and silent adventure of a patient at hospital. But he doesn’t condemn. In fact there is nothing to condemn, except for one thing : the ontology of a condition which is, more often than not, unbearable and unspeakable. On the contrary Tony Morgan expresses the memory of his pain, he tells us about a moment of his own life. As an artist, he proposes us to examine, at the same time, 30

the crossroads between his particular experience and the constant contradictions that seem to rule the patient’s relational environment. During his stay at the hospital Tony Morgan took notes. They are short, simple and essential, embodied in sketches or, very often, epitomised into one single phrase or word. In his sketchbooks he has recorded the sounds of his pain, the words of his hospital room neighbours, the voices of doctors and nurses. This recorded material, consciously thought out, is what we find in The Hospital Edition. The experience and meaning of the illness, as well as the memories of the hospital are reduced to their skeleton by Julian and Tony Morgan’s images and words. One does not have a wide range of possibilities to share this kind of experience. One only has language to communicate between patients, between patients and their families, between patients and doctors. However these words, transfigured into images with their banality and extreme simplicity, are brutal. Exclamations, such as OUCH or small bits of sentences such as ON ATTAQUE DEMAIN are heavy, in spite of the limits of language. And when there are no words, a plain sign assumes the semantic value, for example a minimalist window that separates the outside and the inside. This sign indicates at the same time, the wish to leave and its impossibility, the projected gaze and the withdrawal into oneself and, the isolation from the external world and the hospital enclosure. Julian’s visions match these simple words and signs, sharing the same sensibility, commenting on the banality of evil, on the imaginary deflation of « Superdaddy’s » aching body and on the absurd daily life one has in a hospital. As a matter of fact, The Hospital Edition is a wider project that attempts to beam individual experiences to public space and to provoke debate on the contradictions of a suspended hospital life. If the simplicity of the language is a basic element for the project’s success, another is the choice of the media : printing. For more than five centuries printing has provided the means to circulate information, ideas, culture, certainties as well as doubts. Thanks to printing, knowledge, whatever knowledge it is ( both common and elite, technical and intellectual, individual and political ) has been literally thrown into the public arena. Using different formats - texts and prints, libels and pamphlets, newspapers and essays, the printing


process delivers knowledge to the readers’ free appropriation. Here lies the principle of communication, of experiences and exchange on which is grounded critical judgement. To convey this critical opinion, to speed up circulation and touch a wider public Tony Morgan has chosen various formats - the large graphics, the A4, the postcard and the newspaper. This is a choice that transforms the simplicity of his language into a critical strength and the printed word becomes as heavy as lead. The world of contemporary art and the hospital are closed worlds that one risks to encounter one day or another. They display a language of their own that is often uncommon and that address their « internal members » first. The Hospital Edition, through the means that Tony Morgan has employed, breaks open a logic that is common to both of these seemingly immeasurable worlds. 2001

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Acteurs du projet Pour l’Association TMStudio

Étudiants de la HEAD

Andrea Carlino Jo Cecconi Philippe Deléglise Christine Serdaly Morgan

Pour le Journal du Patient

Pour les HUG Jacques Bœsch Philippe Cornuau Pour la HEAD Jérôme Baratelli Florence Marguerat Paul-Damien Viaccoz

Olivia Campaignolle Carol Chappaz Roni Dvorin Marie Ivol Anne Jabaud Pour les autres actions du projet The Hospital Edition Camille Aymon Jérome Bart Chloé Bellardant Clémentine Bischoff Sylviane Borel Joël Boucheteil Jean-Baptiste Bouleau Isabelle Bridy Benoît Chantre Nicolas Chaumontet Line Chollet Benoît Dumont Xavier Erni Sébastien Fasel Grégory Galvan Fabrice Gargantini Marie-Louise Greb Chloé Juillard Joël Koenig Déborah Legivre Evariste Maïga Kataline Masur Heder Neves de Souza Nadine Nobs Sophie Pagliai Jeremy Philippe Georgiana Rüttimann Franco Szymanski Loïc Van Herreweghe Sandra Vuillaume


Charte du patient des HUG

L’accueil est le premier des soins

La communication avec le patient

La qualité des soins est évaluée régulièrement

Le patient est partenaire et acteur de soins

Les HUG accueillent sans discrimination, de jour comme de nuit, toute personne qui requiert des soins. Ils tiennent compte de ses besoins pour l’orienter.

Les HUG désignent un médecin responsable et une infirmière de référence pour garantir au patient le suivi de l’information et l’accès à son dossier.

Les HUG recueillent les observations et l’opinion du patient sur la qualité de sa prise en charge et de son séjour. Le patient dispose de voies de recours.

Les HUG sollicitent la participation et la collaboration du patient à toutes les décisions le concernant. Ils s’enquièrent de l’existence de directives anticipées et les respectent.

Une prise en charge adaptée à chacun

Le respect de la personne

Toute recherche exige un consentement

Les HUG offrent une prise en charge individualisée et la continuité des soins. Ils sont attentifs au soulagement de la douleur et au bien-être du patient.

Les HUG respectent les croyances, la culture et l’intimité du patient et de son entourage. Toute information reçue dans le cadre des soins est confidentielle.

Les HUG demandent au patient son consentement explicite avant de l’inclure dans une recherche. À tout moment, le patient peut retirer son accord.

Charte du patient, Hôpitaux universitaires de Genève.


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